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AUTOUR DE L’IMAGE ET DU TEXTE : LE MANUSCRIT 86 tenues et qu’a bien démontrée Angelica Rieger 14

Autour de l’image et du texte : le manuscrit

CHAPITRE 4. AUTOUR DE L’IMAGE ET DU TEXTE : LE MANUSCRIT 86 tenues et qu’a bien démontrée Angelica Rieger 14

La section des cansos s’achève sur Bertolome Zorzi. Cette place finale a pu être ex-pliquée chronologiquement : l’hypothèse de Giosué Lachin, reprise par Françoise Vielliard est que le recueil de ses œuvres a été rassemblé juste à temps pour figurer à la fin de la section des cansos15. On pourrait pourtant justifier cette position d’une façon légèrement différente : étant le plus récent des troubadours du recueil, il est normal qu’il termine la section que le plus ancien, Peire d’Alvernha, avait ouverte. En outre, cette place peut être également une façon de lui conférer une certaine distinction.

La section des tensos

La section des tensos, qui devait à l’origine se trouver après celle des sirventes, suivant l’ordre des plus anciens chansonniers, a finalement été placée « quasi all’impro-vizzo »16 entre celle des cansos et celle des sirventes, dans l’ordre plus « moderne » qui est celui des chansonniers I etK. Ce changement a été rendu possible par l’indépendance matérielle de la section, qui correspond à un cahier.

Cette section est d’un abord plus délicat, en raison de son caractère pluri–auctoral.

Il est d’ailleurs vraisemblable qu’elle ait posé quelques problèmes aux compilateurs, car elle ne correspondait pas aux critères de structure en usage dans les reste du manuscrit (sections d’auteurs, hiérarchie des troubadours, mise en page matérialisant la présence de l’auteur par l’image et la vida, etc).

La section des sirventes

La section des sirventes s’ouvre sur Bertran de Born, auteur roi du genre et l’or-ganisation de la section des sirventes paraît, à première vue, plus complexe que celle des cansos. Les statuts attribués aux auteurs, et matérialisés par l’image et lavida, sont légère-ment différents. Nous avons, en effet, des grands troubadours, pourvus d’une miniature et d’une vida, des troubadours d’importance moyenne, dont le manuscrit comporte souvent deux ou troissirventes mais pas toujours17, qui ont droit à une courte vida, et des petits troubadours, ne possédant généralement qu’un seul sirventes, qui n’ont ni miniature ni vida mais une simple initiale de trois lignes de réglures18, mais également des troubadours déjà présents dans la section des cansos et qui, quelle que soit leur importance, ne voient

14. A.Rieger, « Image et Imaginaire de la femme... », p. 393.

15. Voir G. Lachin, Partizioni et struttura..., p. 289 ; cité par F. Vielliard, « Les chansonniers provençaux... », p. XXVI.

16. Ibid., p. 280 ; cité par F.Vielliard, « Les chansonniers provençaux... », p. 21.

17. Un seulsirventesest donné pour Folquet de Roman, qui a pourtant droit à une vidatandis que Peire Cardinal, qui clôt la section des sirventeset dont le manuscrit garde cinq œuvres, n’y a pas droit.

18. Sur ce classement des troubadours, voir F. Vielliard, « Les chansonniers provençaux... », p. XXV–XXVIII.

figurer en tête de leurs œuvres que leur nom. C’est peut–être pour cela que le rang accordé aux troubadours semble moins intervenir dans la répartition de ceux–ci.

En effet, la section des sirventes semblerait se répartir en trois sous–sections cor-respondant plutôt aux genres des poèmes et à leurs thèmes : sirventes politiques et plus

« classiques », sirventes dialogués et se répondant les uns aux autres, sirventes moraux et courtois.

La première sous–section (f. 189–202v) comporte les troubadours dont les sirventes peuvent être considérés comme les plus « classiques » et traitent essentiellement de poli-tique. Elle débute avec Bertran de Born dont le manuscrit contient 26 pièces, et qui est mis en valeur par une miniature et unevida. Guiraut de Luc lui fait immédiatement suite, également représenté par une miniature (un espace ayant été réservé pour sa vida), étant placé en deuxième, dans une position relativement honorifique ce qui est plus étonnant.

