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Fontis in rivulum

strophe 1 Fon tis strophe 2 : Doc tor

strophe 3 : Om- nis

Les strophes poétiques 1 et 3 reprennent les mêmes sonorités de voyelles (Fontis et omnis). Cette application à choisir les sonorités des mélismes pour que l’effet soit le même d’une strophe à l’autre se reproduit aux vers 3 des strophes 1, 2 et 3. Il ne s’agit pas ici de répéter la sonorité mais de trouver pour chacune des trois strophes deux

Strophe II vers 3

voyelles identiques : Odor, cuius et manat. Le système est encore différent au mélisme introductif de la strophe II : le texte des strophes 4 (Prelati) et 6 (Gemmarum) propose les mêmes voyelles tandis que les mêmes sonorités sont inversées dans la strophe 5 (A

recto) :

strophe 4 : Pre-la-ti strophe 5 : A rec-to strophe 6 : Gem-ma-rum

Ces observations montrent toute l’attention qui est portée à ces mélismes. La mélodie est utilisée pour poser des jalons et des repères. L’uniformité des sons et procédés sonores du texte est un autre moyen de fournir à l’oreille de l’auditeur des indices pour s’orienter dans la structure longue et complexe qui lui est proposée.

La succession des triples strophes et son appréhension dans le temps par l’auditeur sont donc anticipées dans la construction du texte et de la mélodie des mélismes. Qu’en est-il des passages syllabiques ? Il arrive à plusieurs reprises que les mots se répartissent de manière différente selon les strophes, alors qu’ils doivent être chantés sur la même mélodie. Celle-ci semble plus volontiers adopter les jeux et les structures verbales du texte de la première strophe à être chantée (I/1 ou II/4), bien que nous ayons déjà constaté que tous les effets n’en soient pas systématiquement marqués. L’adaptation des formules mélodiques aux mots que l’on remarque pour la première strophe de chaque groupe se trouve généralement inopérante lorsque les mots sont différents et plus encore quand c’est le rythme du vers et la répartition qui est modifiée. Par exemple, le jeu signalé plus haut au vers 3 de la strophe II-4 se perd lorsqu’à la strophe 5 le rythme du vers n’est pas reproduit :

De tels décalages se produisent à plusieurs reprises lors de ces deux strophes triples. Remarquons que c’est le plus souvent la deuxième strophe de texte (I-2 ou II-5) qui présente ces écarts entre la forme de la mélodie et la distribution du texte. Il faut cependant rappeler que dans les manuscrits les textes des strophes doubles et triples sont notés à la fin de la strophe musicale. Rien ne nous permet de savoir avec certitude si de

tels décalages se produisaient lors de l’interprétation. Il est tout à fait possible d’imaginer l’interprète variant légèrement le placement du texte ou le nombre de notes de la mélodie pour que l’ensemble soit fluide, sans que cela empêche de reconnaître la mélodie déjà entendue.

Les strophes III à VI sont simples et plus courtes puisqu’elles ne comptent plus 8 mais 6 vers. Les mélismes y restent cependant présents. Ces caudae sont placées au début de la strophe III, de la strophe V et à la fin de la strophe VI. Cette deuxième partie du conduit se voit donc ponctuée par des mélismes selon des proportions régulières espaçant les caudae toutes les deux strophes. Ces quatre strophes simples sont donc groupées deux à deux.

Le mélisme introductif de la strophe 3 est relativement court et d’un parcours mélodique assez original :

Il commence sur la sous-finale, descend d’une quinte sous la finale ce qui le situe plutôt en mode de fa. Il se termine ensuite en mode de sol, suivant un trajet plus conventionnel. Cette étrangeté peut être comprise comme un signal utilisé pour marquer un moment important de la structure : le passage des strophes triples aux simples. Le texte est également particulièrement expressif. Il s’agit d’une imploration adressée au Seigneur (O qui cuncta prospicis) pour qu’il punisse les excès et les fautes du clergé, thème développé dans les strophes précédentes. Le ton de l’obsécration est expressivement rendu par ce mélisme introductif sur l’exclamation typique des prières « O ». Très rapidement, la mélodie exploite la partie aiguë de l’échelle en suivant la chaîne des tierces, pour atteindre un pic d’intensité sur le mot punies :

Le sol’ attaqué au début du vers et les motifs descendants successifs apportent une dynamique expressive au verbe, en parfait accord avec les vœux du poète.

La mélodie des vers 4 à 6 fait ressortir trois termes par un système dynamique de progression du grave à l’aigu :

Les manifestations de l’obéissance de l’Homme sont classées selon une hiérarchie qui suit trois étapes : la peur du juge, le respect de la loi et la reconnaissance de la grâce. Les trois notions sont liées entre elles par le mouvement mélodique ascendant et les corrélations du texte nec et aut. L’assonance entre iudicis et legis complète ces moyens pour relier les termes entre eux. La répétition du même court motif ornemental du vers 5 sur legis (en pointillés dans l’exemple ci-dessous) jusqu’à la fin de la strophe permet aussi de donner une unité au passage dans son intégralité. Le mot mandata auquel se réfèrent les deux génitifs legis et gratie est rejeté en fin de vers dans un registre plus grave que ce qui le précède :

Le dernier vers de cette strophe se termine par une rime nouvelle (mandata) selon le schéma irrégulier aab abc. La dernière assonance est identique à celle de la strophe suivante (V). Les strophes VI et VII comportent elles aussi une rime finale identique. La parenté ne s’arrête pas à la rime car les deux vers se correspondent deux à deux par leur rythme et les sonorités internes :

Strophe III, vers 6 cohibent mandata

Strophe IV, vers 6 predicant peccata

3 + 3

Strophe V, vers 6 palmes excidetur

Strophe VI, vers 6 quadrans requiretur

2 + 4

Ces vers étant les derniers de chaque strophe, ils se terminent tous quatre sur une cadence conclusive en sol. Ces similitudes mélodiques imposées par la structure permettent à l’oreille de compléter l’effet produit par les assonances des rimes et les parallélismes rythmiques. L’absence de cauda entre les strophes III-IV et V-VI contribue à cette répartition des strophes deux à deux.

La strophe V évoque avec emphase l’avènement du Jugement dernier. La

cauda est une exclamation expressive, un cri de colère que la mélodie porte et fait

résonner. Le trajet descendant du ré au sol passe par un ornement en broderies répétées qui, dans ce contexte expressif, fait penser à un tremblement d’exaspération. Cette broderie est imbriquée dans un mouvement mélodique descendant :

L’intervention du Juge se manifeste par deux verbes : venerit et ventilaverit. L’allitération et l’accroissement du nombre de syllabes entre ces deux termes ainsi que la répétition de cum évitent le parallélisme rythmique mais produisent cependant une redondance sonore :

cum iudex venerit