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L’évaluation de la dynamique des salaires durant la pandémie de COVID-19 : quel apport des données

Dans le document Bulletin économique. Numéro 8 / 2020 (Page 84-88)

Évolutions des taux d’intérêt

7 L’évaluation de la dynamique des salaires durant la pandémie de COVID-19 : quel apport des données

relatives aux salaires négociés ?

Gerrit Koester, Nicola Benatti et Aurelian Vlad

La conjonction des conséquences économiques de la pandémie de coronavirus (COVID-19) et des mesures prises pour faire face à cette

pandémie rend difficile l’interprétation des évolutions du marché du travail – notamment les évolutions des salaires. Par exemple, les changements importants observés ces derniers trimestres s’agissant du nombre d’heures travaillées, ainsi que l’application généralisée de dispositifs de chômage partiel et les problèmes liés à leur enregistrement statistique compliquent l’interprétation des indicateurs salariaux tels que la « rémunération horaire » ou la « rémunération par tête » 53. L’indicateur des taux de salaire négociés établi par la BCE rend compte des résultats des processus de négociations collectives et n’est pas directement affecté par ces facteurs spécifiques 54. Il a également tendance à être publié environ un mois plus tôt que les indicateurs salariaux établis à partir des comptes nationaux trimestriels. Il convient de noter, toutefois, que la pandémie a peut-être également eu une incidence sur les propriétés d’indicateur des salaires négociés, car elle a conduit à conclure moins d’accords salariaux que dans des circonstances normales.

Le présent encadré examine le rôle que l’indicateur des taux de salaire négociés peut jouer dans l’évaluation et la prévision des évolutions salariales à l’heure actuelle.

Même si les données relatives aux salaires négociés sont disponibles plus rapidement, la croissance des salaires négociés ne réagit généralement qu’avec un certain décalage aux évolutions de la situation sur le marché du travail. Il faut généralement du temps pour que les évolutions du chômage reflétant les tensions sur le marché du travail se traduisent dans les négociations salariales.

L’indicateur des taux de salaire négociés a donc tendance à réagir aux évolutions conjoncturelles du marché du travail avec un décalage de plusieurs trimestres (cf. graphique A). Cette situation résulte des processus de négociation dans les grands pays de la zone euro (qui se déroulent essentiellement au niveau sectoriel, avec des dates de début et des durées différentes), qui fixent souvent les salaires pour des périodes supérieures à un an. En phase avec cette caractéristique institutionnelle, les évolutions récentes de la croissance des salaires négociés ne montrent pas que les bouleversements du marché du travail liés à la pandémie ont eu un impact majeur jusqu’à présent. Même si la croissance annuelle a diminué pour s’établir à 1,9 %, 1,7 % et 1,6 % au premier, deuxième et troisième trimestres 2020,

53 Ces questions ont été examinées dans des numéros précédents du Bulletin économique de la BCE.

Cf. l’encadré intitulé « Les dispositifs de chômage partiel et leurs effets sur les salaires et le revenu disponible », Bulletin économique, n° 4, BCE, 2020 et l’encadré intitulé « Évolution de la rémunération horaire et de la rémunération par tête depuis le début de la pandémie de COVID-19 » dans l’article intitulé « L’incidence de la pandémie de COVID-19 sur le marché du travail de la zone euro » du présent Bulletin économique.

54 Depuis 2001, la BCE établit l’indicateur des taux de salaire négociés à partir de données par pays non harmonisées afin de disposer d’un indicateur des éventuelles tensions salariales. Pour plus de détails, cf. l’encadré intitulé « Monitoring wage developments: an indicator of negotiated wages », Bulletin mensuel, BCE, septembre 2002.

Bulletin économique de la BCE, n° 8 / 2020 – Encadrés

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des données relatives aux salaires négociés ? 84

respectivement, cela reflète en partie des effets de base – ce qui signifie que, par exemple, la faiblesse du résultat pour le troisième trimestre 2020 est en partie liée à l’incidence haussière du troisième trimestre 2019 associée aux paiements spéciaux intervenus en Allemagne à cette époque 55.

Graphique A

Évolutions de la croissance des salaires négociés et du taux de chômage

(échelle de gauche : variations annuelles en pourcentage ; échelle de droite : pourcentages)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.

Notes : La dernière observation se rapporte au troisième trimestre 2020. L’échelle de droite est inversée.

Les accords salariaux conclus avant le début de la pandémie continuent de jouer un rôle prépondérant dans les dernières évolutions de l’indicateur des taux de salaire négociés. Les variations trimestrielles de l’indicateur montrent que la dynamique des salaires négociés en 2020 a été jusqu’à présent très conforme au profil observé en moyenne depuis 1999 (cf. graphique B). Les modifications des salaires négociés ont tendance à se produire principalement au premier trimestre de chaque année. Cela vaut à la fois pour les variations moyennes de l’indicateur des taux de salaire négociés et pour les variations moyennes en termes absolus. Le fait que les variations moyennes en termes absolus de l’indicateur des salaires

négociés, qui reflètent le montant moyen absolu des augmentations et des baisses, soient également concentrées au premier trimestre montre que les modifications des salaires négociés se produisent effectivement principalement au début de chaque année. Des données plus granulaires laissent penser que la quasi-totalité de l’augmentation des salaires négociés au premier trimestre 2020 était imputable aux hausses de salaires intervenues en janvier, c’est-à-dire avant que la pandémie ne frappe. Le rôle prédominant des accords salariaux au début de chaque année implique que les principaux effets de la pandémie sur les salaires négociés

pourraient ne commencer à apparaître que début 2021, lorsqu’une grande partie des contrats salariaux doit être renégociée dans plusieurs pays de la zone euro.

