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PARTIE I LA PARTICIPATION DES ACTEURS SOCIAUX DANS LE DÉBAT

B. Analyse quantitative de la participation citoyenne dans les dossiers judiciaires

2. L’analyse du discours de l’arrêt Downtown Eastside

Tel que l’a enseigné Perelman324, le pivot central pour la réussite d’un discours est l’identification de l’auditoire par l’orateur.325 Par conséquent, la première étape à franchir par celui qui tente d’analyser un discours judiciaire ex post facto, comme nous tentons de le faire, consiste d’abord à identifier le ou les auditoires auxquels les juges se sont adressés.

322 T. A. CROMWELL, Locus Standi: A Commentary on the Law of Standing in Canada, préc. note 233, p. 92. 323 En 2012, le juge Richard Wagner prenait le siège de Marie Deschamps qui avait passé dix années à la Cour et en 2014, les juges Clément Gascon et Suzanne Côté remplaçaient les vétérans Morrish Fish et Louis Lebel qui comptaient respectivement dix et quatorze de services.

324 Voir la Section C.1 de notre introduction.

325 Même si nous commentons essentiellement des discours écrits, nous utiliserons quand même l’expression « orateur », comme le fait Perelman.

Pour reprendre une expression chère à Perelman, on peut dire que le discours judiciaire tenu dans l’arrêt Downtown Eastside vise un « auditoire composite », puisque ses motifs semblent s’adresser à cinq genres d’interlocuteurs.326 D’abord, il va de soi que le juge Cromwell, qui a rédigé le jugement unanime de la Cour, s’adresse à l’auditoire ayant critiqué la position rigide de la Cour dans les années précédant la décision, pour lui montrer à quel point il approuve son point de vue. Deuxièmement, le juge vise également l’État et ses représentants, lesquels s’opposaient vigoureusement à ce qu’un groupe représentatif n’ayant pas d’intérêt privé ou ne faisant pas l’objet d’une accusation quelconque puisse contester ses lois.327 Troisièmement, de façon claire, l’auditoire visé par la Cour est également formé par les opposants à toute forme d’activisme judiciaire, plus particulièrement ceux qui dénoncent l’influence que peuvent avoir les groupes sociaux sur les décisions importantes de la Cour.328 Quatrièmement, la Cour « parle » aussi aux tribunaux inférieurs, à qui elle donne des instructions sur la nouvelle façon d’exercer son pouvoir discrétionnaire en matière de qualité pour agir. Finalement, comme dans chacune de ses décisions, la Cour suprême s’adresse à l’auditoire universel, c’est-à-dire au public en général et aux médias, lesquels sont souvent considérés comme les juges ultimes de la légitimité d’une décision judiciaire.

326 « Il arrive bien souvent que l’orateur ait à persuader un auditoire composite, réunissant des personnes différenciées par leur caractère, leurs attaches ou leurs fonctions. Il devra utiliser des arguments multiples pour gagner les divers éléments de son auditoire. C’est l’art de tenir compte, dans son argumentation, de cet auditoire composite qui caractérise le grand orateur. », C. PERELMAN et L.OLBRECHT-TYTECA, Traité de l’argumentation, préc. note 67, p. 28.

327 Cette opposition par l’État est compréhensible, puisqu’en ouvrant la porte plus largement aux demandes d’intérêt public, l’État risque de voir un plus grand nombre de ses lois attaquées devant les tribunaux. Cet extrait de la pladoirie de la Procureure générale de l’Ontario lors de l’audition résume bien la position de l’État dans cette affaire : « Judge-made law is only legitimate when it is an adjudication of an actual dispute. There are exceptions, like reference to obtain court advice in particular circumstances but in those cases, they are qualified circumstances, carefully assessed (…). The legitimacy of the court decisions should only be grounded and anchored to real life situation», cf. Audition Downtown Eastside, minutes 124:30.

