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Les chansonniers

CHAPITRE 2. LES CHANSONNIERS 52 un quaternion contenant les tables (A et Abis) et devant à l’origine constituer un quinion ;

3.2 Première approche des miniatures

3.2.1 Correspondances directes entre texte et image dans IK

Une première étape de l’analyse des rapports entre vocabulaire du texte et vocabu-laire de l’image consiste à chercher, au cas par cas, des correspondances entre la miniature et les textes qui l’entourent (vidas, œuvres du troubadour en question. . .). Les miniatures atypiques, celles qui se distinguent fortement, se prêtent volontiers à cette méthode qui est peut-être celle qui a connu la plus grande faveur.

Pour les manuscrits qui nous concernent, ces cas — une douzaine dans I, moitié moins dans K — se distinguent des figures plus générales par des traits uniques, non-récurrents, correspondant à des éléments particuliers des vidas qui leur sont associées.

Les cas les plus évidents sont peut-être ceux où la miniature illustre un épisode supposé de la vie du troubadour, généralement tiré de sa vida. Dans la plupart des cas, il aura fallu au miniaturiste que la vie du troubadour soit porteuse d’un élément très marquant, évocateur, pour que sa représentation reçoive un traitement particulier. On peut songer que ces troubadours hors du commun, se rapprochant, encore une fois, de héros romanesques, éveillaient particulièrement l’intérêt et la rêverie des contemporains (ils ont d’ailleurs souvent retenu aussi l’attention des chercheurs).

L’exemple le plus fameux est celui de Jaufre Rudel qu’une miniature [I5] représente mourant dans les bras de la comtesse de Tripoli, comme le dit la vida :

e fo condug a Tripoli, en un alberc, per mort. E fo fait saber a la comtessa et ella venc ad el, al son leit e pres lo antre sos bratz. E saup qu’ella era la comtessa, e mantenant recobret l’auzir e.l flairar, e lauzet Dieu que l’avia la vida sostenguda tro qu’el la agues vista ; et enaissi el mori entre sos bratz

Cette scène est une des plus caractéristiques de ces histoires qui ont retenu l’attention du miniaturiste au point de le détourner d’une représentation se rattachant à sa typologie habituelle. La force de l’anecdote, emblématique d’un amour lointain et parfaitement courtois et doté d’une certaine dimension tragique, amour non consommé et se terminant par la mort, en est sans doute responsable.

Le cas de Guilhem de Cabestany dans I [I94], d’ailleurs tout aussi fameux et tra-gique, s’il est plus délicat d’interprétation, est assez fortement atypique. Sa miniature le représente à cheval et en armes, ce qui est certes assez fréquent, mais tournant le dos au

43. Voir notamment la différence de traitement des visages et de la décoration dans les représentations de Gaucelm Faidit [IK18) ou de Giraut de Bornelh [IK8].

44. Voir G.Mariani Canova, « Il poeta e la sua immagine... », p. 63.

lecteur, ce qui est un cas unique45. L’histoire que nous relate sa vida est elle aussi hors du commun. Guillem, d’après le texte, était épris d’une dame, Seremonda, « moiller d’En Raimon de Castel Rossillon ». Le sentiment qu’il éprouvait pour elle paraît typique de la fin’amor, et s’accompagnait descansos qu’un troubadour se doit de composer en de telles circonstances. L’amour était payé de retour, et il n’est pas fait mention directement de sa consommation charnelle (i.e. d’adultère). Une situation idéale d’amour courtois, donc.

Face à ce couple idéalisé, lavida nous dresse un portrait du mari comme celle d’un noble empreint de démesure, d’un baron fier et puissant, peu touché par la culture courtoise et, d’une certaine manière, conduit par sa démesure, personnalité complexe que l’auteur de la vida cerne par le biais d’une longue énumération : « molt rics e gentils e mals e braus e fers et orgoillos ». Il est également décrit comme un homme « iratz e gelos » lorsqu’il apprend l’existence de cette relation. Il surprend alors Guillem au détour d’un chemin, le tue, lui arrache le coeur et le fait servir à manger à sa femme :

