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L’action déterminée contre les addictions au volant pourrait être encore accrue

POLITIQUE DE SECURITE ROUTIERE ET POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE

3.4 L’action déterminée contre les addictions au volant pourrait être encore accrue

Une politique globale de lutte contre l’alcool est encouragée par l’Union européenne

Le rapport à la Commission européenne de l’Institute of Alcohol studies de Londres, remis en juin 2006 aborde et évalue plusieurs mesures :

- les politiques de réglementation du marché de l’alcool (réglementation des prix et des points de vente, concentration des débits de boisson, contrôle des horaires …) ; ces politiques ont un impact positif et réduisent la mortalité au volant ;

- la baisse du taux maximum d’alcoolémie autorisé ; tous les exemples montrent les très bons résultats obtenus par ces mesures ;

- les contrôles par alcootest par les forces de l’ordre, même sans aucun motif déclencheur, avec des lieux et des fréquences variables ; 23 études ont montré que ce type de stratégie permettait de réduire en moyenne de 22 % les accidents mortels ;

- la suspension du permis de conduire ; le rapport relève que son efficacité est limitée pour réduire le nombre de récidivistes, du moins sans une information, des conseils, voire un traitement d’accompagnement ; les effets de la suspension ne durent alors que le temps de la suspension ; cependant le caractère dissuasif est renforcé par le caractère certain et immédiat de la mesure ;

- le système d’éthylotest anti-démarrage ; plusieurs études ont montré que ce système était plus efficace que la suspension dans la lutte contre la récidive, du moins tant que le système reste en place ; une fois retiré, le risque de récidive est identique à celui de la suspension ;

- les restrictions concernant les jeunes conducteurs ou les conducteurs inexpérimentés ; un taux d’alcool autorisé plus bas pour les jeunes conducteurs a pour effet de réduire le nombre de blessés et d’accidents mortels dans une fourchette comprise entre 9 et 24 % ;

- les permis de conduire limitatifs pour les jeunes conducteurs (interdiction de conduite à certaines heures, ou avec d’autres jeunes passagers) ont aussi un impact efficace sur le nombre d’accidents mortels ;

- la formation des serveurs et la responsabilité civile des débitants de boisson ; une formation destinée aux serveurs a été mise en place dans certains états (USA, Australie, Pays-Bas) ; elle enseigne comment décourager la surconsommation en proposant d’autres boissons, toutefois les études ne s’accordent pas pour rapporter des résultats positifs ; la responsabilité civile des débitants de boisson qui servent des clients déjà en état d’ébriété est engagée dans certains états d’Amérique, en Australie et au Canada ; dans les états d’Amérique où elle est prise en compte, les résultats sont meilleurs que dans les autres ;

31 Circulaire DGS/SD6B no 2006/449 du 12 octobre 2006 relative à la diffusion de la formation au repérage précoce et à l’intervention brève en alcoologie - http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2006/06-11/a0110034.htm.

« Bien que se considérant compétents dans ce domaine, les généralistes s’estiment néanmoins comme peu (ou pas) efficaces et non légitimes pour s’immiscer dans un domaine considéré comme privé. Parmi les raisons avancées ressortent le manque de temps, de formation et de valorisation des actes de prévention. ».

184 - les programmes de prévention : capitaine de soirée et transport organisé ; en pratique, seule une minorité de « capitaines » ne boit pas du tout ; les campagnes de prévention occasionnent une légère augmentation des volontaires, sans que la réalité de l’abstinence puisse être établie ; en fait ils ont souvent un taux d’alcool plus faible que les autres passagers, mais tout de même supérieur au taux autorisé ; par contre les études montrent une surconsommation des passagers ; les programmes de transport gratuit se heurtent le plus souvent à l’absence de prise en charge du véhicule.

Enfin, le rapport établit un certain nombre de recommandations au plan européen : - harmonisation du taux légal à 0,5g/l de sang dans toute l’Europe ;

- un taux légal à 0,2g/l de sang pour les nouveaux conducteurs, les conducteurs des services publics et les conducteurs de poids lourds ;

- des condamnations communes, claires, graduées et d’application rapide ; - des programmes de réhabilitation et de traitement s’ajoutant aux peines ; - des actions de prévention soutenues par une campagne européenne ; - des formations pour le personnel de la restauration et les serveurs d’alcool ;

- des programmes globaux d’éducation, de mobilisation incluant des planifications urbaines et des initiatives de transport public.

