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L’accord PCF-MDC : le poids de l’Europe

Dans le document La genèse de la gauche plurielle (1993-1997) (Page 196-199)

Chapitre 9 – S’allier en dehors du PS ?

2) L’accord PCF-MDC : le poids de l’Europe

L’alliance entre le Parti communiste et le Mouvement ces citoyens, seul accord formalisé par le Parti communiste outre celui conclu avec le Parti socialiste, correspond à l’aboutissement d’un processus de rapprochement opéré en 1996 et 1997 autour de l’opposition à la mise en place de la monnaie unique. Malgré ce processus, c’est pourtant seulement un accord électoral restreint qui est signé entre le MDC et le PCF.

Dès la campagne présidentielle de 1995, le PCF propose l’organisation d’un nouveau référendum, trois ans seulement après celui sur le traité de Maastricht, pour permettre aux citoyens d’approuver ou non le passage à la monnaie unique. Cette initiative s’inscrit dans un contexte précis. Compte tenu de la complexité des négociations pour le traité de Maastricht en 1991, une Conférence intergouvernementale (CIG) est organisée en 1996, pour en affiner les

906 Diverses interventions retranscrites dans le compte-rendu de la réunion du CE du 4 juin 1996 (p. 5) vont dans

ce sens : Alain Uguen affirme ainsi « qu’il faut travailler à une large alliance dont nous serons pleinement partie prenante, sinon nous nous retrouverons face à un tête-à-tête comme dans les années 70 ». Guy Hascoët renchérit en disant que s’il y avait une possibilité d’accord entre le PS et le PCF, ils les « écrabouilleraient sans problème » et que les Verts doivent donc « jouer avec les deux partis une sorte de jeu de billard » (boîte D1 CIRE/POL/EELC/INST/BE/31, fonds des Verts, CIRE).

907 Lettre de Dominique Voynet à Jean-Luc Mélenchon, 24 février 1997, boîte W3 1er semestre 1997

CIRE/POL/PERSO/DV/149, fonds Dominique Voynet, CIRE.

908 Compte-rendu du CE du 31 janvier 1997, p. 14, boîte 4AP/B/10 (côte provisoire), fonds EELV, FEP. Marie-

Françoise Mendez précise ainsi lors de cette réunion que les Verts discutent avec le PRS mais qu’il n'y aura pas d'accord, sans en préciser les raisons. Un groupe parlementaire rassemblant Verts, PRS, non alignés à l'Assemblée nationale est cependant envisagé après les élections législatives, encore prévues alors en 1998.

modalités909. Même si la CIG ne doit pas spécifiquement porter sur l’Union économique et monétaire (UEM) mais plutôt sur l’Union politique, son ouverture en 1996 permet d’envisager une éventuelle renégociation du traité de Maastricht, que les communistes appellent de leurs vœux. Ce contexte crée donc un cadre favorable à leur revendication.

Les communistes réitèrent après l’élection présidentielle de 1995 leur proposition d’un référendum, que Jacques Chirac a promis, il est vrai, d’organiser lors de la campagne910. Ainsi, au cours du Conseil national du 5 octobre 1995, Jean-François Gau, présentant son rapport, rappelle que les communistes proposent publiquement l’organisation d’un référendum à l’issue de la CIG, qui se tiendrait donc fin 1996 ou en 1997, et qu’ils souhaitent une « réelle mise à plat911 » du traité, et non seulement une mise à jour simple. Le PCF est par ailleurs favorable à la « multiplication des rencontres » dans la perspective d’une « transformation positive de l’UE »912. Des initiatives communes vont émerger entre le PCF et le MDC, même si les deux partis mènent aussi campagne chacun de leur côté. Le 18 janvier 1996, le PCF lance ainsi une pétition nationale pour un référendum sur le passage à la monnaie unique913.

Des initiatives communes sont menées au niveau local et national. Ainsi, une lettre écrite de manière conjointe par la fédération du PCF du Jura et le Mouvement des citoyens du Jura, sans doute adressée à Dominique Voynet, qui date de mars 1997 témoigne de cet ancrage local. La lettre explique que le PCF et le MDC ont engagé « l’un et l’autre une campagne de grande ampleur » pour demander l’organisation d’un référendum, et que « dans le cours de la campagne respective », ils ont décidé « d’une première initiative commune »914, qui consiste à demander aux personnalités du département de signer la pétition en faveur du référendum. Au niveau national, une déclaration commune appelant à relever le défi « pour une alternative à gauche face à la monnaie unique915 » et à organiser un référendum est adoptée le 8 janvier 1997. Un meeting commun est même organisé fin janvier 1997916. Faute d’archives en nombre suffisant, nous ne pouvons cependant guère approfondir cet aspect.

