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Un contexte de professionnalisation associative dans le champ de l’éducation populaire

2- L’animation d’une communauté d’apprentissage émergente

Nous proposons ici de restituer ce que les coordinateurs donnent à voir des contextes dans lesquels ils inscrivent leurs pratiques d’accompagnement (entretiens préparatoires), tant du côté des structures dans lesquelles ils exercent que des bénévoles qu’ils accompagnent. La fonction de tuteur-médiateur, déployée à l’articulation d’espaces institutionnels fluctuants et d’espaces d’aménagement des attentes bénévoles, engage dans ce contexte une conception de la médiation élargie au développement culturel.

2-1Des espaces institutionnels fluctuants

Le coordinateur d’activité ASL inscrit son accompagnement dans le contexte spécifique de son organisation, à la fois en référence aux valeurs d’éducation populaire qui guident le projet mais également en fonction des outils qui sont mis à sa disposition. Le cadre de l’accompagnement dépend ainsi de la politique de la

structure : « La politique ici c’est que l’on n’a pas de charte d’engagement »25.

25 Julie.

46 Or « Je pense qu’une charte d’engagement, un cadre qui garantisse aussi, que ce soit écrit noir sur blanc…On a besoin à un moment donné d’une reconnaissance de quelque chose »26. Certains coordinateurs posent ainsi la question des bénévoles parallèlement impliqués au conseil d’administration et du brouillage des statuts qui en découle : « Les bénévoles qui sont très investis y compris au CA… Il y a des relations de pouvoir qui se jouent »27. La fonction de coordination est rendue difficile quand la confusion est

entretenue entre les bénévoles ‘élus’ et les bénévoles dits ‘d’activité’ : « A un moment

donné, moi je suis responsable des bénévoles, mais celui qui est au bureau ou au CA, c’est mon employeur, donc là, il y a la question de la double casquette qui peut-être ambigüe »28.

La formalisation de l’accompagnement des bénévoles est différente d’une structure à l’autre ; elle peut être portée sur un plan institutionnel à travers la mise en place d’un certain nombre d’outils ou être laissée à l’appréciation du coordinateur. L’enjeu de

cette formalisation se pose parfois en termes d’attente : « Je trouve qu’il me manque

toujours, alors je ne sais pas s’il y a des recettes, des outils miracles, je ne pense pas, mais des façons de faire, des positionnements, des outils je pense en termes de méthodologie »29.

2-2Des espaces d’aménagement des attentes bénévoles

Un part importante du travail des coordinateurs repose sur la relation qui s’instaure avec les bénévoles. Or les équipes sont déjà souvent en place quand ils prennent leur poste : « La première année, j’ai fait avec une équipe qui avait déjà été recrutée et avec aussi une organisation des ateliers qui était différente »30. Cela rend difficile les prises

d’initiatives : « J’ai pris la suite de quelque chose qui était déjà bien installé, bien calé, et

qui du coup est d’autant plus difficile à faire bouger »31.

26 Julie. 27 Julie. 28 Stéphanie. 29 Julie. 30 Emilie. 31 Julie.

47

Les coordinateurs font face à une certaine volatilité de l’engagement : (Avant) « Les

gens prenaient un engagement, ils s’y tenaient, ils étaient réguliers ; on pouvait compter sur eux »32. Depuis plusieurs années, cela se traduit par des difficultés de recrutement : « C’est un peu compliqué, et surtout en bénévoles ASL par ce qu’en fait ça demande beaucoup plus : il y a le temps d’animation, c’est minimum 2 heures, et après il y a tout le temps extérieur sur la recherche de documents, sur la préparation des séances »33. La

disponibilité des bénévoles dépend de leurs profils : « On sait que les bénévoles qui vont

faire les cours du soir, ils seront moins disponibles pour se former »34. La diversification

des statuts est néanmoins recherchée notamment du côté des jeunes : « Cette année, il

y a beaucoup de jeunes. Je trouve que c’est bien parce que ça crée tout un dynamisme »35.

La participation des bénévoles diffère encore selon les profils : « Il y en a qui sont très

impliqués…soit qui sont déjà membres du CA, soit qu’ils vont bientôt se présenter… qui voudraient le faire mais qui ne peuvent pas parce qu’ils travaillent…Il y a tous les stades de la participation »36.