3.4.1 Faut-il réglementer davantage le marché de l’alcool ?

L’équipe d’évaluation n’a pas été en mesure d’effectuer les investigations nécessaires pour se prononcer sur ce type de mesures, qui aurait d’importantes conséquences économiques qu’elle n’est pas en meure d’expertiser.

Il lui apparaît que l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs est une mesure centrale dont l’application doit être particulièrement surveillée. Cette surveillance ne saurait se limiter aux débits de boissons souvent relativement bien surveillés mais doit aussi concerner les épiceries de nuit, dont les prix sont plus abordables pour les jeunes. Une des préfectures rencontrées a ainsi mis en œuvre une mesure de fermeture administrative pour une épicerie dans laquelle un jeune impliqué dans un accident avait acheté de l’alcool.

3.4.2 Faut-il modifier les règles en matière de taux d’alcoolémie autorisé ?

La France a un taux d’alcoolémie maximale conforme aux recommandations européennes

Quelques pays ont une réglementation avec un taux égal à zéro, toutes catégories confondues : Hongrie, République tchèque, Roumanie, Slovaquie. La Norvège, la Pologne, l’Estonie et la Suède ont également un taux réduit à 0,2g/l toutes populations confondues.

La France a déjà un taux de base conforme aux recommandations européennes et à la pratique commune des pays européens, comme le montre le tableau ci-dessous. Le taux maximum autorisé pour les conducteurs de transports en commun a été abaissé en 2004 à un niveau conforme aux pratiques majoritaires.

D’autres éléments comparatifs figurent dans l’annexe comparaison internationale.

185 Comparaison des mesures alcool dans différents pays européens

PAYS MAXIMUM AUTORISE AMENDE POINTS SUSPENSION DU

PERMIS PEINE PRISON

En revanche, plusieurs pays ont mis en place des taux encore plus restrictifs pour les jeunes d’une part et les conducteurs novices d’autre part ;

- moins de 21 ans : 0,0g/l (Allemagne, Suisse, Italie) ; - conducteurs novices :

o 0,0g/l : Allemagne, Suisse, Italie pour les novices< 2 ou 3 ans o 0,3g/l : Espagne pour les novices < 2ans ;

o 0,2g/l : Pays-Bas pour les novices < 5ans ; o 0,2g/l : Chypre pour les novices < 3ans ;

o 0,2g/l : Luxembourg, Lituanie, Lettonie, Irlande, Grèce et Portugal pour les novices <

2 ans ;

o 0,1g/l : Autriche pour les novices < 2 ans.

En fait, les pays prévoyant un taux d’alcoolémie au moins égal à 0,5g/l pour les conducteurs novices sont plutôt minoritaires ; il s’agit de la Belgique, de la Bulgarie, du Danemark, de la Finlande, de Malte, de la Slovénie, de la Croatie et du Royaume uni (0,8g/l).

186 Compte tenu du manque d’expérience des conducteurs novices, de leur taux d’accident et de l’impact sur les temps de réaction d’une alcoolisation même légère la réduction du taux d’alcoolémie admis pour les conducteurs novices a un sens.

Les statistiques des assurances sont à cet égard édifiantes, pour les novices jusqu’à 5 ans, hommes ou femmes :

Fréquence des accidents de responsabilité civile automobile selon le sexe du conducteur principal et son ancienneté de permis en 2012.

Répartition du parc

Source Assurances et mutuelles (FFSEA et GEMA) - Données véhicules 4 roues (hors flottes automobiles) L’observation des pratiques majoritaires dans les pays voisins conduirait à retenir un taux de 0,2g/l de sang pour les conducteurs novices de moins de deux ans. Reste à savoir si en cas d’alcoolémie entre 0,2 et 0,5 g/litre, il convient de retirer 6 points de permis, soit de fait la totalité du permis pour les novices de moins d’un an. Cette minoration serait conforme aux recommandations européennes.

