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II. C ADRE THEORIQUE

2.3 L’ IMPACT DES UGC SUR LE BRANDING

Si les entreprises s’intéressent aux UGC et les intègrent dans leur stratégie de communication, c’est bien parce qu’elles ont conscience de l’impact de ces contenus et du pouvoir des internautes sur leur branding. Bien que la façon d’opérer des entreprises et des consommateurs ait beaucoup évolué depuis l’arrivée du Web 2.0 et des médias sociaux,

Suivant cette acception, n’importe qui a désormais le pouvoir d’influencer les activités de consommation des autres consommateurs, et par extension le branding (Accenture, 2013, cité dans Kim et Johnson, 2016, p.98). En ce sens, Burmann (2010) affirme que les programmes d’UGC sponsorisés ont des effets comparables à ceux du marketing classique et peuvent donc être considérés « as equal value

20 Statista (2015), Distribution of beauty content videos on Youtube as of April 2015, [en ligne], https://www.statista.com/statistics/521168/beauty-video-content-youtube-type/, (consulté le 04.12.2018).

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instruments in the brand communication mix » (Burmann, 2010, p.3). Shenkan et Sichel (2007, cités dans Gilmore et Gamble, 2013, p.1863) confirment ceci en parlant de la co-création comme d’un moyen pour les entreprises d’influencer les perceptions des consommateurs sur la marque. Ce faisant, « UGC must be elevated from an eCommerce tool » permettant d’influencer les décisions d’achat par exemple, « to a brand building tool » (Forrester Research, 2014, p.5) impactant l’essence même d’une marque, son image.

Les UGC semblent donc avoir des effets sur le processus de branding de marque, davantage sur le versant de l’image (brand image) que sur l’identité (brand identity).

L’identité de marque prend son origine dans l’entreprise, c’est-à-dire que c’est cette dernière qui est responsable, par ses communications et ses valeurs, de son identité (Nandan, 2005, p.265). L’identité est une moyen de communiquer son individualité et de se distinguer des autres marques (Nandan, 2005, p.265). Elle est composée de six éléments selon de Chernatory (1999, cité dans Nandan, 2005, p.266) qui sont communiqués aux potentiels consommateurs via diverses activités publicitaires (Gensler et al., 2013, p.243): la vision de la marque, la culture de marque, son positionnement, sa personnalité, ses relations et ses présentations. Les deux premières concernent les valeurs véhiculées par l’entreprise, le positionnement quant à lui est synonyme du processus de distinction de la marque, la personnalité représente les caractéristiques émotionnelles de la marque, les relations sont celles qu’entretiennent les employés, les consommateurs et autres parties prenantes, et enfin, les présentations correspondent à la manière dont est présentée l’identité de marque en prenant en compte les besoins et les aspirations des consommateurs (de Chernatory, 1999, cité dans Nandan, 2005, p.266). Ces composantes ne sont pas directement impactées par les UGC car elles sont exclusivement contrôlées par la marque, c’est elle qui décide de son identité. Cependant, les UGC, de par leur existence et leur importance, peuvent motiver les entreprises à transformer leur culture de marque, leur positionnement, leur personnalité, etc. En ce sens,

« brand identity is understood as a management concept which is constituted by both the interactions among internal stakeholders and with external target groups»

(Arnhold, 2010, p.37),

mais toujours contrôlée par l’entreprise.

L’identité est à distinguer de l’image de marque qui, elle, est liée à la perception qu’ont les consommateurs de la marque. « Brand image is the sum of total impressions that consumers receive from many sources » (Herzog, cité dans Nandan, 2005, pp.266-267). L’image est donc construite par le consommateur, elle est subjective et constituée par trois dimensions d’après Keller (1993, p.4) : les attributs, les bénéfices et les attitudes. Les attributs sont des caractéristiques descriptives concernant le produit ou service qui peuvent être spécifiques, tels que des éléments typographiques et les couleurs, ou abstraites comme lorsqu’une marque est caractérisée de « jeune » (Nandan, 2005, p.267). Les bénéfices reposent quant à eux sur l’impression qu’a le consommateur que ses besoins sont satisfaits par la marque. Enfin, la troisième dimension, les attitudes sont définies comme l’évaluation de la marque par ses clients. Elles sont importantes car elles ont tendance à déterminer le comportement adopté par le consommateur vis-à-vis de la marque comme par exemple le choix de la marque (Keller, 1993, p.4). Ces attitudes

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sont composées d’un aspect cognitif (la connaissance de la marque), affectif (les émotions et sentiments vis-à-vis de la marque) et conatif (la probabilité d’agir par rapport à la marque) (Nandan, 2005, p.267).

