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1. GENRE ET SOCIÉTÉ

1.1. La société d’hier et d’aujourd’hui

1.1.2. L’honneur

La société est encore aujourd’hui régie par les valeurs traditionnelles, les citoyens ne sont pas entièrement libres de faire ce qu’ils désirent. Ils doivent se soumettre aux contraintes qu’impose la vie en communauté. Certes, toute communauté doit s’organiser en fonction de règles et de lois, mais le problème survient quand celles-ci deviennent intolérables pour les membres d’une société, ou pour un collectif en particulier. Le choc est encore plus violent quand il s’agit de règles archaïques, fondées par un groupe dominant qui impose aveuglément ses lois aux groupes dominés, sans se soucier de leur bien- être ou de leur bonheur. C’est à ce problème que s’est confronté et se confronte encore le collectif féminin. Les femmes vivent opprimées, elles sont non seulement exploitées en tant que force de travail, mais certains groupes s’approprient leur corps en entier, non pas par un seul homme, tel que le mari ou le père, mais bien par tous les hommes, c’est-à-dire par la classe dominante, souligne Elsa Dorlin (Dorlin 2008). L’homme est assimilé à la classe dominante car ce sont ses valeurs qui sont considérées comme universelles. Il symbolise le positif et le neutre, alors que la femme incarne le négatif. Ainsi, les particularités masculines se sont érigées en tant que normes, ce sont les hommes qui décident de la morale et exercent leur emprise sur le collectif féminin.

Federico García Lorca tout comme Laila Ripoll sont conscients des normes qui régissent la société et oppriment les individus. De cette manière, les thèmes présents dans leurs œuvres sont exclusivement populaires et sont le reflet de ces normes oppressives. Concernant Lorca, nous pouvons attester que son théâtre inclut les idéaux et valeurs traditionnelles, tels que l’honneur, l’orgueil, la loyauté, la fidélité, la chasteté, la vengeance, l’individualisme et le stoïcisme (Frazier 1973). Parmi les valeurs mentionnées, nous allons nous intéresser plus particulièrement au concept d’honneur, car celui- ci englobe les autres thématiques. Du sens de l’honneur découlent la loyauté, la fidélité la chasteté ou la vengeance. Sans sens de l’honneur, l’individu ne respectera pas les conventions sociales qui lui sont imposées. Par conséquent, l’un des leitmotivs de sa production est ce sens de l’honneur. Bon nombre de ses personnages se caractérisent par un sens aigu de l’honneur et par le respect des conventions sociales, perçu comme bien plus important que leur propre bonheur.

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Les œuvres des deux dramaturges sont fortement influencées par les auteurs du Siècle d’Or, particulièrement par Calderón de la Barca dans le cas de Lorca, comme eux-mêmes l’affirment à plusieurs reprises, c’est la raison pour laquelle la thématique de l’honneur est omniprésente dans leurs productions, concept récurrent dans la littérature espagnole du Siècle d’Or à aujourd’hui. Effectivement, la vieille bourgeoisie espagnole traditionnelle se caractérise par son « despotisme, [son] caractère autoritaire et dictatorial, [son] absence de charité et de noblesse, [sa] tendance à l’aristocratisme et au mépris du peuple, bref, [cette société se caractérise par] le concept classique traditionnel de l’honneur hispanique » (Arango 1992, 237). Concept complexe, qui, pendant le Siècle d’Or, apparaissait sous deux aspects, l’« honneur vertical » ou « horizontal », comme l’explique Gustavo Correa :

La honra vertical es, pues, honra inmanente, la cual existe en virtud del nacimiento o de méritos extraordinarios o fuera de lo común en la persona, y que ocasionalmente puede derivarse de posiciones oficiales y estatales. La honra horizontal, en cambio, se refiere a las complejas relaciones entre los miembros de la comunidad en el sentido horizontal del grupo. Tal concepto de honra puede ser definido como fama o reputación y descansaba por entero en la opinión que los demás tuvieran de la persona. La honra vertical actuaba como factor diferenciador en el sentido de igualamiento en calidad de símbolo de cohesión social81.

