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2 3 L’œuvre de Philippe le Chancelier, poète et musicien

Philippe le Chancelier est l’auteur des textes d’un grand nombre de compositions musicales intégrées aux sources du XIIIe siècle. La quasi-totalité d’entre

eux nous est parvenue avec des mélodies dans des manuscrits musicaux. Au total, il s’agit d’un ensemble de 70 compositions musicales en tous genres portant des attributions dans des sources poétiques ou musicales : conduits monodiques et polyphoniques, motets ou encore prosules. Seuls sept textes lui sont attribués par des sources poétiques sans qu’on leur connaisse de concordance avec des manuscrits musicaux108. Le corpus est donc à la rencontre de deux disciplines : les lettres latines et la musicologie. Bien que souvent unis par les œuvres qu’ils étudient, ces deux domaines communiquent assez peu et la recherche en interdisciplinarité n’a pas encore fait de ce corpus un objet d’étude privilégié. Bien souvent, les spécialistes en littérature latine taisent la présence de mélodies sur les vers qu’ils étudient. Lorsque cela n’est pas le cas, ils se limitent généralement à signaler l’existence de notation musicale dans certaines sources, mais ne se risquent pas à exploiter cette matière et à l’intégrer dans leurs analyses. De plus, si les historiens de la littérature latine s’accordent à reconnaître la qualité de la poésie du Chancelier, il n’existe aujourd’hui, aucune étude approfondie de

108

ces textes109. Les musicologues, quant à eux, ne peuvent faire abstraction du texte, surtout lorsqu’il s’agit des conductus. Leurs observations littéraires consistent généralement en analyses descriptives des éléments de la poésie rythmique (forme, versification, rimes). Il arrive également que le texte soit utilisé comme une source d’informations historiques. Rares sont ceux qui ont pris en compte la valeur sonore de la poésie et son interaction avec la mélodie.

L’étude du corpus se présente de manière assez disparate. D’une certaine manière, on peut dire que Philippe le Chancelier est présent dans toutes les recherches sur le XIIIe siècle et l’« école de Notre-Dame », mais qu’il n’en est presque jamais le centre. En effet, seul Thomas Payne s’est attaché, dans sa thèse110 et dans les articles publiés, à faire de la figure du Chancelier, un sujet d’étude réellement musicologique. Ses travaux seront décrits par la suite. Avant cela, nous présenterons les ouvrages des éditeurs des textes et de la musique, ainsi que les différents commentaires qui ont, de près ou de loin, aidé à faire avancer notre connaissance du corpus poético-musical de Philippe le Chancelier.

2.3.1 Remarques sur l’édition du corpus poético-musical

Tous les poèmes du Chancelier ont été édités par Guido Maria Dreves et Clemens Blume dans les tomes XX et XXI des Analecta Hymnica Medii Aevi111. Bien qu’ancienne, cette édition monumentale reste la plus complète et la plus accessible. Les sources ne sont pas encore toutes connues au moment de sa confection, si bien que les erreurs et les omissions sont nombreuses. La liste des textes de Philippe le Chancelier qui est proposée est bien plus longue que ce que les sources nous indiquent. Les auteurs

109 Joseph S

ZÖVÉRFFY, Secular Latin Lyrics and Minor Poetic Forms of the Middle Ages : a Historical

Survey and Literary Repertory, Concord, 1992, vol. 2, p. 501-509. Les ouvrages classiques sur la

littérature latine sont Joseph de GHELLINK, L'essor de la littérature latine au XIIè siècle, 2 vol.,

Bruxelles-Paris, 1946, et Frederic J. E. RABY, A History of Secular Latin Poetry in the Middle Ages, 2 vol., Oxford, 1934, 2de édition, 1957. Ils sont élogieux à l’égard de la poésie de Philippe le

Chancelier. Par exemple, Frederic Raby écrit : « These poems of Philip, taken together, represent the

highest achievement of non-liturgical religious verse. » (op. cit., p. 229). Pour ce qui est d’une étude

complète du corpus poétique, même le travail de Peter Dronke, auquel il sera beaucoup fait référence, n’est encore qu’une approche (Peter DRONKE, « The Lyrical Compositions of Philip the Chancellor »,

Studi Medievali, XXVIII (1987), p. 563-592).