Alors que l’identité représente la réalité projetée par la firme, l’image correspond à la perception du consommateur. Il est important de maintenir une congruence entre l’identité et l’image de la marque (Gensler et al., 2013 ; Nandan, 2005, pp.269-270), car

« when there are large discrepancies between what the community believes about the brand (as expressed via consumer-generated content) and the way that the advertising is positioning the brand, then clearly something is wrong » (Muñiz et Schau, 2007, pp.46-47).

C’est pourquoi Gensler et al. (2013) conseillent de coordonner ces deux types de contenus, en somme de collaborer avec ces contributeurs et d’intégrer les UGC au sein de la communication digitale de l’entreprise, afin d’être complémentaires plutôt que contradictoires.

L’image de marque est donc la face du branding la plus impactée par les UGC en ligne, d’autant plus que, comme le confirmait en 2007 une étude de Nielsen (citée dans Interactive Advertising Bureau, 2008, p.2) ainsi que MacKinnon en 2012, les consommateurs font davantage confiance aux contenus et recommandations de leurs pairs plutôt qu’aux publicités réalisées par la marque. En effet, en 2011, 51%

des américains faisaient davantage confiance aux UGC, lorsqu’ils recherchaient des informations sur une marque ou un produit, qu’aux données trouvées sur le site web de l’entreprise (seulement 16%) ou dans des articles concernant l’entreprise (14%) (Bazaarvoice, 2012, p.4)21. Ce type de contenu peut donc connaître une forte viralisation qui intéresse les entreprises (Blackshaw, 2011, p.109). Les internautes pensent que les UGC demandent de l’effort de la part de son créateur, qu’ils sont conçus en dehors de toute intention marketing par l’entreprise (Kim et Song, 2018, p.106) et ne s’inscrivent donc pas dans un intérêt économique et promotionnel (MacKinnon, 2012, p.19). Ainsi, « creators of UGC are viewed as <one of us> » (Liu-Thompkins et Rogerson, 2012, p.71), tandis que leurs contenus sont perçus comme non-biaisés (Mackinnon, 2012, p.19) et authentiques, dignes de confiance et crédibles (Schivinski et Dabrowski, 2016, p.202) contrairement aux contenus créés par la marque (« firm-generated content » ou « marketing-created content »). Dès lors,

« user-generated social media communication have a greater effect on consumers’ overall perception of brands than firm-created social media communication » (Schivinski et Dabrowski, 2016, p.202).

2.3.1 Des effets positifs des UGC sur l’image de marque

Les UGC et les processus de co-création ont récemment fait l’objet de travaux scientifiques afin de mieux cerner leurs effets sur le branding des marques. Ces derniers démontrent un impact des UGC sur l’image de marque (Liu et al., 2017,

21 Sondage représentatif de la population états-unienne mené auprès de 1'013 individus âgés entre 18 et 25 ans.

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p.237 ; Smith et al., 2012, p.102), notamment sur les comportements et les intentions d’achat (Liu et al., 2017, p.237) ainsi que sur les attitudes (Arnhold, 2010, p.338 ; Muntinga, Moorman et Smit, 2011, p.14). Dans une étude menée par Forrester Research (2014, p.6)22, les consommateurs potentiels interagissant avec des UGC étaient convertis deux fois plus rapidement que ceux n’interagissant pas avec ces contenus.

De plus, en encourageant ces créations et en les utilisant, les entreprises mettent en avant une tendance à l’authenticité et à la transparence qui s’étend à leur image. En effet, d’un côté, le fait que la firme sélectionne et ajoute des UGC au sein même de sa communication digitale, comme sur ses réseaux sociaux et/ou sites web, véhicule l’image d’une marque inclusive (Geurin et Burch, 2017, p.281). En même temps, le fait de sélectionner quels UGC elle met en avant, permet à l’entreprise de maintenir un plus grand contrôle sur sa marque. D’un autre côté, les campagnes participatives et interactives telles que les concours sont jugées plus customer-friendly (« conviviales ») et fiables (Arnhold, 2010, p.338). Par exemple, l’American Marketing Association (2006, cité dans Arnhold, 2010, p.140)23 affirmait en 2006 que les campagnes d’ « user-generated advertising » (UGA) avaient des effets positifs sur la créativité et la convivialité des clients et que ces derniers évaluaient les entreprises ayant recours à ce type de contenus plus positivement que celles concevant des publicités par des équipes professionnelles mandatées. Cependant, les individus âgés de 18 à 24 ans, souvent ciblés par ce type de campagnes, étaient plus sceptiques que les groupes plus âgés. L’étude l’explique par le fait que les plus jeunes générations s’inscrivent dans un mouvement de distanciation des messages sponsorisés des entreprises. De tels programmes de participation et co-création permettent d’ailleurs d’améliorer la relation entre les consommateurs et la marque (Christodoulides et al., 2012, p.6 ; Gamble et Gilmore, 2013, p.1862 ; Geurin et Burch, 2017 ; Ind et al., 2013) :

« as participants begin to build trust and commitment both towards each other and to the organization, they start to feel close to a brand […] they cease to see themselves as outsiders and begin to see themselves as insiders » (Ind et al.

