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sociales récentes

1.3.1. L’évolution historique des concepts de bien-être et de qualité de vie et de qualité de vie

1.3.1.2. L’étude du bien-être subjectif en psychologie

Dans une perspective assez proche du mouvement des indicateurs sociaux, dès les

années 1970, Campbell et ses collaborateurs tentent dans l’ouvrage The quality of

american life de comprendre le lien entre conditions matérielles et perceptions

subjectives des américains sur leur vie. On constate ainsi dès cette époque, une volonté de croisement entre apport des psychologues et théorisations des économistes. Campbell distingue alors les notions de qualité de vie et de bonheur, en rattachant la qualité de vie

à la notion de satisfaction. La qualité de vie est définie comme « l’écart perçu entre les

attentes et la situation, qui varie de la perception d’une satisfaction (fulfillment) à celui d’une carence (deprivation). La satisfaction implique un jugement ou une expérience

cognitive tandis que le bonheur renvoie à un vécu émotionnel ou affectif. » (Campbell,

Converse & Rodgers, 1976, cité par Rolland, 2000.)

Se basant sur un grand nombre d’entretiens, Campbell essaie de déterminer les bases qui fondent le jugement sur la satisfaction de vie : il s’agit d’une part de la comparaison avec autrui et d’autre part de la comparaison avec ce que l’on espère. Différents domaines entrent dans l’évaluation de la satisfaction de vie, notamment les facteurs matériels (conditions de vie, possession), relationnels (famille, amis) et sociaux (travail, loisirs…). Campbell s’inscrit dans la perspective de la psychologie humaniste et utilise la pyramide des besoins de Maslow pour analyser ces différents domaines de la qualité de vie.

A partir des années 1980, les travaux de Diener sur le bien-être subjectif permettront de mieux comprendre la structure de celui-ci. Pour Diener, le bien-être subjectif est un vécu personnel et n’est pas réductible à l’absence de facteurs négatifs mais inclut également des composantes positives (Diener, 1984). Cette idée a été

Claire GANNE – Le devenir des enfants accueillis en centre maternel – Université Paris Ouest Nanterre la Défense 78

particulièrement reprise par le champ de la psychologie positive, qui a connu un fort développement et une influence théorique croissante au cours des deux dernières décennies, se donnant pour projet l’étude scientifique des facteurs qui permettent aux individus et aux sociétés d’aller bien (Seligman & Csikszentmihalyi, 2000). Cette idée traduit un renversement de tendance important, puisqu’historiquement les chercheurs se sont centrés sur les signes de mal-être et la recherche rétrospective des causes de ces difficultés.

A partir des années 1980-1990, à la suite des premiers travaux de Campbell, mais surtout à partir de ceux de Diener, il existe un consensus pour considérer que le bien-être subjectif comporte des composantes cognitives (l’évaluation qu’un individu fait de sa propre vie, en général par comparaison avec les autres et en fonction de ses attentes) et des composantes émotionnelles (la part des affects négatifs et positifs ressentis par l’individu) (Diener, 1984; Diener, Suh, Lucas, & Smith, 1999; Rolland, 2000 ; Land et al., 2007). L’ensemble de ces éléments peut être ensuite décomposé en différents domaines (dimensions de la satisfaction de vie, émotions vécues dans les affects positifs et négatifs…) (Rolland, 2000).

Dans cette perspective, la qualité de vie (la formule est plus explicite en anglais

qu’en français, puisqu’on parle de perceived quality of life) est considérée comme la

composante cognitive du bien-être subjectif, c’est-à-dire l’évaluation interne par l’individu de la qualité de sa vie dans son ensemble et dans des domaines spécifiques de l’existence. On parle également de satisfaction de vie (Huebner, 2004).

