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Chapitre 2. Pôle théorique : un cadre d’analyse sociologique féministe

2.2. Conceptualisation des rapports sociaux, de la domination et du pouvoir

2.2.2. L’idéologie raciste et les rapports sociaux de race

À un moment où les féministes matérialistes françaises se focalisent exclusivement sur la dimension matérielle et économique de l’oppression des femmes, Colette Guillaumin insiste dès les années 1970 sur sa dimension idéelle32 : « l'appropriation des femmes revêt deux faces :

30 Ce terme reviendra d’ailleurs dans les propos des enseignant·es rencontrés dans le cadre de cette

recherche.

31 De manière critique, elle distingue deux motifs de cette opacité : « la société est opaque à elle-même,

peut-être parce que la somme de ses actions excédent la somme de ses acteurs, qu’ils soient individuels ou collectifs. Mais peut-être aussi parce qu’elle souhaite rester opaque : elle en appelle à Dieu, à la Nature, à toutes sortes de contraintes ou de modèles » (Delphy, 2013b, p. 48).

32 La conception de la face idéelle des rapports sociaux de Guillaumin s’apparente à celle développée

dans la perspective marxiste renouvelée par l’anthropologue Maurice Godelier (Daune-Richard et Devreux, 1992). « Pour lui, « dans tout rapport social existe une part idéelle qui apparaît à la fois comme l'une des conditions même de la naissance et de la reproduction de ce rapport et comme son schéma d'organisation interne, comme une part de son armature, comme la part de ce rapport qui existe dans la pensée et qui, de ce fait, est la pensée » ((Godelier, 1984, p. 21, cité dans Daune-Richard et Devreux, 1992, p. 11).

une appropriation physique qui les transforme en “choses” dans le matériel ; une appropriation dans la pensée, par une construction mentale qui les fait “choses” dans la pensée elle-même » (Daune-Richard et Devreux, 1992, p. 11) ». Ses travaux sur l’idée de Nature – qui revient à dire que c’est la nature qui fixe les règles sociales plutôt que l’humanité – et l’idéologie naturaliste n’émergent toutefois pas initialement de ses réflexions sur les rapports sociaux de sexe, mais sur l’idéologie raciste. Longtemps demeuré dans l’ombre, sa thèse doctorale33 conceptualise l’idéologie raciste comme étant une forme d’intellectualisation par laquelle se construit et se maintient le pouvoir des « naturalisants » sur les naturalisés (Naudier et Soriano, 2010). Avec ce travail, Guillaumin (2002) rend visibles « des formes latentes des idées et leurs prolongements en pratiques dans les rapports sociaux » (Naudier et Soriano, 2010, p. 210). Les deux faces de la domination sont approfondies par Guillaumin (1978a, 1978b) dans une démarche analogique rapprochant le sexage – l’appropriation physique des femmes – et l’esclavage de plantation : « l’analogie est alors le dispositif rhétorique privilégié pour penser ce qu’elle comprend comme une commensurabilité des systèmes de domination plantocratique et patriarcal » (Bentouhami et Guénif-Souilamas, 2017, p. 206). L’analogie34 permet de comprendre à la fois la race et le sexe comme des marques signifiantes uniquement dans un rapport de force, plutôt que comme des données naturelles (Bentouhami et Guénif-Souilamas, 2017). Elle révèle que l’oppression s’accompagne d’une idéologie pouvant s’incarner dans des groupes interchangeables, ce qui attire « l’attention sur la fragilité des “caractères” essentiels qui seraient ceux des groupes opprimés » (Guillaumin, 2002, p. 18). Guillaumin (1978b) explore ainsi le perfectionnement de l’idée de Nature opéré par les sciences modernes. Alors qu’elle se réduisait auparavant à une finalité sur la place des « objets » – les personnes déshumanisées –, elle prétend dorénavant « que chacun d'entre eux comme l'ensemble du groupe, est organisé intérieurement pour faire ce qu'il fait, pour être là où il est » (Guillaumin, 1978b, p. 5).