55 Pour plus de détails, cf. Monthly Report, vol. 71, n° 11, Deutsche Bundesbank, novembre 2019, p. 8.

5 6 7 8 9 10 11 12 13 0,0

0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 Salaires négociés (échelle de gauche)

Taux de chômage (échelle de droite)

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Graphique B

Profil saisonnier des variations des salaires négociés

(variations trimestrielles en pourcentage ; période analysée : 1999-2020, sauf indication contraire)

Sources : Estimations internes de la BCE et calculs de la BCE.

Notes : La dernière observation se rapporte au troisième trimestre 2020. Les variations en termes absolus sont calculées en additionnant les montants absolus des augmentations et des diminutions.

À l’heure actuelle, certaines informations prospectives peuvent être intégrées dans le glissement conjoncturel des salaires. Le glissement conjoncturel des salaires peut être calculé comme la différence entre les taux de croissance de la rémunération réelle, mesurés par les salaires et traitements bruts par tête, et les taux de croissance des salaires négociés 56. En se fondant sur cette approche, le glissement conjoncturel des salaires négatif au cours des trois premiers trimestres 2020 (cf. graphique C) rend compte du fait que la masse salariale effective des entreprises a généralement été plus faible en raison des mesures de soutien mises en place par les États et de la diminution du nombre de primes et de promotions, entre autres facteurs. Toutefois, ce calcul du glissement conjoncturel des salaires est inévitablement affecté par des changements dans la composition de l’emploi et dans le nombre moyen d’heures travaillées par personne employée – et ces changements sont très importants à l’heure actuelle. La composition de l’emploi a probablement changé, dans la mesure où la pandémie a causé des pertes d’emplois dans le secteur des services en particulier, où les emplois sont relativement moins bien rémunérés, augmentant ainsi mécaniquement le salaire moyen et compensant en partie les effets par ailleurs négatifs sur le glissement conjoncturel des salaires en termes agrégés 57. Le glissement conjoncturel des salaires signale la pression à la baisse qui pourrait s’exercer sur les salaires négociés si la situation sur le marché du travail se détériorait, les salariés qui travaillent actuellement avec des horaires réduits se retrouvant alors au chômage.

56 Cela signifie que la croissance totale des salaires, telle que mesurée par la rémunération par tête, peut être ventilée entre la croissance des salaires négociés, le glissement conjoncturel des salaires et l’impact des variations des cotisations de sécurité sociale, ce dernier étant défini comme la différence entre le taux de croissance annuel de la rémunération par tête et le taux de croissance annuel des salaires et traitements bruts par tête.

57 Pour plus de détails sur ces effets de composition, cf., par exemple, Crust (E.E.), Daly (M.C.) et Hobjin (B.), « The Illusion of Wage Growth », FRBSF Economic Letter, Federal Reserve Bank of San Francisco, août 2020, et l’article intitulé « Les effets des changements dans la composition de l’emploi sur la croissance des salaires dans la zone euro », Bulletin économique, n° 8, BCE, 2019.

-2 -1 0 1 2 3 4 5 6

T1 T2 T3 T4

Variation trimestrielle moyenne

Variation trimestrielle moyenne en termes absolus Variation trimestrielle 2020

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Graphique C

Glissement conjoncturel des salaires et contribution du nombre d’heures travaillées à la croissance de la rémunération par tête

(contributions en points de pourcentage)

Sources : Eurostat, BCE et calculs de la BCE.

Notes : La dernière observation se rapporte au troisième trimestre 2020. « Autres » se rapporte à tous les autres secteurs. Les colonnes représentent la contribution des services, de l’industrie manufacturière et des autres secteurs à la contribution globale du nombre d’heures travaillées à la croissance de la rémunération par tête.

La croissance actuelle des salaires négociés continue d’être déterminée par des accords salariaux antérieurs à la pandémie, limitant sa valeur informative pour prédire la future croissance effective des salaires. Les principaux effets de la pandémie sur la croissance des salaires négociés ne seront probablement visibles qu’à partir de 2021, date à laquelle une part importante des contrats salariaux dans les pays de la zone euro doit être renégociée. Les évolutions du glissement

conjoncturel des salaires, associées à des informations sur les heures travaillées et le chômage, peuvent donner des indications sur l’environnement dans lequel ces négociations se déroulent. La disponibilité de données plus granulaires, par exemple sur la croissance des salaires négociés dans différents secteurs, serait très utile pour analyser plus en détail l’évolution des salaires dans la zone euro.

-2,5 -2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0

1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019

Glissement conjoncturel des salaires

Contribution du nombre d’heures travaillées à la croissance de la rémunération par tête Services

Secteur manufacturier Autres

-14 -12 -10 -8 -6 -4 -2 0 2

T1 2020 T2 2020 T3 2020

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Examen des projets de plans budgétaires pour 2021 en période de crise de la COVID-19 87

8 Examen des projets de plans budgétaires pour 2021 en

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