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sociales récentes

1.1.3. Les relations parents-professionnels dans le cadre de la protection de l’enfance cadre de la protection de l’enfance

1.2.1.2. L’essor des approches biographiques en sociologie et démographie

A partir des années 1970 et 1980, différentes disciplines des sciences humaines et sociales développent un intérêt pour l’étude des parcours de vie et leurs relations avec les conditions sociales et historiques. On peut citer entre autres la théorie des parcours

de vie (life course theory) élaborée par Elder, qui va largement influencer les différentes

approches biographiques (Elder, 1998). Cinq principes structurent la théorie des

9 Pour pallier cette difficulté, de nombreuses recherches tentent de coupler l’approche épidémiologique avec une approche que l’on nommera, suivant les disciplines, qualitative, biographique, clinique, en tout cas davantage centrée sur le sujet, ses perceptions et ses ressentis, qu’il s’agisse d’évaluer le bien-être et le fonctionnement psychologiques d’ex-enfants placés (Coppel & Dumaret, 1995) ou le vécu psychique d’ex-enfants guéris d’une affection cancéreuse (Oppenheim, 1996).

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parcours de vie : le principe de la vie entière ((life-span dévelopment), le principe

« d’agentivité » (agency), le principe du temps historique ((time and place), le principe

de la temporalité (timing) et le principe d’interdépendance (linked lives) (Elder,

Johnson, & Corsnoe, 2004). Selon ces principes, le développement humain est un processus qui dure tout au long de la vie et ne s’arrête pas à la fin de l’enfance ou de

l’adolescence. La capacité d’agency (traduit en français par pouvoir d’agir, ou

« agentivité ») renvoie au fait que les individus ont la capacité de construire leurs trajectoires au moyen de choix et d’actions balisées par des opportunités et des contraintes sociales et historiques. De plus, les trajectoires individuelles sont ancrées dans des contextes historiques et géographiques qui les influencent. Dans ce contexte, la temporalité spécifique d’une vie fait en sorte que les conséquences des transitions, des événements et des comportements varient en fonction du moment où ils se produisent dans la vie de l’individu. Enfin, les vies individuelles sont interdépendantes, formant du coup des réseaux de relations soumis également aux influences sociales et historiques (Molgat, 2011).

Pour Elder, un parcours de vie est structuré par de multiples séquences de rôles sociaux, appelées également trajectoires. Entre ces séquences interviennent des transitions, qui entraînent des changements de statuts et d’identité sociale et personnelle. Un individu occupe souvent plusieurs rôles sociaux en même temps (par exemple, parent et travailleur) et il est important de considérer les interrelations entre ces différentes dimensions du parcours de vie. La compréhension de ces trajectoires et de ces transitions fait donc intervenir à la fois le temps historique et l’action de l’acteur. Dans la conception d’Elder, le parcours de vie a ainsi une signification à la fois individuelle et collective. Il est le reflet de la rencontre entre des structures sociales à un temps donné et la subjectivité et les choix de l’individu. L’histoire peut ainsi être exploitée comme une expérience proposée par la nature, en comparant des groupes soumis et non soumis à un événement historique donné (Elder, 1998).

Dans la lignée de ces approches, des méthodes démographiques spécifiques vont se développer. En effet, si l’analyse de données longitudinales est classique en démographie, jusqu’aux années 1970 il s’agissait surtout d’observer des phénomènes déterminés sans prendre en compte des effets de trajectoires. A partir du début des années 1980, l’analyse démographique des biographies (aussi appelée « analyse de

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survie » ou « event history analysis » en anglais) tente d’articuler différentes dimensions des parcours des individus dans une perspective diachronique, afin de comprendre les interactions entre différents domaines de la vie des individus (par exemple, les

événements familiaux, migratoires et professionnels) : « l’unité d’analyse ne sera plus

l’événement (décès, mariage, naissance, migration, etc.) mais la biographie individuelle, considérée comme un processus complexe. Il ne s’agit plus maintenant de chercher à isoler chaque phénomène à l’état pur, mais, au contraire, d’essayer de voir comment un événement d’une existence peut influer sur la suite de la vie de l’individu et comment certaines caractéristiques peuvent pousser un individu à se comporter

différemment d’un autre. » (Courgeau & Lelièvre, 1989, p. 2). Il s’agit d’une approche

probabiliste, qui tente d’observer l’influence de différents événements les uns sur les autres dans la suite de la trajectoire : par exemple, la probabilité que le mariage entraîne tel événement de la carrière professionnelle. L’analyse n’est donc pas déterministe puisque l’événement considéré comme le plus probable pourra se réaliser ou non, mais permet de comprendre l’interaction entre différents systèmes d’appartenance dans la construction de la biographie d’un individu.

L’enquête « triple biographie » menée par l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) en 1981 est la première enquête permettant de recueillir les

données nécessaires pour mener une analyse démographique des biographies10. Au

cours des années 1980 et 1990, les modèles d’analyse statistiques permettant d’observer les durées et les liaisons d’événements entre eux se sont donc développés. Toutefois, du fait de la lourdeur des calculs statistiques et des programmes nécessaires, ils sont restés confinés à quelques secteurs de la démographie (Lelièvre & Bringé, 1998). Depuis le début des années 2000, les outils d’analyse quantitative des parcours et des trajectoires deviennent plus accessibles et commencent à faire l’objet d’un nouvel intérêt des chercheurs dans l’ensemble des sciences sociales (Degenne, 2001).

L’analyse démographique des biographies permet de prendre en compte les parcours dans une perspective quantitative et s’inscrit dans le courant plus général de

10 Il s’agit d’une enquête nationale rétrospective (voir infra, p. 63), qui porte sur la vie familiale, professionnelle et migratoire des personnes âgées de 45 à 69 ans, dont les outils sont consultables sur le site de l’INED (http://grab.site.ined.fr/fr/enquetes/france/enquete_3b/).

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l’analyse des biographies en sciences humaines (Courgeau & Lelièvre, 1989). Dans ce contexte, d’autres approches tentent de comprendre la part que le sujet prend par ses choix et ses actes à la construction de son parcours avec le développement de ce que Dubar nomme « les sociologies de l’identité sociale » (Dubar, 2008).

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