328 On remarque d’ailleurs que, suite à la décision, les auteurs à l’origine de l’expression « Court Party » durant les années 1990 et au début des années 2000, Ted Morton et Rainer Knopff, n’ont pas manqué de déclarer que la Cour suprême venait de donner le pouvoir aux tribunaux d’agir en « oracles constitutionnels. », cf. K. DUNN, A

pathway to justice? Has the Supreme Court of Canada’s ruling in SWUAV ushered in a new era of public interest litigation?, préc. note 302.

Une fois l’auditoire identifié329, la deuxième grande étape d’une analyse de discours consiste à scruter l’argumentation, afin d’évaluer les moyens pris par l’orateur pour persuader ceux à qui il s’adresse. À ce stade, les différentes techniques discursives décrites par Perelman nous aident à y voir plus clair dans les moyens utilisés par la Cour pour convaincre de la justesse de sa décision.

Dans le cas qui nous occupe, l’analyse de l’argumentation tenue dans Downtown Eastside montre que le juge Cromwell s’est appuyé sur deux volets principaux, soit, d’une part, la valorisation des acteurs sociaux (par. a) et, d’autre part, le retour à l’approche à prédominance déontologique (donc non conséquentialiste) préconisée par les arrêts Thorson, McNeil, Borowski et Finlay (par. b). Voyons d’abord ces deux volets principaux, ce qui nous amènera à discuter de la portée de la norme établie par la Cour, laquelle a substantiellement modifié la donne sur le plan de la participation des acteurs sociaux dans l’arène judiciaire (par. c).

a) La valorisation des acteurs sociaux

Un des premiers réflexes du chercheur se spécialisant en analyse de discours est d’examiner la façon dont l’orateur établit certaines prémisses qui lui serviront de base d’argumentation (ou « d’objets d’accord »), au fur et à mesure de son discours. Il existe, bien sûr, une panoplie d’objets d’accords et il n’est pas de notre propos de les énumérer tous. Ce qui est important pour nos fins est de voir que la sélection de certaines données par l’orateur et sa présentation à l’auditoire impliquent déjà leur importance et leur pertinence dans le débat.330 Ce choix confère une « présence » aux objets d’accord choisis par l’orateur et cette présence devient un élément crucial de l’argumentation :

329 Pour faciliter la lecture, nous emploierons le terme « auditoire » au singulier pour la suite du texte, même s’il est composé de plusieurs sous-auditoires.

«Aussi l’une des préoccupations de l’orateur sera-t-elle de rendre présent, par la seule magie de son verbe, ce qui est effectivement absent, et qu’il considère comme important pour son argumentation, ou de valoriser, en les rendant plus présents, certains des éléments effectivement offerts à la conscience. »331

Inévitablement, cette sélection de données par celui tenant le discours s’accompagne d’une élaboration conceptuelle, laquelle s’effectue à l’aide de techniques de présentation. Une des techniques les plus apparentes est l’usage de l’épithète, laquelle met l’accent sur une caractéristique ou une qualité propre au sujet discuté. Par ailleurs, puisque l’épithète est nécessairement le produit d’une appréciation subjective, elle est souvent complétée par une deuxième technique de présentation, que Perelman appelle la classification, laquelle vient tempérer l’aspect tendancieux de l’épithète.332 Le sujet est donc « classé » dans une catégorie conceptuelle déjà formée, de façon à influencer la perception et l’attitude de l’auditoire à son égard.333

Perelman explique que, lorsque le sujet choisi par l’orateur est une personne ou un groupe de personnes, la classification est caractérisée « non seulement par des caractères communs à leurs membres, mais encore, et parfois surtout, par l’attitude adoptée à leur égard, la manière de les juger et de les traiter.334 Il désigne cette technique comme un « procédé argumentatif de liaison », du fait qu’elle relie une personne en fonction de ses actes, que ce soit de façon positive ou négative. On parle donc d’un mouvement allant de l’acte à la personne, puisqu’en décrivant les gestes qu’elle pose ou qu’elle a posés, on tente d’influencer la conception de l’auditoire par rapport à cette personne.335 Inversement, l’image de la personne qui est créée par cette technique d’association sert aussi de point de départ de l’argumentation et incite celui qui prend connaissance du discours à prévoir certains actes que 331 Id., p. 156. 332 Id., p. 169-170. 333 Id. 334 Id., p. 170. 335 Id., p. 398-402.

la personne posera. Dans ce cas, l’image sert à « transférer sur les actes le jugement porté sur l’agent ».336

Ce bref exposé théorique met en lumière le choix fait par la Cour suprême dans la décision Downtown Eastside de valoriser les acteurs sociaux. En d’autres mots, cette valorisation des acteurs sociaux sert de « prémisse d’argumentation » (ou d’«objet d’accord») et constitue la toile de fond sur laquelle repose le reste de l’argumentation. Voici ceci un peu plus en détail.