33 Intitulée Un aspect de l'altérité sociale : le racisme : genèse de l'idéologie raciste et langage actuel, sa

thèse doctorale a été publiée en 1969 sous la direction de Roger Bastide. Elle a été éditée quelques années après sous le titre L'idéologie raciste. Genèse et langage actuel et rééditée au début des années 2000 (Guillaumin, 2002).

34 Les limites de l’analogie, notamment analysées par Bentouhami et Guénif-Souilamas (2017) sont

Cette idée est étroitement liée à un renouvellement du système de marque, c’est-à-dire du sens et de l’usage des « multiples signes et marques, superficiels ou inscrits dans le corps, et dont la liste serait fort longue, qui exprimeraient (et imprimeraient) l’appartenance à un groupe social défini » (Guillaumin, 2016b, p. 173). Comme l’explique Guillaumin (2016b) dans l’extrait suivant, la marque est dorénavant appréhendée comme étant naturelle, et non plus comme le signe de rapports d’appropriation :

La marque ancienne est connue comme imposée par les rapports sociaux, connue comme une de leurs conséquences [par exemple l’inscription au fer rouge] ; alors que la marque naturelle n'est pas supposée être une marque, mais l'origine même de ces rapports. Ce seraient les “capacités” internes (donc naturelles) qui détermineraient les faits sociaux, ce qui revient à l'idée de déterminisme endogène dans les rapports humains, idée caractéristique de la pensée scientifique mécaniste (Guillaumin, 2016b, p. 177).

L’idée de groupe naturel moderne est donc la synthèse mouvante du système de marque, purement fonctionnel, et du « système déterministe archéo-scientifique qui voit dans un objet quelconque une substance qui sécrète ses propres causes, qui est à elle-même sa propre cause » (Guillaumin, 2016b, p. 177). Cette idéologie sert à légitimer l’exploitation, la domination et l’appropriation d’êtres humains par la création de groupes sociaux et de catégories sociales pour les désigner.

Les catégories sont le produit des rapports sociaux (Guillaumin, 1978b, 2016b). Elles sont constituées afin de justifier l’appropriation du travail d’un groupe par un autre, c’est-à-dire que « la société s’en sert pour justifier son traitement “différentiel” - en réalité inégal, hiérarchique- des groupes et des individus » (Delphy, 2013b, p. 8-9). La catégorisation est une activité de connaissance et de reconnaissance entérinant l’existence de ces groupes au sein des majorités (Guillaumin, 2002). Elle est réalisée par les groupes et les personnes détenant le pouvoir de nommer « qui sont les Autres » :

l'Autre, c'est celui que l'Un désigne comme tel. L'Un c'est celui qui a le pouvoir de distinguer, de dire qui est qui : qui est « Un », faisant partie du « Nous », et qui est « Autre » et n'en fait pas partie; celui qui a le pouvoir de cataloguer, de classer, bref de nommer (Delphy, 2008, p. 19).

Comme l’explique la sociologue Christine Delphy (2008), le pouvoir de nommer supporte des divisions sociales à la fois dichotomiques et exhaustives au sein de la société, qui ne comportent

que deux possibilités : « si on n’est pas dans un groupe, on est dans l’autre » (p. 7). Il ne s’agit alors pas de différences, mais de hiérarchies :

une « vraie » différence est d’une part réciproque – un chou est aussi différent d’une carotte qu’une carotte l’est d’un chou –, et d’autre part n’implique pas de comparaison a détriment de l’un des termes. Or la différence invoquée sans arrêt à propos des femmes, mais aussi des homosexuel·les, des « Arabes », des Noirs n’est pas réciproque, bien au contraire. Ce sont elles et eux qui sont différents; les hommes, les hétérosexuels, les Blancs quant à eux ne sont « différents » de personne, ils sont au contraire « comme tout le monde » (Delphy, 2013b, p. 8-9).

