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Ce conduit20 occupe une place privilégiée dans la transmission manuscrite car il ouvre le dixième fascicule du manuscrit F consacré aux conduits monodiques. Comme pour chacun des onze fascicules qui composent cette source, la première page est ornée d’une lettrine historiée. Le « H » de Homo natus ad laborem illustre le premier vers. Deux hommes travaillant la terre sont représentés ainsi qu’un oiseau, les ailes déployées. L’incipit de ce conduit est une citation du Livre de Job (5, 7 : homo ad

laborem nascitur et avis ad volatum21). L’enluminure prend en compte le verset complet en ajoutant l’oiseau. Un autre conduit de Philippe le Chancelier commence par ce même incipit et cite le verset complet (Homo natus ad laborem / et avis ad volatum, LoB f°4222). Cette pièce est de proportion et d’ambition beaucoup plus restreinte que le conduit du manuscrit F. Pourtant, Rebecca Baltzer a proposé l’hypothèse selon laquelle le conduit de LoB aurait dû se trouver à la place de Homo natus comme première pièce du dixième fascicule, en raison de la présence de l’oiseau à la fois dans l’enluminure et

20 Voir volume d’annexes p. 453-456.

21 Les citations de la Vulgate sont empruntées à la Biblia sacra iuxta vulgatam versionem, éd. Robert

WEBER, Boniface FISCHER, Jean GRIBOMONT, H. F. D. SPARKS et W.THIELE, Stuttgart, 1969.

22

dans le début du texte23. Cette considération ignore le fait que ces deux incipit sont issus d’une citation et que le motif de l’oiseau est emprunté non à l’un des conduits, mais bien à la citation de Job. L’enluminure fait bien plus qu’illustrer l’incipit de l’œuvre. Elle fait allusion à tout le verset où l’oiseau est le symbole de l’ordre établi par la volonté divine. De plus, l’analyse qui va suivre montre que la composition du manuscrit F (Homo natus ad laborem / tui status) est d’un niveau d’élaboration nettement plus subtil et complexe à l’unicum que Rebecca Baltzer suggère de lui substituer. Sa longueur, l’intelligence de sa construction et le travail mis en place dans la composition mélodique témoignent d’un savoir-faire savant et exigeant. Le manuscrit F est le résultat d’un effort de collecte très minutieux, à vocation encyclopédique. Il souhaite témoigner de l’excellence de la musique de la période. Ce conduit particulièrement subtil et raffiné semble trouver sa juste place en exergue de la collection monodique.

La forme de ce conduit se caractérise par une très forte irrégularité des vers. Une même strophe contient des vers de 4, 6, 7 ou 8 syllabes, soit presque tous les types de vers en usage dans la poésie latine et particulièrement chez Philippe le Chancelier. C’est donc par une « démonstration » de poésie rythmique que s’ouvre la collection de conduits monodiques de F. Les trois strophes qui le composent sont doubles : 11 vers pour les strophes 1 et 2, 6 vers pour les strophes 3 et 4, et 5 vers pour les strophes 5 et 6. Le conduit s’organise selon la structure décroissante suivante :

Strophes1 et 2 (I) Strophes 3 et 4 (II) Strophes 5 et 6 (III) 8a 8a 6b 4c 4c 6b 7d 4d 8e 4e 6b 8a 8a 6b 4c 4c 6b 7d 4d 8e 4e 6b

L’irrégularité des strophes n’est qu’apparente car les deux dernières cumulées (II et III) sont exactement identiques à la strophe I : elles composent à elles deux un total de 11 syllabes et les assonances des rimes se poursuivent de la strophe 3 à 5 et entre 4 et 6. Dans la source poétique OxAdd, les deux strophes sont jointes : les textes des strophes 3 et 5 sont groupés, de même que ceux des strophes 4 et 6. Sous cette disposition, le conduit présente la forme de deux strophes doubles et régulières. Dans F, la répartition du texte est différente et les strophes musicales II et III sont clairement séparées au moyen de petites caudae à la fin de chacune. La version musicale mise en

23 Rebecca B

ALTZER, « Thirteenth Century Illuminated Manuscripts and the Date of the Florence Manuscript », JAMS, XXV (1972), p. 1-18 : « My only explanation is that the artist either thought he

exergue du fascicule consacré aux conduits monodiques dans F semble donc être le résultat de la modification d’une structure plus régulière que l’on connaît dans la source poétique OxAdd, antérieure à F24. Les raisons de cette manipulation de la forme restent à découvrir, mais elles témoignent du soin particulier apporté à cette composition dans F, correspondant parfaitement à sa situation dans le manuscrit.

