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6 Evaluation des risques sanitaires associés au travail posté incluant la nuit

6.3 Résultats de l’évaluation des effets sanitaires

6.3.3 Effets sur la santé psychique Introduction

6.3.3.4.2 Études expérimentales

Une étude expérimentale récente (Boudreau et al., 2013), réalisée avec des travailleurs postés étudiés en laboratoire, a rapporté une meilleure qualité de l’humeur lorsqu’il y avait augmentation de la synchronisation circadienne (entre l’horloge biologique interne et l’horaire éveil-sommeil imposé par le travail de nuit).

Chez le sujet sain, les études expérimentales montrent que l’humeur est influencée par une interaction complexe entre l’heure biologique interne (la phase circadienne) et la durée de la veille préalable. Les études montrent aussi que la nature de cette interaction est telle que des changements modestes dans la synchronisation du cycle veille-sommeil peuvent avoir des effets majeurs sur l’humeur subséquente (Boivin et al., 1997). Le lien entre perturbation du système circadien et pathologies psychiatriques est confirmé par les études cliniques récentes, qui montrent qu’en plus des atteintes cognitives et de l’humeur (Gotlib et Joormann, 2010), les patients dépressifs et les patients bipolaires présentent des rythmes circadiens perturbés, notamment le cycle veille/sommeil (McClung et al., 2013) et l’expression des gènes de l’horloge dans le cerveau (Li et al., 2013).

D’autre part, indépendamment de son effet sur le système circadien, l’exposition à des cycles lumière-obscurité irréguliers, non synchronisés aux 24 h, pourrait aussi être responsable de troubles de l’humeur. Les études expérimentales chez l’Homme montrent que la lumière régule, directement via les cellules ganglionnaires à mélanopsine ou indirectement à travers le système circadien, l’humeur et la cognition (Chellappa et al., 2014). Au niveau clinique, l’exposition à la lumière régulière induit un effet antidépresseur,

aussi bien chez l’animal que chez l’Homme (Iyilikci et al, 2009 ; Wirz-Justice et al.,2013).

Chez le rongeur, les études montrent qu’une exposition à un cycle jour / nuit aberrant (de moins de 24 h) induit des comportements pseudo-dépressifs et une altération des fonctions cognitives (LeGates et al., 2012 ; LeGates et al., 2014 ).

Ainsi, les études expérimentales chez le travailleur de nuit, chez le sujet sain, et chez l’animal, suggèrent des interactions réciproques entre perturbation du système circadien, cycle lumière obscurité irrégulier, et sphère psychiatrique. Ces résultats constituent des éléments de preuve en faveur de l’existence d’un effet du travail de nuit sur la santé mentale.

6.3.3.4.3 Conclusion

Compte tenu des éléments de preuve apportés par les 20 études épidémiologiques et par les études expérimentales, le schéma ci-dessous amène les experts à conclure à un « effet probable pour l’homme » du travail de nuit sur la santé mentale (cf. Figure 21).

Figure 21 : classement de l’effet du travail de nuit sur la santé psychique.

Discussion et perspectives de recherche 6.3.3.5

Le travail de nuit semble augmenter les facteurs de risques psychosociaux et / ou les troubles du sommeil, qui à leur tour augmenteraient les risques de troubles mentaux. Le corollaire à ce résultat est que le contrôle des facteurs de confusion s’avère primordial pour déterminer la nature de l’effet du travail de nuit comme tel. Ces facteurs de confusion étant très nombreux, ils ne sont jamais tous contrôlés dans une même étude. Les recherches futures devront minutieusement contrôler le contenu et l’organisation du travail la nuit afin de neutraliser les biais liés à la présence de facteurs de risques psychosociaux.

Un autre biais, particulièrement difficile à contrôler, vient du fait que les personnes cliniquement déprimées ne sont probablement pas au travail ou ont été transférées de jour (effet travailleur sain). De plus, il est probable que les personnes qui ont des symptômes de dépression sont moins enclines à répondre à des questionnaires. On ne peut donc pas exclure que les effets du travail de nuit sur la santé mentale puissent être sous-estimés.

C’est d’ailleurs une des conclusions de la seule étude longitudinale publiée entre 2010 et 2014 (Thun et al., 2014). Le besoin d’études longitudinales avec mesure de la santé mentale dès l’acceptation d’un poste de nuit et retraçant les parcours professionnels semble primordial pour trancher sur un effet du travail de nuit per se sur la santé mentale.

