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Les espaces d’engagement constitutifs de l’éthos professionnel des coordinateurs

2- L’espace d’engagement de la communauté d’activité ASL

Trois catégories de transmissions s’articulent à l’espace d’engagement de la communauté d’activité ASL : la formation sur le tas dédiée à la mise en route de l’activité, le suivi du déroulement de l’activité et son évaluation, l’acquisition de compétences via la formation. Les transmissions associées à cet espace se réalisent, même à titre d’information, lors de l’entretien de recrutement pour se poursuivre dans des temps dédiés à l’activité tels que la période de découverte ou les séances d’observation. Ces transmissions impliquent des formes de savoirs qui diffèrent selon le degré de formalisation des espaces d’accompagnement concernés.

Communauté d’activité ASL (Transmissions)

Savoirs « à formaliser » Moments privilégiés

Mise en route de l’activité : outils et savoirs transversaux

Espace plus ou moins formalisé

-Entretien de recrutement

-Période de découverte + bilans

-Tuilage anciens/nouveaux

Déroulement de l’activité et évaluation

En voie de formalisation -Entretien de recrutement (info) -Observation/évaluation

Acquisition de compétences : analyse de pratiques, thématiques en lien avec l’activité

Espace formel de transmission

-Entretien de recrutement (info) -Formations extérieures -Réunions d’équipe

Tab. 9 : Les savoirs « à formaliser » de la communauté d’activité ASL

69 Stéphanie.

157 2-1 Des savoirs « à formaliser »

Les transmissions associées à la communauté d’activité ASL s’organisent autour de trois formes de savoirs qui présentent différents degrés de formalisation :

- Des savoirs plus ou moins formalisés (ne faisant pas systématiquement l’objet d’une déclinaison par objectifs) qui engagent la mise en route de l’activité.

- Des savoirs en voie de formalisation. La mise en mots des compétences (Cuche et al., 2012) permet alors de construire un continuum de formalisation (Brougère & Bezille, 2007) qui s’articule par exemple aux outils d’évaluation internes.

- Des savoirs formels qui circulent dans un espace organisé de transmission (formations extérieures ou réunions qui impliquent l’organisation centre social).

2-1-1 La formation sur le tas pour la mise en route de l’activité

Les transmissions s’organisent dès le recrutement permettant au coordinateur de mesurer la motivation du bénévole à s’engager dans l’animation de cours de français

qui sortent des apprentissages classiques : « Par rapport aux ASL, le fait d’être dans un

positionnement qui sort un peu du scolaire »70. L’animation de ces cours nécessite en

effet de prendre la mesure de leur spécificité : « C’est une pédagogie particulière, avec

des cours qu’il faut élaborer en fonction du besoin des apprenants, en fonction des objectifs…Il n’y a pas de bouquin que l’on prend, leçon 1, leçon 2 »71.

Le coordinateur dédie ensuite une grande partie de son accompagnement à la mise en route de l’activité. Les modalités de l’accompagnement sont présentées au moment de l’entretien de recrutement. Tous les nouveaux bénévoles bénéficient ainsi d’un temps de ‘mise à l’essai’ qui consiste en une période fixée au moment du recrutement (deux à trois semaines). Elle permet au bénévole de mesurer les

exigences associées à l’engagement et de les concrétiser avant de s’impliquer : « Je

demande d’observer l’activité, pour voir comment ça se passe. Pour qu’ils puissent se faire une idée de l’activité pour voir si cela les intéresse ou pas »72.

70 Julie.

71 Stéphanie.

158 Les transmissions associées à la période de découverte reposent sur le partage des outils nécessaires à la réalisation de l’activité en vue d’une prise en charge

autonome : « La première séance c’est moi qui vais la préparer, je vais lui montrer

comment je prépare, où est-ce que je cherche les outils »73. Ces transmissions impliquent

un travail d’accompagnement soutenu du côté du coordinateur : « C’est un travail très

personnalisé…C’est progressif dans le temps »74.

L’accompagnement à la mise en route de l’activité repose souvent sur un

fonctionnement en binôme de bénévoles (un ancien/un nouveau) : « Je demande aux

bénévoles aguerris s’ils sont ok pour accueillir quelqu’un. Du coup moi, j’ai aussi un feed-back de la part de mes bénévoles aguerris »75. Le nouveau bénévole prendra

progressivement sa place « soit en devenant le binôme de quelqu’un qui était seul, soit de

venir en plus et de fonctionner en mini-équipe»76.