Dans un rapport de domination, les « différences » n’ont ainsi pas une fonction de classement, mais de hiérarchisation (ou division hiérarchique) qui soutiendra ensuite la division technique dans plusieurs sphères de la vie sociale et, en particulier, dans le travail (Delphy, 2015). Cette absence de troisième voie ou de voie de sortie montre que ce genre de catégorisation ne vise pas seulement à différencier les êtres humains les uns des autres, mais à les hiérarchiser : « l'une des catégories est forcément supérieure à l'autre et l'autre forcément inférieure à la première » (Delphy, 2008, p. 43).

Le « Nous » dont parle Delphy (2008) est celui de l’ensemble de la société, de la société « normale » et légitime, de celle qui se considère comme étant l’humanité. Dans ses travaux sur les frontières de l’ethnicité35, la sociologue Danielle Juteau montre en suivant un raisonnement similaire que « l’ethnicité, c’est l’humanité des Autres » (Juteau, 2015, p. 23). Cette phrase rappelle que tous les êtres humains possèdent une spécificité historico-culturelle, résultant de la socialisation historiquement assurée par les femmes, mais que « l’humanité des minoritaires devient ethnicité, pendant que les majoritaires se définissent comme incarnant l’universel » (Juteau, 2015, p. 23).

Si l’humanité des dominants est glorifiée, celle des dominés est méprisée ou anéantie […]. Le rapport de domination fait partie intégrante de la production de l’ethnicité qui est, à son tour, indissociable de ce qu’il y a d’humain en nous, de notre humanité.

35 Danielle Juteau a élaboré une conception constructiviste et relationnelle des rapports ethniques,

appréhendés « comme réels bien que construits et tout autant concrets qu’idéels » (Juteau, 1999, p. 10), et de l’ethnicité, « conçue comme fluide et construite à l’intérieur de relations inégalitaires, comme un rapport social possédant une face externe, rapport à autrui et une face interne, rapport à une histoire et à une origine communes » (Juteau, 2000, p. 53).

L’ethnicité résulte donc autant de l’action des personnes ethnicisées que de celle des majoritaires (Juteau, 1999, p. 18).

Les « groupes ethniques » sont, de ce fait, avant tout relationnel et ne se résument pas à des caractéristiques communes, historiques ou symboliques, figées, telles que l’appréhendent les approches essentialistes. En occultant le rapport inégalitaire constitutif des groupes – la face externe des frontières ethniques –, les conceptions essentialisantes font cependant des « groupes ethniques » et des personnes y étant assignées des données de la nature. C’est donc dans ce rapport de domination que les personnes se voient essentialisées, c’est-à-dire qu’une essence immuable et figée leur est attribuée.

L’une des contributions majeures de la sociologue Colette Guillaumin est de révéler que « “l’individualité [est] un effet pratique de la position de dominant” » (Guillaumin, 2002, p. 94, cité dans Bentouhami et Guénif-Souilamas, 2017, p. 210). Elle renverse dès lors la perspective, en proposant de penser le général (le dominant) plutôt que le spécifique (les dominé·es). Ses travaux montrent :

la possibilité pour le majoritaire (en l’occurrence, le Blanc et le masculin) de se dire et d’être dit (au sens de désigné, nommé) de manière singulière, sans qu’aucun récit ne le précède, en même temps qu’il a seul le droit de représenter tout le monde, la généralité, l’universel : c’est là certainement le privilège de la blanchité et de la masculinité que de pouvoir se nommer selon ses propres termes, irréductibles à toute tendance de groupe ; en même temps qu’il peut représenter tout le monde (Bentouhami et Guénif-Souilamas, 2017, p. 210)

De l’autre côté de ce rapport, « les membres d’une classe opprimée ont pour caractéristiques d’être définis par leur supposée interchangeabilité (elle-même irrévocable) qui vient nier toute forme d’individualité » (Bentouhami et Guénif-Souilamas, 2017, p. 210). L’agir des personnes est réduit à leur classe, qu’elle soit de sexe ou de race :

si l’on est considéré comme Noir, Arabe, ou comme femme, nous sommes toujours précédés d’un récit social (explicite ou non) qui réduit toutes nos conduites, nos choix, nos pensées à une conduite d’espèce, à une tendance communautaire, qui nous rattacherait de manière nécessaire à notre supposée communauté d’appartenance ou de “sexe” (Bentouhami et Guénif-Souilamas, 2017, p. 210).

