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Les index composites et la difficile articulation entre dimensions objectives et subjectives objectives et subjectives

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1.3.2.2. Les index composites et la difficile articulation entre dimensions objectives et subjectives objectives et subjectives

Les index composites se situent clairement dans la tradition des indicateurs sociaux. Développés par des chercheurs, mais souvent dans le cadre de commandes d’institutions nationales ou internationales, ils poursuivent en général un double objectif de production de connaissances mais aussi d’aide à la définition de politiques publiques (Bradshaw, Hoelscher, & Richardson, 2007; Land et al., 2007; Fernandes et al., 2012; UNICEF, 2013).

La plupart des index du bien-être des enfants ont été développés dans le courant des années 2000. Suivant les outils recensés, les dimensions et les indicateurs choisis peuvent varier ; on retrouve toutefois fréquemment des domaines proches. Ces index se veulent composites, reconnaissant ainsi la multidimensionnalité du bien-être, et cherchent à prendre en compte (souvent encore très timidement, pour des raisons épistémologiques mais aussi de faisabilité) les dimensions objectives et subjectives. Ils

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sont encore rares, et relativement imparfaits aux dires mêmes de leurs concepteurs (Bradshaw & Richardson, 2009; Land et al., 2007).

L’un des premiers outils composites reconnus est l’Index of Child and Youth

Well-Being in the United States développé par Land et alii (Land, Lamb, & Mustillo, 2001).

Il est constitué de 28 indicateurs répartis en sept domaines. Ceux-ci ont été identifiés à partir d’une analyse de la littérature de la qualité de vie des adultes. Ils comportent le bien-être matériel (taux de pauvreté, revenus et emploi), la santé (taux de mortalité et santé personnelle), les relations sociales (taux de familles monoparentales, évolution des situations familiales), la sécurité et les comportements à risque (par exemple les addictions), les résultats scolaires, la place dans la communauté et le bien-être spirituel et émotionnel (comprenant le taux de suicide et des indicateurs des comportements religieux). En 2007, 16 nouveaux indicateurs ont été ajoutés, en conservant les mêmes dimensions (Land et al., 2007). Aucun des indicateurs retenus ne fait appel directement à la parole des sujets, les données étant agrégées sur la base de données déjà disponibles dans les statistiques nationales.

Un autre index bien reconnu est le Child Well-Being Index for the European Union,

développé par Bradshaw (Bradshaw et al., 2007; Bradshaw & Richardson, 2009). Il comprend 23 dimensions, regroupées en 8 clusters : situation matérielle, conditions de logement, santé, bien-être subjectif, éducation, relations avec la famille et les pairs, participation civique, comportements et risques. D’autres index ont été développés,

comme le Microdata Child Well-being Index aux Etats-Unis (Moore et al., 2008) ou le

Deprivation Index au Portugal (Bastos & Machado, 2009). Les dimensions qui

reviennent quasiment systématiquement sont le bien-être matériel, l’éducation, la santé, les relations sociales et familiales, les comportements et les risques et dans une moindre mesure le bien-être subjectif.

Ces outils composites ont l’intérêt de permettre de suivre la situation des enfants sur plusieurs dimensions, dans différents contextes nationaux, sans s’arrêter simplement au taux de pauvreté des enfants par exemple. Néanmoins, leurs modalités de construction et d’agrégation des données ont fait l’objet de nombreuses critiques. En effet, ils agrègent des données issues de sources très variables. De plus, la définition des dimensions pertinentes est rarement issue d’une perspective centrée sur l’enfant, malgré

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l’inscription théorique de leurs auteurs, et l’interaction entre les différentes dimensions est peu discutée. Enfin, lorsque ces index accordent une place aux données subjectives, celle-ci reste faible et peu articulée avec les autres dimensions (Fernandes et al., 2012).

De ce point de vue, l’évolution de la présentation du bien-être global des enfants par le Centre de recherche de l’UNICEF est tout à fait éclairante. Lors du premier Bilan Innocenti consacré au bien-être des enfants dans les pays riches, les dimensions proposées du bien-être global étaient les suivantes : bien-être matériel, santé et sécurité, bien-être éducationnel, relations avec la famille et les pairs, comportements et risques, bien-être subjectif (UNICEF, 2007). Le fait de faire du bien-être subjectif une dimension parmi d’autres du bien-être global avait été largement critiqué.

Le dernier Bilan Innocenti publié en avril 2013 affirme aujourd’hui une position différente. Les mesures de bien-être objectives sont une construction des adultes ; elles donnent néanmoins des indications précises de ce que vivent les enfants et montrent l’implication d’une société à fournir le support nécessaire au bon développement des enfants. Ces mesures se situent donc plutôt du côté du « bien devenir » et reflètent les

préoccupations des adultes en termes de « becoming ». Les mesures de bien-être

subjectif et en particulier les mesures de la satisfaction de vie montrent quant à elles ce que les enfants ressentent dans leur vie actuelle et se situent du côté du présent, dans une approche centrée sur l’enfant (UNICEF, 2013).

Les dimensions objectives mesurées ont légèrement évolué : on retrouve le bien-être matériel, la santé et la sécurité, le bien-bien-être éducationnel et les comportements et risques. La dimension « logement et environnement » a été ajoutée, alors que les relations avec la famille et les pairs sont aujourd’hui traitées avec le bien-être subjectif, puisque leur mesure repose sur des évaluations subjectives. Ces mesures subjectives

sont issues de l’enquête « Health Behaviour in School-Aged Children » menée par

l’OMS (Currie et al., 2012).

Le bilan Innocenti affirme à la fois la nécessité mais aussi les limites de

l’articulation de ces deux types de mesures : « il est clair que le bien-être subjectif

présente certaines similitudes avec les autres dimensions du bien-être des enfants tout en les dépassant. Par conséquent, il est préférable de le considérer comme une mesure

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La comparaison de la situation des différents pays sur les dimensions objectives et subjectives du bien-être montre des corrélations, mais également des divergences : si la plupart des pays du Nord de l’Europe montre une situation positive tant pour les mesures objectives que subjectives, alors que les pays de l’Est sont dans le bas du classement pour les deux types de mesures, les pays d’Europe du Sud sont plutôt dans le bas du classement pour les mesures objectives, mais remontent largement par rapport aux dimensions subjectives.

La prise en compte de la dimension subjective du bien-être semble indispensable pour l’ensemble des chercheurs du champ (Casas et al., 2004) ; néanmoins, son articulation avec des dimensions objectives reste difficile et les difficultés méthodologiques de sa mesure sont également importantes.

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