110 Thomas B. P

AYNE, Poetry, Politics and Polyphony : Philip the Chancellor’s Contribution to the Music

of Notre Dame School, Ph.D. Diss., Université de Chicago, 1991.

111 Guido Maria D

REVES, Clemens BLUME, Analecta Hymnica Medii Aevi, XX, XXI, L, Leipzig, 1886- 1908.

justifient certaines de leurs nouvelles attributions par le fait que leurs textes ressemblent à ceux des attributions médiévales avérées. Néanmoins, les suggestions des éditeurs montrent une très fine observation du style poétique du Chancelier. De plus, quelques- unes des compositions sont transcrites en notation moderne.

Presque un siècle plus tard, l’hymnologue Joseph Szövérffy publie un volume consacré à l’édition des textes latins des conduits sur toute la période du Moyen Âge112. Les textes ainsi assemblés sont très divers puisque les conduits des sources de Saint- Martial côtoient ceux de la période de Notre-Dame. La démarche que l’on découvre en introduction est intéressante. L’auteur cherche à classer cet immense corpus non pas selon des critères formels ou encore chronologiques, mais selon un classement thématique qui donne un aperçu du contenu de ces textes. Le problème de la fonction des conduits est posé, et cette édition montre des familles thématiques qui contribuent à mieux comprendre la diversité des conduits et leur usage supposé.

À ce jour, il n’existe aucune édition musicale complète du corpus en tant que tel. Pourtant la totalité des compositions existe en transcription dans diverses éditions dont la problématique n’est pas de présenter la musique de Philippe le Chancelier mais de mettre à disposition une anthologie consacrée à un genre ou une source. Tous les grands manuscrits du XIIIe siècle ont fait l’objet d’un travail de transcription. Nous

présenterons d’abord les éditions des conduits car ce genre représente la plus grande part du corpus. Ensuite, seront évoquées les collections musicales où l’on peut lire les motets et prosules de Philippe le Chancelier.

L’édition la plus conséquente consacrée aux conduits est à l’initiative de Gordon A. Anderson et a pour titre Notre-Dame and Related Conductus113. L’édition monumentale fait suite à la constitution d’un catalogue très large qui classe par sources l’ensemble des conduits dits « de Notre-Dame »114. Ce catalogue est plus complet, mais moins clair que celui qui termine le volume de Robert Falck115. Le répertoire des

112

Joseph SZÖVÉRFFY, Lateinische Conductus-Texte des Mittelalters, Ottawa, 2000.

113

Gordon A. ANDERSON (éd.), Notre-Dame and Related Conductus, Opera Omnia, 11 vol., Henryville, 1981.

114 Gordon A. A

NDERSON, « Notre-Dame and Related Conductus, A Catalogue Raisonné », Miscellanea

Musicologica, Adelaide Studies in Musicology, VI (1972), p. 153-230, et VII (1975), p. 1-81. Il est

regrettable que ce catalogue raisonné soit aussi peu accessible et si compliqué à utiliser (à cheval sur deux volumes et sans répertoire des sources). Il aurait pu figurer en introduction à l’édition.

115 Robert F

ALCK, The Notre Dame Conductus : A Study of the Repertory, Henryville-Ottawa-Binningen, 1981.

conduits est ordonné selon un système de lettres de A à R, qui conjugue les critères formels et musicaux aux répartitions et concordances dans les sources. À l’intérieur de chaque classe, les conduits sont rangés selon leur apparition dans les sources. C’est le manuscrit W1 qui sert de référence pour organiser les familles, et en deuxième lieu, le manuscrit F. L’édition de l’ensemble des conduits s’organise selon les mêmes critères. Le tableau 2 fait la synthèse du contenu des onze volumes qui composent cette édition monumentale :

