5. Remédiation/prolongements pédagogiques : Cette étape concerne la dimension pronostique de l’analyse d’erreurs (voir 2.1) et sera
3.1.2 L A DESCRIPTION / CLASSIFICATION DES ERREURS
La description des erreurs relevées lors du repérage consiste à comparer l’énoncé produit par le scripteur avec sa reconstruction pour bien observer ce qui les distingue. Cette étape de description est cruciale dans le processus d’analyse d’erreurs et doit nécessairement avoir lieu en amont de la formulation d’hypothèses sur les sources d’erreurs (Cavalli, Duchêne, Elmiger, Gajo, Marquilló Larruy, Matthey, Py et Serra). Plusieurs critères peuvent être utilisés pour décrire les erreurs et établir des classifications. Nous présenterons ici quelques‐unes des oppositions binaires souvent utilisées.
• Erreur relative/absolue : Cette distinction, proposée par Debyser et coll. (1967), visait à distinguer les erreurs impliquant une forme (ou
50 Milićević et Hamel (2007) parlent plutôt de correction, alors que Debyser et al. (1967) utilisent
restitution, terme qui nous plait particulièrement, puisqu’il véhicule plus clairement l’idée de
structure) inexistante des erreurs présentant une forme correcte, mais incompatible avec le contexte. La pertinence de cette dichotomie a été par la suite remise en cause, entre autres par Porquier (1977), qui mentionne qu’elle semble sous‐entendre que les erreurs absolues sont plus graves, alors qu’elles ont souvent une incidence moins importante sur la compréhension du message. En ce qui concerne l’erreur lexicale, cette opposition serait opérationnelle pour l’orthographe lexicale, mais pourrait être plus difficilement applicable pour des problèmes de nature sémantique.
• Erreur graphique/orale : Cette deuxième opposition, aussi présente dans la grille d’analyse développée par Debyser et coll. (1967), semble tout à fait pertinente pour la caractérisation d’erreurs liées au signifiant des mots. Cette distinction apparait d’ailleurs dans la typologie d’erreurs de Catach (Catach, Gruaz et Duprez, 1986) et dans la nôtre (2005).
• Classable/inclassable : Mentionné notamment par Debyser et coll. (1967), ce critère de classification est crucial pour une analyse qui aspire à éclairer le comportement linguistique d’un apprenant. Il existe deux types d’erreurs inclassables : 1) celles apparaissant dans un énoncé complètement ininterprétable (Corder, 1981) et pour lesquelles il est impossible de fournir une reconstruction et 2) celles qui sont non prévues par la typologie utilisée (Debyser et coll., 1967). Les premières doivent être exclues de l’analyse, alors que les secondes sont mises de côté afin de voir si elles nécessitent l’ajout d’une classe d’erreurs supplémentaire. • Erreur interlinguale/intralinguale : Cette dichotomie est devenue
particulièrement importante dans le cadre des recherches sur l’interlangue, alors que les chercheurs tentaient de déterminer si les erreurs observées avaient pour source des interférences entre L1 et L2 ou témoignaient plutôt d’erreurs à l’intérieur même de l’interlangue. Si nous ne remettons pas en cause la pertinence de cette opposition dans la compréhension d’erreurs, nous ne croyons pas qu’elle doive faire partie d’une description à priori des erreurs rencontrées. En effet, ces étiquettes marquent une position par rapport à la source de l’erreur, alors que c’est à l’étape de description que nous nous intéressons présentement; ces étiquettes seront utilisées une fois que des hypothèses auront été formulées à propos des sources des erreurs et pourront servir d’élément classifiant pour regrouper les erreurs après leur analyse. S’il ne fait aucun doute que ces critères s’appliqueront aussi aux erreurs lexicales, il est important de souligner que l’opposition sera surtout pertinente avec des apprenants d’une L2, ou encore pour des locuteurs évoluant dans des environnements où cohabitent plusieurs langues. Malgré le bienfondé d’utiliser cette opposition, Besse et Porquier (1984) font remarquer qu’il n’est pas toujours facile de classer une erreur dans l’une ou l’autre des catégories; pour pallier cette difficulté, Granger et Monfort (1994) établissent une distinction entre les erreurs interlinguales ne s’expliquant
que par le transfert et celles pour lesquelles le transfert n’est qu’un des scénarios d’explication possibles.
• Isolée/récurrente : Cette opposition est particulièrement intéressante dans l’optique d’une recherche qui tente de déterminer ce qui fait système chez l’apprenant, de trouver les « règles » qui régissent son interlangue (Marquilló Larruy, 2003). Par contre, à cause du caractère très ponctuel de l’erreur lexicale et de la grande variété de mots utilisés dans le discours (évidemment plus élevé que le nombre de constructions grammaticales), nous ne croyons pas qu’un nombre important d’erreurs lexicales récurrentes seront relevées et que, si c’est le cas, elles témoigneront plutôt de mauvaises connaissances déclaratives (ex. méconnaissance du sens d’un mot) que d’un véritable système transitoire. En effet, comme le mentionnent Granger et Monfort (1994) à propos des erreurs lexicogrammaticales, les erreurs lexicales sont liées à l’emploi d’une unité lexicale précise, contrairement aux « erreurs proprement grammaticales qui sont, quant à elles, de l’ordre du régulier, du généralisable… » (p.63). Ceci rejoint les propos de Patris et Vansnick (1992: 50) qui soulignent aussi que les « fautes » lexicales « ne sont pas généralisables à des classes d’unités; la « règle » transgressée ne peut être formulée en termes de catégories, mais seulement en nommant l’unité concernée. »
Nous venons d’observer certains critères généraux de classification des erreurs en nous interrogeant sur leur pertinence dans l’analyse d’erreurs lexicales. Bien sûr, des classements portant plus spécifiquement sur les erreurs lexicales ont aussi été proposés par les chercheurs. Comme ces classements constitueront les assises théoriques de nos propres typologies des erreurs lexicales, nous les aborderons en détail aux sections 2 et 3 du chapitre V.
Dans tous les classements proposés pour l’analyse d’erreurs, certaines catégories semblent se chevaucher ou se recouper, et un même problème peut, selon le point de vue, être décrit de façon différente. Outre le rôle important d’une certaine subjectivité liée à l’interprétation, cette difficulté découle sans doute du fait que plusieurs niveaux d’analyse sont présents dans les typologies mentionnées, d’où l’intérêt de la proposition de Porquier (1977) d’utiliser, plutôt qu’une seule grille hétérogène, une série de grilles d’analyse complémentaires permettant des recoupements et des regroupements divers. Cette difficulté à bien décrire les erreurs ne doit cependant pas freiner notre volonté de
catégorisation, puisque l’important est de stimuler notre réflexion sur l’erreur (Patris et Vansnick, 1992 ; Mastin, 2001).