1. D ÉFINITION DE L ’ ERREUR LEXICALE
2.1 P ATRIS ET V ANSNICK (1992) 66
Parmi les typologies consultées, elle est une des seules à avoir été développée dans le cadre d’analyse d’erreurs lexicales commises par des élèves de L1. Assez complète quant aux types de problèmes lexicaux présentés, cette typologie offre notamment des pistes intéressantes en ce qui concerne la description et la compréhension de problèmes relatifs aux expressions idiomatiques (addition/ suppression d’un élément, substitution d’un terme, passivisation, etc.). L’opposition erreur ~ maladresse proposée par les auteurs est aussi intéres‐
sante, mais nous ne croyons pas que les types de problèmes lexicaux puissent être associés de façon systématique avec l’un de ces jugements de gravité, ce que suggèrent les grilles présentées (l’une regroupant les fautes, l’autre les maladresses); il s’agit selon nous de deux axes d’analyse distincts. La plus grande réserve que nous avons à propos de cette typologie est le fait qu’elle soit « construite autour d’une même idée‐maîtresse : l’analogie » (Patris et Vansnick, 1992: 50). En effet, si l’analogie est surement une source importante d’erreurs lexicales, nous sommes convaincu qu’elle n’est pas la seule (voir point 4); la typologie proposée élimine donc d’emblée tous les autres scénarios d’explication des erreurs analysées. À noter aussi que cette typologie n’est pas descriptive, mais explicative, puisqu’elle prend comme point de départ la source des erreurs. Les problèmes de nature orthographique n’y sont pas mentionnés.
2.2 ANCTIL (2005)
Développée durant notre maitrise dans le but de décrire les problèmes lexicaux d’étudiants universitaires, cette typologie67 a pour fondements linguistiques les concepts utilisés par la Lexicologie explicative et combinatoire (voir II‐1.1). La prise en compte de toutes les facettes de l’UL (sens, forme, combinatoire grammaticale et lexicale), telles qu’elles sont conceptualisées par la Théorie Sens‐Texte, y est donc bien présente.
Trois grands regroupements structurent cette typologie : les problèmes découlant du non‐respect d’une propriété inhérente à l’UL, ceux liés à la transgression de contraintes plutôt contextuelles ou stylistiques et les cas de création d’une lexie fictive, c’est‐à‐dire une mauvaise association signifié ~ signifiant. Nous remettons aujourd’hui ces regroupements en question, pour différentes raisons. Tout d’abord, le fait de regrouper les cas de création d’une lexie fictive (impropriété, mauvaise dérivation morphologique, création d’une nouvelle acception d’un vocable) nous conduit à répartir les problèmes formels et sémantiques dans différents endroits de la grille, ce qui en
embrouille la structure. Par exemple, il serait à notre avis plus intuitif que l’impropriété figure avec les autres problèmes de sens. Par ailleurs, le regroupement des « usages douteux en fonction du contexte » présentait à la fois des problèmes lexicopragmatiques (ex. registre de langue inapproprié) et des problèmes liés davantage à des aspects stylistiques, comme la répétition ou l’imprécision. Si nous sommes convaincu que les problèmes lexicopragmatiques doivent faire partie d’une étude sur les difficultés lexicales des élèves, nous ne sommes pas certain que ce soit le cas pour les problèmes stylistiques, qui peuvent difficilement être quantifiés et sont soumis à une très grande subjectivité (voir point 3.6).
Malgré le caractère opérationnel de notre grille, révélé par sa mise à l’essai sur un corpus de près de 400 problèmes lexicaux – dont plus de 99% ont pu être codés –, certaines observations nous avaient poussé à proposer des modifications à y apporter. L’un des principaux problèmes constatés était le fait que certaines classes d’erreurs (par exemple « impropriété » ou « mauvaise collocation ») regroupaient des problèmes de nature somme toute assez différente et auraient gagné à être subdivisées de façon à fournir une description plus fine. Par contre, parmi les subdivisions proposées, certaines relevaient plutôt de l’explication des erreurs que de la description pure, et leur intégration telles quelles à la grille aurait conduit à un chevauchement des niveaux d’analyse.
L’utilisation de notre typologie pour le codage des erreurs d’étudiants a aussi révélé certains problèmes d’ordre méthodologique, le plus frappant étant sans doute la difficulté à classer les problèmes de sens à l’aide de nos classes d’erreurs sémantiques. Ces classes, pourtant solidement justifiables d’un point de vue lexicologique – et à première vue intéressantes dans une perspective d’intervention didactique – se sont avérées peu opérationnelles pour départager les problèmes rencontrés dans notre corpus. Nous reviendrons sur ce point à la section 3.2.
Par ailleurs, le fait que la grille proposée dans notre mémoire de maitrise contienne une classe d’erreurs propre aux locutions (« non‐respect du caractère figé d’une locution ») nous semble aujourd’hui problématique; ce traitement particulier n’est pas justifié dans la mesure où les locutions sont aussi des UL qui possèdent des caractéristiques similaires à celles des lexèmes. Cette classe d’erreurs regroupait notamment les problèmes relatifs à la déformation de la locution (par exemple par le remplacement d’un terme de l’expression par un synonyme), que nous classerions maintenant parmi les problèmes formels avec les barbarismes. Les autres problèmes étiquetés « non‐respect du caractère figé d’une locution » étaient liés à la transgression de propriétés de combinatoire qui peuvent aussi s’appliquer aux lexèmes : invariabilité, impossibilité de la passivation, non‐respect du genre nominal, etc. Par conséquent, nous croyons qu’il n’est pas pertinent de traiter à part les problèmes de locutions, même s’il sera bien sûr intéressant de vérifier si certaines transgressions sont plus fréquentes avec ce type d’UL.
Finalement, la question du double codage, c’est‐à‐dire le fait pour une erreur de pouvoir appartenir à plus d’une des classes de la typologie, avait aussi attiré notre attention et sera traitée dans notre méthodologie (section VII‐3.1.2).