909 Franklin Dehousse, « Les enjeux de la conférence intergouvernementale de 1996 », Courrier hebdomadaire

du CRISP, no 1499, 1995/34, p. 5.

910 Pierre Gerbet, La construction de l’Europe, op. cit., p. 433.

911 L’Humanité, 6 octobre 1995, p. 15, 3 MI 39/340, AD Seine-Saint-Denis. 912 Ibid.

913 L’Humanité, 18 janvier 1996, p. 3, 3 MI 39/342, AD Seine-Saint-Denis.

914 Boîte W3 1er semestre 1997 CIRE/POL/PERSO/150, fonds Dominique Voynet, CIRE. 915 L’Humanité, 8 janvier 1997, p. 6, 3 MI 39/348, AD Seine-Saint-Denis.

Le Parti communiste et le Mouvement des citoyens signent le 30 avril 1997 un accord électoral917, nommé « Dynamique de rassemblement918 ». Pour la première fois depuis sa création en 1920, excepté en 1978 dans quatre circonscriptions, le PCF renonce au principe selon lequel les communistes doivent être candidats dans toutes les circonscriptions919. Il soutient en effet un candidat issu du parti de Jean-Pierre Chevènement dans 14 circonscriptions, tandis qu’en contrepartie, le MDC soutient 30 candidats communistes. L’accord concerne donc 44 circonscriptions en tout, qui se situent dans 16 départements. Un certain nombre de ceux-ci font partie des zones, bien qu’en déclin, de fort ancrage historique du PCF : l’Allier, le Nord, le Pas-de-Calais, la Haute-Vienne… Parmi les candidats présentés, on note la présence chez les communistes de quelques dirigeants nationaux, de fait soutenus par le MDC : Alain Bocquet dans la vingtième circonscription du Nord, André Lajoinie dans la troisième circonscription de l’Allier, Maxime Gremetz dans la première circonscription de la Somme ou encore Robert Hue dans la cinquième circonscription du Val d’Oise. Il y a donc là une volonté d’assurer la réélection de quelques dirigeants. Chez les candidats du MDC pourtant, il n’y a guère de dirigeants nationaux, peut-être pour tester la propre capacité de rassemblement de ces candidats peu connus.

Contrairement à l’analyse effectuée pour l’accord entre les Verts et le Parti socialiste, il est difficile de prendre les élections législatives de 1993 comme point de comparaison puisque le MDC est un mouvement très récent qui n’a proposé que 62 candidats en 1993920. Le MDC était donc présent dans quelques circonscriptions, dont deux seulement parmi celles concernées par l’accord avec le PCF en 1997 : la quatrième circonscription de la Drôme, dans laquelle le candidat a réalisé en 1993 un score très faible, inférieur à 1 %, et la deuxième circonscription de Dordogne, dans laquelle le candidat, Michel Suchod, député socialiste de cette circonscription de 1980 à 1993, réalise le score de 13,49 % en 1993 en tant que candidat MDC. L’absence de l’étiquette du PS entraîne donc une importante perte de suffrages. Par conséquent, le PCF ne peut pas prévoir quels peuvent être les reports de voix des électeurs du MDC sur ses propres candidats, mais il est certain que, si l’on se fonde sur les résultats du PCF dans ces 44 circonscriptions, de 14,75 % en moyenne, un bon report de voix communistes peut permettre aux candidats MDC d’effectuer un bon score.

917 Voir en annexe no 11.

918 L’Humanité, 2 mai 1997, p. 6, 3 MI 39/350, AD Seine-Saint-Denis.

919 Annie Laurent, Christian Marie Wallon-Leducq, « Les candidats aux élections législatives de 1997 : sélection

et dissidence », in Pascal Perrineau, Colette Ysmal (dir.), Le vote surprise. Les élections législatives des 25 mai et 1er juin 1997, op. cit., p. 127.

920Pierre Martin, « La désignation des candidats socialistes : plus de continuité que de changements », in

Le caractère restreint de cet accord nuance l’affirmation du politiste François Platone, selon laquelle le Parti communiste s’inscrirait clairement dans une démarche visant à constituer avec le MDC « un pôle de rassemblement distinct (voire concurrent) du Parti socialiste921 ». Certes, cet accord, inédit dans l’histoire communiste, est le seul d’un type électoral que le PCF passe en 1997 avec un autre membre de la future gauche plurielle, mais il ne concerne que quelques dizaines de circonscriptions et aucun autre parti. Le PCF reste présent de manière indépendante dans 535 circonscriptions sur 555 en France métropolitaine. L’accord entre le PCF et le MDC complète donc l’éventail d’alliances réalisées de manière bilatérale entre les partis de la gauche plurielle, dont le périmètre aurait pu être différent comme nous allons maintenant l’analyser.

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