Cette mesure serait vraisemblablement mal perçue par les conducteurs novices, en majorité jeunes, qui y verraient une restriction de leur liberté. Il est toutefois vraisemblable que leurs proches soient favorables à une telle mesure de prévention qui nécessiterait, pour être acceptée, de ménager un temps de contrôle pédagogique avant d’être appliqué strictement.

Cette mesure serait en outre en ligne avec les constats effectués ci-dessus relatifs au fait que la peur de la sanction n’agit plus au bout de quelques verres de trop. Le taux de 0,2g/litre de sang correspond à une quasi-absence de consommation d’alcool dans la soirée et non à une limitation de cette consommation, dont l’appréciation n’est pas toujours évidente.

3.4.3 Peut-on accroître les contrôles d’alcoolémie ?

On ne peut donc pas a priori extrapoler sur la conduite sous addiction les bons résultats d’une augmentation des contrôles pour la vitesse pour deux raisons :

- le degré de probabilité de repérage de l’infraction n’atteindra jamais celui permis par les l’ordre rend peu probable une augmentation des contrôles d’alcoolémie.

187 En tout état de cause, il convient de maintenir le niveau actuel des contrôles et de cibler toujours plus précisément les lieux et heures de contrôle, pour viser l’ensemble des populations à risque.

3.4.4 Elargir les cas d’obligation de l’éthylotest anti-démarrage (EAD)

La France est en retard par rapport aux meilleures pratiques

Selon l’étude précitée relative à la dissuasion de la conduite sous l’emprise de l’alcool, l’éthylotest anti-démarrage est particulièrement efficace chez la personne alcoolisée qui choisira toujours la solution la plus simple « biais du statu quo ». Chez la personne alcoolisée « les options alternatives sont d’autant moins choisies qu’elles sont perçues comme nécessitant un effort particulier » ; la solution naturelle pour lui étant de reprendre le volant ; si son véhicule est équipé d’un EAD, le fait de chercher à conduire nécessitera un effort qu’il n’est pas en mesure de choisir.

En France, l’éthylotest anti démarrage est prévu soit dans le cadre d’une composition pénale (article 41-2 du code de procédure pénale), soit comme peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge en cas d’infraction grave ayant entrainé un homicide ou des blessures involontaires (code pénal) ou en cas de délit de conduite en état d’alcoolémie ou en état d’ivresse manifeste (code de la route).

Cette peine complémentaire prévoit « l'interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé ou par construction d'un dispositif d'anti-démarrage par éthylotest électronique, homologué dans les conditions prévues à l'article L. 234-17 du code de la route. Lorsque cette interdiction est prononcée en même temps que la peine d'annulation ou de suspension du permis de conduire, elle s'applique, pour la durée fixée par la juridiction, à l'issue de l'exécution de cette peine. »

Cette mesure de composition pénale est peu mise en œuvre et cette peine complémentaire est peu prononcée.

De ce fait, le développement de l’activité d’installation de ces dispositifs ne se fait pas, faute d’un marché suffisant. Or en l’absence d’installateur agréé dans le département, la direction de l’action criminelle et des grâces a demandé aux parquets de ne pas requérir cette peine. On est donc dans un cercle vicieux dans lequel la mesure la plus efficace pour prévenir la récidive, plus encore que le retrait de permis, n’est que très rarement mise en œuvre.

Parmi les 76 préfets ayant répondu au questionnaire de la mission, 24 seulement, soit moins d’un tiers, déclarent qu’il existe au moins un installateur agréé, dix ne le savent pas. Très peu ont connaissance d’une politique du Parquet en la matière. Toutefois la mise en œuvre de ce dispositif dans le cadre d'une composition pénale est signalée dans deux départements. Dans un département ce dispositif est ainsi proposé aux primo-délinquants pris avec un taux de plus d’1mg/l et ayant besoin de leur véhicule pour travailler ; l’installation de l’EAD est alors alternative à une suspension de du permis de conduire (6 mois maximum). Il est signalé dans deux autres départements que cette peine n’est pas prononcée en raison de son coût et compte tenu de la récurrence de l’insolvabilité des contrevenants.

Les modalités possibles de mise en œuvre

L’annexe comparaison internationale donne quelques exemples d’application internationale.