L’honneur, concept fortement lié à celui de la réputation, se superpose à la valeur morale d’une personne donnant un sens à sa vie. Il s’agit d’un concept générique, mais qui enferme des particularités propres à chaque individu et, par la même, à chaque personnage de Federico García Lorca (Frazier 1973) et, dans une moindre mesure, chez ceux de Laila Ripoll.

Dans Bodas de sangre, le sens de l’honneur est représenté par le personnage de la Madre. Pour elle, ce concept est plus important que la vie elle-même, quand bien même il s’agirait de celle de son propre fils. Sa première réaction est d’envoyer son fils poursuivre les fugitifs, « ¡Anda! ¡Detrás! », puis elle fait preuve d’hésitation car elle discerne la fin tragique, « no, no vayas. Esa gente mata pronto y bien… ». Mais l’honneur est plus fort que l’instinct de préservation et elle envoie son fils les poursuivre, tout en sachant que la mort l’attend, « pero sí, corre, y yo detrás » (García Lorca 1996c, 454). Dans ce cas, nous pouvons voir que le destin se répète. En effet, la Madre affirme : « Ha llegado otra vez la hora de la sangre » (García Lorca 1996c, 454), destin immuable, condamné à la répétition pour la préservation de la morale et de l’honneur. Répétition du moralisateur en opposition avec la répétition de la nature, résultante de l’affirmation, comme l’atteste Encarnación Alonso Valero. Le moralisateur détermine ce qui peut et doit être répété sous forme de loi morale, ainsi répétition et habitude, voire coutume, s’unissent dans la réaffirmation du devoir. La loi morale a le pouvoir de légitimer cette réitération en deux catégories : le bien, dans le cas où la répétition serait d’ordre moral, ou le mal, dans le cas où elle serait régie par la passion, le plaisir ou la nature (Alonso Valero 2003, 488).

Pero el hábito no es afirmación de la repetición, y de ahí el recuerdo constante de la Madre, la incapacidad para olvidar lo que no se puede soportar : el resentimiento, la reacción no activada, niega la

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repetición, pues justamente se recuerda para no repetir. La afirmación de la repetición implica la inocencia del devenir, y tal categoría de inocencia es impensable desde la moralidad. No puede extrañar, por tanto, que tras la acción trágica aparezca el lenguaje en forma de imposible diálogo o, como en el caso de Yerma, de grito. La discusión no es real porque la disputa se produce entre moral y naturaleza ; la Novia y Yerma gritan sin interlocutor posible, porque niegan lo que la moral del resto reconoce, porque son personajes de lo estético juzgados desde el pensamiento moral82.

La Novia et Leonardo devraient être exempts du sentiment de culpabilité par leur appartenance à l’action tragique, action dans laquelle il ne peut y avoir de place pour la culpabilité, car ils sont prisonniers de leur destin, destin immuable condamné à la répétition. Les personnages n’ont pas le choix. Le sentiment de culpabilité n’a de sens que quand on introduit le problème de la prise de décision. Ainsi, leur action n’est pas morale, mais esthétique, c’est-à-dire qu’elle est physique, sensible, vitale et passionnelle. Néanmoins, la culpabilité apparaît tout au long de l’œuvre, quand Leonardo affirme que « después de [su] casamiento [ha] pensado noche y día de quién era la culpa, y cada vez que piens[a] sale una culpa nueva que se come a la otra ; pero siempre hay culpa » (García Lorca 1996c, 438). Ainsi, même si les catégories d’innocence et de culpabilité ne sont pas morales, mais esthétiques, ce sentiment est malgré tout perçu à travers l’ordre moral et non pas à travers le point de vue esthétique, ce qui explique le dialogue entre la Novia et la Madre à la fin de la pièce, d’un côté, et la distance entre le moi de la Novia et sa propre ipséité83, en tant que reconnaissance de soi-même à travers l’expérience, d’un

autre côté (Alonso Valero 2003, 481‑82).

