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Effets des horaires atypiques postés et de nuit sur la cognition et la performance psychomotrice

6 Evaluation des risques sanitaires associés au travail posté incluant la nuit

6.3 Résultats de l’évaluation des effets sanitaires

6.3.2 Somnolence, effets cognitifs et vigilance Introduction

6.3.2.3.2 Effets des horaires atypiques postés et de nuit sur la cognition et la performance psychomotrice

Les effets du travail posté et de nuit sur la cognition et la performance sont souvent étudiés à l’aide d’un outil : le psychomotor vigilance task (PVT). Ce test de performance psychomotrice validé dans de nombreuses situations expérimentales permet d’apprécier le temps de réaction à un stimulus visuel ou auditif lors d’un test d’une durée habituelle de 10 minutes, mais qui peut varier entre 3 et 20 minutes.

Les résultats de ce test sont le reflet des processus cognitifs et de l’attention associés à la vigilance et sont très sensibles au manque de sommeil. En raison de sa grande simplicité, ce test ne peut pas être utilisé pour prédire la performance aux tâches complexes retrouvées en milieu de travail. Toutefois, le PVT fait référence en recherche et médecine du sommeil et la

plupart des études montrent une perturbation du temps de réaction chez les travailleurs postés et de nuit, comme dans les 5 études suivantes (une expérimentale de Boudreau et al., 2013, trois transversales, à savoir Ferguson et al., 2012, Surani et al., 2014 et Vetter et al., 2012 et une de mesures répétées, celle de Wagonner et al., 2012) :

Boudreau et al. (Boudreau et al., 2013) ont ainsi comparé les performances de deux groupes de policiers (sept hommes et huit femmes en patrouille) : un groupe présentant un ajustement circadien au travail de nuit (à l’aide de lumière, de lunettes noires etc.) versus un groupe non adapté, dans le cadre d’une étude expérimentale. Ils trouvent qu’après 7 nuits de travail, le sommeil de jour des policiers adaptés au travail de nuit est de même qualité que leur sommeil de nuit avant le changement de poste. Ce n’est pas le cas chez les policiers non adaptés au travail de nuit : le temps de sommeil total et les proportions de sommeil lent et paradoxal sont réduites, et l’éveil intra-sommeil augmenté. Le temps de réaction au PVT est plus court à la fin de la période d'éveil chez les policiers adaptés au travail de nuit que chez les non adaptés, indiquant de meilleures performances à ce test et donc un niveau d’attention et de vigilance plus élevé.

Ferguson et al. (Ferguson et al., 2011) ont réalisé une étude transversale à l’aide de PVT portables sur 35 mineurs effectuant trois types de rotation, mais tous travaillant sur une période de 12 heures, le jour ou la nuit. Les travailleurs sont comparés à eux-mêmes (mesures répétées) au début et à la fin de chaque poste de jour et de nuit durant une séquence complète de rotation (16 à 22 jours selon le type de rotation). Les performances sont significativement (p < 0,001) plus altérées à la fin du poste de nuit qu’à la fin du poste de jour. Elles ne sont pas différentes au début du jour, à la fin du jour et au début de la nuit.

On observe également un lien positif entre la quantité de sommeil accumulé dans les 24 heures avant le début du poste (p < 0,05) et la performance. Dans cette étude, dormir moins de six heures est associé à une moins bonne performance que dormir plus de sept heures. La baisse de performance en fin de nuit confirme plusieurs études antérieures, mais cette étude met en évidence l’importance du sommeil comme médiateur de la performance sur le terrain.

Surani et al. (Surani et al., 2014) ont mené une étude transversale sur 67 infirmières en postes permanents de 12 heures, de jour (n = 43) ou de nuit (n = 24), aux soins intensifs ou en soins généraux. Le temps de réaction moyen au PVT est significativement plus élevé avant le travail en poste de nuit qu’en poste de jour (traduisant l’impact du temps éveillé avant travail, plus long chez les travailleurs de nuit) alors qu’il n’existe pas de différence à la fin du poste de nuit comparé à la fin du poste de jour. On ne retrouve pas de différence sur les omissions (erreurs) entre les deux postes. Cette étude présente des limites méthodologiques mineures en raison du petit nombre de travailleurs de nuit (faible puissance statistique) et d’un biais de sélection probable des participants recrutés sur une base volontaire par des affiches et le bouche-à-oreille.