E quant la domna l’ac manjat lo cor d’En Guillem de Capestaing, En Raimon li dis a que el fo. Et ella, quant o auzi, perdet lo vezer e l’auzir. E quant ela revenc, si dis : « Seingner, ben m’avez dat si bon manjar que ja mais non manjarai d’autre. » E quant el auzi so qu’ella dis, el coret a sa espaza e volc li dar sus en la testa ; et ella s’en anet al balcon e se laisset cazer jos, e fo morta

Si cette histoire a sans aucun doute peu à voir avec celle des personnages historiques en question et puise le motif du « cœur mangé » à une autre source46, elle est probablement à l’origine de la représentation atypique de Guillem. Ceci ne nous dit pas cependant pourquoi ce dernier nous tourne le dos. Est-ce car un homme qui a perdu son intégrité physique, qui s’est vu victime d’anthropophagie, ne peut nous présenter son visage ? Est-ce un signe de deuil ou de souffranEst-ce ? Si, au premier regard, Est-cette représentation pourrait paraître terne, c’est en réalité une représentation symboliquement forte qui va de pair avec la violence et la puissance évocatrice de l’histoire. Peut–être en le représentant de dos, le miniaturiste a–t–il refusé de représenter une scène aussi affreuse sans pour autant tomber dans la banalité d’une représentation usuelle.

Un autre cas de miniature atypique, et qui pourrait nous échapper si l’on ne le mettait en lien avec le reste du corpus, est celui qui nous est fourni par la miniature représentant Bertran de Born. La personnalité de Bertran, belliqueux, guerrier, fauteur de troubles et roi du sirventés, nous est bien connue et elle n’a pas non plus échappé à

45. Pour autant qu’il m’a été donné de le constater, ce cas est unique dans l’ensemble ducorpusdes miniatures des chansonniers occitans. On ne le rencontre pas, en tout cas, dans les chansonniers vénètes.

46. Voir à ce sujet JeanBoutière,Biographies..., p. 535–536, et part. note 4. Saurimonde de Peira-lada était effectivement l’épouse de Raimon de Castel–Rossello, mais elle survécut à son mari. Ce motif, repris par Boccace, semble plutôt concerner un certain Guillem Guardastaing. On le retrouve ailleurs dans l’histoire du châtelain de Coucy.

CHAPITRE 3. « PORTRAITS » ET « BIOGRAPHIES » 66 l’auteur de la vida qui dit notamment de lui que « totz temps ac guerra con totz los sieus vesins » et qui met l’accent sur ses vertus de « guerrers » (« Bons cavalliers fo e bons guerrers ») et sa capacité à pousser les rois et les grands au conflit (« E toz temps volc que lo reis de Fransa e.l reis d’Engleterra aguessen guerra ensems. E s’il aguen patz ni treva, ades se penet ab sos sirventes de desfar la patz e de mostrar com cascuns era desonratz en aquella patz. »). C’est cette vision que reprend la miniature [I11] en nous montrant un Bertran au heaume rouge, à l’écu rouge et au cheval carapaçonné de rouge, en train de guerroyer contre deux autres chevaliers. La figuration du combat, si elle est fréquente dans le domaine de l’enluminure du Minnesang47, est très rare dans les chansonniers occitans.

Dans AIK, il s’agit de la seule occurence. En effet, quand bien même la vida pouvait tendre les bras à une telle représentation, quand bien même, dansA, la postille l’appelait de ses vœux, le miniaturiste — ce cas mis à part qui se justifiait peut–être par la place à part de Bertran de Born — préfère toujours éviter ce type de représentation et ce même s’il représente très fréquemment des chevaliers en armes.

Gaucelm Faidit, quant à lui, est représenté accompagné de sa femme [IK18] : « e si tolc moiller una soldadera qu’el menet lonc temps ab si per cortz, et avia nom Guillelma Monja. Fort fo bella e fort enseingnada, e si venc si grossa e si grassa com era el ». Il y aurait beaucoup a dire sur ce terme de « soldadera » que Boutière traduit comme

« femme de mauvaise vie »48. Il est en effet probable que la distinction entre joglaressa et prostituée aie été plus mince que ce que l’on pourrait croire, et que cette Guillelma Monja ait, en fait, exercé le même métier que Gaucelm. Un autre fait intéressant : la vida les décrit tous deux comme étant gros, ce qui ne se traduit pas dans l’image. Cela constitue un élément important quant à la conception du portrait qui n’est pas celle d’une représentation physique mais plutôt d’une représentation, par des signes extérieurs, de la nature des personnages.