Le conduit est pourvu d’une grande richesse sonore car les terminaisons des rimes sont diversifiées. La strophe 1 comporte cinq sonorités différentes : aabccbddeeb. Les vers sont donc majoritairement couplés par deux, si ce n’est la rime b qui survient aux vers 3, 6 et 11. Les couples de vers ne sont pas systématiquement de même longueur. Ils sont égaux pour les vers 1-2 et 4-5 mais très clairement inégaux pour les vers 7-8 et 9-10. La structure du texte est faite de ruptures, d’irrégularités et de surprises qui proposent à l’oreille un ensemble complexe mais non dépourvu de repères. Les ruptures diverses attirent l’oreille et mettent en relief certains effets sonores. Les vers de quatre syllabes par exemple, permettent un retour rapide de l’assonance de la rime que l’oreille perçoit mieux. Le discours paraît alors plus dynamique. La variété des rythmes des vers et leur irrégularité placent l’auditeur habitué aux structures de la poésie rythmique dans une situation d’attente et d’écoute, exigeant une plus grande attention.

Les doubles strophes sont de construction volontairement parallèle. Les effets sonores du texte sont reproduits avec les mêmes syllabes ou sur des sons différents, selon des modalités identiques d’une strophe à son double. Lorsque les sonorités sont identiques, le jeu est frappant :

Strophe 3 Strophe 4

In abyssum culpe ducis

Que commissum opus ducis

In abusum rationis

Vertis usum teque bonis

Il arrive également que le parallélisme ne soit pas simplement celui des sons, mais celui du procédé ou du jeu, comme on l’observe entre les strophes 1 et 2 :

24 Oxford, Bodleian Library, Add A 44, f°127. Source anglaise du début du

XIIIe siècle. Voir André WILMART, « Florilège mixte de Thomas Bekynton », Mediaeval Renaissance Studies, vol. I (1941- 1943), p. 41-84.

Strophe 1 Strophe 2

Homo natus ad laborem tui status tue morem sortis considera.

Me dum fecit Deus mundam vas infecit fex immundam corrupit lutea.

Forme subtile de paronomase25, la répétition sonore entre les vers 1 et 2 de la strophe 1 sur les mots natus et status, est redoublée à la syllabe suivante qui reprend la même syllabe (status tue). Le même procédé est repris dans la strophe 2 à la même place sur les mots fecit et infecit fex. Il est rare de constater une telle correspondance entre les répétitions du texte des doubles strophes des conduits de forme binaire. Ce texte met donc en place une trame sonore éminemment subtile que la musique va, à son tour, enrichir.

Ce conduit est exceptionnel par le nombre de ses mélismes. En plus des caudae, le discours musical est continuellement orné de monnayages qui peuvent comprendre plus de dix notes. Le mélisme introductif se partage en deux parties, l’une se terminant sur un la suspensif et l’autre sur la finale sol, selon un mouvement ouvert-clos qui permet de bien affirmer le sentiment modal d’un mode de sol large.

Le premier volet de la cauda présente le mode dans sa partie aiguë puisque l’octave de la finale, le sol’, est rapidement atteinte. La version authente du mode de sol est présentée : d’abord la quinte sur la finale, puis la quarte jusqu’à l’octave. L’exposition du mode se fait d’abord en montant puis en descendant. La seconde section explore la partie médiane et inférieure de l’échelle et touche la quarte sous la finale, s’inscrivant exactement dans la version plagale du mode (ré-ré’). C’est donc un ambitus très large qui est présenté en guise d’ouverture du conduit. Chacune de ces deux parties commence par un motif ascendant de sol à ré’ sensiblement identique qui signale de début des deux phrases du mélisme.