Dès le départ, le juge Cromwell choisit de mettre l’accent sur la demanderesse d’intérêt public SWUAV, en la présentant comme un organisme « dont l’objet consiste notamment à améliorer les conditions de travail des travailleuses du sexe. »337 Selon le vocabulaire de Perelman, le juge a donc sélectionné cette donnée comme prémisse de base (les activités de l’organisation qui désire poursuivre au nom de l’intérêt public) et l’a caractérisé en la classant dans une catégorie conceptuelle déjà formée dans l’esprit de l’auditoire (une organisation qui aide les travailleuses du sexe, qui agit positivement pour le bien de certains membres de la société). Dans cet énoncé de départ, on remarque donc le caractère éminemment positif des activités de l’organisation, lequel est amplifié par l’emploi du mot « notamment », pour signifier que SVUAW en fait davantage pour les travailleuses du sexe.

Deux paragraphes plus loin, la Cour répète cette formulation en ajoutant d’autres qualificatifs :

«La Société intimée est une entreprise enregistrée de la Colombie- Britannique qui a notamment pour objet d’améliorer les conditions de travail des travailleuses du sexe. Elle est administrée « par et pour» des travailleuses du sexe actives et retirées vivant dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Les membres de la Société sont des femmes, la

336 Id., p. 403-404.

plupart autochtones, vivant avec des problèmes de toxicomanie, de santé, d’incapacités et de pauvreté; elles ont presque toutes été victimes de violence physique ou sexuelle, ou des deux. »338

En plus de répéter la notion relative à l’amélioration des conditions de travail (pour lui accorder encore plus d’importance), on note le choix de la Cour de décrire SWUAV comme étant administrée « par et pour » les travailleuses en utilisant des guillemets, de façon à montrer la demanderesse sous un aspect positif, à l’aide de ce que Perelman appelle un « slogan ».339 En outre, on remarque que cet énoncé insiste sur les conditions difficiles dans lesquelles vivent les travailleuses du sexe, ce qui sert aussi à valoriser la volonté de SWUAV d’aider ses membres.

Toujours dans ses paragraphes introductifs, la Cour utilise une autre technique de liaison en décrivant la demanderesse Sheryl Kiselbach comme une ancienne travailleuse du sexe n’ayant pas eu la vie facile et qui pose aujourd’hui des gestes positifs pour aider ses pairs. Cette technique est désignée par Perelman comme étant « l’argumentation par l’illustration », laquelle sert à présenter un cas particulier, afin d’augmenter la présence du sujet dans la conscience de l’auditoire.340 Pour reprendre le vocabulaire perelmanien, ce procédé constitue une liaison pour « fonder la structure du réel » (par opposition aux « liaisons basées sur la structure du réel »), dans le sens où on veut non pas présenter la nature des choses, mais remanier un schème de pensée pour laisser percevoir une réalité.341 Encore une fois, en faisant cela, la Cour valorise les acteurs sociaux désirant obtenir la qualité pour agir dans ce dossier :

338 Id., par. 5.

339 Cette technique du slogan consiste à se servir d’une maxime « concise et facile à retenir » élaborée pour une circonstance particulière, dont le rôle est « essentiellement celui d’imposer, par leur forme, certaines idées à notre attention », C. PERELMAN et L. OLBRECH-TYTECA, Traité de l’argumentation, préc. note 67, p. 225. Ce slogan

utilisé par le juge Cromwell n’est d’ailleurs pas sans rappeler une description de la démocratie comme régime « par et pour » le peuple.