Guilhem de Berguedan dans I [I93] semble s’entretenir avec deux personnages fé-minins. En effet, assis, il a le bras droit tendu et le bras gauche plié, mains vers le haut, dans une attitude typique de la parole, tandis que les deux femmes le regardent, la tête légèrement inclinée, la première tendant sa main droite vers lui. Il s’agit vraisemblable-ment d’une allusion à ses conquêtes féminines et à son « donjuanisme »49 chronique, s’accompagnant d’une tendance à la vantardise50. :

(...)longa saison lo mantenguen siei paren e siei amic ; mas tuit

l’abando-47. Les scènes de combat et de joute sont parmi les représentations les plus fréquentes dans le codex Manesse (Universitätsbibliothek Heidelberg, Codex Palatinus Germanicus 848). On citera à titre d’exemple les magnifiques scènes de combat des miniatures représentant le comte Albrecht von Heigreloch ou le Duc d’Anhalt (voir fig. D.6, p. 251.). Pour consulter les miniatures numérisées en grande partie, voirhttp ://diglit.ub.uni-heidelberg.de/diglit/cpg848.

48. Voir J.Boutière,Biographies..., p. 169, et part. note 4.

49. J.Boutière, Biographies..., p. 529, note 4.

50. Ce fait a déjà été remarqué par A.Rieger, « Image et imaginaire de la femme. . . », p. 394–395.

neren per so que tuichs lo esgogosset, o de la moillers o de las fillas o de las serrors ; que anc non fo negus que.l mantengues (...). Bons sirventes fetz, on disia mals als uns e bens als altres e se vanava de totas la domnas que.ill sof-frian amor. Mout li vengon grans aventuras d’armas e de dompnas e de grans desaventuras. Pois l’aucis uns peon.

Il semblerait donc bien qu’ici ce soit le caractère aventureux et séducteur de la vie du troubadour qui ait retenu l’attention du miniaturiste, qui n’a pas choisi de mettre en scène la mort, un peu honteuse, du baron occis par un piéton, pas plus que l’homme abandonné de (presque) tous. Au travers de ce choix, il est possible d’appréhender un aspect récurrent des représentations des troubadours dans ces manuscrits de luxe et de loisir : on cherche à éviter les représentations trop choquantes, à ne pas noircir le trait, mais plutôt à fournir des sujets courtois et évocateurs à un public — vraisemblablement noble, du moins sensible aux valeurs courtoises — qui en est friand.

Bien souvent, l’anecdote qui donne au miniaturiste son sujet se réduit à une seule phrase, recouvrant généralement un trait marquant, un caractère particulier de la person-nalité du troubadour, une habitude, qu’il choisit de mettre en valeur.

Ainsi, tandis que l’étymologie du nom de Cercamon (« cerquet to lo mon lai on el poc anar, e per so fez se dire Cercamons »51) justifie de le représenter son baluchon sur l’épaule, en train de marcher [I2], Guiraut de Bornelh est, aussi bien dans I que dans K [IK8], accompagné de ses « dos cantadors que cantavon las soas chansos »52. Ces deux cas sont, en outre, assez intéressants pour ce qui est du mode de vie et des pratiques des jongleurs et des troubadours, ici le jongleur itinérant53 et le troubadour, le « maestre », qui se fait accompagner de deux chanteurs professionels qui récitent ses œuvres.

