Les espaces d’engagement constitutifs de l’éthos professionnel des coordinateurs
1- L’espace d’engagement de la communauté centre social
Les transmissions associées à l’espace de la communauté centre social se déclinent en trois axes selon la nature des savoirs « à transférer » (Cuche et al., 2012) ; elles impliquent communément la présentation du projet associatif, les informations relatives aux règles de fonctionnement et les communications sur la vie associative. Elles se réalisent de façon invariante au moment du recrutement et s’organisent ensuite lors de temps formalisés tels que séminaires ou instances de concertation.
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Communauté centre social (Transmissions)
Savoirs « à transférer » Moments privilégiés
Projet associatif (valeurs) Savoirs de niveau politique -Entretien de recrutement -Séminaires annuels
Règles de fonctionnement Savoirs de niveau technique -Entretien de recrutement (charte d’engagement)
-Temps collectifs de régulation
Vie associative Savoirs de niveau stratégique -Entretien de recrutement (info) -Temps festifs
-Instances de concertation
Tab. 7 : Les savoirs « à transférer » de la communauté centre social
1-1Des savoirs « à transférer »
Les savoirs « à transférer » impliquent le coordinateur dans une fonction de transmission des valeurs fondatrices de la structure associative dans laquelle le bénévole exprime le souhait de s’investir. Les moments privilégiés de ces transmissions sont associés à des espaces formalisés dans et par l’institution.
1-1-1 La présentation du projet associatif
Les coordinateurs évoquent spontanément la place qu’occupe la communauté centre
social dans leurs pratiques de recrutement : « Je présente d’abord le centre, les valeurs
du centre…J’explique un peu ce qu’on attend d’un bénévole et ce qu’un bénévole est en droit d’attendre de nous »55. L’entretien de recrutement permet ainsi de préciser la nature du
positionnement attendu dans le respect de ces valeurs : « On est déjà effectivement dans
ce positionnement-là d’accueil mais on est dans cette dimension de respect d’autrui, d’égalité vis-à-vis des gens qui ont besoin à un moment soit d’accueil, soit de cours »56.
55 Stéphanie.
153 Parfois, l’espace centre social est investi à l’occasion de rencontres annuelles
permettant de réunir l’ensemble des bénévoles de la structure : « On organise un
séminaire pour les bénévoles à la rentrée. Donc le matin, c’est un truc global sur le centre social…et l’après-midi, chaque activité propose une formation »57.
1-1-2 Les informations relatives aux règles de fonctionnement
La question principale qui se pose, en termes de communication sur les modalités de fonctionnement de la structure, est la présence (ou non) d’une charte d’engagement qui donne à voir ce que la structure engage d’une forme de contractualisation. Pour Paul (2004), la pratique de la contractualisation permet de ritualiser l’action en se situant comme un tiers entre l’institutionnel et l’interpersonnel. Or la pratique de la charte d’engagement, comme les autres outils destinés à poser un cadre à l’accueil des bénévoles, est réalisée de façon différente selon les centres. Dans un centre, elle n’existe pas malgré l’amorce d’une réflexion sur la collaboration entre salariés et
bénévoles à l’échelle du centre social : « On a déjà fait un travail de réflexion autour de
la question de l’engagement et je pense qu’il faudrait que ça débouche sur une charte d’engagement qui garantisse aussi au bénévole son accueil et sur ce que la structure s’engage aussi auprès du bénévole pour pouvoir faire son activité dans de bonnes conditions »58. Dans un autre centre, le coordinateur s’appuie sur un document qu’il ne
fait pas signer : « C’est marqué ‘signature’ mais c’est un engagement réciproque »59.
Le moment privilégié associé à la formalisation de l’engagement est le premier
entretien qui précise les enjeux liés à la régularité : « Je parle de l’engagement en
termes de régularité »60. Cet entretien donne un cadre de fonctionnement, tant du point
de vue de la ‘qualité’ attendue : « On attend des bénévoles du temps, de la qualité »61 que
des règles d’entrée dans une structure associative : « On ne vient pas juste pour se faire
plaisir, on entre dans une association, on entre dans un cadre »62.
