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3 Le système circadien et l’impact de la perturbation circadienne

3.1 Le système circadien

3.1.2 L’hormone mélatonine

Le rythme de la sécrétion de mélatonine 3.1.2.1

La mélatonine est une hormone sécrétée par la glande pinéale, laquelle est située à peu près au milieu du cerveau. Le moment de la sécrétion de mélatonine est déterminé par l’horloge biologique et la sécrétion suit un rythme circadien très prononcé. Chez une personne qui est active le jour et dont l’horloge est synchronisée normalement, la sécrétion commence en soirée, environ deux heures avant l’heure du coucher, atteint un maximum vers le milieu de la nuit (entre 2 et 5 heures du matin) pour revenir à des niveaux très bas, parfois indétectables le matin et le reste de la journée. L’intervalle compris entre le début et la fin de l’épisode de sécrétion de la mélatonine représente la nuit biologique. Chez les

espèces diurnes, comme l’Homme, elle correspond à la phase de repos, favorable au 24 heures. Une technique alternative consiste à mesurer un métabolite de la mélatonine, la 6-sulphatoxymélatonine (aMT6s), dans des échantillons urinaires. Avec un nombre suffisant d’échantillons au cours des 24 heures, et dans des conditions de mesures adaptées, ces approches permettent d’établir un profil individuel de sécrétion de mélatonine et ainsi d’estimer le moment de la nuit biologique de chacun.

La sécrétion de mélatonine n’est possible qu’en obscurité ou en lumière très tamisée, car sa synthèse est sensible à la lumière. Le signal lumineux perçu par les cellules ganglionnaires à mélanopsine est transmis à l’horloge qui inhibe immédiatement la sécrétion de la mélatonine par la glande pinéale (Najjar et al., 2014 ; Rahman et al., 2015). Selon le spectre lumineux (la couleur bleue étant la plus active), l’intensité et la durée de l’exposition à la lumière, la sécrétion de mélatonine sera diminuée ou même complètement arrêtée durant toute la période d’exposition. La sensibilité à la lumière varie selon les individus, le sexe et l’âge, et une même intensité lumineuse pourra bloquer complètement la sécrétion chez une personne et produire une faible diminution chez une autre.

Chez une même personne, les caractéristiques du rythme de la sécrétion de mélatonine sont généralement très stables (l’amplitude du rythme et sa position dans les 24 heures, sa phase, sont très reproductibles d’un jour à l’autre). En revanche, la quantité de mélatonine sécrétée ainsi que la forme et l’amplitude du profil de sécrétion varient beaucoup d’une personne à une autre. Puisque des quantités très variables de mélatonine sont trouvées chez des individus en excellente santé, il est impossible à l’heure actuelle de connaitre l’importance de la quantité de mélatonine sécrétée pour la santé de l’individu ou d’établir des seuils de normalité. De plus, comme il s’agit de mesures indirectes, il est difficile de déterminer si les variations individuelles reflètent des différences de sécrétion par la glande pinéale ou des différences dans le métabolisme de la mélatonine.

Les effets de la mélatonine 3.1.2.2

La mélatonine influence le fonctionnement de l’horloge circadienne principale par l’intermédiaire de récepteurs mélatoninergiques MT1 et MT2, localisés dans les noyaux suprachiasmatiques. La mélatonine, sous forme endogène ou ingérée sous forme de supplément (comprimés, gélule, capsules, etc.), a un effet différent sur ces deux types de récepteurs (Dubocovitch et al., 2007). L’activation des récepteurs MT1 inhibe l’activité neuronale des noyaux suprachiasmatiques. Chez les espèces diurnes comme l’Homme, cette inhibition réduit les effets activateurs de l’horloge biologique sur la vigilance, ce qui augmente la somnolence et la tendance au sommeil. L’activation des récepteurs MT1 est donc à l’origine des effets dits « hypnotiques » de la mélatonine et de son utilisation pour faciliter l’endormissement. L’activation des récepteurs MT2 produit un effet différent, puisqu’elle modifie le moment circadien de l’activité neuronale des noyaux suprachiasmatiques et peut ainsi changer l’heure interne de l’horloge biologique. Ainsi, non seulement l’horloge biologique contrôle la sécrétion de la mélatonine par la glande pinéale, mais son propre fonctionnement est également modulé par l’effet rétroactif de la mélatonine.