2-3Une fonction de tuteur-médiateur

La relation d’accompagnement engage les coordinateurs à l’articulation des espaces institutionnels (centre employeur) et des espaces individuels d’engagement bénévole. Le tutorat ne fait pas l’unanimité mais rend bien compte de la différence statutaire qui existe : « C'est une certaine relation d'inégalité, mais de fait, elle existe aussi, c'est vrai

que tu as le salarié qui est là tout le temps, le salarié qui a des compétences professionnelles, qui a de l'expérience et le bénévole qui est là une partie du temps, qui n'a pas forcément les compétences, et qui en général a moins d'expériences »37. Les coordinateurs chargés de l’accompagnement des bénévoles sont ainsi confrontés à des logiques de traduction d’un projet institutionnel inscrit dans les valeurs de l’éducation populaire et la rencontre avec un public bénévole plus ou moins demandeur d’une intervention à son égard et dont ils cherchent à susciter la participation.

32 Stéphanie. 33 Emilie. 34 Stéphanie. 35 Stéphanie. 36 Emilie. 37 Directeur 1.

48 « Au départ, on prend vraiment la gestion d’une équipe de bénévoles comme une ressource, des possibilités…Mais au fur et à mesure, on se rend compte que ça nécessite du cadre, de l’accompagnement, et justement du suivi… »38.

La gestion simultanée de ces espaces est propice au déploiement d’une fonction de tuteur-médiateur qui s’inscrit en référence à une forme de médiation dans le champ

du développement culturel : « En fait le bénévole ici apprend de l'expérience, il apprend à

la fois du public avec lequel il travaille, il apprend aussi des bénévoles avec lesquels il travaille et le tout est peut-être tutorisé. Tu vois, ce n'est pas le coordinateur qui lui apprend, qui fait descendre le savoir. C'est le coordinateur qui accompagne la découverte, l'expérimentation du bénévole petit à petit. Et cette acquisition de compétences du bénévole…mais le bénévole l'acquiert par l'action, par le public, et par ses pairs »39.

Dans les centres sociaux, les pratiques d’animation visent le changement social par l’actualisation d’un droit à la culture et à la citoyenneté. Cette dimension civique confère à la médiation une acception élargie au développement culturel d’une collectivité par la mise en commun des valeurs et l’invention de nouvelles solidarités (Lafortune, 2012). Les coordinateurs d’activité en centre social jouent des rôles d’interface entre les structures institutionnelles qui les emploient, les populations auxquelles ils s’adressent et les bénévoles dont ils vont rechercher la participation. Ils endossent des fonctions de tuteur-médiateur qui s’inscrivent dans une conception de la médiation culturelle entendue comme l’ensemble des pratiques qui donnent lieu à une expérience « esthétique » par l’aménagement du cadre et des moyens de

l’expression individuelle et collective : « des formes d’accompagnement

qui…peuvent conduire les personnes et les collectivités touchées à devenir acteurs de leur vie en adaptant certaines processus créatifs en réponse à des situations parfois problématiques » (ibid, p. 5).

38 Julie.

49 Synthèse

L’analyse des contextes dans lesquels se déploient les pratiques d’accompagnement de bénévoles montre les difficultés qui se posent aux centres sociaux quand il s’agit de ‘penser’ l’accompagnement (et la formation) des bénévoles et plus largement leur place dans les projets. L’accueil des bénévoles engage à la fois la question de la complémentarité avec les ressources salariés, l’enjeu de la qualité des interventions pour le public accueilli et la reconnaissance des projets personnels d’engagement. Les centres sociaux mesurent les enjeux inhérents à la formation des bénévoles tout en s’engageant dans des logiques différentes de formalisation. Les termes de recrutement, de formation et de compétences reviennent spontanément dans les entretiens menés.

Du côté des professionnels en charge de ces accompagnements, la question se pose du choix de la posture (Paul, 2004) considérant la diversité de leurs origines professionnelles qui empêche de caractériser un genre de métier. Dans un cadre de référence plus ou moins formalisé à l’intérieur duquel il ménage les attentes respectives de l’institution et des bénévoles, le coordinateur occupe une fonction de tuteur-médiateur qui se réalise au service d’une démarche d’éducation populaire. La conception de la médiation élargie au développement culturel (Lafortune, 2012) positionne ici le coordinateur dans une fonction d’accès à la compréhension d’un univers de références dont il attend que le bénévole se saisisse des codes pour participer pleinement aux projets.

A l’interface du tutorat et de la médiation, l’accompagnement des bénévoles peut être envisagé comme une relation culturelle médiatisée propice au développement professionnel du coordinateur.

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Chapitre 2

L’accompagnement des bénévoles :