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L’activité collective est un système composé de plusieurs activités individuelles

Chapitre 3. Echanges internationaux et pluridisciplinarité

2. L’activité collective est un système composé de plusieurs activités individuelles

L’activité collective peut être considérée comme un système composé de plusieurs actions individuelles (Bedny, 2004 ; Jeffroy, Theureau, Haradji, 2006). Des connaissances sont produites sur l’activité collective en lien avec l’activité individuelle. L’analyse du travail collectif porte sur l’activité individuelle de chaque personne de l’équipe et leurs interactions. Pour Bedny, l’action collective émerge d’un système complexe d’actions individuelles.

2.1. Les représentations mentales de la tâche

Aux USA, Bedny et coll., dans les années 2000-2004, donne au concept de tâche un rôle fondamental dans l’AT : représentations mentales de la tâche, forces motivationnelles de la

31La théorie de Vygotski a été beaucoup développée en didactique professionnelle. En effet, cette approche des concepts et la notion de zone de développement potentiel sont des notions reprises par Vergnaud (1994), Pastré (1999), etc.

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tâche. Les opérateurs créent des objets artificiels comme moyens de réguler leurs interactions avec le monde extérieur et les autres. La performance de l’action peut être pratique/externe (comportement extérieur) et mentale/interne (actions mentales internes). L’action individuelle des sujets peut être formulée comme un élément de l’action collective. L’activité d’une personne transforme ou crée un monde extérieur pendant que les connaissances obtenues sur ce monde change les réflexions dans le sujet. Cet auteur centre ses recherches particulièrement sur les mécanismes d’auto-régulation de l’activité. Bedny s’appuie sur le rapport à la technique pour montrer les processus mentaux. L’action n’est pas seulement une relation du sujet à l’objet mais aussi des relations avec les autres sujets, qui peuvent être physiquement présents ou encore présents par des instruments, des outils, des signes du système (Bedny, Karwowski, 2004). Mais dans ses recherches, il ne traite pas du rapport entre règles et communauté comme le fait Engeström.

Ce qu’il retient de la théorie de l’activité de Vygotski est que l’activité consiste pour le sujet à définir un but dirigé vers le système où la cognition, le comportement et la motivation sont intégrés et organisés par des mécanismes d’auto-régulation visant des buts conscients. L’internalisation est un processus actif de formation de l’action interne et d’opérations basées sur des mécanismes de régulation (Bedny, 1981). La tâche et l’action sont donc essentielles pour comprendre le but de l’activité. Pour Bedny, les composantes motivationnelles de l’activité résultent des motifs de l’activité qui se construisent principalement par des buts individuels issus de l’action individuelle. S’il reconnait les motifs comme étant une perspective intéressante en ergonomie pour des tâches de performance, il ne prend pas en compte la relation dynamique entre motifs et buts proposée par Léontiev dans ses dimensions individuelles et collectives. Bedny considère que l’action collective correspond à une action coordonnée dans l’espace et le temps par divers sujets vers l’accomplissement d’un but commun, mais il n’intègre pas que l’action individuelle peut être habitée par des motifs collectifs. Dans cette autre perspective, il y a aussi autrui dans l’action du sujet, c’est-à-dire que même dans une activité individuelle le collectif de travail peut être présent dans chacun des sujets (Clot, 2000).

La perspective de Bedny & coll. se situe dans une approche cognitive de l’ergonomie en cherchant à comprendre les représentations dans une activité distribuée. La compréhension d’une situation repose non seulement sur des composantes conscientes et verbales mais aussi sur des composantes non conscientes, des éléments de l’imaginaire et une pensée non encore verbalisée. Il existe des composantes émotionnelles et motivationnelles dans l’activité humaine. Cette approche des composantes motivationnelles de la tâche n’est pas très éloignée des notions de représentation pour l’action et de cognition distribuée.

2.2. Les représentations pour l’action et l’arwareness des situations

Le concept d’awareness32 de la situation, introduit par Endsley (1995), se définit comme « la perception des éléments dans un environnement avec un empan temporel et spatial, la compréhension de leurs moyens, et la projection de leur statut dans un futur proche » (p. 36). Selon Bedny, Karwoski, Jeng (2004), les mécanismes subjectifs sont responsables de la conscience et d’une réflexion dynamique sur la situation. Le modèle conceptuel est un des mécanismes qui influencent la fonction subjective relevant des conditions de la tâche. Les composants imaginaires jouent un rôle important dans le fonctionnement des processus mentaux.