Plusieurs modalités peuvent être envisagées et combinées :

- mesure administrative automatique au-delà d’un certain seuil d’alcoolémie ou de récidive ; - alternative ou non au retrait de permis, avec ou sans volontariat ;

- monitoring pendant la durée d’utilisation permettant de repérer les incidents de conduites, accompagné éventuellement de mesures de réhabilitations (suivi médico psychologiques des usagers - stages, consultations par médecins addictologues ou psychologues,...) permettant de diminuer le taux de récidive lors de la levée de l’EAD ;

- peine suivie en milieu ouvert par les services pénitentiaires d’insertion et de probation ou mesure administrative suivie par un organisme public ou privé ;

- mesure ouverte à la commission médicale du permis de conduire...

188 Seule certitude, pour que cette mesure soit réellement efficace, il convient de privilégier les modèles permettant des re-test en cours de conduite, avec une échéance fixe, puis des échéances aléatoires sur des intervalles de temps définis.

Le régime d’assurance est également à préciser, ce type d’installation devant normalement être déclaré aux assureurs. Une négociation avec ces dernières visant à éviter un surcoût pour l’assuré sont à envisager.

Enfin la question du coût de l’installation de ces dispositifs, surtout en cas de monitoring doit être envisagée de manière pragmatique, de façon à ce que les personnes qui en ont le plus besoin alors qu’ils sont en situation de précarité puissent en bénéficier. La possibilité de substituer le financement de ce dispositif à une peine d’amende est aussi à explorer.

3.4.5 Appliquer réellement la mesure de confiscation pour les personnes alcoolo-dépendantes multirécidivistes

La confiscation du véhicule est obligatoire, sauf motivation particulière, en cas de récidive du délit de conduite sous l’emprise d’un état alcoolique ou de refus de se soumettre aux vérifications de l’état alcoolique.

De fait le dispositif est peu appliqué ; la combinaison d’une immobilisation administrative et d’une confiscation judiciaire complique le dispositif. L’imputation sur les frais de justice des frais de garde de véhicules lorsque le prévenu n’est pas condamné à les assumer ou en mesure de le faire (alors que la valeur de vente du véhicule ne permet pas de couvrir ces frais) freine l’application de cette mesure.

Pour pallier ces difficultés financières, cette mesure n’est requise que dans les cas les plus graves ou pour des véhicules onéreux garantissant le paiement des frais de fourrière.

189 Bibliographie

Global status report on road safety 2013 - Supporting a decade of action - World Health organization Road safety annual report 2013 - OCDE - International Traffic Safety Data and Analysis Group Etude SAM 2005 - Groupe SAM : Ceesar, LAB PSA Peugeot-Citroën/Renault, Inserm, INRETS et OFDT ; sous la responsabilité scientifique de Bernard Laumon (INRETS/UCBL/InVS UMRESTTE).

Dissuasion de la conduite sous l’emprise de l’alcool : de la théorie aux comportements - Emmanuel Kemel - Université Paris I - Les cahiers scientifiques du transport n°63/2013

2è journée scientifique du Collège français de médecine du trafic (CFMT) Médecine du trafic et personnes âgées du 19 mars 2014 - http://cfmt.fr/2013/12/2eme-journee-du-cfmt-medecine-du-trafic-et-personnes-agees/

Conférence « Les aînés et la sécurité routière» des 26ème Entretiens du Centre Jacques Cartier a rassemblé les principaux experts du monde francophone les 26 et 27 novembre 2013 à Lyon, France.

http://www.certu.fr/IMG/pdf/2014_04_09-EJC_2013_Synthese_Mobiped_cle11c7e1.pdf

Etude de cohorte sur le devenir des victimes après l’accident, UMRESTTE : Unité Mixte de Recherche Épidémiologique et de Surveillance Transport Travail Environnement (UMR T9002 INRETS/Université Lyon 1/InVS)

Les jeunes et l’alcool : évolution des comportements, facteurs de risque et éléments protecteurs Laure Com-Ruelle, Nelly Le Guen (Irdes - Institut de recherche et de documentation en économie de la santé) - n° 192 - novembre 2013

http://www.irdes.fr/recherche/questions-d-economie-de-la-sante/192-les-jeunes-et-l-alcool-evolution-des-comportements-facteurs-de-risque-et-elements-protecteurs.pdf

191 ANNEXE 13

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