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L’aménagement hydro–agricole dans la plaine des Doukkala et les transformations

commercialisation: cas de la culture de la tomate de primeur au Sahel des Doukkala

2.3. L’aménagement hydro–agricole dans la plaine des Doukkala et les transformations

socio-spatiales de la région du Sahel

Bien que la question des aménagements hydro-agricole dans la plaine des Doukkala, ne soit pas en elle-même, l’essentiel de notre propos, nous voudrions donner une idée de ce processus et de montrer, à grands traits, son évolution, qui nous permettra après d’analyser son impact sur la région du Sahel.

Le développement des irrigations à partir des eaux de surface dans la plaine des Doukkala depuis les années cinquante, ne sera pas une simple réorganisation du secteur agricole au sein de cette même région, mais bien plus. La région du Sahel, limitrophe à la plaine, aura sa part des effets bénéfiques, mais aussi contraignants de cette nouvelle situation. L’impact de l’aménagement hydro-agricoles dans la plaine aura donc des répercutions, clairement détectables, sur l’évolution de l’espace rural au Sahel, sa restructuration son peuplement et sa mise en valeur.

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2.3.1. L’aménagement hydro-agricole de la plaine des Doukkala ; une opération d’envergure.

L’aménagement hydro-agricole de la région des Doukkala, s’insère dans la politique des barrages au Maroc, entamée depuis la période du protectorat, mais bien renforcée depuis l’indépendance du Maroc. La politique du Maroc indépendant en la matière percevait l’irrigation comme un facteur important, voir indispensable pour la satisfaction des besoins en produits alimentaires de base, l’accroissement des produits agricoles destinées à l’exportation, l’amélioration du niveau de vie de la population agricole et rurale pour prévenir notamment un exode sauvage vers les villes, et créer un surplus investissable à partir du secteur agricole135. La grande hydraulique agricole est présentée par les responsables marocains, comme le pilier du développement agricole et comme la grande entreprise du règne136.

A des conditions climatiques défavorables, des sols de qualité à peine moyenne et un morcellement excessif des terres, la plaine des Doukkala aux années 40 s’est vu confrontée aussi à deux autres facteurs de grande importance :

 Une charge de bétail beaucoup trop importance pour les ressources fourragères disponibles.

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M.A.R.A., 1976. La politique des barrages (objectifs). Direction De la mise en valeur, Rabat.

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BENHADI. A., 1977. « la politique marocaine des barrages ». In CRESM. Les

 Une pression démographique fortement élevée et une densité atteignant plus du double de la moyenne nationale137.

Compte tenu de cette situation, aggravée avec les événements récents qui prévalaient à l’échelon international et à la situation qui caractérisait le pays138, les services de l’Etat colonial ont estimé qu’une nouvelle politique agricole au niveau national doit répondre à deux objectifs précis:

 Subvenir aux besoins alimentaires de la population marocaine dont l’essor démographique commençait à devenir inquiétant.

 Promouvoir une politique d’exportation de produits agricoles plus ardue aux fins d’assurer au marché français en particulier les produits dont il a besoin139.

Parmi les moyens à mettre en jeu pour atteindre ces objectifs, l’irrigation dominait nettement sur les autres par son importance. Et c’est dans ce contexte général qu’est né le programme d’aménagement de la plaine des Abda-Doukkala.

La réalisation des premiers périmètres hydro-agricoles –qui a débuté en 1952– fut très lente, à cause des insuffisances qui ont marqué les débuts de cette opération, et qui sont,

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ANAFID., 1987. « L’hydraulique agricole contemporaine au Maroc ». Homme

terre et Eaux. Vol 17 n° 66-67. p :41.

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Il s’agit en faite de la crise économique mondiale de 1930, et son grave préjudice sur la grande masse des paysans marocains, qui a vu ses revenus baisser de 60%.. La grande sécheresse et l’apparition de maladies épidémiques en 1937, et de la 2° guerre mondiale (39-45) et ses répercutions directes sur la population, ajoutées à la sécheresse catastrophique de 1944-1945 où la récolte des céréales s’est vu chuter de plus de 80% (5,1 millions qx contre une moyenne de 27 millions qx).

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généralement, liées aux lacunes des études entreprises à cet égard, mais aussi aux problèmes socio-économiques posés par le morcellement des terres et les difficultés d’assimilation des agriculteurs au nouvelles techniques et modes d’utilisation du sol. « Ces derniers étaient en premier lieu des éleveurs, qui non seulement ignorent tout de l’irrigation, mais sont peu accoutumés à l’agriculture intensive en sec »140

.

Jusqu’en 1966, seuls 16 900 ha ont été équipés et mis en service, fondés sur l’utilisation des apports d’eau superficielle de l’Oued Oum-Er-Rbia régularisées par le barrage d’Imfout construit depuis 1939/45.

Depuis lors, l’extension de la zone irriguée s’est poursuivie à une cadence plus accélérée, notamment après la construction du barrage El Massira en amont d’Imfout. Ce dernier barrage, dont la capacité a diminué de 85 millions de mètres cubes à 20 millions mètres cubes suite à l’envasement, ne joue actuellement qu’un rôle de barrage de déviation.

Les superficies équipées et mises en service actuellement atteignent 61 200 ha dans le cadre du périmètre connu sous le nom de Périmètre Bas service, et qui ne concerne que la plaine des Doukkala. Un deuxième périmètre est en cour de réalisation, connu sous le nom Périmètre Haut service et s’étale sur une superficie de 64 000 ha répartie à moitié dans les Doukkala (province d’El Jadida) et les Abda (province de Safi.

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Tableau : Évolution des superficies équipées. Casiers d’irrigation Superficies équipées (ha) Mode d’irrigation Trame d’aménagement Date mise Eau -Feregh -Sidi Smaïl -Boulaouane -Sidi Bennour 8900 8000 1100 9300 Gravitaire Gravitaire Aspersion Gravitaire Trame A Trame A Trame B Trame B 1958 1963-68 1970 1975 - Zemamra Z1 Z0 - Z2 – Z3 -Gharbia Sud -Gharbia Nord -Extension Faregh - Sidi Smaïl 4500 11500 9400 3700 1900 1400 Aspersion Aspersion Aspersion Aspersion Aspersion Aspersion Trame B Trame B Trame B Trame B Trame B Trame B 1977 1980 1982 1984 1986 1986

- cuvette Sidi Smaïl 1500 Gravitaire Trame A 1991

Total 61 200 - - -

Source : ORMVAD. 1998

Le passage à l’irrigation a entraîné des modifications profondes dans les systèmes de culture. Les répercussions de l’irrigation et des aménagements hydro-agricoles sont nettement claires sur la nature des cultures pratiquées, le nombre des récoltes, les types d’assolement, les techniques, les modes d’exploitation, les rapports de travail et les conditions de vie.

Dans le périmètre irrigué des Doukkala, malgré le maintient de la céréaliculture comme culture principale et la progression des superficies consacrées à cette culture, on assiste au développement d’une gamme de cultures très variée.

L’agriculture ancienne comprenait trois spéculations principales : l’orge, le blé et le maïs. L’orge représentait avant l’irrigation à lui seul près de la moitié des superficies cultivées

avec une moyenne de 42% et 38% de l’ensemble des superficies cultivées respectivement pour la période 1917-1932 et 1941-1953141. L’irrigation a permis une diversification progressive des cultures, une diversification qui ne signifie pas un remplacement d’une culture par une autre, mais essentiellement une augmentation considérable des superficies cultivées.

Tableau : Évolution de la répartition des cultures dans le périmètre irrigué des Doukkala (en %)

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