25 La paronomase ou annominatio est la répétition de sons proches entre plusieurs mots de la même

famille ou non.

Le vers d’incipit est isolé de la suite de la strophe par une cadence sur la finale et l’intervalle de septième qui le sépare du vers 2. La citation du Livre de Job forme ainsi une entité à part bien mise en valeur par la cohérence mélodique. La pause à l’hémistiche du vers (natus) se fait sur la finale. Elle est précédée d’un motif ornemental de tierce, encadré dans l’exemple ci-dessous. Ce même motif est repris en marche descendante pour amener la cadence de la seconde partie du vers :

Les deux vers quadrisyllabiques (vers 4 et 5) de la strophe I jouent du parallélisme rythmique et sonore des mots :

Strophe 1 : propensius / me parcius Strophe 2 : desipio / nec sapio

Les deux vers sont englobés dans une seule phrase musicale qui met en valeur différents aspects sonores du texte. La phrase mélodique est composée de la répétition de motifs descendants sur le modèle de la figure rhétorique de la gradatio26. Cette descente par marches successives (encadrées dans l’exemple ci-dessous) s’articule sur les notes importantes du mode, partant du sol’, marquant un premier arrêt sur la teneur et aboutissant sur la finale. Les éléments mélodiques de cette gradatio sont dégressifs : 5 notes sur la syllabe pro (sol’-do), 4 notes (ré’-la) puis 3 notes (si-sol). Les monosyllabes me et nec, articulations importantes du discours, sont mis en relief par la conclusion de la figure de gradatio sur la finale. Bien qu’étant la première syllabe du vers, ils sont placés sur la dernière note du mouvement mélodique commencé au vers précédent :

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Nous utiliserons ce terme emprunté à la rhétorique pour désigner les répétitions mélodiques qui

résultent de la transposition d’un motif sur un ou plusieurs autres degrés de l’échelle. Chez Geoffroy de Vinsauf, la gradatio est ainsi expliquée : « Gradatio est quando gradatim fit decensus. », Summa de

coloribus rhetorici, Edmond FARAL (éd.), Les arts poétiques du XIIe et XIIIe siècle. Recherches et documents sur la technique littéraire du moyen âge, Paris, 1924, p. 323.

vers 4

vers 5

Une autre figure de répétition sonore se superpose à la gradatio qui enjambe les deux vers. Les rimes de ces deux quadrisyllabes sont en effet placées sur un motif identique (en pointillés dans l’exemple qui précède). Ainsi, la mélodie se constitue d’un emboîtement de figures à deux niveaux, l’une marquant les vers et l’autre les englobant.

Les cadences mélodiques sur la finale ponctuent le texte aux moments importants pour la compréhension du sens. La mélodie obéit à une syntaxe identique à celle du texte. Les derniers vers de la strophe 1 montrent l’organisation grammaticale et fonctionnelle de la mélodie. Les vers 9 à 11 forment deux propositions introduites par

quod :

quod misere commiseris quod pateris

miser impropera.

La mélodie marque clairement la fin de chaque proposition par une cadence conclusive aux formules identiques. Les deux propositions (quod…) commencent sur la même note,

si :

La répétition de la structure grammaticale a pour objectif d’accabler de reproches le destinataire du conduit. À cette construction redondante, s’ajoutent les effets de répétitions de mots dérivés de miser (trois fois dans ces deux vers) ainsi que les mouvements mélismatiques descendants rapides et impressionnants.

Le mélisme final de cette strophe assume remarquablement bien le rôle de conclusion. Les motifs se resserrent étape par étape sur la finale en diminuant l’ambitus. L’ornementation se simplifie progressivement :

Le premier motif ascendant (encerclé) est identique à celui qui ouvre les deux parties de la cauda introductive, reliant le début et la fin et assurant l’unité sonore de l’ensemble. La valeur rhétorique de cette cauda est identique à celle d’une péroraison : l’ornementation rappelle celle de l’introduction et se raréfie peu à peu pour mettre en valeur la cadence finale. Les mélismes introductifs et conclusifs de cette strophe sont donc particulièrement efficaces d’un point de vue rhétorique. Le premier présente l’univers sonore et habitue l’oreille au mode du conduit tandis que le dernier part du même motif et le resserre sur la finale. L’unité motivique de ces deux caudae fournit à l’auditeur des indices pour se repérer dans la structure en signalant les passages mélismatiques par les mêmes formules.