Un temps de rencontre individuelle est proposé à l’issue de la phase de découverte : « On va pouvoir se dire aussi bien moi que la personne ‘ça me convient’ ou ‘ça ne me convient pas’, des petites choses qui n’allaient pas ou des questions »77. Ce temps de

rencontre permet au coordinateur de décider de la poursuite de l’engagement : « On

voit si de mon côté ça colle, dans ce cas-là on valide et il prend en charge un groupe tout seul »78 et au bénévole de s’exprimer sur ces premiers ressentis quant à l’animation

des cours : « Vous me direz un peu comment vous vous sentez, pour voir si vraiment vous

voulez vous engager »79.

2-1-2 Le suivi du déroulement de l’activité et de son évaluation

Le suivi du déroulement de l’activité implique une part d’évaluation à laquelle les bénévoles sont associés à plusieurs niveaux.

73 Emilie. 74 Sandra. 75 Stéphanie. 76 Julie. 77 Julie. 78 Emilie. 79 Stéphanie.

159 D’une part, l’évaluation formelle (prescrite par l’organisation) permet de rendre des comptes aux financeurs ; elle est très présente dans le cadre des activités ASL : « Tous les jours, ils doivent remplir une feuille de présence et ça je leur dis clairement. Ce sont les financeurs qui nous demandent, combien de séances, combien de présences…Des fois, les bénévoles, ils ont du mal à se rendre compte »80. C’est également un moyen pour le coordinateur de connaître l’évolution du niveau des apprenants et d’évaluer la

pertinence d’une présentation à l’examen final : « Ça me permet de savoir où ils en sont

et de proposer une candidature aux examens »81. Cette évaluation formelle s’articule à des structures institutionnelles extérieures et implique une démarche exogène de type ‘contrôle-évaluation’. D’autre part, l’évaluation informelle en interne (à l’initiative des coordinateurs) permet, par exemple, de garder une trace du déroulement des séances et de rendre visible les outils mobilisés. Cette évaluation informelle permet de suivre l’évolution des bénévoles. La construction d’outils dans certains centres tend à formaliser les indicateurs de cette évaluation interne qui entre en jeu dans l’accompagnement du coordinateur.

Les bénévoles sont parfois en difficulté dans l’appropriation des outils d’évaluation : « Parfois, il y a des bénévoles, ils ne mettent qu’une phrase dans la fiche bilan, ça ne suffit pas ». Le coordinateur peut alors choisir de mettre en place des observations de

séances : « J’observe les groupes, je prends des notes…J’essaie de faire un feed-back lors

de leurs réunions de préparation »82.

2-1-3 L’acquisition de compétences spécifiques

Selon que les compétences du bénévole répondent ou non aux exigences de l’activité,

le coordinateur est garant de l’accès à la formation : « Je les informe sur tout ce qui est

‘accès à la formation’. Ça les rassure…On encourage vivement à le faire, surtout quand ils sont débutants »83. 80 Emilie. 81 Emilie. 82 Stéphanie. 83 Emilie.

160 Les formations proposées peuvent émaner du catalogue de la fédération ou d’organismes spécifiques tels le Radya. Ces formations sont évoquées lors de

l’entretien de recrutement et proposées tout au long de l’accompagnement : « Je

relance les bénévoles sur ces formations qui sont plus ou moins gratuites pour certaines mais dont on peut prendre une partie en charge »84. Les bénévoles sont encouragés à en faire un retour à leurs collègues. Parfois, la formation peut s’organiser en interne : « Il y a une journée ou deux journées dans l’année où l’on va supprimer les cours et où l’on va se réunir avec un formateur de formateurs pour travailler sur nos pratiques »85.