NOVIA : Yo no quería, ¡óyelo bien ! ; yo no quería. ¡Tú hijo era mi fin y yo no lo he engañado, pero el brazo del otro me arrastró como un golpe de mar, como la cabezada de un mulo, y me hubiera arrastrado siempre, siempre, siempre, aunque hubiera sido vieja y todos los hijos de tu hijo me hubiesen agarrado de los cabellos! (Entra una Vecina.)

MADRE : Ella no tiene la culpa, ¡ni yo! (Sarcástica.) ¿Quién la tiene, pues?84

Dans le cas de Mariana, le sentiment de culpabilité est absent, sauf au moment où elle fait référence à l’« abandon » de son devoir de mère pour être au côté de Pedro et faire honneur à la justice, comme le démontre ses propos : « Yo bordé la bandera por él. Yo he conspirado para vivir y amar su pensamiento propio. Más que a mis propios hijos y a mí misma le quise » (García Lorca 1996h, 168). Elle reste fidèle à elle-même, à ses principes et à ses sentiments jusqu’à la fin. Mariana ne peut succomber aux avances de Pedrosa, qui lui promet la vie sauve si elle dénonce les conspirateurs. Il lui offre deux possibilités en affirmant : « mía o muerta » ou encore « me querrás porque te doy la vida » (García Lorca 1996h, 145). Le message est clair : ou bien elle les dénonce ou c’est l’exécution. Sa réponse est encore plus catégorique : jamais elle ne trahira Pedro et les siens. Pour elle, aucune menace ne peut compenser le manque d’honneur et d’amour propre. L’honneur, la fidélité à Pedro et à la liberté

82 Alonso Valero, E. (2003). La nueva manera espiritualista de Federico García Lorca. Thèse de doctorat.

Grenade : Universidad de Granada, 488.

83 Paul Ricœur, dans son ouvrage de 1990 Soi-même comme un autre. Paris : Seuil, développe la notion d’ipséité.

Il s’interroge sur la question de l’identité en analysant les notions de « même » et d’ « autre ».

84 García Lorca, F. (1996). « Bodas de sangre ». In Federico García Lorca, Federico García Lorca. Obras completas, 2. Teatro, Barcelone : Galaxia Gutenberg, 472.

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la feront résister face à l’injustice de la société, allant jusqu’à payer sa loyauté avec la mort : « que me cuesta dolor, pero con honra » (García Lorca 1996h, 146). Perlimplín lui aussi est fidèle à lui-même, à ses principes et non pas à la morale de la société, selon ses dires « ya est[á] fuera del mundo y de la moral ridícula de las gentes » (García Lorca 1996a, 257). Il s’oppose au monde et à sa servante, Marcolfa, qui, comme La Poncia, veut travailler dans un foyer décent et non pas dans une maison où le mari encourage « el peor de los pecados » (García Lorca 1996a, 259) chez son épouse. C’est ce concept de « fidélité à soi-même » qui touche aussi les figures d’Adela et la Novia, car toutes deux défendent leur honneur, non pas comme inquiétude pour l’opinion publique, mais comme loyauté envers leurs propres convictions et idéaux. Il s’agit de l’honneur mais vu à travers le prisme de l’amour (Frazier 1973).

Néanmoins, dans le cas de La Novia, à la fin de l’œuvre, l’honneur en tant que réputation reprend le dessus, soulignant le fait qu’elle n’a pas cédé à la tentation : elle a fui avec Leonardo mais sa virginité, c’est-à-dire son honneur, est restée intacte. Elle affirme face à la Madre « Que quiero que sepa que yo soy limpia, que estaré loca, pero que me pueden enterrar sin que ningún hombre se haya mirado en la blancura de mis pechos » (García Lorca 1996c, 472) et qu’elle peut l’accuser de tous ses maux et se venger comme elle l’entend, mais elle n’a pas le droit de remettre en cause son honneur : « Honrada, honrada como una niña recién nacida. Y fuerte para demostrártelo. Enciende la lumbre. Vamos a meter las manos ; tú por tu hijo ; yo, por mi cuerpo. La retirarás antes tú » (García Lorca 1996c, 473). Il en est de même pour la Zapatera qui a préservé son honneur lors de l’absence de son mari, en dépit des nombreuses propositions qu’elle a reçues et qu’elle a toujours refusées. Elle protège sa vertu en toutes circonstances face aux adversités. En effet, elle refuse les avances de l’Alcalde, de don Mirlo et du Mozo en clamant haut et fort : « Yo guardo mi corazón entero para el que está por estos mundos, para quien debo, ¡para mi marido! » (García Lorca 1996g, 232). Comme les autres femmes des œuvres de Lorca, elle reste fidèle à elle-même peu importe les difficultés qu’elle doit traverser, car « nunca se rinde la que, como yo, está sostenida por el amor y la honradez. Soy capaz de seguir así hasta que se vuelva cana toda mi mata de pelo » (García Lorca 1996g, 235).