6.3.4 Troubles métaboliques et pathologies cardiovasculaires

Dans ce chapitre, les troubles métaboliques et les pathologies cardiovasculaires sont présentées ensemble, car leurs aspects sont interdépendants.

L’ensemble des effets relatifs aux troubles métaboliques abordés sont les suivants : l’indice de masse corporel (IMC44, indice permettant de caractériser le surpoids et l’obésité), le diabète de type 2, les dyslipidémies et le syndrome métabolique, ce dernier étant une pathologie complexe impliquant diverses perturbations du métabolisme. Pour ce qui concerne les pathologies cardiovasculaires, les sujets de l’hypertension artérielle, des accidents vasculaires cérébraux et des maladies coronariennes sont traités.

Études épidémiologiques des effets du travail posté incluant des 6.3.4.1

horaires de nuit sur les troubles métaboliques et les pathologies cardiovasculaires

Au cours des dernières années, de nombreuses études épidémiologiques et quelques méta-analyses ont été menées pour évaluer l'association entre le travail posté incluant des horaires de nuit et le risque de troubles métaboliques : obésité ou surpoids, diabète, hypertension, dyslipidémies ou syndrome métabolique. La majorité des études transversales, cas-témoins ou cohortes ont investigué le travail posté comportant une partie de nuit ou impliquant une perturbation des rythmes circadiens. Les questions principales posées portaient sur le rôle du travail posté en soi ou de facteurs associés sur l’existence ou non du risque, et la possibilité de déterminer d’éventuels seuils d’exposition à risque.

Les recommandations de la HAS sur la surveillance des travailleurs postés et / ou de nuit ont conclu que l’analyse et la synthèse de la littérature mettaient en évidence que le travail posté et de nuit :

est associé à une augmentation du risque de perturbations du bilan lipidique (NP 3) ;

est associé à une augmentation de l’indice de masse corporelle (NP 2) ;

est associé à une augmentation du risque de syndrome métabolique ; ce sur-risque variant de 1,46 à 5,10 selon les études (NP 2) ;

44 L’Indice de Masse Corporelle (IMC) se calcule en divisant le poids en kilogrammes par le carré de la taille exprimée en métres

est associé une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires ; ce sur-risque variant de 1,1 à 1,4 selon les études (NP 2) ;

est associé une augmentation du risque d’hypertension artérielle (risque relatif variant entre 1,1 et 2) (NP 3) ;

est associé une augmentation de la consommation de tabac (NP 3).

Toujours dans le cadre des travaux menés par la HAS, et selon les experts, le travail posté et / ou de nuit peut être considéré comme un facteur significatif de risque cardiovasculaire dans la mesure où il est associé à l’augmentation de prévalence de la plupart des facteurs de risque cardiovasculaire connus (lipides, poids, HTA, tabagisme).

Dans la majorité des études revues dans le présent rapport, l’évaluation des expositions (les caractéristiques précises du travail posté ou de nuit) reste très imprécise, les facteurs de confusion potentiels liés aux troubles métaboliques (habitudes alimentaires et facteurs nutritionnels, tabac, facteurs socio-économiques, etc.) souvent non analysés ou de façon très imprécise, et l’effet du travailleur sain, essentiel à considérer pour le travail de nuit, n’est pas pris en compte. Certaines études transversales, en évaluant de façon rétrospective les expositions, permettent néanmoins de formuler des conclusions mieux étayées sur les possibilités d’association entre travail posté et risques métaboliques.

Quelques études de cohorte et quelques études cas-témoins nichées dans des cohortes, considérées comme de bonne qualité ou avec limites méthodologiques mineures, ont été retenues. Par ailleurs, deux méta-analyses récentes ont évalué l’association entre le travail posté incluant la nuit et la survenue du syndrome métabolique ou d’une de ses composantes. Les experts ont reporté ci-dessous les résultats correspondants.

Au total, 142 articles ont été retenus sur la base de leur titre et de leur résumé (à partir de plus de 260 publications).

Au final, plus de 60 articles ont été identifiés par les experts comme ayant la pertinence et la qualité méthodologique suffisantes pour contribuer à l’évaluation des effets du travail posté incluant des horaires de nuit.

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