En effet, le manuscrit ne garde de lui que deux pièces et son traitement de très grand troubadour peut nous surprendre. Il tient peut-être à la nature même de ces deux pièces : d’après Françoise Vielliard, « Il devrait en toute logique avoir subi un traitement compa-rable aux troubadours du troisième ordre, à moins que la pièce que A conserve « Ges si tot m’ai ma voluntat fellona » (BdT 245, 1), qui est une attaque violente contre Alphonse II d’Aragon puisse justifier cette mise en relief »19. La deuxième pièce que conserve le manuscrit, Si per malvatz seignoril [BdT 245,2] est également une attaque contre le roi d’Aragon, et l’on pourrait ajouter, en renfort à cette hypothèse, que par la nature émi-nemment « politique » de ces deux œuvres, Guiraut de Luc trouve sa place juste à la suite des sirventesde Bertran de Born. L’attaque d’Esperdut contre les mauvais seigneurs (Qui no dizia.ls fagz dolens [BdT 142,2]), tout comme celle, vraisemblablement à fond poli-tique, de Guillem de la Tor contre Ponzio Amato (Un sirventes farai d’una trista persona [BdT 236,11]) y trouvent également leur place, même si celle dumeg sirventes de Dalfinet est plus surprenante (De meg sirventes ai legor [BdT 120,1]).

La fin de cette première sous–section est plus problématique. On se serait en effet attendu à ce qu’elle se termine par Guilhem de Berguedan (douze pièces), doté d’une miniature et d’une vida, conformément à l’usage de terminer une sous–section par un troubadour d’importance. Autre fait étonnant, lessirventesde Peire de Gavaret,Peironet, en Savartes [BdT 343,1] et de Peire de Durban, Peironet, be vos es pres [BdT 340,1] se répondent, sans que ceux-ci aient été placés l’un à la suite de l’autre, comme cela est l’usage, en particulier dans la deuxième sous–section consacrée aux échanges de sirventes.

En effet, du f. 203 au f. 212v s’étendent les échanges de sirventes, associant ces poèmes et leurs auteurs, généralement par groupes de deux. Cette sous–section s’ouvre sur le roi Richart Cœur de Lion et Dalfin d’Alvernhe et sur leur échange supposé : au serventois Daufin je.us voill derainier [BdT 420,1], seul pièce du recueil écrite dans unescripta d’oïl,

19. Ibid., p. XXVII.

CHAPITRE 4. AUTOUR DE L’IMAGE ET DU TEXTE : LE MANUSCRIT 88 répond le Reis puois que de mi chantatz [BdT 119,8] de Dalfin20. Cet échange aurait dû être matérialisé par l’image, si l’on s’en fie aux postilles qui appellent respectivement la représentation d’« .I. re d’Engleterra ke parle tençonando cun .I. baron » (A44) et d’« .I.

baron ke cante davanti lo re » (A45)21. Leur place en tête de cette sous–section s’explique aisément par leur rang, et ce malgré le fait que le manuscrit ne comporte qu’une seule pièce de Richard. Le roi et le grand seigneur sont les exemples les plus illustres, de par leur naissance et, particulièrement pour Dalfin, par leur statut de protecteurs des troubadours, du sous–genre concerné.

On trouve, à la suite de ces deux représentants mis en valeur, un nombre élevé de troubadours associés deux par deux et dont les sirventes échangés se trouvent l’un à la suite de l’autre. C’est le cas d’Uc de Mataplana, qui attaque Raimon de Miraval dans le texteD’un sirventes m’es pris talens[BdT 454,1], auquel fait suite la réponse de ce dernier, Grans mestiers m’es razonamens[BdT 406,30]. C’est également le cas pour Peire Rogier et son Seign’en Rambaut per vezer [BdT 356,7] et Raimbaut d’Aurenga et son Peire Rotgier a trassailir [BdT 398,34]. Il en va de même pour Sordel,Lo reproviers vai averan, so.m par [BdT 437,20], et Peire Bremon Ricas Novas, Lo bels terminis comenssa [BdT 330,9], ainsi que pour Raimon de Durfort, Truc Malec, a vos mi teing [BdT 397,1], et Turc Malec, En Raimon, be.us tenc a grat [BdT 447,1]. Dans d’autres cas, l’association est moins clair : on pourrait voir un lien entre Folquet de Romans et Guillem Augier Novella, car le texte du premier, Far vuoill un nou sirventes [BdT 156,6], et qui contient des conseils de politique à l’égard de l’empereur Frédéric II, s’apparente à celui du deuxième,Totz temps serai sirvens per deservir [BdT 205,7], qui blâme la décadence des mœurs des puissants, en prenant exemple sur le même Frédéric II. Il est en revanche plus clair que ce même Guillem Augier Novella est associé à Bertran del Pojet qui lui fait immédiatement suite, puisque ce dernier lui dédie son poème De sirventes aurai ganren perdutz [BdT 87,2], poème qui entretient un lien fort avec celui précédemment cité de Guillem Augier. Il existe cependant dans cette sous–section quelques troubadours isolés, mais dont les textes répondent toutefois aux même critères, étant des attaques personnelles dont le manuscrit ne conserve pas de réponses. C’est le cas des textes de Guiraut de Bornelh, d’Arnaut de Comunge, de Peire de Bussinac et de Gausbert de Poicibot22.