2013, p.6).

Cela souligne l’importance des campagnes engageantes comme celles qui reposent sur les UGC afin de créer une véritable communauté autour de la marque et d’améliorer l’image de la marque (voir section 2.4.2).

Les impacts des UGC sur le branding diffèrent pourtant en fonction de plusieurs éléments comme le degré d’investissement ou d’engagement de l’utilisateur, le type de public et le type d’UGC. Par exemple, Malthouse et al. (2016) expliquent que plus le degré d’investissement dans la création de contenu est élevé, plus le degré d’engagement du contributeur sera élevé, et plus l’impact sur son comportement d’achat sera positif et fort. Ainsi, « contributing UGC should lead to a change in participant’s future behaviour » (Malthouse et al, 2016, p.431). De même, Rehmet et Dinnie (2013, cité dans Geurin et Burch, 2017, p.275) ont mené une étude sur la

22 Forrester Research a interviewé 14 organisations aux USA et en Europe « to evaluate the benefits of leveraging user-generated content like Q&A, rich media, photos and videos, ratings and reviews »

23 Sondage basé sur des entretiens en ligne de 1'098 utilisateurs d’Internet des Etats-Unis âgés de 18 ans ou plus.

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campagne Be Berlin de la ville éponyme, qui proposait à des « ambassadeurs citoyens » (citizen ambassadors) préalablement choisis d’écrire une histoire concernant la ville. Ces textes étaient ensuite publiés sur un site web dédié à la campagne afin que d’autres puissent les lire. L’impact de cette initiative sur les ambassadeurs a été très positif puisqu’ils ont affirmé se sentir plus proches de la communauté et avoir envie de davantage s’investir dans ce rôle d’ambassadeur.

D’autre part, l’impact des programmes et campagnes d’UGC dépend également du public ciblé et de son affinité avec les nouveaux médias que sont les applications mobiles et les réseaux sociaux (Schögel, et al., 2008, cité dans Arnhold, 2010, p.150). Enfin, les effets des UGC peuvent également dépendre du type de contenu généré, par exemple, Lin et al. (2012, cité dans Labrecque et al., 2013, p.262) affirment que les consommateurs préfèrent les critiques de produits contenant des éléments visuels plutôt que celles qui en sont dépourvues, les premières auront ainsi plus d’impact que les secondes qui passent inaperçues.

Ces quelques études soulignant l’impact des UGC restent cependant spécifiques à un contexte, à un public, à un type d’UGC et à une industrie donnés. De plus, les données récoltées sont rarement quantitatives et les moyens de mesure sont encore rares, contrairement aux médias comme la télévision ou bien aux emails pour lesquels des outils standardisés sont disponibles (Forrester Research, 2014, p.4).

Par exemple, au lieu de mesurer l’impact des UGC sur leur image de marque, les entreprises comptent les likes et les partages. De plus, étant donné que la communication des marques sur les UGC est récente et peu exploitée, elles ont du mal à en isoler l’impact car il ne s’agit que d’un outil du marketing-mix (Forrester Research, 2014, p.4). Afin de mesurer les UGC, il est nécessaire pour les firmes de définir leurs objectifs en terme de qualité et d’engagement (par exemple, regarder s’il s’agit d’un texte, d’une photo ou d’une vidéo), plutôt que de quantité (nombre de likes). Il est également important de mettre en place des méthodes de tests sur leur impact, par exemple en utilisant des outils analytiques en ligne (Forrester Research, 2014) afin de définir quel contenu a quel effet, lequel est favorisé par les internautes, etc.

2.3.2 Aux effets négatifs

Les stratégies de communication digitale des entreprises intégrant les UGC ont donc de nombreux avantages et effets positifs lorsqu’elles sont réussies. Cependant, il est difficile de prévoir et encore moins de garantir leur succès (Burmann, 2010, p.3 ; O’Hern et Kahle, 2013, p.26). Les entreprises sont peu préparées et peu familières avec les défis et les effets collatéraux engendrés par les UGC ainsi que les moyens d’en faire un atout à coup sûr.