Pour le Monge de Montaudon [I46], la situation est plus particulière. Il est ainsi représenté assis, en position de supériorité hiérarchique54, sur ce qui pourrait bien être un trône, tenant à la main l’épervier et le présentant à un homme, dont le mouvement des mains et le digitus argumentalis laisse à supposer qu’il s’agit d’un poète en train de déclamer. Un moine portant un épervier est une représentation quelque peu atypique, puisque sa symbolique est d’essence courtoise et chevaleresque, mais cela renvoie bien à la carrière du Monge de Montaudon, du moins telle que nous la connaissons. En réalité, la représentation fait référence à une phrase précise de sa vida : « e fo faichs seingner del

51. J.Boutière, Biographies..., p. 9.

52. DansI, le deuxième chanteur n’est pas vraiment visible, mais c’est sans doute pour des raisons de place et j’aurais tendance à considérer que l’intention y est. Il me semble même distinguer un reste d’une chevelure (qui aurait pu être grattée).

53. On remarquera en outre que lesvidasassocient très souvent le fait de se faire jongleur (« e fetz se joglars » est un motif assez récurrent) avec le fait d’aller de par le monde (« et anet per lo mon »). À ce sujet, voir le chap. 5, p. 96.

54. La station assise est réservée « aux personnages, réels ou allégoriques, qui jouissent d’une supé-riorité hiérarchique ou d’un pouvoir », d’après FrançoisGarnier,Le Langage de l’image au Moyen Âge, Paris, 1982, t. I, p. 113.

CHAPITRE 3. « PORTRAITS » ET « BIOGRAPHIES » 68 Puoi Sainta Maria et de dar l’esparvier », mais cette phrase recouvre certainement, pour les contemporains, un fait supposé connu, tandis que pour nous elle est en partie obscure.

La cour du Puy aurait été une « sorte de société poétique » que notre troubadour aurait été amené à diriger, avec le pouvoir de « donner l’épervier »55. Si l’on connaît le rôle des puys, société poétiques de trouvères dans le domaine d’oïl, ceux du domaine d’oc, qui les ont vraisemblablement précédés et probablement inspirés, sont paradoxalement moins connus. Quant à l’épervier, il convient de s’interroger sur sa signification. Ce droit de

« dar l’esparvier », réservé au « seingner » de la cour poétique, a des échos dans certains récits courtois, notamment dans Erec et Enide, où le héros, pour avoir bien défendu sa dame, reçoit comme récompense un épervier. Symbole de réussite dans l’art du trobar? Récompense pour troubadour méritant ? Objet de jeux de cours et de joutes poétiques ? L’association de l’épervier avec les dames de haute noblesse est assez connue et l’épervier est un oiseau supposé doué de la capacité de choisir le plus bel arbre pour y coucher, comme le troubadour capable de choisir la dame de plus grandpretz56. Il est très probable, comme le pense notamment Meliga, qu’à cette cour du Puy(Puy–en–Velay) « risulta celebrata sin dalla metà del secolo XII la festa cortese dello sparviero (...) collegata probabilmente a un qualche certame poetico »57 et donc que l’épervier soit décerné au troubadour vainqueur d’une joute poétique, que présiderait ici le Monge de Montaudon, juge et arbitre58.

Autre exemple fameux, celui de Guilhem Magret, représenté en train de jouer aux dés, nonchalamment assis sur le rebord du E, la jambe droite repliée sous la gauche (I139[76]). Cela constitue un renvoi direct à un de ses traits de caractère relaté par la vida : « mas anc mais non anet en arnes, que tot qant gazaingnava el jogava e despendia malamen en taverna ». En allant plus loin, on pourrait mettre en lien la tenue simple dudit Guilhem, une cotte de couleur rosée (couleur pouvant évoquer la laine non teinte ou la couleur rouge passée) cintrée par une cordelette blanche, sans boutons, avec son impossibilité d’acheter de l’équipement, sa pauvreté due à son penchant pour le jeu.

Dans deux cas au moins, la miniature renvoie ainsi à l’appartenance, mentionnée par la vida, à un ordre particulier. Ainsi, Peire Guilhem de Tolosa [I66] est représenté portant un manteau blanc sur lequel est figurée une épée rouge. Cela est sans doute à rapporter à sa vida qui dit qu’il « rendet se a l’ordre de la Spaza ». Sur la miniature

55. Voir J.Boutière,Biographies..., p. 310 et note 3 ; ainsi que J.–L.Lemaitre,Les Troubadours et l’Église : entre histoire et légende, Ussel et Paris, 2002, p. 24–30 ; Michael J.Routledge,Les poésies du moine de Montaudon, Montpellier, 1977, p. 186–190 .