De très nombreux instruments d’évaluation du bien-être subjectif ont été développés. Les plus utilisés sont des instruments ne comprenant qu’une seule question ou qu’une seule échelle, ce qui rend leur usage facile dans le cadre de grandes enquêtes quantitatives. Ces instruments portent en général sur la qualité de vie, donc l’évaluation cognitive faite par l’intéressé lui-même. Ainsi, l’échelle de Cantril comprend une

question17 et une échelle numérique allant de 0 à 10 (Cantril, 1967, cité par Bouffard &

Lapierre, 1997). Elle a été utilisée dans de nombreuses enquêtes, notamment par

17 « Voici une échelle. Supposons que le haut de l’échelle représente la meilleure vie possible pour vous et le bas représente la pire vie possible pour vous. Sur cette échelle, à quel endroit vous situez-vous en ce moment ? Et il y a 5 ans ? Et dans 5 ans ? »

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l’Organisation Mondiale de la Santé. L’échelle de satisfaction de vie, développée par Diener, mesure également la dimension cognitive du bien-être en cinq items (Diener, Emmons, Larsen & Griffin, 1985). Concernant la mesure des composantes émotionnelles du bien-être subjectif, on peut citer les échelles d’affect positif et d’affect négatif de Watson qui proposent à l’individu d’indiquer la fréquence à laquelle il éprouve les différentes émotions, positives et négatives, citées (Watson, Clark & Tellegen, 1988).

S’il existe un consensus sur les composantes du bien-être subjectif, il existe par contre un débat sur les modèles de compréhension des déterminants de celui-ci. Les théories « bottom-up » considèrent que le bien-être subjectif est la résultante des événements et des conditions de vie, alors que la perspective « top-down » estime que les individus ont une disposition stable à interpréter les événements de leur vie et à y réagir de manière favorable ou défavorable (Rolland, 2000). Le sens de la relation de causalité est difficile à tester. Selon Rolland, les quelques recherches qui se sont basées sur des études longitudinales pour tester les modèles concluent finalement à des relations de causalité réciproque. Si la plupart des recherches montrent que des dimensions de personnalité, stables dans le temps, comme l’extraversion et le névrosisme, sont corrélées avec le bien-être subjectif dans ses composantes cognitives et émotionnelles, l’impact du contexte sur le bien-être subjectif des individus reste mal connu. La limite des études transversales sur le lien entre bien-être subjectif et événements de vie est soulignée régulièrement, ainsi que la nécessité de mettre en place des études longitudinales pour mieux comprendre ces liens (Rolland, 2000 ; Diener, 2012).

Face à ce constat, sans réellement trancher le débat pour l’instant, les recherches sur le bien-être subjectif au cours des années 2000 se sont particulièrement intéressées aux différences interculturelles dans les déterminants du bien-être (Diener, 2012). Elles ont mis en évidence des déterminants invariants du bien-être subjectif, comme la satisfaction des besoins de base, le sentiment du soutien social et la personnalité. Néanmoins, toutes les sociétés ne mettent pas en avant les mêmes valeurs et les caractéristiques personnelles davantage liées au bien-être ne sont donc pas les mêmes en fonction des contextes nationaux. Par exemple, les émotions individuelles sont plus prédictives du bien-être dans les sociétés individualistes, alors que c’est la vie sociale

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qui sera plus prédictive dans les sociétés fondées sur une culture plus collective. De la même manière, la religion est davantage liée au bien-être lorsque l’on vit dans une société très religieuse. En dehors des pays industrialisés, où l’on a observé un décrochage entre niveau de vie et satisfaction de vie, le niveau de revenu d’une nation semble bien lié au niveau de l’évaluation de la satisfaction de vie, même si elle ne la prédit pas totalement. Ainsi, les pistes de recherches actuelles concernent donc à la fois les déterminants universels du bien-être subjectif et le rôle de l’adéquation entre la personne et son contexte social et culturel. (Diener, 2012).

Cette prise en compte croissante des contextes de vie a, elle aussi, favorisé le rapprochement avec les économistes et les sociologues travaillant sur les indicateurs sociaux, puisque les mesures de bien-être subjectif peuvent donner des indications pertinentes sur les sociétés dans lesquelles les individus évoluent et les choix politiques possibles.

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