Ce renversement de perspective amène Guillaumin (2002) à s’intéresser à l’institutionnalisation de ces rapports dans l’histoire moderne, et plus particulièrement à « la transformation de la

notion de groupe naturel en catégorie entérinée au niveau de l’État » (Guillaumin, 2016b, p. 183). Elle recourt en ce sens à la notion d’« autre » institutionnel :

Par l'« autre » institutionnel, il faut entendre l'« autre » social, c'est-à-dire ce qui est désigné socialement comme autre, en catégorie marquée légalement ou culturellement. Telles sont les catégories dites de race : jaunes, juifs, nègres ou étrangers; les catégories de sexe, les catégories de classe, les catégories d'âge, qui diffèrent de la norme sociale; ainsi que les catégories de l'insertion sociale : aliénés, criminels, déviants sexuels ou sociaux [je souligne] (p. 196-197).

L’entérination socioétatique des catégories se fait essentiellement au niveau légal, avant d’être passée sous silence comme l’explique Delphy (2013b) dans cet extrait :

Les choses sont mises cul par-dessus tête; la dichotomie légale […] qui décrète [par exemple] que telle personne est un enfant, et telle autre un adulte, dichotomie qui régira les différences dans le traitement et donc dans le comportement des deux groupes, cet acte fondateur est passé sous silence. Une fois que les groupes sont constitués, on ne se demande plus comment ils ont été constitués. On se demande en quoi ils diffèrent, comme si l’opération par laquelle ils ont été nommés différents, puis traités différemment, était sans rapport avec leurs différences actuelles. Mieux encore, la dichotomie légale est traitée comme un reflet de leurs différences « réelles » (naturelles), qui deviennent ontologiques. Ils sont différents; la loi est bien obligée d’en tenir compte; et c’est si anodin que cela ne mérite même pas d’être mentionné (p. 19-20).

Ce mécanisme opérationnalise le racisme, qui procède « d’une biologisation de la pensée sociale, qui tente par ce biais de poser en absolu toute différence constatée ou supposée » (Guillaumin, 2002, p. 14). L’idéologie36 raciste cache sous une croyance en des différences « naturelles » les rapports sociaux de domination à l’origine de la division sociale entre les groupes. Davantage encore que la science, son principal masque justificateur sera juridique. Après l’invention des taxonomies raciales37, l’institutionnalisation de l’idéologie raciste dans l’histoire moderne a été notamment opérée avec les Lois de Jim Crow aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, avec les Lois de Nuremberg en Allemagne dans les années 1930 et avec les Lois d’apartheid en Afrique du Sud.

36 Delphy (2013b) soutient ainsi que « présenter un mécanisme social, que ce soit l’économie de marché

ou l’oppression des femmes, comme un fait de nature, que les humains ne peuvent que constater, que ce soit pour s’en réjouir ou le déplorer, c’est là l’essence même de l’idéologie » (p. 22).

37 Le système esclavagiste était déjà constitué depuis environ un siècle lorsque les premières taxonomies

Ces quelques exemples historiques montrent l’extrême variabilité de « l’idée de race », un phénomène social « défini par l'association “altérité, rapport au pouvoir, marque biologique” » (Guillaumin, 2002, p. 14). Le travail de Guillaumin (2002) rappelle dès lors que l’idéologie raciste « peut s’incarner dans des groupes interchangeables. Les races et les catégories racisées se remplacent au cours du temps, assumant tour à tour des rôles et des significations identiques » (p. 18). D’un point de vue analytique, cela justifie la pertinence de « mettre l’accent sur la généralité des racismes dans une société donnée – et non plus sur la spécificité d’un racisme – » (Guillaumin, 2002, p. 18), ou plutôt de s’intéresser aux deux tout à la fois en étudiant ce travail d’institutionnalisation.