Ce concept d’honneur n’est pas sans rappeler celui de Calderón. Dans ses œuvres, la préservation de l’honneur repose sur la fille ou la femme. Ainsi, nous sommes faces à des femmes qui sont continuellement surveillées et enfermées, vivant sous la menace de la figure masculine qui a déposé en elles son honneur. La seule manière de récupérer un honneur bafoué est à travers la vengeance : par la mort de l’amant et celle de la femme (Losada 1993). Ici encore, nous voyons distinctement le poids de la tradition machiste qui revendique la fidélité et la pureté de la femme, qui ne peut appartenir qu’à un seul homme. Cette double morale s’est reflétée dans la loi espagnole jusqu’à récemment et punissait bien plus fermement les femmes adultères que les hommes infidèles. La femme a intégré cette double morale et respecte les obligations qui en découlent, car sa survie en dépend, étant donné qu’aucune entorse à ces règles ne pourrait être pardonnée.

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C’est ce concept d’honneur compris aveuglément, associé à une Bernarda intransigeante, sans états d’âme et ignorante, qui sera le déclencheur de la tragédie, tout comme dans Yerma, où le drame a également pour cause le respect de cet honneur. Le respect profond que Yerma, malgré sa conduite étrange, voire maniaque, ressent envers les conventions sociales et l’honneur l’empêchera de chercher dans un autre homme l’enfant tant désiré ce qui aurait pu la sauver de cette fin tragique. Face à María elle avoue que, même si un autre homme lui plaisait, « lo primero de mi casta es la honradez. Son piedras delante de mí » (García Lorca 1996j, 507). Bien qu’elle n’aime pas son mari, c’est lui seul qui peut lui donner l’enfant tant désiré. Elle n’ira jamais contre ses principes d’honneur et de vertu. En effet, elle affirme : « No lo quiero, no lo quiero, y, sin embargo, es mi única salvación. Por honra y por casta. Mi única salvación » (García Lorca 1996j, 513). C’est pourquoi elle repousse les avances de la Vieja à deux reprises qui voudrait qu’elle abandonne son mari pour son fils, ce à quoi elle répond fermement : « Calla, calla. ¡Si no es eso! Nunca lo haría. Yo no puedo ir a buscar. ¿Te figuras que puedo conocer a otro hombre? ¿Dónde pones mi honra? » (García Lorca 1996j, 523). Elle suit ses propres normes de conduite, ce qui conduit à la destruction de Juan, unique échappatoire face au respect de son honneur et amour propre.

Cependant, bien que cette vision de l’honneur reflète un concept clairement machiste, étant donné qu’il ne concerne que les femmes, celles-ci suivent ces préceptes avec fierté et orgueil. Préserver leur honneur intact est la preuve de leur vertu et leur valeur. Elles montrent à elles-mêmes et au monde qu’elles sont dignes de respect. Bien que les circonstances soient différentes, les femmes de La ciudad

sitiadas’attachent désespérément à ce concept pour pouvoir survivre. Elles canalisent toute leur énergie