Tableau 2

Organisation du catalogue de Gordon A. Anderson

Classe Contenu Nombre

de conduits Vol. A B C D E F G H I J K L M N O P Q R

conduits-motets transmis parmi les fascicules de conduits conduits à 4 voix

conduits à 3 voix dans les 4 sources centrales conduits à 3 voix dans les 3 sources centrales conduits à 3 voix dans les 3 sources centrales conduits à 3 voix unica dans les sources centrales conduits à 2 voix dans 4 sources centrales

conduits à 2 voix dans 3 sources centrales conduits à 2 voix dans 2 sources centrales

conduits à 2 voix unica dans les sources centrales conduits monodiques dans le 10e fascicule de F

conduits monodiques dans les sources périphériques (related) rondeaux monodiques latins dans le 11e fascicule de F rondeaux monodiques latins dans les sources périphériques conduits à 3 voix dans les sources périphériques

conduits à 2 voix dans les sources périphériques conduits dont seul le texte est préservé

conduit dont seul l’incipit est préservé

13 3 8 4 14 34 9 33 35 59 83 189 60 45 51 48 73 49 I II III IV V VI VII VIII IX X XI

Les conduits de Notre-Dame forment ainsi un « répertoire » mis en évidence par un réseau de sources hiérarchisées dans leur proximité avec la cathédrale Notre- Dame. Le noyau central est formé par les compositions qui possèdent le plus de concordances dans les sources parisiennes116. Chaque volume se partage en deux temps : d’une part l’édition des textes, tous traduits en anglais, d’autre part l’édition musicale. Les commentaires critiques sont relégués en fin de volume. L’édition des textes s’accompagne souvent de courtes notes explicatives faisant preuve d’une grande

116 Cette conception des conduits est aujourd’hui largement nuancée par les musicologues qui insistent sur

l’hétérogénéité de ce corpus et sur le fait que le manuscrit de Florence représente une collection largement étalée dans l’espace et dans le temps. Voir Nicky LOSSEFF, The Best Concords, Polyphonic

érudition en signalant les citations des textes bibliques et patristiques117. Il est dommage que cet aspect n’ait pas été développé de manière plus systématique. La partie d’édition musicale est, pour sa part, très largement critiquée. Gordon Anderson applique en effet une interprétation excessive et discutable de la théorie des modes rythmiques aux conduits monodiques et polyphoniques syllabiques118. Hans Tischler, après avoir montré les défauts d’ordre pratique et méthodologique, explique les erreurs commises par Gordon Anderson dans la lecture rythmique modale des conduits119. La transcription en premier mode (longue-brève) de certains conduits amène à une méprise complète du rythme du texte, alors qu’un cinquième mode (à base de longues) présente un ensemble plus harmonieux. Cette édition est donc la plus complète mais aussi la plus contestable. Il faut, pour l’utiliser, faire abstraction du rythme indiqué par Gordon Anderson dans les passages syllabiques des conduits polyphoniques et dans tous les conduits monodiques.

Aucun éditeur n’a encore proposé de reprendre l’édition complète des conduits pour améliorer l’énorme travail de Gordon Anderson. Il existe cependant plusieurs contributions qui présentent des parties de l’ensemble. Hans Tischler a beaucoup travaillé à cette tâche. Donnant suite aux critiques formulées à l’égard des interprétations rythmiques de Gordon Anderson, il propose ses propres transcriptions des conduits monodiques dans Conductus and Contrafacta120. Le rythme modal y est respecté en tenant compte des particularités du texte poétique pour le placement des longues, des brèves et des ornements. Il utilise de préférence un cinquième mode (longues régulières), là où Anderson avait choisi de transcrire le rythme dans un premier mode. L’ouvrage n’est pas à proprement parler une édition des conduits monodiques, mais une tentative de clarification sur le procédé du contrafactum. Après avoir envisagé différents types d’emprunts mélodiques, Hans Tischler dresse une liste de 41 « groupes » de chansons. Certains sont édités, présentant les différentes versions mélodiques et textuelles (latines et/ou vernaculaires) d’une même famille121. Ces

117 On retrouve cette érudition dans les articles de G. A. A

NDERSON, « Texts and Music in 13th Century Sacred Songs », Miscellanea Musicologica, Adelaide Studies in Musicology, X (1979), p. 1-27 et « Symbolism in Texts of Thirteenth-Century Music », Studies in Music, IV (1970), p. 19-39.

118

Les problèmes posés par l’interprétation rythmique de ces compositions ainsi que l’historiographie de ce problème musicologique seront brièvement rappelés plus loin, p. 112.

119 Hans T

ISCHLER, « Gordon Athol Anderson’s Conductus Edition and the Rhythm of Conductus », In

Memoriam Gordon A. Anderson, vol. 2, Henryville-Ottawa-Binningen, 1984, p. 561-573.