La strophe II est plus courte que la strophe I et commence sans mélisme. Le mélisme conclusif de la strophe précédente a amplement suffi à poser les repères structurels nécessaires à l’auditeur. Le début de la strophe insiste sur la responsabilité de l’Homme dans le péché. Le sens est appuyé au moyen de jeux sonores : la rime interne (in abysum et commissum) ainsi que l’identité de la rime finale (ducis). Les deux vers commencent de manières différentes, l’un sur la finale et l’autre dans l’aigu, mais font entendre une même descente mélodique au moment de la rime interne, aboutissant sur la finale. Deux mots sont ainsi mis en valeur : la faute (culpe) et l’action (opus) sont ainsi mises en valeur.

Les deux vers se terminent successivement sur une cadence ouverte puis close, sur une rime identique (ducis). Il est très rare que la rime utilise la répétition exacte d’un même mot. Il y a donc ici une intention forte, celle de mettre en valeur le sens du verbe choisi. À la deuxième personne du singulier, il pointe du doigt l’auditoire qui conduit (ducere) son propre destin. La mélodie souligne donc le texte avec un grand naturel pour que l’oreille soit guidée dans sa perception. Les mots importants ressortent grâce aux contours de la mélodie qui les épouse.

Comme dans les strophes précédentes, les vers courts de quatre syllabes bénéficient d’un traitement spécial qui insiste sur la répétition sonore rapprochée. La paronomase entre perimis et oprimis à la strophe 3 puis entre sensibus et assensibus à la

ouvert clos

strophe suivante, se traduit mélodiquement par une affirmation de la teneur ré’ qui est d’abord brodée par le dessous puis par le dessus et inversement au vers suivant :

Le mélisme final de cette strophe reprend de manière abrégée le procédé de rétrécissement progressif de l’ambitus déjà utilisé à la strophe I. La finale sol est réitérée avec insistance pour affirmer le rôle conclusif de ce passage et marquer la structure :

La dernière strophe est la plus courte des trois. C’est aussi celle dont le registre est le plus aigu, pour apporter une relance dynamique dans cette ultime partie. Elle commence en effet sur l’octave de la finale sol’. La strophe mélodique consiste en une succession de trois descentes plus ou moins rapides : vers 1 et 2 de sol’ à la, vers 3 et 4 de fa’ à fa et enfin le vers 5 dont la descente se fait entièrement sur la première syllabe me.

Ces mouvements ne se reposent sur la finale qu’à la dernière tentative, c’est-à-dire sur le dernier vers (opere) avant la cauda. Toute la strophe prépare l’arrivée de la cadence finale, en procédant par étapes. Les deux périodes précédant la dernière s’infléchissent sur la puis se reposent sur la teneur ré. Cette partition de la strophe en trois membres équivalents respecte le schéma des rimes suivies pour les vers 1 à 4 et isolées pour le dernier vers (dd ee b). Le balancement des cadences se mêle à l’effet produit par les

vers 1-2

vers 3-4

sons du texte. Une fois de plus, la grammaire musicale s’ajoute aux différents outils poétiques que sont la versification et la syntaxe.

Le mélisme final est assez mouvementé, comme une péroraison déclamatoire et exclamatoire. Les notes aiguës répétées sont probablement à interpréter comme une répercussion ou un tremblement de la voix, figure appelée florificatio vocis par le théoricien Jean de Garlande dans son Ars musica mensurabilis. Dans ce registre aigu, on imagine une interprétation assez spectaculaire. Le dessin oscillatoire du mélisme permet d’approcher progressivement la cadence sur la finale :

Le rétrécissement note par note à la fin du mélisme (do, si et la) est un procédé déjà utilisé pour les deux caudae conclusives des strophes précédentes.

