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II. C ADRE THEORIQUE

2.1 L ES ORIGINES DES UGC ET LEUR DIVERSITÉ

2.1.2 Vers une définition des UGC

Les statistiques globales sur les UGC sont cependant rares, peu uniformisées et donc difficilement comparables. En effet, elles sont le plus souvent produites par des organismes privés plutôt que par les offices de statistiques gouvernementales ou autres instances publiques. Les UGC s’étant infiltrés sur toutes les plateformes du Web, leur production décentralisée et le fait qu’un même UGC puisse être publié sur plusieurs sites complique l’analyse de ces contenus (OECD, 2007, p.19), d’autant plus qu’ils sont très nombreux et variés. Les outils et les méthodes de recherche dans la publicité et le marketing ne sont pas adaptés pour récolter et analyser des quantités aussi grandes et peu structurées de données (Liu, Burns et Yingjian, 2017, p.236). De plus, l’intérêt pour ces contenus, qu’il soit médiatique, commercial ou académique, ne s’est concrétisé que récemment. À mesure que les médias sociaux se sont multipliés et que les UGC sont devenus partie intégrante de l’expérience numérique, les médias ont transformé leur approche afin d’intégrer le désir d’interactivité des individus, les marques ont pris conscience de l’importance de la communication digitale, des UGC et de leur influence sur le branding, tandis que les chercheurs ont commencé à combler l’absence de littérature sur ce sujet. Selon Fader et Winer (2012),

« we can foresee a day when some UGC-related elements are a part of almost every paper published in Marketing Science – just as UGC has become an integral part of almost every industry » (Fader et Winer, 2012, p.371).

La recherche scientifique concernant les UGC se développe pourtant lentement et est encore dans sa phase initiale (Arnhold, 2010, p.16). Divers travaux ont été publiés ces dernières années sur des sujets proches des contenus générés par les utilisateurs, tels que le bouche à oreille électronique (electronic word-of-mouth ou eWOM), les communautés de marque, le vigilante marketing, l’open source,

7 Pew Research Center (2006), Part 2. User-generated content and Interactivity at the cutting edge, [en ligne], http://www.pewinternet.org/2006/05/28/part-2-user-generated-content-and-interactivity-at-the-cutting-edge/, (consulté le 06.11.2018).

8 Statista (2017), Share of individuals who upload self-created contet to any website to be share in the United Kingdom (UK) from 2008 to 2017, [en ligne], https://www.statista.com/statistics/385951/

uploading-self-created-content-in-the-uk/, (consulté le 07.11.2018).

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l’intelligence collective et les pages créées par des fans (fan pages) (Arnhold, 2010, p.15 ; Schivinski et Dabrowski, 2016, p.190). Quant à ceux portant directement sur les UGC, ils se sont davantage concentrés sur des aspects sociaux tels que les usages numériques des internautes, leurs motivations à produire ou à consommer des UGC, ainsi que les gratifications qu’ils en retirent. L’intérêt scientifique s’est donc essentiellement centré sur le consommateur et son gain de pouvoir plutôt que sur l’utilisation des UGC par les entreprises, pourtant de plus en plus présentes sur la toile, et les transformations de leur communication. Ce second volet reste encore peu discuté et analysé résultant en un manque de connaissances concernant les stratégies de management des UGC et leurs effets sur l’image de marque (Christodoulides et al., 2102, p.1 ; Dennhardt, 2012, p.7 ; Schivinski et Dabrowski, 2016, p.190), plus spécifiquement sur le comportement des consommateurs vis-à-vis de la marque et de ses produits. En ce sens, il est nécessaire de développer une théorie concernant le développement des entreprises « in the modern interactive marketplace » (Dennhardt, 2012, p.4) afin qu’elles puissent pleinement bénéficier de ces outils et contenus pour leur branding, mais aussi justifier leurs investissements sur les UGC, leur impact positif étant encore souvent remis en question. Depuis 2010, les quelques travaux sur le sujet présentent de nombreux facteurs influant sur le succès des stratégies d’entreprises intégrant les UGC. Cependant, les UGC étant nombreux et variés, les recherches portent sur certains types d’UGC uniquement et sur des industries différentes ayant chacune leurs spécificités et stratégies (Schivinski et Dabrowski, 2016, p.190), ce qui complique l’inférence des résultats obtenus. D’autant plus qu’il n’existe toujours pas de définition communément acceptée des UGC (Arnhold, 2010, p.13 ; Malthouse, Calder, Kim et Vandenbosch, 2016, p.429 ; OECD, 2007), ce champ étant nouveau et en constante évolution. Une grande partie des travaux sur le sujet ne prend pas le temps de définir ce que sont les UGC et de réfléchir à ce qu’ils désignent, ni de trouver un consensus, beaucoup de chercheurs gardent ainsi une acception floue et « fourre-tout » de ce terme.