340 Id., p. 481. 341 Id., p. 257.

« Sheryl Kiselbach est une ancienne travailleuse du sexe qui occupe actuellement un emploi de coordonnatrice en prévention de la violence dans le quartier Downtown Eastside. Pendant environ 30 ans, elle a exercé diverses activités dans l’industrie du sexe dont la danse exotique, les spectacles érotiques en direct, les séances en salons de massage et la prostitution de rue en tant que travailleuse autonome. Durant cette période, elle a été déclarée coupable de plusieurs infractions relatives à la prostitution. Elle a quitté cette industrie en 2001. Elle soutient avoir été incapable de participer à une contestation judiciaire des lois relatives à la prostitution pendant qu’elle était active comme travailleuse du sexe en raison des risques liés à une exposition publique, de la crainte pour sa sécurité personnelle et de la perte éventuelle de services sociaux, d’aide au revenu, de clientèle et de possibilités d’emploi. »342

Ces « prémisses de l’argumentation » étant posées, la valorisation des acteurs sociaux agissant comme demanderesses se poursuit dans le jugement, mais cette fois, pour montrer qu’elles sont en mesure de représenter leurs pairs de façon adéquate. Tout en répétant une troisième fois que les objets de SWUAV « visent notamment à améliorer la santé et la sécurité des travailleuses du sexe » et une deuxième fois qu’elle est « administrée par et pour » ses membres, la Cour louange son engagement, son expérience, sa vision et sa capacité de mener son dossier à terme:

« … [L]a Société n’agit pas en trouble-fête et a démontré un solide engagement à l’égard de l’enjeu en cause. Elle a une expérience considérable relativement aux travailleurs de l’industrie du sexe du quartier Downtown Eastside de Vancouver et elle connaît bien leurs intérêts. Il s’agit d’un organisme sans but lucratif enregistré qui est administré « par et pour » des travailleurs qui exercent un métier dans l’industrie du sexe, ou qui en ont déjà exercé un, et qui habitent ou travaillent dans ce quartier de Vancouver. L’objet de cet organisme est fondé sur la vision et les besoins des travailleurs de la rue de l’industrie du sexe et ses objets visent notamment à améliorer leur santé et leur sécurité, à s’opposer à toutes les formes de violence à leur égard et à exercer des pressions pour obtenir des modifications aux politiques et aux lois afin d’améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs du sexe. »343

342 Downtown Eastside, préc. note 301, par. 6. 343 Id., par. 58.

« … [L]es intimées ont soulevé des questions importantes pour le public… leur contestation est exhaustive (…). Il est évident que la demande est plaidée avec rigueur et habileté. »344

« …. [E]lles ont la capacité d’engager la présente action. La Société est bien organisée et dotée d’une expertise considérable en ce qui concerne les travailleurs de l’industrie du sexe qui exercent leur métier dans le quartier Downtown Eastside, et Mme Kiselbach, une ancienne travailleuse du sexe dans ce quartier, est soutenue par les ressources de la Société. Elles apportent un contexte factuel concret et représentent les personnes qui sont le plus directement touchées par les dispositions législatives contestées. (…) De plus, la Société est représentée par des avocats expérimentés en droit de la personne, ainsi que par la Pivot Legal Society, un organisme sans but lucratif d’intervention juridique qui travaille dans le quartier en cause et dont les activités sont principalement centrées sur les questions juridiques touchant cette collectivité. Cet organisme a effectué des recherches sur le sujet, a produit divers rapports et a présenté les éléments de preuve qu’elle a recueillis à des représentants et à des comités gouvernementaux. Cela laisse entendre que la présente instance constitue une manière efficace de soumettre la question à la cour en ce sens qu’elle sera présentée dans un contexte qui permettra sa détermination dans un système contradictoire. »345

En somme, par un ensemble de techniques argumentatives sommairement décrites ci- haut, la Cour suprême a choisi de valoriser les acteurs sociaux agissant comme demanderesses afin de les montrer comme un « modèle », au sens où Perelman l’entend.346 Ce procédé, qui est également un « processus de liaison »347, s’emploie à décrire un cas particulier de façon à indiquer une conduite à suivre et servir d’inspiration à ceux qui vont suivre.348 Ainsi, en établissant de façon particulière les critères permettant d’autoriser SWUAV à intenter son recours d’intérêt public, la Cour trace la voie aux autres acteurs sociaux voulant s’impliquer

