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Effets des horaires atypiques postés et de nuit sur le syndrome d’intolérance au travail posté (Shift Work Sleep Disorder - SWSD)

6 Evaluation des risques sanitaires associés au travail posté incluant la nuit

6.3 Résultats de l’évaluation des effets sanitaires

6.3.2 Somnolence, effets cognitifs et vigilance Introduction

6.3.2.3.4 Effets des horaires atypiques postés et de nuit sur le syndrome d’intolérance au travail posté (Shift Work Sleep Disorder - SWSD)

Deux articles de la même équipe tentent de décrire objectivement des perturbations cognitives et de la vigilance liées au syndrome d’intolérance au travail posté (SWSD). Il faut noter que la somnolence excessive au travail est un des principaux critères diagnostiques de ce syndrome et donc que les patients étudiés ne sont pas représentatifs de l’ensemble des personnes concernées par le travail posté et de nuit.

Gumenyuk et al. (Gumenyuk et al., 2010) ont étudié les changements neurophysiologiques dans les fonctions d’attention et de mémoire de vingt-six travailleurs de nuit souffrant de SWSD, en utilisant les potentiels évoqués corticaux. Ils comparent huit travailleurs de nuit avec SWSD à neuf travailleurs de nuit sans trouble et huit travailleurs de jour sans trouble.

Ils identifient une diminution de la mémoire et une réponse excessive à la nouveauté chez les travailleurs de nuit avec SWSD, semblable à celle des insomniaques. Les résultats montrent aussi que la durée et la qualité du sommeil sont réduits chez les travailleurs de nuit, avec ou sans SWSD, par rapport aux travailleurs de jour. Ces résultats sont compatibles avec les mesures polysomnographiques faites en laboratoire qui montrent que les patients avec SWSD ont une efficacité de sommeil plus faible que les travailleurs de nuit sans trouble et les travailleurs de jour, ces deux derniers groupes ayant un sommeil similaire. L’étude indique une réduction de la mémoire sensorielle et une hyper réaction attentionnelle (quantifiées par l’étude des potentiels évoqués) chez les travailleurs de nuit avec SWSD, mais il n’est pas possible de conclure avec certitude qu’il s’agit d’un impact neurobiologique fonctionnel du travail de nuit, compte tenu du petit nombre de sujets et des conditions expérimentales de cette étude. D’autre part, l’étude ne donne pas d’information sur les caractéristiques du travail de nuit (tâches, horaire, durée de l’expérience, etc.) ou sur l’influence circadienne qui pourrait affecter ces paramètres.

Gumenyuk et al. (Gumenyuk et al., 2012), dans une autre étude de la même équipe, s’intéressent au profil de survenue de la sécrétion de mélatonine (dim light melatonin onset - DLMO) chez deux groupes de cinq travailleurs de nuit, avec ou sans diagnostic de SWSD.

Les résultats montrent que la sécrétion de mélatonine des travailleurs de nuit non-symptomatiques survient beaucoup plus tard (4 h 42) que celle des travailleurs de nuit avec

SWSD (20 h 42), ce qui dénote un ajustement circadien chez les travailleurs de nuit sans trouble et un mauvais alignement circadien chez les travailleurs avec SWSD. Comparés aux travailleurs sans trouble, les patients montrent une somnolence physiologique plus grande durant la nuit (mesurée par le MSLT) mais pas de différence significative pour les paramètres de sommeil. Toutefois, il est retrouvé une corrélation significative entre le DLMO et la sévérité de l'insomnie. Les travailleurs avec SWSD reçoivent plus de lumière le matin, ce qui pourrait contribuer à leur absence d’ajustement circadien. La plus forte propension au sommeil la nuit combinée à l’absence de différence pour le sommeil chez les travailleurs avec SWSD suggère que la baisse de vigilance la nuit serait principalement liée au manque d’ajustement circadien. [Note : le très petit nombre de participants et l’absence de caractérisation du travail de nuit sont des limites méthodologiques de cette étude].

Évaluation du niveau de preuve 6.3.2.4

6.3.2.4.1 Somnolence

6.3.2.4.1.1 Études épidémiologiques

Sur les dix études portant sur la somnolence, sept montrent une association positive entre la somnolence et le travail de nuit / travail posté. En particulier, deux études indépendantes de très bonne qualité (une longitudinale (Åkerstedt et al., 2010) et une transversale (Ohayon et al., 2010) faites auprès d’un grand nombre de travailleurs de nuit montrent une augmentation de la somnolence chez les travailleurs de nuit ; de plus, la somnolence augmente avec la durée de l’exposition (effet dose-réponse). Deux études ne montrent pas d’association, mais dans les deux cas les résultats sont obtenus chez des populations très spécifiques : des travailleurs hautement sélectionnés qui travaillent vingt et un jours d’affilée dans un environnement extrême (Forberg et al., 2010), ou des patients (tant postés que de jour) d’une clinique de sommeil (Walia et al., 2012). Les résultats de ces deux études sont donc difficilement généralisables à l’ensemble des travailleurs postés ou de nuit. Une dernière étude (Waage et al., 2012) n’effectuait pas directement de comparaison entre travail de jour et travail de nuit, mais montrait que la somnolence était plus élevée durant les premiers jours de travail de nuit pour diminuer ensuite progressivement, et que la somnolence était également très élevée durant les premières journées de retour à la maison après deux semaines de travail de nuit. Cette étude appuie donc indirectement la présence d’un effet du travail de nuit sur la somnolence qui diminuerait en fonction du degré d’adaptation circadienne des travailleurs à leur horaire.

Les experts ont ainsi considéré que les éléments de preuve des études épidémiologiques étaient suffisants pour conclure à l’existence d’un effet sur la somnolence (cf. Figure 16).

Figure 16: évaluation des études épidémiologiques portant sur la somnolence.

6.3.2.4.1.2 Etudes expérimentales

Les résultats de ces études épidémiologiques sont tout à fait en accord avec les observations faites depuis plus de 30 ans tant chez les travailleurs de nuit (Akerstedt et Gillberg, 1982) que dans les études expérimentales (Akerstedt et Gillberg, 1982). Les études expérimentales plus récentes ont également bien montré que la somnolence est augmentée la nuit, en association avec le manque d’ajustement circadien et en raison de la longue durée d’éveil qui précède la prise de poste (Santhi et al., 2005), (Smith et al. , 2004),(Chapdelaine et al., 2012)). Les études expérimentales réalisées chez l’Homme avec des horaires postés simulés en laboratoire confirment les effets avérés de ces horaires décalés sur la somnolence, qui est toujours présente mais varie en fonction du rythme de travail posté imposé, de l’âge et des facteurs chronobiologiques et homéostatiques associés.

6.3.2.4.1.3 Conclusion

Conformément à la méthode adoptée par le groupe de travail et compte tenu des éléments de preuve apportés par les études épidémiologiques et les études expérimentales, les experts concluent à un effet avéré pour l’Homme du travail de nuit sur la somnolence (cf.

Figure 17).

Figure 17 : classement de l’effet du travail de nuit sur la somnolence.

6.3.2.4.2 Performances cognitives

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