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CHAPITRE 5 L’INCRIMINATION DE L’INFRACTION DE « TRAITE DES

5.2 L’incrimination de la « traite des personnes » en droit canadien

5.2.2 Les infractions spécifiques du Code criminel (C.cr)

5.2.2.1 L’article 279.01 du Code criminel : la Traite des personnes

Dans le Code criminel canadien, l’infraction de traite des personnes se lit comme suit :

Traite des personnes

279.01 (1) Quiconque recrute, transporte, transfère, reçoit, détient, cache ou héberge une personne, ou exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d’une personne, en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation commet une infraction passible, sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation :

a) s’il enlève la personne, se livre à des voies de fait graves ou à une agression sexuelle grave sur elle ou cause sa mort lors de la perpétration de l’infraction, d’un emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de cinq ans ;

b) dans les autres cas, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la peine minimale étant de quatre ans310.

Consentement

(2) Ne constitue pas un consentement valable le consentement aux actes à l’origine de l’accusation311.

La définition de l’infraction de traite des personnes contenue dans le Code criminel canadien contient deux éléments essentiels : la perpétration de l’un des actes prohibés (l’acte) et les éléments moraux que sont l’intention d’exploiter une personne ou l’intention de faciliter son exploitation par une autre personne (l’atteinte du but recherché).

L’acte – Deux types d’actes sont définis à l’article 279.01(1) du Code criminel : les actes

prohibés détaillés et les actes caractérisant les actes prohibés. D’abord, pour accuser une

310 Id., art. 279.01(1). 311 Id., art. 279.01(2).

personne de l’infraction de « traite de personnes » en droit canadien, il faut démontrer la participation de l’accusé à l’un des actes prohibés énumérés à l’article 279.01(1). Il s’agit du recrutement, du transport, du transfert, du fait de recevoir, de détenir, de cacher ou d’héberger une personne. Ces actes constitutifs de la traite des personnes constituent l’élément matériel à prouver. La définition canadienne identifie aussi une seconde catégorie d’actes, soit « l’exercice d’un contrôle, d’une direction ou d’une influence sur les mouvements d’une personne » qui caractérisent la relation entre l’accusé et la victime312.

La définition de l’« exercice du contrôle » fut précisée dans l’Arrêt Perreault c. R313 en

1996 par la Cour d’appel du Québec et par la Cour d’appel du Québec en 2013 dans l’Arrêt

Urizar c. R314 de la façon suivante :

« L’élément contrôle réfère à un comportement envahissant, à une emprise laissant peu de choix à la personne contrôlée. Ce comportement inclut par conséquent des actes de direction et d’influence. Il y a exercice de direction sur les mouvements d’une personne lorsque des règles ou des comportements sont imposés. L’exercice de direction n’exclut pas que la personne dirigée dispose de latitude ou d’une marge d’initiative. L’exercice d’influence inclut des comportements moins contraignants. Sera considérée comme une influence, toute action exercée sur une personne en vue d’aider, encourager ou forcer à s’adonner à la prostitution »315.

Les actes constitutifs de la traite des personnes énumérés à l’article 279.01(1) du Code

criminel sont essentiellement les mêmes que ceux prohibés par l’article 3(a) du Protocole

de Palerme, soit le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes […]. Cependant, nous avons mentionné dans la section 5.1.1 qu’en vertu de l’article 5 du Protocole de Palerme, l’obligation d’incriminer la traite des personnes devait s’accompagner de l’obligation de criminaliser la complicité et l’organisation ou le fait de diriger tout acte de traite, ce que le Canada a omis de faire lorsqu’il a adopté ses lois pénales en matière de traite des personnes. De plus, aucune mention n’est faite quant à la tentative

312 GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA TRAITE DES PERSONNES, préc., note 302,

p. 21.

313 R. c. Perreault, 1996 CANLII 5641 (QC C.A). 314 Urizar c. R., 2013 CANLII 46 (QC C.A.). 315 Id., par. 75.

de commettre un acte de traite. Cette dernière obligation internationale était toutefois facultative.

L’atteinte du but recherché : l’exploitation - Les actes prohibés par l’article 279.01 du Code criminel sont teintés d’un élément moral qui est l’exploitation d’autrui. Il s’agit du

second élément fondamental constitutif de l’infraction la traite des personnes en droit canadien. Conformément à la définition proposée au paragraphe 279.01(1), les actes de traite doivent avoir été posés « en vue d’exploiter une personne ou de faciliter son exploitation ». Dans ce contexte, l’expression « en vue de » signifie qu’il y a « soit l’intention que la conséquence prohibée survienne, soit la connaissance que la réalisation de cette conséquence était un quasi-certitude »316. L’expression « faciliter son

exploitation » qui signifie « le fait d’aider à provoquer et rendre plus facile ou plus probable la perpétration d’une infraction »317 est utilisée dans le cas où la personne inculpée « n’avait

pas l’intention d’exploiter personnellement la victime, mais a facilité sciemment son exploitation par une autre personne »318.

Finalement, « l’exploitation » ou « l’intention d’exploiter » est l’élément fondamental qui distingue la traite des personnes des infractions criminelles connexes. Dans le cas de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle, par exemple, l’exploitation sera l’élément qui distingue la traite de la prostitution (nous y reviendrons dans notre parenthèse sur la prostitution prévue à la section 5.5 ci-dessous). Bref, selon la définition de l’infraction de traite des personnes énoncée à l’article 279.01 du Code criminel, la preuve de l’acte commis ainsi que la preuve de l’exploitation de la victime devront être portées devant le tribunal.

Les peines - Les alinéas a et b de l’article 279.01(1) prévoient des peines minimales de

quatre ou cinq ans, dépendamment des circonstances aggravantes, et une peine maximale

316 GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA TRAITE DES PERSONNES, préc., note 302,

p. 23.

317 Id. 318 Id.

d’emprisonnement à perpétuité dans le cas où l’accusé aurait enlevé la personne, se serait livré à des voies de fait graves ou à une agression sexuelle grave sur elle ou aurait causé sa mort lors de la perpétration de l’infraction319.

Le 18 juin 2015, le projet de loi C-452 d’initiative parlementaire prévoyant des peines consécutives pour un accusé reconnu coupable simultanément d’une infraction liée à la traite de personnes (articles 279.01 à 279.03) et de tout autre infraction découlant du même événement, reçu la sanction royale. Toutefois, soulevant plusieurs préoccupations au regard de la Charte canadienne des lois et libertés, le projet n’est toujours pas entré en vigueur. En fait, les peines cumulatives suggérées pourraient devenir disproportionnées et donner lieu à des peines cruelles et inusitées, allant à l’encontre de l’article 12 de la

Charte320.

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