57 Emilie. 58 Julie. 59 Stéphanie. 60 Sandra. 61 Julie. 62 Stéphanie.
154 Des temps de régulation se réalisent lorsque des difficultés apparaissent. Ces difficultés peuvent concerner la régularité de l’engagement mais également les valeurs défendues au niveau de la structure en termes de positionnement à l’égard des publics : « Oui en collectif d’en parler pour que tout le monde ait le même niveau d’information et qu’effectivement les choses auxquelles il faut se raccrocher c’est la pédagogie qui doit permettre d’éviter d’être dans ce positionnement-là »63. Ces régulations peuvent prendre la forme de réunions permettant au coordinateur d’accompagner les
bénévoles dans l’analyse de leurs pratiques d’accueil et d’animation : « En réunion, je
dis c’est vous les garants de répondre aux besoins des apprenants. Il faut que vous soyez en capacité de re-questionner déjà votre technique d’animation aussi »64.
1-1-3 Les communications sur la vie associative
Les transmissions s’articulent autour des temps forts de la vie associative comme le pot des bénévoles ou les repas de quartier. Il peut s’agir de tout autre temps collectif : « Il y a tout un tas de choses comme ça, d’Animation globale, auxquelles on propose de participer »65. La dimension citoyenne du bénévolat est ainsi valorisée à l’échelle des structures et les bénévoles sont incités à s’investir dans les instances.
1-2 La communauté centre social : un répertoire de symboles
L’organisation temporelle des transmissions associées à la communauté centre social suit une chronologie qui permet d’en identifier les critères constitutifs (répertoire partagé, engagement mutuel et entreprise commune) dès le moment du recrutement. Les premières transmissions portent sur les valeurs du projet associatif (répertoire), elles s’engagent ensuite du côté de la contractualisation (engagement) pour se terminer par l’information sur les communications concernant la vie associative (entreprise commune). Cette même temporalité s’observe dans les moments d’accompagnement qui suivront l’entretien : des temps de suivi formel qui reposent d’abord sur le coordinateur pour s’élargir ensuite à l’ensemble de la communauté.
63 Julie.
64 Emilie.
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Répertoire partagé Engagement mutuel Entreprise commune
Communauté centre social Symboles-valeurs du projet associatif → Recrutement + suivi formel Contractualisation, chartes d’engagement → Recrutement + suivi formel
Participation aux instances, vie associative
→ Recrutement (info) + suivi formel élargi
Tab. 8 : Critères associés à la communauté centre social
La référence à la communauté centre social repose ainsi d’abord sur la transmission d’un répertoire partagé dont la dimension symbolique permet une mise en cohérence des discours. La transmission du répertoire implique une attention particulière lors du
recrutement : « Moi je suis regardante sur la qualité du bénévole quand même ; c’est aussi
la question de la place qu’il va pouvoir occuper dans le centre social et dans les cours auprès des adultes »66. La place qu’occupe le centre social dans le parcours du bénévole et la nature de sa motivation participent de cette même dynamique : « Comment ils nous ont connus ? Qu’est-ce qui les amène à se proposer ? »67.
L’engagement mutuel s’organise ensuite à travers la contractualisation de l’engagement bénévole permettant d’accompagner la pratique du centre social au
niveau des relations entre les acteurs : « Donc la question de l’engagement, de la durée
de l’engagement. Parce que c’est une activité où il faut le temps de comprendre l’activité, de ce qui se passe ; connaître les apprenants, connaître le reste de l’équipe, se faire sa place, être repéré »68. La référence au centre social constitue alors un appui pour inscrire l’accompagnement dans la durée.
La construction de l’entreprise commune apparaît sous l’angle d’une entreprise négociée qui passe par l’encouragement à s’associer aux instances et l’ouverture au cadre plus général porté par l’association.
66 Sandra.
67 Julie.
156 Le coordinateur puise alors dans le centre social, au sens d’une communauté de pratique élargie, pour accompagner la construction de l’engagement bénévole autour
des valeurs de référence qui permettront de renouveler le répertoire partagé : « Depuis
2 ans, il y a un certain nombre de bénévoles qui sont au CA…. Il y a la volonté du CA, du bureau, de faire en sorte que le CA soit une instance un peu plus ouverte »69.