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Comprendre l’impact de la pandémie de COVID-19 à l’aide d’une ventilation corrigée des importations de la

Dans le document Bulletin économique. Numéro 8 / 2020 (Page 70-75)

Évolutions des taux d’intérêt

4 Comprendre l’impact de la pandémie de COVID-19 à l’aide d’une ventilation corrigée des importations de la

demande agrégée dans la zone euro

Malin Andersson, Leyla Beck et Yiqiao Sun

Cet encadré présente une méthode alternative de ventilation du PIB, qui prend en compte le fait que chaque composante de la demande contient des biens et des services importés. La ventilation standard du PIB en composantes de la dépense intérieure et exportations nettes permet d’évaluer les déterminants d’origine interne de la croissance par rapport aux facteurs de croissance extérieurs.

Dans cette ventilation, la contribution des importations totales, considérées comme un agrégat distinct, est traditionnellement soustraite des exportations totales pour calculer les exportations nettes. En réalité, cependant, les importations contribuent à l’ensemble des composantes individuelles du PIB, c’est-à-dire également à la variation des stocks et à la demande intérieure, et davantage à l’investissement qu’à la consommation privée et à la consommation publique. La pratique standard en comptabilité nationale présente par conséquent des limites, dans la mesure où elle amplifie la contribution de la demande purement intérieure à la croissance du PIB tout en réduisant l’influence des facteurs d’origine étrangère sur l’activité

économique intérieure.

Avec une mesure du PIB corrigée des importations, les importations sont affectées à chaque composante de la dépense et soustraites séparément de cette composante en fonction de son intensité en importations. Cette méthode alternative peut faire apparaître deux mécanismes de propagation à l’œuvre durant le choc lié au coronavirus (COVID-19), mécanismes qui, autrement, auraient été masqués. Premièrement, cette méthode prend en compte l’impact des importations directes et intermédiaires provenant de pays extérieurs à la zone euro sur la demande intérieure – qui a également souffert des mesures de confinement à l’échelle mondiale – en considérant l’intensité en importations effective de chaque composante. Deuxièmement, elle met en évidence le rôle des facteurs extérieurs dans les exportations : celui-ci devient en effet plus visible lorsque seule la part des importations hors zone euro associée aux exportations est déduite du total des exportations hors zone euro. Cet encadré présente des éléments attestant de l’importance des intensités en importations dans la décomposition de la dynamique de croissance économique dans la zone euro. Il décrit ensuite une analyse

approfondie fondée sur des approximations sectorielles permettant de corriger les différentes composantes de la dépense d’éventuelles variations des intensités en importations durant la période de pandémie.

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Une ventilation du PIB de la zone euro corrigée des intensités en importations provenant de pays extérieurs à la zone 38 montre que le contenu en

importations de la demande intérieure a été un important facteur

d’amplification de la dynamique de la demande intérieure en 2020. D’après la définition traditionnelle du PIB en comptabilité nationale, la demande intérieure de la zone euro a contribué pour 14,0 points de pourcentage à la baisse cumulée de 15,0 % de la production dans la zone euro au premier semestre 2020 et pour 11,3 points de pourcentage à la hausse de 12,5 % en rythme trimestriel enregistrée au troisième trimestre 2020 (cf. graphique A, partie a). Les composantes de la dépense en 2020 corrigées des intensités en importations observées en 2019 font état d’une contribution plus limitée de la demande purement intérieure aux pertes économiques au premier semestre de l’année, et d’une plus forte contribution des exportations (cf. graphique A, partie b). Au cours du rebond ultérieur, la demande intérieure a augmenté dans une moindre mesure selon cette méthode que d’après la ventilation traditionnelle. Au total, la comparaison révèle que, en raison des liens entrées-sorties, l’économie de la zone euro a été plus lourdement exposée à des chocs externes durant la pandémie que ne le suggère la ventilation traditionnelle 39. Cela est dû au fait que, dans le cadre des chaînes de valeur mondiales, les

importations sont intrinsèquement dépendantes des profils de production domestiques. En outre, les chocs externes peuvent se propager et s’amplifier en raison des complémentarités entre secteurs que l’existence de liens entrées-sorties est susceptible de faire apparaître 40. Les intensités en importations directes et intermédiaires des composantes du PIB peuvent être calculées à partir des tableaux d’entrées-sorties annuels d’Eurostat 41 pour la zone euro, disponibles pour la période 2005-2019. Les estimations qui en résultent montrent que l’intensité en importations a été particulièrement élevée pour les exportations et l’investissement, un peu moins élevée pour la consommation privée et particulièrement faible dans le cas des dépenses de consommation publique (cf. graphique B, partie a). Par ailleurs, elle est nettement plus élevée dans le secteur manufacturier que dans les services.