Cette hormone possède ainsi un rôle dit « chronobiotique » de synchroniseur non photique de l’horloge, une propriété qui est utilisée en médecine du sommeil ou pour aider à la synchronisation à la suite d’un décalage horaire (Arendt et al., 2008).

L’effet de l’administration de mélatonine est inverse de celui provoqué par l’exposition à la lumière : l’horloge est avancée à la suite d’une administration en début de soirée et elle peut être modestement retardée à la suite d’une administration le matin (cet effet n’étant pas toujours observé dans les études scientifiques). De nos jours, plusieurs formulations de

mélatonine sont disponibles pour traiter différentes perturbations de rythme de sommeil (cf.

Tableau 5).

Tableau 5 : formulations d’agonistes mélatoninergiques actuellement disponibles.

L’agomélatine est un agoniste mélatoninergique (MT1/MT2) et antagoniste faible 5HT2c approuvée en Europe dans le traitement de la dépression, elle possède aussi des effets inducteurs du sommeil.

Le ramelteon est un agoniste mélatoninergique (MT1/MT2 et faible pour MT3) approuvé aux États-Unis et au Japon dans le traitement de l’insomnie. Ses effets sur le sommeil sont modestes.

Le tasimelteon est un agoniste sélectif des récepteurs MT1/MT2 récemment approuvé aux États-Unis pour le traitement libre-cours de l’aveugle.

Le circadin est une formulation de la mélatonine à libération prolongée, approuvée en Europe, possédant un effet agoniste, tout comme la mélatonine, sur les récepteurs MT1/MT2 et MT3.

La mélatonine, en formulation magistrale (en pharmacie) peut être prescrite dans l’insomnie primaire du sujet âgé.

En plus de ses effets sur l’horloge biologique circadienne, la mélatonine possède d’autres propriétés physiologiques qui peuvent potentiellement avoir des répercutions sanitaires (cf.

Tableau 6). Ces effets reposent d’une part sur une distribution large des récepteurs MT1 et MT2, en plus des noyaux suprachiasmatiques, et d’autre part sur des effets pharmacologiques, en particulier des effets antioxydants, de la mélatonine, indépendants des récepteurs MT1 et MT2 et impliquant un autre site de liaison appelé MT3.

Tableau 6 : effets rapportés de la mélatonine chez l’Homme et l’animal.

(Simonneaux et Ribelayga, 2003 ; Pandi-Perumal et al., 2005 ; Pandi-Perumal et al., 2006 ; Ritzenthaler et al., 2009)

Effets de la mélatonine

Homme Animal (in vivo ou in vitro)

Effet chronobiotique (synchronisateur) avec une avance de phase de l’horloge si l’administration de la mélatonine se fait en soirée, ou en début de nuit ; généralement sans effet si l’administration se fait en début de nuit.

Effet synchronisateur de certaines fonctions biologiques (reproduction, métabolisme, pelage) chez les espèces saisonnières.

Effet positif dans le traitement chronique (6 mois) de l’insomnie primaire su sujet âgé : diminution de la latence de l’endormissement, augmentation du sommeil à onde lente, réduction de la fragmentation du sommeil.

Rôle local dans la physiologie rétinienne.

Effet hypothermiant (diminution de la température) sur la température centrale et hyperthermiant sur la température périphérique, via un effet vasodilatateur périphérique lié à la présence de récepteurs à la mélatonine dans la vasculature

Régulation de la pression artérielle (effet anti-hypertensif).

Effets de la mélatonine

Homme Animal (in vivo ou in vitro)

Effets positifs dans certains cas sur le traitement des troubles du sommeil du patient Alzheimer, avec possible effet sur la sphère cognitive chez ces patients.

Inhibition de l’augmentation progressive de protéine beta amyloïde dans le cerveau sur le modèle de rongeur de la maladie d’Alzheimer.

Pas d’effet incontestable d’un effet

anti-cancéreux de la mélatonine chez l’Homme Effet anti-oxydant à dose élevée.

Effet oncostatique

Régulation du système immunitaire Régulation de la neurotransmission

3.1.3 La régulation circadienne des fonctions biologiques et psychologiques

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