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L' enseignement primaire du canton de Genève : une période défavorable

LES ENTRETIENS

A. L' enseignement primaire du canton de Genève : une période défavorable

Jusqu'en 1992, les études pédagogiques genevoises s'effectuaient à l'université, FPSE, section des SE uniquement

pour la deuxième année de formation. Après avoir obtenu leur brevet, les enseignants primaires trouvaient, à la section des SE, une possibilité facilitée grâce à des équivalences, de suivre une formation continue conduisant à l'obtention de la licence universitaire. Depuis l'automne 1996, les études pédagogiques sont entièrement intégrées à la section des SE. Il a toutefois existé une brève période durant laquelle il n'a plus été possible de se former à l'enseignement primaire genevois.· La dernière volée de formation aux études pédagogiques s'est constituée de l'automne 1992 à juin 1995. Ainsi, les jeunes femmes et jeunes gens qtli dessinaient le projet de se préparer à l'enseignement primaire genevois auraient dû réussir le dernier concours d'entrée aux études pédagogiques qui a eu lieu au printemps 1992 ou alors attendre l'année 1996 pour présenter un projet en vue de leur admission à l'université en automne 1996.

Deux des femmes que nous avons interviewées s'étaient inscrites en SE dans le but de faire de l'enseignement. A défaut de possibilité de s'inscrire aux études pédagogiques juste après avoir obtenu leur maturité, elles se sont immatriculées en SE, c 'est la seule chose qui traitait encore de Til pédagogie nous dit l'une d'elles. Elles se sont trouvées dans une situation incertaine, en attente pour se former, ce qui éloigne dans le temps le projet de s'insérer professionnellement. L'une d'elle nous dit cela m 'a complètement désintéressée. Je ne voyais pas le bout. Je me disais : et puis vont-ils nous prendre, pas nous prendre?

Faut-il ajouter à cela, une dimension personnelle du sujet manquant d'assurance et de certitudes face à son projet ? Il serait abusif de l'affirmer avec les données dont nous disposons. Nous remarquons toutefois chez ces deux femmes, l'existence d'un projet de réserve, un deuxième choix selon l'une d'elle. C'est ce deuxième choix qui est venu s'imposer ultérieurement et a conduit à la desi.nscription.

Ainsi, l'une de ces deux jeunes femmes pensait aussi devenir infirmière et, pendant l'année en SE, elle se présente à l'examen avec succès. Après avoir effectué une année en SE, elle quitte la faculté pour se réorienter vers une école d'infirmière où elle se trouve toujours. Nous pourrions compléter ici la signification de l'exmatriculation par le fait que, pour cette femme, la situation institutionnelle liée aux changements des études pédagogiq_ues n'est pas étrangère à sa réorientation.

Un facteur personnel supplémentaire nous semble avoir constitué le moteur de la réorientation de la seconde jeune femme qui avait d'abord choisi de se former à l'enseignement.

En effet, cette femme s'est exmatriculée en fin de premier cycle, tout en s'inscrivant pour une troisième année en SE jamais commencée

... pendant deux ans j'avais pas du tout prévu de faire autre chose, je voulais etre prof et ça me paraissait clair. Et puis au fur et à mesure de mon avancement en SE -ça allait très bien, c'est pas du tout par échec que j'ai arr�té - .... Elle s'intéresse alors à d'autres branches d'études au travers des parcours poursuivis par des proches .... Et petit à petit ça m'a trotté dans la tête. Et puis pour

finir

c'était vraiment par hasard. Je devais rentrer en troisième année en SE et puis le premier jour de la rentrée je suis allée

en

sdences Il et j'ai suivi le cours des biologistes, j'étais pas du tout inscrite .... je me suis dite, je vais essayer de suivre les deux facultés en tout cas jusqu'à Noël . . . ... et pour finir il s'est avéré que j'ai plus du tout mis les pieds à Batelle, plus du tout. J'allais régulièrement en biologie, parce qu'on peut pas se permettre de louper des cours en. lliologie.