Si les millions de contenus générés par les utilisateurs sont la plupart du temps réunis sous l’abréviation popularisée « UGC » ou « user-generated content », ce terme n’est pourtant pas le seul utilisé. Certains chercheurs parlent de « user-created content », « consumer-created content », « consumer-generated content » ou

« consumer-generated media », mais aussi de « user-generated advertising » ou encore le confondent avec des notions voisines. D’après Arnhold (2010), il est préférable de parler d’ « utilisateur » (user) plutôt que de consommateur (consumer) parce que le premier sous-tend l’usage et la pratique, autrement dit le fait d’employer ou de mettre en pratique quelque chose de manière personnalisée, alors que le second désigne celui qui consomme des biens de manière plus passive (Arnhold, 2010, p.14). De même, l’adjectif « généré » (generated) serait préférable à celui de

« créé » (created) car, bien que ces deux termes définissent le fait de donner l’existence, de produire quelque chose,

« <generate> stresses the process of production while <create> emphasises the imaginative skill behind it which is not always the case for UGC » (Arnhold, 2010, p.15).

Du fait de sa popularité, le terme « UGC » s’est ainsi imposé et a fait l’objet de plusieurs essais de définition (Christodoulides et al., 2012, p.2). L’Interactive Advertising Bureau (2008) rapporte les UGC à « any material created and uploaded

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to the Internet by non-media professionals » (Interactive Advertising Bureau, 2008, p.1). Pourtant, certains professionnels des médias, tels que les journalistes, créent des contenus en ligne en dehors de leur travail et de toute rémunération (Christodoulides et al., 2012, p.2). O’Hern et Kahle (2013) les définissent comme des productions originales créées par des utilisateurs, distribuées sur divers médias et partagées avec d’autres internautes et/ou entreprises (O’Hern et Kahle, 2013, p.22).

Cette fois-ci, les auteurs ne distinguent pas les utilisateurs payés pour générer des UGC de ceux qui ne le sont pas. Stöckl, Rohrmeier et Hess (2008), eux, les décrivent comme des contenus produits « independently with the help of the Internet, for an undetermined audience, without charging them directly » (2008, p.273). De même, Daugherty, Eastin et Bright (2008) parlent de

« media content created or produced by the general public rather than by paid professionals and primarily distributed on the Internet » (Daugherty et al., 2008, p.16).

Ces deux définitions sont plus justes et introduisent la notion de gratuité, mais restent vastes, englobant pratiquement tous les types de contenus et plateformes d’Internet (Christodoulides et al., 2012, p.2). La définition des UGC la plus acceptée et citée a été développée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OECD) dans un rapport datant de 2007. Suivant trois principes, les UGC y sont définis comme des contenus disponibles publiquement sur Internet, qui relèvent d’un certain effort créatif (ou collaboratif) et qui sont produits en dehors de toute exigence professionnelle (OECD, 2007, p.18).

Reprenant chacune de ces caractéristiques, les UGC doivent tout d’abord être publiquement accessibles sur Internet ou au moins à un groupe d’individus (OECD, 2007, p.18). Ainsi, un contenu créé mais qui n’a jamais été publié n’entre pas dans la catégorie d’UGC. De même, ce principe exclut les formes de communication bidirectionnelle non-publiques comme les emails, les messageries instantanées et le like (« j’aime ») (OECD, 2007, p.18). Internet est retenu comme le média par excellence sur lequel les UGC se déploient, ces contenus étant caractéristiques du nouveau Web participatif et expressif (Arnhold, 2010, p.27). Ils sont présents sur de nombreuses plateformes et sous diverses formes comme en témoignent les vidéos publiées sur YouTube, les photos sur Facebook, Flickr et Instagram, les contenus audio sur les sites de podcast, les articles sur Wikipedia ou sur les blogs, les commentaires et messages sur Twitter, sur des forums ou sur des plateformes d’agrégation d’avis telles que Tripadvisor. Pourtant,

« UGC could be understood in a broader sense as multimedia-driven including emerging mobile devices and converging media » (Arnhold, 2010, p.28)

tels que les consoles de jeux vidéo, ne se limitant pas uniquement aux plateformes du Web et autres fonctionnalités d’Internet. En effet, les applications mobiles ont gagné du terrain et contribuent également au développement des UGC. Simon (2016) évoque un « shift towards mobile and the mobile internet » (Simon, 2016, p.4) depuis 2007. En somme, il serait plus juste de caractériser les UGC comme des contenus accessibles plus ou moins publiquement sur des plateformes médias.