Vetter et al. (Vetter et al., 2012) ont analysé l’influence du chronotype et du temps éveillé sur le temps de réaction au PVT et le risque d’erreurs dans le cadre d’une étude à mesures répétées, où les mêmes travailleurs sont évalués lors d’un poste de jour, du matin et de nuit.

La performance la plus basse a été mesurée durant le poste du matin (heure moyenne du lever à 4 h 30) et la meilleure durant le poste du soir. L’explication de la baisse de performance durant le poste de nuit et du matin est ici aussi en lien avec le temps éveillé avant le poste pour le poste de nuit (plus long que pour le poste de jour) et avec la durée de sommeil préalable pour le poste du matin (plus courte que pour le poste de jour). Dans cette population de travailleurs jeunes (20-36 ans) au chronotype tardif, le chronotype exerce une influence sur la performance surtout via son effet sur la durée et l'horaire du sommeil. Les résultats de cette étude soulignent donc également le rôle majeur de la durée du sommeil précédant la prise de poste sur la vigilance durant le travail, que ce soit de nuit ou tôt le matin.

Waggoner et al. (Waggoner et al., 2012) ont réalisé une étude méthodologique qui propose et teste la validité d’une méthode combinée pour évaluer les conséquences du travail posté

chez les policiers : cette méthode associe la mesure des performances avec le PVT, l’évaluation de la somnolence avec l’échelle KSS, et la conduite sur simulateur avec mesure des déviations par rapport à la ligne médiane. Les mesures répétées ont eu lieu le matin après cinq nuits consécutives de travail et le matin après trois jours consécutifs de congés.

Les auteurs observent une réduction de la performance, de l’attention et de la vigilance subjective le matin après cinq nuits de travail comparé au matin après trois jours de congé, indiquant un effet négatif du travail de nuit. [Note : cette étude comporte quelques limites méthodologiques mineures puisqu’elle ne permet pas d’isoler l’effet travail de nuit, la condition de contrôle étant le matin après une nuit de sommeil. Toutefois, ses résultats vont dans le sens des autres études montrant l’importance du sommeil précédant le début du poste pour le niveau de vigilance subséquent].

Une sixième étude de type transversal a également utilisé le PVT pour évaluer la vigilance, mais n’a pas trouvé d’effet significatif du travail de nuit :

Geiger-Brown et al. (Geiger-Brown et al., 2012) rapportent les résultats au PVT chez 80 infirmières en postes de 12 heures. Les scores de PVT ne sont pas significativement différents, ni pour le temps de réaction, ni pour le nombre d’erreurs (long temps de réaction), entre les postes de jour et de nuit, ni entre les postes successifs, ni entre le début ou la fin du poste. Cependant, la fréquence d’erreurs est associée à la réduction sévère du temps de sommeil observée au cours des postes successifs. Cette étude suggère aussi que les individus ne présentent pas la même vulnérabilité à la somnolence. La somnolence au KSS augmente plus vite durant le poste de nuit.

D’autres méthodes d’évaluations cognitives, qui ne sont pas normalisées comme le PVT, ont aussi été utilisées dans cinq études (quatre transversales : Cheeseman et al., 2011, Höelzle et al., 2014, Johnson et al., 2010, Shwetha et Sudhakar, 2012 et une à mesures répétées de MacHi, 2012). Les cinq études concluent à une association entre les performances cognitives et le travail de nuit / travail posté :

Dans l’étude de Cheesman et al. (Cheeseman et al., 2011), les auteurs étudient la reconnaissance d’étiquetage des médicaments sur ordinateur par des étudiants en anesthésie. Les temps de réaction de confirmation moyens sont plus longs lors des postes de nuit que lors des postes de jour (différence sur la moyenne de 60 msec, [IC95 % 1-120], p = 0,048). Il n’existe pas de différence dans les taux d'erreurs. [Note : le petit échantillon et l’absence de l’heure des tests sont des limites méthodologiques (mineures) de cette étude].

