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L’article 279.011(1) du Code criminel : La traite de personnes âgées de moins

CHAPITRE 5 L’INCRIMINATION DE L’INFRACTION DE « TRAITE DES

5.2 L’incrimination de la « traite des personnes » en droit canadien

5.2.2 Les infractions spécifiques du Code criminel (C.cr)

5.2.2.3 L’article 279.011(1) du Code criminel : La traite de personnes âgées de moins

Les enfants ont toujours été reconnus comme étant une catégorie distincte de personnes à protéger contre la traite du fait de leur extrême vulnérabilité. Depuis l’époque de la « traite des blanches », les États ont reconnu que les filles mineures pouvaient faire l’objet de la traite des personnes en vue de l’exploitation sexuelle et ont inclus dans plusieurs traités internationaux des dispositions particulières prévoyant la répression des trafiquants qui s’en prennent aux enfants330.

330 Le préambule de l’Arrangement international de 1904, affirme que les États Parties s’engagent à « assurer

aux femmes majeures, abusées ou contraintes, comme aux femmes et filles mineures une protection efficace contre le trafic criminel connu sous le nom de « Traite des Blanches […] ». Voir Arrangement international

de 1904, préc., note 46, Préambule; la Convention de 1910 spécifie que : « doit être puni quiconque, pour

satisfaire les passions d’autrui, a embauché, entraîné ou détourné, même avec son consentement, une femme ou fille mineure […] ». Voir Convention de 1910, préc., note 47, art. 1; La Convention de 1921 stipule que : « Les Hautes Parties contractantes conviennent de prendre toutes les mesures en vue de chercher et de punir les individus qui se livrent à la traite des enfants de l’un et de l’autre sexe […] ». Voir Convention de 1921, préc., note 53, art. 2; Le Protocole de Palerme formule l’obligation pour les États Parties d’incriminer la traite des personnes, incluant la traite des enfants. Voir Protocole de Palerme, préc., note 1, art. 3.

Comme nous l’avons mentionné au chapitre 4, plusieurs victimes de la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle au Canada sont mineures. Selon Statistique Canada, un quart des victimes impliquées dans les cas de traite signalées à la police entre 2009 et 2014 avaient moins de dix-huit ans331. De plus, une étude de la GRC rapporte que la plupart des

victimes de la traite interne à des fins d’exploitation sexuelle au Canada sont âgée entre 14 et 22 ans, mais que parmi celles-ci, 40 % ont moins de dix-huit ans332. Il y a donc un

véritable problème d’exploitation de personnes mineures dans les réseaux de traite au Canada. Les enfants étant un groupe particulièrement vulnérable, il convenait de tenir compte de leur particularité dans l’élaboration de la législation concernant la traite des personnes.

Conformément au droit conventionnel international et confronté au problème de la traite des enfants sur son propre territoire, le gouvernement canadien a intégré l’infraction de traite d’enfants à son Code criminel en 2010. Le projet de loi C-268 : Loi modifiant le Code

criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins de dix- huit ans) adopté en juin 2010 a modifié l’article 279.01 du Code criminel pour créer

l’infraction de traite d’enfants (article 279.011), prévoyant une peine minimale obligatoire de cinq ou six ans (selon les circonstances) pour quiconque ayant été reconnu coupable d’un tel acte333. L’infraction appelée « traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans »

est définie comme suit :

La traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans

279.011 (1) Quiconque recrute, transporte, reçoit, détient, cache ou héberge une personne âgée de moins de dix-huit ans, ou exerce un contrôle, une direction ou une

331 Maisie KARAM, « Trafficking in persons in Canada, 2014 », (2016) 36-1 Juristat, en ligne :

<https://www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2016001/article/14641-eng.htm>.

332 CNTCP, préc., note 215, p. 13.

333 Loi modifiant le Code criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins

influence sur les mouvements d’une telle personne, en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation commet une infraction passible, sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation :

a) d’un emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de six ans, s’il enlève la personne, se livre à des voies de fait graves ou une agression sexuelle grave sur elle ou cause sa mort lors de la perpétration de l’infraction ;

b) dans les autres cas, d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la peine minimale étant de cinq ans.

(2) Ne constitue pas un consentement valable le consentement aux actes à l’origine de l’accusation334.

Les peines - Cet article du Code criminel prévoit une peine maximale de prison à perpétuité

dans le cas de la traite d’enfants, soit la même peine maximale que dans le cas de la traite des personnes adultes. Il est intéressant de noter que les peines minimales imposées aux trafiquants coupables de traite d’enfants sont à peine supérieures aux peines minimales imposées dans le cas de traite des personnes adultes. Lorsque l’on compare les définitions, on observe que les peines minimales sont de quatre ou cinq ans (dépendamment des circonstances) dans le cas de la traite adulte et de cinq ou six ans dans le cas de la traite d’enfants. On constate ainsi que la traite d’enfants au Canada n’est pas jugée de manière beaucoup plus sévère que la traite des personnes adultes et que les deux infractions sont essentiellement les mêmes335.

Le consentement - Au Canada, l’âge du consentement – soit l’âge auquel une personne peut

légalement donner son consentement à des activités sexuelles (contacts ou relations) – est de 16 ans. Cependant, l’âge légal du consentement pour toute activité où intervient la prostitution, la pornographie, ou toute autre relation de confiance, d’autorité ou de dépendance, ou toute autre situation d’exploitation sexuelle, est de 18 ans. Toute activité sexuelle survenant alors qu’il y a absence de consentement constitue une infraction

334 Code criminel, préc., note 305, p. 271.011(1).

335 Nous n’avons pu trouver la raison pour laquelle les peines prévues dans le Code criminel pour l’infraction

de traite des personnes de moins de dix-huit ans ne sont pas beaucoup plus sévères que celles pour l’infraction de traite des personnes adultes.

criminelle (que la victime soit adulte ou mineure). Malgré les dispositions sur l’âge minimum du consentement, celui-ci n’est jamais valable dans les cas de traite des personnes adultes ou mineures. Ainsi, une personne accusée de traite des personnes ne peut invoquer le consentement de la victime comme défense devant un tribunal canadien, peu importe l’âge de la victime. Le législateur canadien reconnaît donc que dans les cas de traite des personnes, nul ne peut consentir à son exploitation.

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