LEXICALE DES ENSEIGNANTS
2. efficacité, c’est‐à‐dire qu’elle permet de résoudre un certain nombre de problèmes dans une situation donnée Évidemment, son
application dans de nouvelles conditions pourra conduire à des erreurs.
3. stabilité, c’est‐à‐dire que, sans être immuables, les conceptions ne sont pas non plus des « représentations construites dans l’instant, liées au contexte et qui s’effacent aussi vite qu’elles s’élaborent » (p.302).
Ces critères, bien qu’intéressants, ne semblent pas faire l’objet d’un consensus et la distinction entre conception et représentation demeure difficile à cerner. La difficulté de distinguer les deux termes ressort de manière évidente si l’on souligne que les critères proposés par Coquin‐Viennot et Gaonac'h pour définir la conception ont aussi été utilisés pour définir la notion de représentation sociale. Par conséquent, plusieurs auteurs continuent à utiliser les deux termes de manière assez équivalente (Nadeau et Fisher, 2006: 154). Il semble donc que la recherche sur les représentations en didactique s’est jusqu’à ce jour accommodée de cette (quasi‐)synonymie entre conception et représentation.
Bien que nous n’ayons pas nous‐même de critères distinctifs à proposer, quelques observations émanent de nos lectures.
Tout d’abord, il semble que l’objet de la représentation oriente en quelque sorte le choix de l’un ou l’autre des termes, du moins dans certains cas. En effet, même dans les textes d’auteurs chez qui cohabitent conception et représentation (la plupart), certains emplois semblent plus contraints, le terme conception apparaissant plus approprié lorsque l’objet de la représentation est réellement un concept. Par exemple, dans une étude sur les représentations de l’enseignement du lexique par des enseignants du primaire, alors qu’elle utilise davantage représentation, Dreyfus (2004) parle de conception du sens lexical. Le terme représentation, quant à lui, s’accole plus spontanément à des dimensions plus sociales ou à des éléments que l’on hésiterait à qualifier de concepts (représentation du rôle de l’élève/de l’enseignement/de la tâche à accomplir, etc.), même si son champ d’application semble plus large que celui de conception. Ensuite, le champ de recherche semble aussi influencer le choix des termes utilisés. Le terme conception, défendu notamment par Giordan et de Vecchi (1987), semble plus caractéristique des travaux en didactique des sciences et des mathématiques. La didactique des langues, quant à elle, privilégie l’emploi de représentation, peut‐être parce que la dimension culturelle (et donc sociale) est plus fortement liée à la langue. Bien sûr, ceci témoigne d’une tendance observée et nous n’affirmons pas que l’un des termes soit associé exclusivement à un champ de recherche particulier. D’ailleurs, nous avons fréquemment vu le terme conception utilisé en didactique des langues (notamment par Nadeau et Fisher, 2006), Migne (1994) parle de représentations relativement à des concepts de physique… et nous parlerions plus spontanément de conception de l’erreur lexicale que de représentation de l’erreur lexicale! Nous jugeons donc que les termes conception et représentation sont équivalents dans une perspective didactique, mais que leur emploi peut varier selon le domaine de recherche. Une autre opposition présente dans certains travaux est celle entre les termes conception et connaissance, l’emploi du premier étant réservé aux connaissances
qui ne correspondent pas aux savoirs scientifiques, ce que les anglophones appellent « misconceptions ». Clément (1994) s’oppose à cette idée pour deux raisons. Premièrement, les connaissances scientifiques ne sont pas scientifiques par essence, mais bien parce qu’une communauté scientifique les reconnait comme telles, ce qui en fait donc des conceptions socialement admises. Deuxièmement, nos structures mentales ne séparent pas spontanément ce qui est scientifiquement fondé de ce qui ne l’est pas. Ainsi, « nos conceptions forment un tout où se mêlent connaissances scientifiques, croyances, idéologies, fonctionnalités sociales, dimensions rationnelles et esthétiques, émotionnelles, affectives, … » (Clément, 1994: 28). Un dernier argument pourrait nous convaincre de ne pas opposer conception et connaissance : le fait que la conception, comme la représentation, est en fait un ensemble structuré de connaissances.
1.4 LES ATTITUDES
La notion d’attitude provient de la psychologie sociale et ne fait pas non plus l’objet d’une définition consensuelle (Grawitz, 2001 ; Lüdi et Py, 2002). Une caractéristique des attitudes semble généralement admise : tout comme les représentations, elles ne sont pas directement observables et se traduisent par les comportements et les discours qu’elles génèrent (Lüdi et Py, 2002 ; Moore, 2004a). La définition d’attitude que propose Legendre (2005: 138) reprend les éléments généralement soulevés par les autres auteurs :
État d’esprit (sensation, perception, idée, conviction, sentiment, etc.), disposition intérieure acquise d’une personne à l’égard d’elle-même ou de tout élément de son environnement (personne, chose, situation, évènement, idéologie, mode d’expression, etc.) qui incite à une manière d’être ou d’agir favorable ou défavorable.
Cette définition met bien en lumière le fait que les attitudes préexistent aux comportements et contribuent à les influencer (Billiez et Millet, 2004). Elle mentionne aussi le caractère acquis des attitudes; elles peuvent être acquises à la suite d’expériences en relation avec leur objet, mais aussi être influencées par (voire empruntées à) des membres de l’entourage (Lüdi et Py, 2002).
Moore (2004a) mentionne que l’on distingue généralement trois composantes dans l’attitude : la composante cognitive, la composante affective et la composante conative, qui détermine les intentions d’action et affecte les comportements. De ce point de vue, nous pourrions concevoir les attitudes comme un élément charnière entre les représentations sociales et les comportements, puisque ces représentations semblent relever des composantes cognitive et affective des attitudes. Billiez et Millet (2004) y voient pourtant deux concepts davantage imbriqués, position partagée par Doise (1989: 57), qui affirme qu’une étude en profondeur des attitudes « implique toujours qu’on les étudie aussi comme des représentations sociales. » Le fait qu’« [attitudes] et croyances fonctionnent comme justifications mutuelles » (Lüdi et Py, 2002: 97) renforce cette idée d’imbrication; Moscovici lui‐même considérait l’attitude comme une des dimensions constitutives de la représentation (Gajo et Serra, 2000).
Les concepts de stéréotype et d’opinion sont aussi voisins de celui d’attitude avec lequel ils apparaissent souvent. Encore une fois, la démarcation demeure difficile. Lüdi et Py (2002) rapportent une distinction terminologique proposée par Kolde (1981), mais, comme le souligne Doise (1989), ce type de distinction n’est pas repris dans la recherche sur les attitudes, et attitude est utilisé comme terme général pour désigner aussi les opinions et les stéréotypes.
1.5 QUELQUES DÉFINITIONS
Pour clore cette section sur la distinction entre les termes représentation, conception, et attitude, nous proposons des définitions « maison » de ces termes, inspirées par nos lectures. Malgré la difficulté de distinguer, dans les faits, les représentations des attitudes, nous croyons que les définitions proposées sont opérationnelles. Nous ne présentons bien sûr que les acceptions pertinentes dans le contexte de cette thèse.
Représentation/conception : ensemble de connaissances (en accord ou non
avec les savoirs scientifiques, ce qui peut en faire des aides ou des obstacles à l’apprentissage) ou d’idées mobilisées face à une question ou à une thématique, que celle-ci ait fait l’objet d’un enseignement ou pas.
Attitude : disposition psychique à réagir favorablement ou défavorablement à
une classe d’objets (au sens large).