38 La ventilation corrigée des importations des composantes de la dépense du PIB montre l’importance des exportations hors zone euro dans les phases de reprise depuis 2013, cf. « The importance of external and domestic stimuli for the economic upturn in the euro area », Monthly Report, Deutsche Bundesbank, Francfort-sur-le-Main, août 2017. La composition, corrigée des importations, de la demande a également joué un rôle essentiel dans la dynamique des échanges commerciaux durant la crise financière mondiale, selon Bussière (M.), Callegari (G.), Ghironi (F.), Sestieri (G.) et Yamano (N.),

« Estimating Trade Elasticities: Demand Composition and the Trade Collapse of 2008-2009 », American Economic Journal, vol. 5, n° 3, p. 118-151.

39 Ce résultat corrobore des conclusions antérieures sur l’importance des chaînes de valeur mondiales pour la performance du commerce mondial durant la pandémie, cf. l’encadré intitulé « Le grand effondrement des échanges commerciaux de 2020 et le rôle amplificateur des chaînes de valeur mondiales », Bulletin économique, n° 5, BCE, 2020.

40 Cf., par exemple, Guerrieri (V.), Lorenzoni (G.), Straub (L.) et Werning (I.) « Macroeconomic

Implications of COVID-19: Can Negative Supply Shocks Cause Demand Shortages? », NBER Working Paper Series, n° w26918, National Bureau of Economic Research, 2020 ; et Acemoğlu (D.), Akcigit (U.) et Kerr (W.) « Networks and macroeconomic shocks », VoxEU, 2016.

41 Les données symétriques d’entrées-sorties produit par produit d’Eurostat pour la période 2005-2019 permettent de calculer l’intensité en importations aussi bien par composante de la demande que par secteur.

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Graphique A

Croissance du PIB en volume de la zone euro et de ses composantes depuis le quatrième trimestre 2019

(variations trimestrielles en pourcentage ; contributions en points de pourcentage)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.

Notes : Partie a : la méthode standard de ventilation du PIB en composantes de la dépense est la méthode utilisée dans les données des comptes nationaux. Le total des importations hors zone euro est déduit des exportations hors zone euro pour calculer la contribution des exportations nettes à la croissance du PIB. Partie b : la ventilation du PIB corrigée des importations est calculée en trois étapes. Premièrement, l’intensité en importations annuelle pour chaque composante de la dépense est calculée à l’aide des données symétriques d’entrées-sorties produit par produit d’Eurostat pour la zone euro. Deuxièmement, les intensités en importations sont utilisées comme pondérations afin d’estimer les flux nominaux effectifs d’importations hors zone euro pour la consommation privée, la consommation publique, l’investissement et les exportations. La part des importations dans les variations de stocks ne pouvant être calculée, on prend comme hypothèse qu’elle est égale à 50 %. Troisièmement, les flux d’importations estimés sont déduits séparément de chaque composante de la dépense, à la fois en termes nominaux et en termes réels, et la contribution corrigée des importations de chaque composante à la croissance est calculée. À noter que le total des flux d’importations nominaux calculés à partir des données d’entrées-sorties ne correspond pas toujours au total des flux d’importations dans les comptes nationaux.

Cela signifie que des hypothèses supplémentaires doivent être formulées pour calculer la décomposition finale du PIB corrigée des importations.

Les intensités en importations provenant de pays extérieurs à la zone euro ont probablement évolué durant la pandémie. Les données corrigées des

importations présentées dans la partie b du graphique A sont établies à partir des intensités en importations antérieures à la crise et en prenant comme hypothèse que l’intensité en importations de la demande intérieure n’est pas affectée par la

pandémie. Toutefois, alors qu’elles ont été relativement stables en période normale, les intensités en importations tendent à varier de façon plus marquée en période de récession (cf. graphique B, partie a) 42. Une tendance haussière progressive en période normale reflèterait une mondialisation accrue, une extension des chaînes de valeur mondiales et une spécialisation internationale qui aboutiraient à des taux de croissance du commerce supérieurs à la croissance de la demande intérieure 43.

42 Cf. Bems (R.), Johnson (R.C.) et Yi (K.-M.), « Demand Spillovers and the Collapse of Trade in the Global Recession », IMF Working Papers, n° WP/10/142, juin 2010.