Sur le plan conceptuel, la racisation ou racialisation (« racialization ») désigne donc le travail de catégorisation ou d’assignation à des catégories figées et naturalisantes opéré par les groupes en ayant le pouvoir à partir de marques choisies (ex. couleur de la peau, voile, accent, patronyme) pour justifier un traitement différentiel (Guillaumin, 2002; Vidal-Ortiz, 2008). Un même rapport social se traduit en de multiples « fractions intracatégorielles » (Dunezat, 2015, par. 35) rendant visible l’hétérogénéité produite par la dynamique des rapports sociaux, et excédant nécessairement la terminologie du système binaire de sexe (homme/femme). Les catégories et les marques racisantes évoluent dans le temps et l’espace, traduisant la (trans)formation des rapports de pouvoir. Le processus de racisation des personnes assignées « Arabes » diffère par exemple aux États-Unis, où ce sont les immigrant·es du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud qui sont principalement visées depuis le 11 septembre 2001 (Vidal-Ortiz, 2008), et en France, où ce sont plutôt les descendants d'immigrant·es de pays nord-africains anciennement colonisés (Delphy, 2008). De même, les groupes racisés ou racialisés (racialized) désignent les groupes sociaux naturalisés sur la base de rapports de domination engageant l’idéologie raciste. Le choix d’une forme active (racisation, racisé) plutôt que passive (racial, race) met en évidence sa construction sociale et sa grande plasticité (Labelle, 2016; Vidal-Ortiz, 2008).

Aux côtés de la notion de race, les concepts sociologiques utilisés pour analyser le système de pensée raciste et ses effets matériels sont encore tabous dans le milieu universitaire et institutionnel francophone en particulier (Hamrouni et Maillé, 2015a). Or, les conditions de son existence ne dépendent en aucun cas de ces concepts, et c’est même le contraire. Dans un article

fort éclairant à ce sujet, Guillaumin (2016a) explique comment plusieurs notions sont « en position d’hériter de tout ce qui autrefois était porté par la notion de race elle-même : la spécificité de chaque groupe humain [naturalisé] » (p. 207). C’est par ces avatars que ce système de pensée se reproduit, toujours sous de nouvelles formes. Guillaumin (2016a) traite plus particulièrement de la notion de différence :

Sans doute l'idée de différence tente-t-elle de briser avec l'impératif de naturalité physique qu'avait imposé la notion de race. Elle est certainement, en ce sens, un essai de briser la rigidité du système de pensée raciste. Mais elle est également accueillante à tous ceux qui persistent à penser en termes raciaux sans plus oser prononcer le terme de race. Par censure, par prudence politique ou tout simplement par cynisme, ils savent bien que, “différence” ou “race”, il reste entendu quelque chose sur la spécificité naturelle des groupes humains. Car on ne détruit pas les couches antérieures d'un système de pensée en retranchant quelques éléments, mais plutôt en modifiant la configuration et en introduisant quelque nouveau trait (Guillaumin, 2016a, p. 207-208).

La critique de l’idéologie de la différence articulée par Delphy (2013b) jette un éclairage intéressant sur le fonctionnement de cette notion, qui justifie de son point de vue l’inégalité entre les groupes de sexe depuis plus d’un siècle 38. En plus de distinguer les notions de différence et hiérarchie – présentée précédemment –, elle relève une curieuse opposition entre égalité et différence, alors que le contraire d’égalité est inégalité. Ce terme est ainsi susceptible de faire dévier la problématique. Dans une réflexion sur l’usage du concept de « femmes racisées », la philosophe Naïma Hamrouni (2015a) soutient ainsi que « la mise en mots des injustices subies représente une étape incontournable à tout travail de formulation de politiques émancipatoires conséquentes » (p. 129). Ce concept et ceux renvoyant à la race comme catégorie socialement construite ne créent pas ou n’entretiennent pas le racisme; ils donnent à voir les injustices résultant des rapports de pouvoir entre groupes.