Ces formations posent la question du degré de professionnalisme attendu. En prenant leur poste, certains coordinateurs ont été surpris par la qualité des formations

dispensées aux bénévoles : « C’était une bonne surprise pour moi en arrivant de constater

que les bénévoles étaient formés et bien formés…une vraie formation avec des formateurs professionnels pour que les bénévoles soient en mesure d’assurer les cours »86. Cet enjeu de professionnalisation dépend des attentes que les bénévoles formulent au regard de

leur projet d’engagement : « Après ça dépend ce que l’on recherche, si on recherche

quand même à se professionnaliser en tant que bénévole ou juste comme ça, un petit passage »87. Des réunions d’équipes sont également proposées régulièrement. Elles s’organisent par thématiques selon les souhaits exprimés par les bénévoles. Elles peuvent concerner plus particulièrement l’échange de pratiques. Elles revêtent un caractère quasi-obligatoire pour les bénévoles, ce point est précisé dès le moment du

recrutement : « Dans mon recrutement, une des choses, c’est de participer aux réunions, il

y a trois réunions dans l’année. Ça fait partie, pas d’une obligation, mais c’est important pour moi »88. Les réunions (temps institués) sont l’occasion de rappeler les éléments

du cadre pédagogique attendu et de formaliser les échanges : « On essaie à un moment

de formaliser les choses et du coup ces réunions trimestrielles, elles ont pour but de faire le point sur la progression des groupes, les difficultés, les réussites »89.

84 Julie. 85 Stéphanie. 86 Sandra. 87 Emilie. 88 Emilie. 89 Stéphanie.

161 2-2 La communauté d’activité ASL : un répertoire de styles et de routines

La chronologie des transmissions associées à la communauté d’activité ASL suit la même organisation temporelle que celle repérée pour la communauté centre social. Les critères caractéristiques d’une communauté de pratique sont ainsi successivement rendus visibles par des transmissions associées au répertoire partagé, à l’engagement mutuel et à l’entreprise commune. Le répertoire est d’abord engagé au niveau des styles et des routines de l’activité dès sa mise en route. L’engagement mutuel se construit ensuite sur la base d’une adhésion au projet qui participera de son évaluation. L’entreprise commune se révèle enfin à travers les enjeux de formation. Les moments dédiés à ces transmissions impliquent des temps plus ou moins formalisés qui s’inscrivent dans le prolongement de l’entretien de recrutement.

Répertoire partagé Engagement mutuel Entreprise commune

Communauté d’activité ASL Styles et routines (mise en route) → Recrutement + suivi ‘formel’ Adhésion au projet (évaluation) → Recrutement (info) + suivi ‘formel’ Enjeux de formation (professionnalisation) → Recrutement (info) + suivi ‘formel’ élargi Tab. 10: Critères associés à la communauté d’activité ASL

Le répertoire partagé s’appuie sur les routines et les styles professionnels. La référence au champ de l’activité se traduit en termes d’attentes spécifiques par

rapport au profil du bénévole dès le moment du recrutement : « Il ne faut pas forcément

être formateur mais quand même une expérience dans l’animation par rapport au positionnement »90. Ce n’est pas tant le champ de l’enseignement que celui de la

formation qui va alors constituer une référence : « En termes de formation d’adultes, si

effectivement, là ça peut être intéressant de connaître un peu le milieu de la formation et comment on accompagne un groupe d’adultes »91.

90 Sandra.

162 Tout au long de l’accompagnement, l’adhésion au projet vient caractériser l’engagement mutuel et les différentes formes d’évaluation qui en découlent. Les modalités d’engagement impliquent ici de prendre en considération que le bénévole

aura besoin d’un temps d’adaptation : « Il y a des bénévoles encore aujourd’hui, ils

avaient tellement d’a priori sur les ASL ! Mais en fait en participant à l’atelier ça bouge. Il y en a aussi qui n’ont pas tout de suite adhéré au projet et ça je leur laisse aussi le temps parce que c'est compliqué d'adhérer tout de suite »92.

La construction de l’entreprise commune s’accompagne d’une logique de formation

qui sous-tend des enjeux de professionnalisation : « On va professionnaliser le bénévole

quelque part, c’est-à-dire qu’on va développer des compétences en dehors de la formation »93. La volonté de tendre vers une entreprise commune engage ainsi une

forme de responsabilité mutuelle : « J’ai bien conscience que c’est quand même une

activité qui demande au bénévole d’être pro pour qu’on ait quelque chose de qualité »94. La formation peut s’inscrire dans le cadre d’une analyse des pratiques qui contribue à la

construction d’une identité commune : « ça permet de se construire une identité

commune, des réflexions communes »95.