Höelzle et al., (Hölzle et al., 2014) ont étudié l’effet des horaires de travail sur l’écriture de trente-quatre employés (32 hommes et 2 femmes) d’une manufacture de matériel électrique.

Les sujets sont comparés à eux-mêmes (mesures répétées) et les critères sont : la rapidité de l'écriture, la taille verticale de l'écriture et la fréquence de modifications hautes et basses par seconde, mesurées par micro-ordinateurs. Les auteurs montrent que la rapidité et la taille de l'écriture sont affectées par le travail posté. Contrairement aux attentes, ce n’est pas durant le poste de nuit que la performance est la plus faible, mais durant le poste du matin, en particulier au début du poste. S’agissant d’un poste qui commence très tôt (6 h) dans cette étude, les résultats suggèrent une influence déterminante d’une courte durée de sommeil avant la prise de poste.

Johnson et al., (Johnson et al., 2010) observent, dans le cadre d’une étude transversale corrélationnelle, les effets de la privation de sommeil sur les performances psychomotrices de 289 infirmières de nuit. Les auteurs ont utilisé le test d’attention « d2 », test validé d’une durée d’environ huit minutes de type papier-crayon où l’on demande au participant d’identifier des cibles entourées de distracteurs. Le nombre total d’erreurs (par omission et par commission) fournit le résultat du test. Les auteurs retrouvent une association significative entre le nombre d’heures de sommeil et la performance au test (p = 0,018). Il n’y a pas de groupe de travailleurs de jour, mais les résultats des participantes montrent une

performance inférieure aux valeurs normatives. [Note : cette étude comporte quelques limites méthodologiques mineures puisqu’un seul test est utilisé une seule fois durant la nuit, et pas à la même heure pour tous les sujets. De plus, le temps de sommeil est très approximatif puisqu’obtenu par une estimation rétrospective].

MacHi et al, (MacHi et al., 2012) ont étudié les effets du travail de nuit sur la mémoire à court terme de treize médecins urgentistes avec une dégradation au cours du poste de jour et du poste de nuit, mais avec significativement plus de paramètres cognitifs affectés (test de Stroop, cognitive processing) lors du poste de nuit. Ces résultats montrent que le poste de nuit a plus d'impact que le poste de jour sur la mémoire et certains processus cognitifs et d'apprentissage, ce qui peut avoir des conséquences lors d’une prise de décisions en fin de poste de nuit. [Note : le faible échantillon et l’absence de prise en compte des facteurs circadiens ou de délai par rapport au temps de sommeil constituent des limites méthodologiques mineures].

Shwetha et al., (Shwetha et Sudhakar, 2012) ont utilisé des tests neuropsychologiques standards pour évaluer dans une étude transversale un ensemble de paramètres cognitifs (vitesse mentale, attention soutenue-vigilance, apprentissage verbal et mémoire, fonctions exécutives (inhibition et mémoire de travail)) chez cinquante travailleurs en rotation avec nuits comparés à cinquante travailleurs en horaires permanents de jour. Les tests ont été administrés à la fin de la période de travail. Les auteurs concluent que le travail en rotation avec nuits affecte certaines fonctions cognitives (vitesse mentale, apprentissage et mémoire, inhibition des réponses) et non d’autres (attention / vigilance, mémoire de travail). [Note : l’étude présente quelques limites méthodologiques mineures : plusieurs facteurs de confusion sont possibles, non contrôlés ou non décrits, tels que l’horaire et la durée des postes, le type de rotation, la régularité des horaires, et les différences dans la nature des tâches des travailleurs postés et des travailleurs de jour].

6.3.2.3.3 Effets des horaires atypiques postés et de nuit sur la fatigue

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