344 Id., par. 73

345 Id., par. 74 (références aux affidavits et mémoires omises).

346 C. PERELMAN et L. OLBRECH-TYTECA, Traité de l’argumenation, préc. note 67, p. 488-489.

347 Les procédés de liaison sont des « schèmes qui rapprochent des éléments distincts et permettent d’établir entre ces derniers une solidarité visant soit à les structurer, soit à les valoriser positivement ou négativement l’un par l’autre. », id., p. 255.

dans le processus judiciaire, lesquels devront suivre les paramètres imposés par ce modèle (engagement, expertise, ressources, etc.).

Pour résumer les derniers paragraphes, il convient donc de souligner le contraste énorme entre la présentation des acteurs sociaux faite par la Cour suprême dans cet arrêt Downtown Eastside et celle qui prévalait au début des années quatre-vingt-dix. En effet, alors qu’on en parlait dans l’arrêt Conseil canadien des églises en termes de « désastre », de « préjudice accablant », d’« injustice pour les particuliers » et de « prolifération inutile de poursuites insignifiantes ou redondantes intentées par des organismes bien intentionnés dans le cadre de la réalisation de leurs objectifs, convaincus que leur cause est fort importante »349, l’image dépeinte aujourd’hui est axée sur la valorisation des acteurs sociaux. En d’autres mots, à travers une qualification positive des travailleuses du sexe et de leur organisation, on ne les voit plus comme une nuisance potentielle pour le système judiciaire, mais comme des vecteurs susceptibles de faire évoluer le droit.

b) Le retour à l’approche déontologique préconisée par les arrêts Thorson, McNeil, Borowski et Finlay

Le deuxième volet de l’arrêt Downtown Eastside sur lequel nous voulons insister concerne l’accent mis par la Cour suprême sur le principe de la légalité établi par les arrêts Thorson, McNeil, Borowski et Finlay et la façon dont le juge Cromwell a relativisé la thèse conséquentialiste adoptée dans Conseil canadien des églises. L’explication de ce volet nécessite un bref préambule de notre part.

Tel que le mentionnions plus haut, l’arrêt Downtown Eastside est survenu dans un contexte doctrinal particulier, en raison des attentes vis-à-vis des améliorations à apporter à l’accès à la justice par les citoyens.350 En outre, au début de 2012, la Cour suprême était

349 Conseil canadien des églises, préc. note 248, p. 252. 350 Voir la Section C.1a) de la présente partie.

également placée dans un contexte institutionnel peu commun (relié au contexte doctrinal), du fait que quelques juges avaient pris leur retraite et que ceux qui les ont remplacés s’étaient exprimés ouvertement en faveur d’un meilleur accès à la justice pour les citoyens.351

Or, au-delà des contextes doctrinal et institutionnel, la Cour devait également composer avec un contexte jurisprudentiel quelque peu controversé, du fait que les membres du plus haut tribunal qui les ont précédés avaient affiché deux approches complètement différentes par rapport à la façon dont l’exercice discrétionnaire quant à la qualité pour agir dans l’intérêt public devait être appliqué. En d’autres mots, au moment où l’affaire Downtown Eastside est parvenue devant le plus haut tribunal, il existait un contexte doctrinal, institutionnel et jurisprudentiel particulier, axé sur le problème de l’accès à la justice pour les citoyens.

Sans répéter dans les détails la chronologie des événements survenus depuis 1974, rappelons que ce contexte jurisprudentiel était controversé du fait qu’il opposait deux types d’approches quant aux critères d’accès des citoyens devant les tribunaux. Ces deux approches, l’une déontologique et l’autre conséquentialiste, ont été exprimées à l’occasion de quelques décisions-clés de la Cour suprême, qu’on peut résumer ainsi. Au milieu des années soixante- dix, suivant une première percée des acteurs sociaux à titre d’intervenants dans les arrêts