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En ergonomie de l’activité, « les représentations pour l’action » (Piaget, 1970, Vermersch et Weill-Fassina, 1981, Weill-Fassina, 1990), sont considérées comme des réseaux de connaissances, de savoirs, de savoir-faire et de sensations éprouvées, construites, sélectionnées au cours de l’histoire d’un sujet, à partir de l’expérience, de l’intention et des besoins de l’action. Les représentations pour l’action résultent de l’action autant qu’elles sont source de régulations. Il ne s’agit pas de perception mais bien de représentation opérative. Cette conception des représentations pour l’action est donc à la source des régulations de l’activité humaine et a l’intérêt de renouveler les approches centrées sur l’utilisateur en prenant en compte à la fois les caractéristiques de l’environnement et l’activité humaine. Il ne s’agit plus de considérer la simple interaction Homme-Machine mais un système homme-homme-machine.

La notion d’awareness de la situation est très proche de la notion de représentations pour l’action (Weill-Fassina, Rabardel, Dubois, 1993). Mais elle ne peut prétendre pour autant être au fondement du travail coopératif. L’awareness est définie comme un « accomplissement en tant que capacité à construire des activités pour rendre les autres capables de relever certains traits ou implications de ces actions » (Heath et al., 2002). Elle se définit comme une attention partagée, où la « capacité des participants à rester sensibles à leur conduites réciproques est importante tandis qu’ils sont engagés dans des activités distinctes ».

L’awareness de la situation permet la coordination des activités et la coopération dans des lieux de travail où les co-équipiers partagent les mêmes outils technologiques33. Par exemple, dans un centre de coordination de secours ou une salle de commande, les outils facilitent la coopération. S’inspirant d’un modèle écologique de l’action située, l’awareness semble intéressant pour comprendre le partage de connaissances nécessaire au travail collectif. « C’est en percevant autrui que je sais que je suis moi aussi objet de perception pour autrui » (Grosjean, 2005).

2.3. La cognition distribuée

Dans une conception de l’activité collective comme un ensemble d’interactions individuelles, une partie des études internationales se réfère à une approche interactionniste, notamment au courant de la cognition distribuée. Ces études visent une meilleure adaptation des dispositifs techniques pour faciliter l’activité collective.

Riley et coll. (2006) dans une étude sur les situations de contrôle et de commande dans le processus de planification des manœuvres dans l’armée s’interrogent sur les techniques les mieux adaptées pour développer l’action. Ils montrent que le contrôle de processus dépend d’une activité collaborative distribuée. Le support technique de prise de décision apparait déterminant pour faciliter ces situations de travail collectif.

Dans le cadre théorique de la cognition distribuée, il s’agit de considérer que la performance collective ne peut se comprendre que si on dépasse l’analyse des seuls acteurs et de leurs interactions. Ce cadre théorique vise donc à analyser des situations collectives particulièrement complexes et performantes (ex, des opérations d’assistance rapatriement) en prenant en compte un système fonctionnel global comprenant non seulement les acteurs, leurs interactions mais aussi l’ensemble des éléments artéfactuels qui les entourent dans le contexte physique de leur action et dans le contexte organisationnel plus global qui les influence.

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Dans la planification médicale des urgences, on retrouve des résultats semblables. L’activité de l’équipe requiert de la coopération et de la communication entre les membres de l’équipe. La théorie de la cognition distribuée permet de comprendre les représentations et l’usage des artéfacts comme support au raisonnement de l’équipe. Les représentations pour l’action (Weill-Fassina, 1993) sont utiles pour comprendre l’usage des outils et les modes de coopérations. Le langage a fait l’objet de beaucoup d’investigations (Grosjean, Lacoste, 1999). Les études de Pavard, Benchekroun et Salembier (1990) dans la régulation collective des communications dans un centre d’appel d’urgence montrent que l’analyse des interactions humaines permet de modéliser la complexité des systèmes socio-techniques coopératifs, notamment les espaces de coopération proxémique (Benchekroun, 2000). « Les communications doivent assurer à la fois une bonne coordination des décisions individuelles, un partage de l’information, la résolution collective des problèmes nouveaux ou complexes et chose que l’on oublie parfois l’établissement d’un bon climat relationnel » (Karsenty, Lacoste, 2004, p. 233).

Nyssen et Javaux (1996) apporte un autre élément de compréhension sur la performance du travail collectif. Ils décrivent dans le cadre d’une étude sur les anesthésistes les difficultés de synchronisation des contraintes qui peuvent être à l’origine des erreurs médicales. Cela dépend principalement de la gestion temporelle des relations et de l’information. Cette recherche de synchronisation sur le plan cognitif et sur le plan de l’action dans les activités collectives a fait l’objet de recherches également dans la conception collaborative par Darses et Falzon (1996).

3. L’activité collective, l’activité d’un groupe de personnes comme une composante du

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