120 Hans T

ISCHLER, Conductus and Contrafacta, Ottawa, 2001, p. 157-322.

121 On trouve déjà cette démarche comparative dans l’ouvrage de Friedrich G

ENNRICH (éd.), Lateinische

Liedkontrafaktur. Eine Auswahl lateinischer Conductus mit ihren volkssprächigen Vorbildern,

échanges de textes et de mélodies sont la marque d’une cohésion culturelle internationale, que Hans Tischler compare avec la diffusion du style gothique. Le volume se termine par l’édition complète des fascicules 10 et 11 du manuscrit de Florence, en respectant l’ordre des compositions dans le manuscrit.

Quelques années avant Hans Tischler, Bryan Gillingham publiait un volume d’un tout autre parti-pris : son édition est une anthologie de pièces musicales latines non liturgiques, sans discrimination géographique ni temporelle122. Pour déterminer son répertoire, il ne se fonde pas sur la critique des sources comme d’autres l’ont fait avant lui, mais sur des considérations socio-culturelles, utilisant principalement le contenu des textes des conduits. Il fait part, dès l’introduction, des limites méthodologiques d’une telle anthologie. L’exhaustivité est impossible tant les limites proposées semblent malléables. L’auteur reconnaît que la confusion fréquente du sacré et du profane l’entraîne souvent à faire des choix qui peuvent être considérés comme subjectifs. Mais cette difficulté est l’intérêt même de l’entreprise. Son anthologie traite donc d’un ensemble de pièces beaucoup plus large que celui choisi par Gordon Anderson, mais laisse de côté tous les conduits à caractère liturgique et paraliturgique. Le travail de transcription de Bryan Gillingham est méthodique et précis. Il propose, pour la plupart des pièces, une notation « diplomatique » sans indication de rythme. Pourtant, il déclare rester intimement persuadé de l’application des modes à l’ensemble de la musique du

XIIIe siècle. La corrélation entre la métrique antique qui gouverne cette poésie et

l’application des modes ne fait, pour lui, aucun doute123. Chaque conduit est présenté avec ses diverses variantes mélodiques dans les sources, constituant un outil musicologique d’une grande utilité. Dans ce cas, la transcription permet de suivre et de comprendre les différents « états » d’une mélodie au cours de la transmission écrite. Le troisième volet de son étude se donne pour but de resituer le contexte socio-historique de la musique éditée124. Il cherche à décloisonner les différents répertoires qui étaient traditionnellement reliés aux catégories sociales : les milieux des clercs, des

122

Bryan GILLINGHAM, Secular Medieval Latin Song : An Anthology, Ottawa, 1993. Ce volume est accompagné de deux publications supplémentaires du même auteur : A Critical Study of Secular

Medieval Latin Song, Ottawa, 1995, et The Social Background to Secular Medieval Latin Song, Ottawa,

1998.

123

Bryan GILLINGHAM, A Critical Study…, « There is strong evidence that much of the poetry serving

this repertoire is metrical, that is constructed of temporally measured syllabes structured in numerical ratios set within poetic feet. » ; voir aussi la monographie du même auteur sur le sujet : Modal Rhythm,

Ottawa, 1986.

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universitaires et de la cour s’interpénètrent sans cesse et la chanson latine est le résultat d’un va-et-vient culturel constant. Il montre à quel point le Moyen Âge se joue de la frontière qui a pu être établie entre les domaines du sacré et du profane.

Les différences de choix éditoriaux entre ces trois ouvrages sont loin d’être anodines et influencent la réception et l’interprétation moderne que l’on fait des œuvres. Selon que l’on utilise l’une ou l’autre de ces éditions, la lecture et l’appréhension du style des œuvres peuvent être très éloignées. Pour en témoigner, nous présentons ci- dessous un vers d’un conduit de Philippe le Chancelier tel qu’il est transcrit dans les trois éditions discutées auparavant :

Trois versions du conduit O labilis sortis, selon des choix éditoriaux différents

La présence d’un rythme mesuré ou au contraire l’indétermination rythmique produisent bien évidemment un résultat sonore très différent. La scansion régulière du texte sur la mélodie met en rapport la langue poétique et la musique selon le principe de la durée. La rigueur rythmique qui s’impose à la lecture de la proposition de Gordon Anderson concentre l’attention sur cette alternance de notes longues et brèves, au détriment des autres dimensions sonores du texte. Celle de Hans Tischler atténue cet effet en régularisant les valeurs (cinquième mode rythmique) mais n’efface pas complètement l’impression de rigueur stylistique liée à la notation mesurée. La troisième propose un aspect visuel neutre qui n’applique aucune théorie préconçue et n’influence pas l’intelligence et la compréhension du couple texte/musique. C’est à chacun de se déterminer dans le contexte de la théorie modale, mais aussi de choisir le rendu sonore qui lui semble le plus approprié.

