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Impacts de la perturbation des rythmes circadiens induite par les horaires atypiques : approche systémique et multifactorielle

3 Le système circadien et l’impact de la perturbation circadienne

3.2 Impact de la perturbation circadienne

3.2.4 Impacts de la perturbation des rythmes circadiens induite par les horaires atypiques : approche systémique et multifactorielle

Les horaires postés incluant la nuit bouleversent les mécanismes de la rythmicité circadienne tant au niveau biologique (rythmes veille et sommeil, de repas, de sécrétions hormonales, de la vigilance et de l’humeur) que de l’organisation temporelle de la vie sociale et de la vie familiale.

Au vu de ces multiples dérégulations, et parce que les salariés vont chercher activement à les gérer, les liens entre horaires alternants incluant la nuit et effets sanitaires ne sont pas directs et univoques. Pour les comprendre, il est nécessaire de rendre compte de la complexité dans laquelle sont placés les salariés en horaires postés et de nuit.

Par exemple, l’augmentation de salaire liée au travail posté peut permettre à un salarié de prendre un crédit pour l’achat d’une maison individuelle, ce qui va le contraindre, même dans le cas où sa santé se dégrade, à pratiquer ces horaires toute la durée du crédit. De la même façon, les infirmières et infirmiers par exemple, qui travaillent de nuit et dont le poste prend fin à 6 h, ne vont pas tous se coucher directement après le poste, certains font le choix (pour des raisons familiales ou financières) de s’occuper de leurs enfants en journée, au détriment de la récupération de leur dette de sommeil et de leur santé. Autre exemple, lorsque des gardiens de prisons travaillant en 2 x 12 heures enchaînent les postes consécutifs de jour et de nuit, afin de cumuler les jours libres et rejoindre leur famille résidant à des centaines de kilomètres, c’est au détriment du sommeil et parfois de la qualité du travail et de sa fiabilité.

Ainsi, les dimensions qui sont « traversées » par la question des horaires postés et de nuit et qui vont conjointement impacter la santé des salariés relèvent des caractéristiques de l’individu et de celles du travail (cf. Figure 9).

Figure 9 : approche multifactorielle et systémique des effets des horaires de travail (adapté de Quéinnec, Teiger et de Terssac, 2008).

Les caractéristiques individuelles des salariés telles que l’âge, le sexe et les rôles sociaux liés au genre, la résistance à la privation de sommeil, le chronotype (du matin, du soir), vont permettre une tolérance plus ou moins bonne à la désynchronisation circadienne imposée par un travail posté incluant des horaires de nuit.

Les caractéristiques familiales et sociales des individus vont également jouer un rôle dans cette tolérance à la désynchronisation induite par les horaires décalés. En effet, la situation familiale, le fait d’avoir des enfants notamment en bas âge, la présence ou non d’un conjoint dans la famille, son degré de participation à la vie domestique et parentale, les horaires de travail du conjoint, mais également la distance domicile-travail, la qualité du logement (par exemple en matière de bruit, de luminosité, de confort thermique), le niveau de revenus, etc., sont autant d’éléments sociologiques qui vont permettre aux individus de concilier avec plus ou moins de facilité leur vie de travail et leur vie hors travail, de récupérer plus ou moins bien de leur dette de sommeil.

Enfin, ces caractéristiques individuelles, qu’elles soient d’ordre physiologique ou sociologique, évoluent au cours de la vie active et de l’avancée en âge. Ainsi, la durée d’exposition aux horaires postés et de nuit va impacter sur la santé et les changements de la vie personnelle (vie maritale, arrivée d’un enfant, avancée en âge des enfants, mais également séparation, vie en garde alternée, départ des enfants de la maison, etc.) vont impacter les stratégies de conciliation mises en place à un moment donné de la vie active.

D’autres dimensions relatives au travail et à la situation de travail sont à prendre en considération. La spécificité du système horaire en place, c’est-à-dire l’heure de prise de poste (4 h ou 7 h par exemple pour le poste du matin), la durée du poste (8 ou 12 heures), le sens de rotation (horaire ou antihoraire), le nombre de nuits consécutives, la prévisibilité du planning, etc. ont des effets différenciés sur l’humeur, la fatigue, la vigilance, la santé. Mais l’enveloppe temporelle du travail en horaires postés et de nuit n’est pas le seul facteur en cause. Le montant du salaire et des primes associées jouent sur le niveau de vie, et donc sur la qualité du logement, sur la possibilité de garde des enfants et donc de récupérer de la dette de sommeil. Le contenu même du travail et le cumul éventuel avec d’autres facteurs de pénibilité (exposition au bruit, aux toxiques, à des cadences temporelles élevées, etc.) va impacter la santé. Le contexte spécifique de travail en horaires de nuit (peu ou pas de hiérarchie, fermeture des autres services, etc.) peut permettre de travailler plus au calme,

Impacts des

d’apprendre, de prendre des responsabilités et inversement peut être source de stress.

Autant d’éléments à prendre en compte au-delà du seul système horaire.

Enfin, les individus ne subissent pas passivement les effets des horaires, ils cherchent activement à harmoniser les horaires de travail avec les contraintes et ressources des autres dimensions. Pour gérer cet équilibre entre ces dimensions identifiées, les salariés mettent activement en place, lorsque des marges de manœuvres existent, dans le travail et dans le hors travail, des processus de régulation visant à minimiser les effets sur la santé. Ce qui rajoute de la complexité dans l’analyse des impacts de la perturbation des rythmes physiologiques et sociologiques induite par les horaires postés et de nuit.

La mesure des impacts de la déstabilisation physiologique et sociologique due aux horaires de travail ne peut passer que par le prisme des interactions entre les différentes dimensions avec lesquelles les horaires de travail s’harmonisent ou s’entrechoquent.

4 Revue internationale des travaux d’expertise

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