43 Cf. Kranendonk (H.) et Verbruggen (J.), « Decomposition of GDP Growth in Some European Countries and the United States », De Economist, vol. 156, n° 3, Springer, 2008, p. 295-306.

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T4 2019 T1 2020 T2 2020 T3 2020

b) Ventilation du PIB corrigée des importations PIB

T4 2019 T1 2020 T2 2020 T3 2020

a) Ventilation standard du PIB en composantes de la dépense PIB

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Graphique B

Intensités en importations des différentes composantes de la dépense du PIB et des principaux secteurs

(en pourcentage ; contributions en points de pourcentage)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.

Notes : Dans la partie a, les intensités en importations correspondent à la somme des intensités en importations directes et intermédiaires. Les intensités en importations pour 2020, marquées par des losanges, sont une approximation calculée à partir de la variation du ratio importations/valeur ajoutée des différentes composantes de la dépense, telle que constatée dans les données effectives sur les échanges commerciaux et la valeur ajoutée pour les trois premiers trimestres de 2020. Les valeurs pour 2020 dans la partie b sont des approximations des contributions du secteur manufacturier et des services, respectivement, aux intensités en importations globales des différentes composantes de la dépense. Les données pour 2020 sont établies à partir de la moyenne pour les trois premiers trimestres de 2020. L’ampleur et la variation de la contribution des secteurs agricole et de la construction aux intensités en importations des différentes composantes de la dépense sont nettement moins importantes et n’ont pas été prises en compte.

Durant la pandémie de COVID-19, on observe que l’intensité en importations hors zone euro du secteur manufacturier a légèrement augmenté, tandis que celle des services a diminué. Les données d’entrées-sorties d’Eurostat n’étant pas encore disponibles pour 2020, nous utilisons plutôt le ratio des importations hors zone euro au niveau sectoriel rapportées à la valeur ajoutée dans les principaux secteurs comme approximation des intensités en importations respectives afin d’évaluer l’impact potentiel de la pandémie jusqu’au troisième trimestre 2020 44.

44 Il y aura davantage d’informations sur l’évolution des intensités en importations lorsque les tableaux d’entrées-sorties d’Eurostat pour 2020 seront publiés, probablement à l’été 2021.

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2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Consommation privée Consommation publique Investissement Exportations

a) Intensités en importations des différentes composantes de la dépense

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b) Contributions du secteur manufacturier et des services à l’intensité en importations des différentes composantes de la dépense 2019

2020

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Ces données montrent de façon intéressante que, globalement durant la pandémie, c’est-à-dire en tenant compte du rebond au troisième trimestre, le secteur

manufacturier a enregistré une importante perte de valeur ajoutée à la suite du choc d’offre résultant des confinements généralisés, tandis que la diminution des

importations a été moins prononcée. Cela implique que l’intensité en importations a augmenté dans le secteur manufacturier (cf. graphique B, partie b).Dans le secteur des services, en revanche, la perte globale d’importations hors zone euro a été supérieure à la perte de valeur ajoutée, le tourisme et les voyages 45 ayant eu un impact particulièrement défavorable sur les importations. Comme le secteur manufacturier représente une part beaucoup plus importante que les services du contenu en importations des différentes composantes de la dépense, les intensités en importations ont globalement augmenté durant les trois premiers trimestres de 2020. Toutefois, cette augmentation potentielle du contenu en importations n’aurait pas d’incidence significative sur le résultat de la ventilation du PIB corrigée des importations par rapport à la ventilation ressortant de la partie b du graphique A.

Pour conclure, l’utilisation des intensités en importations afin de distinguer les contributions d’origine interne des contributions extérieures à la croissance dans la zone euro laisse penser que, au cours des trois premiers trimestres de 2020, la contribution extérieure a été plus importante en termes absolus que ne le suggère la ventilation traditionnelle, tandis que la demande intérieure a joué un moins grand rôle. Selon une approximation calculée à partir de données récentes prenant en compte les contributions du secteur manufacturier et des services durant la pandémie, les intensités en importations pourraient avoir globalement augmenté durant la crise. Toutefois, cette modification du contenu en importations n’aurait pas d’impact significatif sur la ventilation corrigée des importations.

45 Cf. l’encadré intitulé « Impact du confinement lié au COVID-19 sur les échanges de services de voyages », Bulletin économique, n° 4, BCE, 2020, et l’encadré 5 du présent Bulletin économique.

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Évolutions du secteur du tourisme durant la pandémie de COVID-19 74

5 Évolutions du secteur du tourisme durant la pandémie de

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