vers un seul et unique objet : l’honneur. Ici, l’honneur ne veut pas dire la préservation de la chasteté, mais la préservation de la vie. Ces femmes sont obligées de vivre des moments monstrueux pour pouvoir survivre et alimenter leurs enfants : elles se prostituent, mettant de côté leur dignité. En effet, l’une d’entre elles explique que « La dignidad está para cuando las cosas abundan. / Para comer hay que guardarse la dignidad en el bolsillo » (Ripoll 2003c, 30). Malgré les humiliations qu’elles subissent, elles restent fières, car elles sont tournées vers le futur, dans le but de pouvoir donner un avenir à leurs descendances : « Por mí no me atrevería a molestarlo. / Yo aguanto / ¿sabe? / Soy fuerte como una mula de carga. / Pero el niño… / el niño no entiende / y es tan frágil… » (Ripoll 2003c, 15). Faisant preuve d’une immense force de caractère, c’est paradoxalement grâce à l’honneur qu’elles peuvent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour survivre à ces atrocités et donner un futur à leurs enfants (Rovecchio Antón 2015b).

Ainsi, nous pouvons voir que la thématique de l’honneur n’est pas seulement un concept ancien qui pesait sur les femmes du début du siècle, mais il s’agit d’un précepte qui garde toute sa pertinence

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aujourd’hui. Dans El día más feliz de nuestra vida, dans sa deuxième version85, la préservation de

l’honneur incombe aux filles. La mère des triplées n’apparaît à aucun moment sur la scène, ce qui ne l’empêche pas d’être toujours liée aux sentiments de faute et de responsabilité, tous deux menacés par le déshonneur. Leurs actes, aussi bien lors dans leur enfance qu’à l’âge adulte, s’orientent vers la défense de cet honneur par la protection de la figure maternelle. Ainsi, le sacrifice de Marijose enfant (« Rebánate un dedo del pie con un cuchillo » [Ripoll 2001, 157]) et celui qu’elle fait à l’âge adulte en acceptant de se marier, ne sont motivés que par la peur des conséquences négatives que pourraient avoir ses actes sur la famille. Ses sœurs l’ont convaincue que les péchés d’un membre de la famille ont des répercussions sur le reste de la famille. En effet, Marijose s’interroge : « si yo hago un pecado es como si lo hicieran nuestros padres » et par conséquent « por mi culpa nuestros padres van a ir al infierno » (Ripoll 2001, 156). De la même manière, quand le père est mentionné il est aussi lié à la défense de l’honneur de la femme. Dans ce cas, il s’agit de l’honneur de sa fille qu’il doit protéger afin de ne pas salir sa réputation et celle de sa famille (Avilés Diz 2014). Ainsi, on voit ici l’importance que la défense de l’honneur a encore aujourd’hui dans la société espagnole. L’omniprésence de cette valeur nous pousse à affirmer que même si l’affrontement, auquel on assiste dans La casa de Bernarda Alba, entre, d’une part,

La mère, représentante de la collectivité conservatrice de la vieille tradition sociale espagnole [et] d’autre part, les filles et les servantes qui forment une unité homogène, représentantes de la nouvelle génération qui cherche un avenir distinct et un sentiment de liberté, de revendication pour une société qui vit selon le modèle du siècle d’Or en plein XXe siècle86

est toujours d’actualité dans cette culture espagnole demeurée statique depuis des siècles, la nouvelle génération est tout aussi coupable que ses ancêtres de cette immobilité. C’est parfois elle qui s’oppose clairement à ce que cette société change, reproduisant les modèles traditionnels en s’appropriant les valeurs de cette Espagne archaïque.

Bernarda et ses filles, ainsi que la Madre, Yerma, la Zapatera ou plus récemment Marijose, constituent le reflet de la pensée de la société espagnole de l’époque soumise aux lois et règles de l’honneur et qui perdure encore actuellement. La préservation de l’honneur n’est pas uniquement un acte personnel et privé, mais est interprétée publiquement. Comme nous allons le voir, l’opinion

85 La compagnie Alquibla Teatro, en 2005, a voulu mettre en scène cette œuvre datant de 2001 et qui fait partie du

projet La noticia del día (projet dirigé par Jorge Huertas et Inmaculada Alvear, où des dramaturges argentins, mexicains et espagnols ont dû écrire une pièce en rapport avec un évènement qui a eu lieu l’année de leur