20. Sur la question, voir F.Vielliard, « Les chansonniers provençaux... », p. XXVII ; et également F.Vielliard et J.–L.Lemaître,Portraits..., II, p. 90–91.

21. À la place, le miniaturiste a donné une représentation de Richard en « roi David » et de Dalfin en cavalier.

22. Les deux textes attribués à Guiraut de Bornelh, Cardaillac per un sirventes [BdT 242,27] et Pois en Raimons ni Truc Malecs [BdT 29,15], contiennent le premier une attaque contre un certain Cardaillac et le deuxième une satire contre Raimon de Durfort et Turc Malec, qui répond aux poèmes, précédemment cités et que l’on trouve plus loin dans le manuscrit, de ces deux troubadours [BdT 397,1 et 447,1]. Il s’agit d’ailleurs vraisemblablement d’une fausse attribution et on estime généralement que ce sirventes, ici attribué à Guiraut, est d’Arnaut Daniel. On peut s’étonner que ce texte ne soit pas situé à la suite des deux autres, mais peut–être est-ce parce que le compilateur a préféré faire figurer Guiraut de Bornelh parmi les premiers troubadours de la sous–section. Le premier des deux textes attribués à

À partir du f. 212v, les associations de troubadours se font plus rares23et lessirventes semblent traiter de sujets plus moraux et liés à la vie de cour. Cette sous–section s’ouvre sur Peire Vidal avec Pos ubert ai mon ric tezaur [BdT 364,38], pièce longue et riche, dédiée « al pro marques de Sardenha ». Les autres textes de cette section tiennent parfois plus de la canso que du sirventes à proprement parler et abordent des sujets amoureux, courtois et moralisants, comme le Nuills hom no val ni deu esser presatz [BdT 225,10]

de Guilhem de Montaignagol. Cette sous–section, et la section des sirventes, se terminent sur les œuvres de Peire Cardenal, troubadour d’importance pour les sirventes, que IK mettent d’ailleurs en tête de leurs sections, devant même Bertran de Born.

4.1.2 L’ordre des troubadours dans le chansonnier I .

En comparaison avec le chansonnier A, le chansonnier I possède plus de vidas, plus de miniatures, et ce même en comparaison à K, et il est possible que cette abondance ait rendue la structuration du manuscrit plus délicate. Meneghetti remarque d’ailleurs au sujet des miniatures que dans I et K « la sequenza delle immagini miniate appare meno studiata che in A » mais toute de même « sempre tendente a « pianificare » il catalogo trobadorico sulla base di accostamenti logici e di ragruppamenti omogenei »24. Malgré tout, I n’est pas dénué de toute forme d’organisation et présente en de nombreux points des similitudes avec A, quoique donnant à première vue à sa structuration un sens plutôt historico–chronologique que social.

La section des cansos

La section des cansos du chansonnierI se divise, de façon similaire à celle deA, en trois sous–sections. La première d’entre elle, de Peire d’Alvernha à Bertolome Zorzi, est consacrée aux plus grands troubadours ; la deuxième, d’Uc Brunec à Raimbaut d’Aurenga, aux troubadours d’importance moyenne ; enfin, à partir de Peire Milon, on trouve les petits troubadours.

Les troubadours de la première sous–section se caractérisent par des miniatures, des vidasgénéralement amples et développées, et un nombre de pièces relativement important, plus de sept25 et souvent beaucoup plus : quarante–huit pour Guiraut de Bornelh, trente pour Peire Vidal, vingt–sept pour Aimeric de Peguilhan... Outre le volume des œuvres,

Arnaut de Comunge [BdT 28,1] est une attaque également, mais rédigée dans un style très allusif, si bien que l’on ne sait pas exactement qui elle visait, tandis que le premier des deux textes de Peire de Bussinac [BdT 332,1] s’en prend aux femmes. Le cas est plus net pour le texte de Gausbert de Poicibot [BdT 173,4]

qui est une attaque personelle contre un jongleur gascon.

23. Quoique le Cantarai d’aqestz trobadors [BdT 323,1] de Peire d’Alvernha y soit tout de même associé au Pois Peire d’Aluernge a chantat[BdT 305,16] du Monge de Montaudon.

24. M.–L.Meneghetti,Il Pubblico..., p. 338–339.

25. Font exception à cette règle Perdigon et Giraut lo Ros, avec quatre pièces chacun.

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