G. A. Anderson

H. Tischler

Hans Tischler a également entrepris une nouvelle édition des conduits polyphoniques. Les deux volumes intitulés The Earliest Polyphonic Art Music comprennent les 150 conduits à deux voix du répertoire125. Les compositions suivent l’ordre du fascicule VII de F consacré aux conduits à deux voix. S’ajoutent ensuite les quelques conduits qui ne se trouvent pas dans ce fascicule mais dans d’autres sources centrales. Les principes d’interprétation des modes rythmiques sont les mêmes que ceux utilisés pour éditer les conduits monodiques (Conductus and Contrafacta). Le cinquième mode est privilégié dans les passages syllabiques, alors que les parties mélismatiques font un usage plus diversifié des modes126.

Le corpus de Philippe le Chancelier attribué par les sources médiévales ne comprend que sept motets127. Leur nombre peu élevé ne doit cependant pas masquer l’importance de cette contribution pour l’histoire du genre. Ils apparaissent dans les sources les plus anciennes de Notre-Dame, ainsi que dans les collections postérieures consacrées aux motets, ayant subi, entre-temps, des modifications comme l’ajout de texte ou de nouvelles voix128. L’édition monumentale des motets a été, une fois de plus, réalisée par Hans Tischler129. La matière musicale qu’il se propose de traiter est complexe car l’auteur souhaite faire figurer dans ses transcriptions tous les états de la transmission, c’est-à-dire les versions différentes d’une source à l’autre. Les manuscrits, très étalés dans le temps, sont classés par groupes chronologiques. Pour chaque composition, Hans Tischler fait apparaître l’ensemble des versions en superposant les systèmes et multipliant les informations sur la page. La consultation d’une telle édition s’avère parfois très compliquée. Pour un motet comme In veritate comperi qui est transmis dans neuf sources, presque chaque fois avec une disposition différente, la transcription critique exige une superposition de seize portées pour faire figurer chaque

125

Hans TISCHLER (éd.), The Earliest Polyphonic Art Music, 2 vol., Ottawa, 2005.

126 Les transcriptions de Thomas Payne, en annexe de sa thèse, font usage d’une notation non rythmique

neutre pour la monodie et en valeurs égales dans les passages syllabiques des conduits polyphoniques. D’autres musicologues préfèrent avec lui, cette proposition diplomatique à l’égard du rythme de ces sections encore très imprécises du point de vue modal. Voir l’argumentation d’Ernest SANDERS, « Conductus and Modal Rhythm », JAMS, XXXVIII (1985), p. 439-469.

127 On en compte huit, mais l’un d’entre eux (In salvatoris nomine), dans LoB, n’est qu’une version avec

un texte supplémentaire d’un autre motet lui aussi attribué à Philippe (In veritate comperi).

128

Le répertoire de Hendrik van der WERF (Integrated Directory of Organa, Clausulae, and Motets of the

Thirteenth Century, Rochester-New York, 1989) est un outil indispensable pour connaître les

transformations et la transmission des compositions.

129 Hans T

ISCHLER (éd.), The Earliest Motets (to circa 1270), A Complete Comparative Edition, 3 vol., Yale, 1982.

variante130. Pour disposer d’une simple transcription d’un motet dans l’une de ses versions, il est souvent plus simple d’utiliser les collections consacrées aux manuscrits. Toutes les sources consacrées aux motets du XIIIe siècle ont été transcrites131. La

notation utilisée dans ces collections mensuralistes plus tardives suscite nettement moins de débats que dans le cas des conduits.

Philippe le Chancelier a également composé quelques prosules, c’est-à-dire qu’il a tropé certaines parties mélismatiques d’organa ou de conduits (caudae). Ces pièces sont peu nombreuses et ne font l’objet d’aucune publication particulière. Les