Avec l’influence qu’ont les consommateurs sur l’image de marque, des UGC négatifs sont très mauvais pour la réputation du produit ou du service critiqué ainsi que pour l’entreprise sur le marché. En effet, plus crédibles que les contenus créés par l’entreprise et particulièrement viraux, comme nous l’avons mentionné plus tôt, les UGC présentent un risque potentiel considérable. Avant les réseaux sociaux et le Web en général, les plaintes et critiques des consommateurs étaient restreintes à un petit groupe de quelques individus, alors qu’aujourd’hui un consommateur insatisfait peut facilement partager et disséminer son expérience négative avec plusieurs millions d’internautes en quelques secondes (O’Hern et Kahle, 2013, p.23) passant

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d’un phénomène privé à public (Gensler et al., 2013, p.249). En ce sens, Fournier et Avery (2011, pp.198-200) parlent d’un âge d’or de la critique et de la transparence car « everything that can be exposed will be exposed » (Fournier et Avery, 2011, p.198). Dans ce contexte digital, toute marque ne répondant pas aux attentes de ses clients, ou s’adonnant à une conduite non-conforme, est punie plus rapidement, plus fortement et par davantage de parties (Arnhold, 2010, p.10). D’autant plus qu’elles n’ont pas de contrôle direct sur les UGC, surtout spontanés, elles ne peuvent ni les modifier, ni les supprimer (Kaplan et Haenlein, 2010, p.60) car ces contenus sont souvent publiés sur des plateformes indépendantes à la firme (O’Hern et Kahle, 2013, p.23). Or, certains détracteurs n’hésitent pas à abuser de leur pouvoir en ligne afin de porter préjudice à la marque, ne s’appuyant pas sur des faits ou sur une expérience vécue (Schivinski et Dabrowski, 2016, p.203). Ils génèrent et publient des contenus négatifs en ligne tels que des faux avis contre lesquels l’entreprise peut difficilement lutter, ou encore incluent des hashtags propres à la marque ou l’identifient sur des publications sans rapport avec elle et qui compromettent son image (OECD, 2007, p.92). Ainsi, les inquiétudes de Fournier et Avery (2011), selon lesquelles

« management’s traditional focus on brand bulding becomes supplanted by an ever present need to protect brands from attack and demise » (Fournier et Avery, 2011, p.203),

semblent s’installer.

Les connaissances relatives aux campagnes UGC sont également peu développées et concernent souvent un secteur et un public cible précis, ce qui fonctionne dans un cas, ne fonctionne pas dans un autre. Cette méconnaissance peut résulter

« in marketers’ engaging with UGC in a way that is of no benefit to the brand or even is damaging » (Christodoulides et al. 2012, p.2).

Ceci se produit, par exemple, lorsque peu d’internautes participent ou que leurs contributions ont une influence négative sur l’image de la marque (O’Hern et Kahle, 2013, p.24) car elles sont de faible qualité (Svensson et Strandberg, 2014, p.14) ou ne représentent pas les valeurs et le message de la marque. Même lorsque de nombreux individus s’engagent dans la campagne, le buzz peut aussi bien être positif que négatif comme nous l’avons vu. Afin d’encourager le plus d’internautes possible à participer, les entreprises proposent souvent des récompenses, notamment matérielles, dans le cadre de leurs campagnes. Cependant, de telles rétributions comportent des risques amenant les individus à penser que les contributions des utilisateurs ne sont pas authentiques ou sont manipulées (Gamble et Gilmore, 2013, p.1862 ; Kim et Song, 2018, p.106) (voir section 2.4.3).

Si de nombreuses entreprises ont été et sont encore réticentes à s’établir en ligne, ainsi qu’à encourager la création d’UGC et à les utiliser, c’est à cause des effets négatifs cités qui peuvent survenir. Pourtant, pour avoir une chance de préserver leur image de marque et de limiter les dégâts associés aux UGC, elles doivent être actives en ligne (Kaplan et Haenlein, 2010, p.65). Les UGC négatifs restent notamment une source d’information utile pour l’entreprise (Muñiz et Schau, 2007, p.47 ; Schivinski et Dabrowski, 2016, p.203), pour autant qu’elle sache les

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appréhender. De plus en plus de facteurs influant positivement sur le succès de l’intégration des UGC dans les stratégies d’entreprise sont mis en avant, tant par les chercheurs que par les success stories de certaines marques innovantes dans ce domaine, et tendent à écarter la vision alarmiste de Fournier et Avery (2011, p.203).