56. Sur la symbolique de l’épervier, voir dans la deuxième partie, chapitre VI, p. 109

57. WalterMeliga, « L’Aquitania Trobadorica », dansLo spazio letterario del medioevo. 2. Il me-dioevo volgare. I. La produzione del testo, Rome, 2001, t. II, p. 201–251, à la p. 240.

58. On trouve certaine allusions à cette épreuve dans la littérature occitane. Outre lavidadu Monge de Montaudon, Bernart Marti fait allusion à son épervier [BdT 63.3], tandis que Bernart de Ventadorn [BdT 70.21] et Rigaut de Barbézieux [BdT 421.2] s’en réclament. On notera également que la ville du Puy était également un lieu de pélerinage et qu’y existait une confrérie, pour laquelle on ne connaît pas d’intérêts littéraires, mais qui pourrait tout de même être liée au Puy poétique.

de K[K66], il n’est pas représenté ainsi. En dehors du fait que ces rapports directs sont plus rares dans K, cela est peut-être dû à la variante du texte qui porte « alorde de las pasza »59. Cadenet, quant à lui, fait partie d’un ordre plus connu. Il est vêtu, aussi bien dans I que dans K[IK80], d’un manteau portant une croix blanche sur fond noir dans le premier et une croix noire sur fond blanc dans le deuxième. Sa vida dit en effet «el si se rendet a l’Ospital, e lai el definet ».

Enfin, la miniature peut aussi se fonder sur un seul mot extrait de la vida, soit que ce mot désigne un fait important de l’état du troubadour concerné (comme Folquet de Marseilla, toujours représenté en évêque), soit qu’il nous paraisse plus arbitrairement choisi. De cette façon, Peire de Valeria [I4] tient dans sa main droite ce qui ressemble à une fleur. Son attitude est peut-être bien celle de l’offrande ou celle de la méditation, toujours est-il que s’il porte cette fleur, c’est fort probablement car dans sa vida le mot de « flors » apparaît : « e fez vers (...) de foillas et de flors, e de cans e de ausels ». Le miniaturiste a apparemment préféré se fonder sur ce détail un peu original, plus que sur l’aspect, récurrent et peu distinctif, auquel renvoie le terme de « joglars », ce d’autant plus que la vida est à la fois assez courte, dépourvue d’autres éléments marquants, et très sévère avec le pauvre Peire dont elle dit que « sei cantar non aguen gran valor, ni el ». Ce mode de fonctionnement, préferer le particulier, le distinctif au commun, est fréquent, sans doute dans le but de faire varier les représentations au sein d’un corpus assez largement homogène.

Avec ces exemples, nous atteignons la limite des cas particuliers. En effet, l’ensemble des miniatures semble se construire au travers de motifs récurrents, l’image semble dé-velopper son propre langage, à partir de mots précis tirés du texte. C’est ce que ces cas isolés ont le mérite de nous démontrer.

Ces miniatures un peu particulières ne forment guère, toutefois, que la partie émergée de l’iceberg. Une fois mises de côté, le reste présente un aspect assez uniforme, dans lequel on voit se dégager quelques grandes figures, sans pouvoir encore clairement établir une typologie précise ou des correspondances exactes. Si l’on peut, au cas par cas, interpréter un certain nombre d’éléments occasionnels, cette méthode a ses limites. Ainsi, Aimeric de Peguilhan [IK63] porte un tissu à motif, ce qui est souvent une des façons qu’a le langage iconographique de l’époque de suggérer les tissus précieux, notamment la soie. Cela peut être un renvoi à sa vida qui dit de lui qu’il était « fils d’un borges qu’era mercadiers, que tenia draps a vendre ». En réalité, cela pourrait être aussi un élément récurrent du costume riche réservé à un certain type de troubadours : il n’y a guère que par le biais d’une mise en série que ces données pourront être interprétées plus finement.

59. Boutière ne dit rien de cet « ordre de l’épée », qui lui semble inconnu, voir l’identification proposée dans ce mémoire (en note) p. 121.

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3.2.2 Postilles, vidas et miniatures. Les correspondances dans