Les choses se déroulent comme si cette jeune femme avait contenu son désir d'étudier Ja biologie et que, plus fort, celui-ci l'a finalement dépassée pour s'imposer comme tille nouvelle priorité. Si, comme pour la première jeune femme ci-dessus, la période pour se former à l'enseignement primaire était plutôt défavorable - ce qu'elle verbalise dans l'entretien - on doit s'interroger sur le caractère avouable du désir de cette jeune femme d'étudier une discipline scientifique. Est-ce vraiment le hasard qui l'a conduite à suivre les cours de sciences II ? Nous ne le pensons pas. Mais la vraie raison et sa motivation ne sont peut-être pas exprimables à cause de cette culpabilité liée au double in terdit conceptualisé par Mosconi dans sa thèse du rapport féminin au savoir. En tout état de cause, nous relevons une proximité entre la situation de cette jeune femme et la thèse de Mosconi.

Nous voyons ici que la signification de l'exmatriculation de cette jeune femme ne saurait se limiter simplement à la réorientation, telle qu'elle apparaissait dans le q uestionnaire.

Nous observons en effet une pluralité de facteurs d'influence en présence simultanée. Facteurs institutionnels ou causes externes et facteurs personnels ou causes internes à la personne pour ne

citer que les plus apparents, ont conjointement agi sur cette situation pour finalement conduire à la réorientation.

Nous pouvons ainsi noter que l'émergence d'un nouveau projet s'observe dans une situation de formation sur laquelle agissent plusieurs facteurs, visibles ou non, tels les dimensions institutionnelle, personnelle et intrapsychique et vraisemblablement aussi sociale et culturelle.

B. Obtenir la maturité, et après ... ?

Chez trois autres personnes de ce groupe d'âge, la situation paraît différente. Chez elles, le choix d'une voie de formation n'a pas été vraiment fixé au moment de leur immatriculation en SE, ni même au début des études en SE.

Deux d'entre elles, une femme et un homme, avaient déjà connu une exmatriculation d'une autre faculté de l'université de Genève.

Ces parcours de formation semblent donc se dérouler comme si l'obtention du certificat de maturité constituait un but en soi. En effet, au delà de l'étape de la maturité, c'est la constmction d'un projet de formation supérieure ou ultérieur qui est problématique. Les propos des intéressées et des intéressés illustrent bien cette difficulté à élaborer un projet de formation en se si.tuant dans une perspective professionnelle ou par rapport à un domaine éveillant des intérêts :

En terminant mon Collège, je ne savais pas très bien où je voulais me diriger à l'université. Alors j'ai commencé à m 'inscrire en biochfrnie. Mais à long terme je ne me voyais pas du tout dans un

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j'ai arrêté tout à fait. J'ai commencé à discuter autour de moi ....

Mon projet de formation, je n 'en avais pas un qui était vraiment fixé. Alors j'ai fini ma matu, ensuite j'ai fait une année ou j'ai pris des cours, j'étais intéressée dans La naturopathie, mais c'était pas des cours qui étaient à plein temps. Donc, je prenais ces cours-là quelques jours pendant la semaine et puis je travaillais à côté, donc h ... , la première année après avoir eu ma matu.

... j'ai obtenu ma matu scientifique, ça a plus ou moins bien été. Bon j'ai jamais eu besoin de travailler. C'est une chose qui m 'a pas mal aidé, mais aussi piégé .... Et en ayant obtenu cette maturité, j'étais inscrit en pharmacie. Donc au moment où j'ai obtenu ma matu j'étais déjit inscrit en pharmacie avec une fille qui était mon amie à cette époque. Et justement trois mois avant la matu, ça c'est

terminé. Et j 'ai assez mal vécu la chose .... pendant l'été j 'ai réfléchi et je me suis dit je ne veux quand même pas aller faire les études avec elle. Et je me suis désinscrit de la pharmacie alors qu 'on a une pharmacie dans la famille, l'objectif c 'était que je reprenne cette pharmacie.

Pourquoi alors avoir choisi les études en SE plutôt qu'une autre voie ? En fait, la motivation à s'engager dans ces études­

là n'est ici pas immédiatement apparente. C'est l'entretien qui nous a permis d'entrer dans la compréhension de motivations plus cachées.