L’ensemble du conduit est construit de manière structurée et équilibrée obéissant à une logique rhétorique affirmée. De longueur décroissante, les trois strophes possèdent chacune leurs éléments propres tout en s’intégrant à l’ensemble. La première strophe est une entité claire comportant les parties nécessaires à un discours (introduction, développement, conclusion). Très ornée, la mélodie séduit et impressionne. La seconde est moins spectaculaire mais elle est plus claire. La mélodie s’attache à souligner les mots importants du message moralisateur. La troisième est investie d’un rôle conclusif. Celle-ci valorise le registre aigu et les mouvements descendants plus marquants, comme pour éveiller l’attention à la fin de la composition et frapper les esprits par des contours plus mouvementés. Les mélismes jouent leur rôle de repère auditif à différentes échelles : ils font entendre les transitions entre les strophes et marquent les articulations rhétoriques du discours (introduction ou conclusion). La mélodie témoigne ainsi d’une grande maîtrise de la gestion du temps et des proportions. La stratégie rhétorique est claire et efficace.

Ce conduit a parfois été interprété comme un dialogue du corps et de l’âme27. Les éditeurs des Analecta Hymnica lui ont donné le titre suivant : « Altercatio animae et

corporis »28. Cependant, les sources n’orientent pas vers cette interprétation du texte. Il

n’est nullement question de dispute dans le manuscrit d’Oxford qui sous-titre « De

fragili(ta)te hominis ex pondere carnis »29. Cette source a pourtant comme usage de mettre clairement en évidence les conduits « disputés » par un titre explicite30. L’interprétation du texte ne repose donc que sur le sens et les mots, bien que ces derniers ne soient pas toujours très limpides et amènent à des conclusions surprenantes. Le partage du texte en deux semble le plus probable : dans les deux premières strophes (I), l’âme prend la parole et les quatre suivantes (II et III) constituent la réponse du corps31. Dans l’hypothèse de cette configuration, l’âme fait un aveu d’impuissance et de faiblesse. Elle désigne le corps à plusieurs reprises par des métaphores très répandues :

vas, lutea, carnis carcere, moles corporea. Le corps terrestre et matériel est tenu

responsable de la propagation des vices. L’âme demande à l’Homme de ne pas la tenir responsable de cet état de faiblesse. En réponse, le corps décline sa responsabilité quant aux actes délictueux. L’âme se sert de la raison de manière abusive (in abusum rationis) et trompe le corps obligé de céder aux attaques des sens. Selon cette interprétation, l’Homme n’a aucun moyen d’échapper au vice, puisque son âme le trahit et ne joue pas son rôle salvateur. Cette vision excessivement pessimiste ne laisse aucune marche de manœuvre à l’Homme qui est, comme l’incipit le rappelle, voué au malheur.

Une autre interprétation peut être proposée. En s’appuyant sur les sources et les indices donnés dans les rubriques, on peut estimer que ce conduit n’est ni une disputatio ni une altercatio, mais plus simplement un monologue de l’âme sur la fragilité de l’Homme. L’incipit est autant une référence scripturaire qu’une invocation. Selon cette configuration, les pronoms personnels à la deuxième personne et les verbes impératifs ne s’adressent plus alternativement au corps ou à l’âme, mais bien tous à l’Homme. Au début du conduit, on retrouve des formules et une langue bien souvent utilisées par

27 Hans W

ALTHER, Das Streitgedicht in der lateinischen Literatur des Mittelalters, Munich, 1920 ; Joseph SZÖVÉRFFY, Secular Latin Lyrics and Minor Poetic Forms of the Middle Ages : a Historical Survey

and Literary Repertory, Concord, 1992, vol. 2, p. 302-303.

28 AH 21, 115. 29 OxAdd, f°127 30

Par exemple, pour Aristippe quamvis sero, le titre est « Dialogus inter volentem menturi seu adulari et

intruentem ad conterium et indutuntur sub nominibus diogenis et aristippi » ; les termes « disputatio »