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En deuxième temps, les UGC doivent résulter d’un certain effort créatif, non pas au sens artistique du terme mais dans le sens où « users must add their own value to the work » (OECD, 2007, p.18) en produisant entièrement un contenu soi-même ou de manière collaborative, en adaptant un contenu déjà existant ou en combinant ces deux techniques. Il faut donc proposer un minimum d’effort créatif, cependant il est difficile de définir le minimum requis puisqu’il dépend du contexte (OECD, 2007, p.18). Le simple fait de copier, par exemple en publiant sur Youtube un extrait d’une émission TV ou en partageant sur Facebook un contenu déjà existant sans le modifier, n’est pas considéré comme UGC. Par contre, donner son avis et publier un commentaire ou une critique sont des contenus valides au vu de cette caractéristique puisqu’ils requièrent un réel input de la part de l’utilisateur, tout comme publier une photographie ou une vidéo produites soi-même.

Selon le troisième principe, les UGC sont créés en dehors des pratiques et routines professionnelles, en somme ils ne résultent pas d’exigences professionnelles. Une distinction s’opère donc avec les contenus créés et distribués par les producteurs de médias traditionnels, tels que les journalistes, les éditeurs, les chroniqueurs, les distributeurs et autres professionnels, à des fins commerciales (Arnhold, 2010, p.29).

En effet, depuis leur émergence, les UGC sont considérés comme des contenus produits par des amateurs sans contrepartie financière souvent en dehors de tout contexte institutionnel ou commercial (OECD, 2007, p.18).

Cependant, avec l’utilisation d’Internet et des services mobiles par tout un chacun, l’augmentation des « influenceurs » sur les réseaux sociaux ainsi que sur des plateformes comme Youtube, et l’intérêt grandissant des marques pour les UGC, ce principe de création en dehors de la sphère professionnelle a été remis en question.

D’un côté, la frontière entre professionnels et amateurs s’est abaissée, ce faisant

« the notion of user cannot be limited to non-professional grassroots contributors since quasi-professional authors engaging outside their primary employment have been observed » (Arnhold, 2010, p.31).

De ce fait, un article rédigé par un journaliste pour son blog personnel en dehors de son emploi (Arnhold, 2010, p.30) ou le contenu que créerait un professionnel freelance lors d’une phase non-commerciale pour se faire connaître (Stöckl et al., 2008, p.273) font partie de la catégorie UGC. D’un autre côté, de plus en plus de contenus sont désormais créés dans une optique de rémunération ou récompense (OECD, 2007, p.18). La commercialisation des UGC est effectivement en plein essor puisque « the creation purpose of UGC is shifting from non-profit to profit » (Arnhold, 2010, p.30). Les entreprises et médias ont joué un rôle primordial dans ce tournant commercial puisqu’ils investissent de plus en plus dans les UGC et les plateformes sur lesquelles ils sont partagés (OECD, 2007, p.18). Ce faisant, ils proposent de autrement dit il doit l’avoir créé sans être payé et doit proposer un accès gratuit à ses pairs (Kaplan et Haenlein, 2010, p.61 ; Lee, 2008, p.1503).

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Malgré ces évolutions, Lobato et al. (2011) soulignent que les UGC sont encore souvent définis en opposition à l’économie formelle constituée de contenus produits professionnellement par des entités commerciales et associés à des modes de consommation jugés passifs (Lobato et al., 2011, p.900). A l’inverse, les UGC feraient partie de l’économie dite informelle dont les activités échappent

« the regulatory gaze of the state, occurring outside conventional forms of measurement, governance, and taxation » (Lobato et al., 2011, p.901),

et seraient perçus comme des contenus disruptifs et « en résistance à ». Pourtant, ces contenus ne sont pas toujours informels puisque lorsqu’ils sont publiés sur des plateformes comme Youtube, Instagram, Facebook ou encore Twitter, et doivent dès lors répondre à des formalités comme, par exemple, les conditions d’utilisation de la plateforme. Ainsi, l’informalité des UGC entre en dialogue avec la formalité de ces nouveaux médias soumis à des régulations. Si les utilisateurs doivent respecter certaines règles sur ces plateformes, les entreprises doivent également se soumettre à certaines lois (e.g. les droits d’auteur), elles doivent notamment demander la permission d’utiliser un contenu généré par un utilisateur pour leurs campagnes publicitaires. Finalement, la frontière entre formalité et informalité,

« between noncommercial and commercial, and between media-generated and UGC, are becoming more fluid and blurred » (Lee, 2008, p.1503),

La définition de l’OECD, bien que plus complète et claire que d’autres, ne fournit cependant pas une représentation parfaite des UGC. Les contenus générés par les utilisateurs sont divers et difficilement définissables, notamment dans un environnement digital en constante évolution proposant sans cesse de nouveaux outils, fonctionnalités et plateformes permettant de créer et de distribuer des contenus. Les caractéristiques présentées plus tôt sont un point d’ancrage pour comprendre et identifier les UGC, mais elles risquent d’évoluer avec les développements technologiques et sociaux.