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L ES ÉTUDES SUR L ’ UTILISATION ET L ’ OCCUPATION AUTOCHTONE DU TERRITOIRE AU C ANADA

Tableau 1.6 Organisations représentées par les répondants(es) de l’étude O RGANISATIONS RENCONTRÉES N OMBRE

CHAPITRE 3. L’ASSOCIATION MAMO ATOSKEWIN ATIKAMEKW ET LA GESTION INTÉGRÉE DES

3.1 L ES ÉTUDES SUR L ’ UTILISATION ET L ’ OCCUPATION AUTOCHTONE DU TERRITOIRE AU C ANADA

Au Canada, les Premières Nations participent depuis plusieurs années à la réalisation d’études sur leur utilisation et leur occupation du territoire (ÉUOT) dans différents contextes (Hrenchuk, 1993; MacKinnon et al., 2001; Robinson et Ross, 1997; Wyatt et al., 2010b). Parmi les premières études du genre, on peut mentionner les travaux de Weinstein (1976), de Freeman (1976) et de Brice- Bennett (1977) alors que d’autres (Natcher, 2001) remontent encore plus loin dans le temps en citant les travaux de Franz Boaz (1888) et de son étudiant (Speck, 1915). Une étude publiée en 2013 indique que plus d’une centaine de communautés autochtones au Canada ont déjà participé dans une telle démarche (Fortier et al., 2013). Dans la province du Québec, la même étude a révélé qu’un peu plus de 40 % des communautés se sont engagées dans de telles études. Certaines de ces démarches s’inscrivaient dans le cadre d’un processus de négociation ou d’une démarche judiciaire visant à faire reconnaître l’occupation autochtone du territoire (Thom et Washbrook, 1997; Élias, 2004). En fait, selon Natcher, les études sur l’utilisation et l’occupation du territoire ont deux principaux objectifs, c’est-à-dire « définir précisément les zones géographiques comme base des revendications territoriales autochtones » et/ou « illustrer visuellement le conflit qui existe ou peut exister, entre l’occupation territoriale des autochtones et les initiatives de développement des ressources » (2001 : 116).

En 1996, l’Association nationale de foresterie autochtone (ANFA) avertissait que « compiler des inventaires et des cartes [était] la partie facile de l’utilisation des connaissances écologiques » et que « mettre ces connaissances en pratique pour améliorer l’état de la forêt [était] la partie difficile » (ANFA citée dans Robinson et Ross, 1997 : 604). D’autres auteurs demeurent tout de même critiques face au premier objectif en pointant du doigt notamment leurs faiblesses méthodologiques. D’abord, les communautés possèdent rarement les ressources financières pour mener de telles études et dépendent souvent des organismes extérieurs. De plus, on dénote un problème au niveau de la représentativité de ces études. À titre d’exemple, seulement 2 % de la communauté de Stó:lo fut interviewée durant la première année de l’étude (Thom et Washbrook, 1997). Natcher (1999) a aussi remarqué que certains groupes, dont les femmes, sont souvent sous- représentés dans ce type d’étude. Concernant leur intégration dans la planification forestière et territoriale, Elias affirmait (2004) que « tant que les études sur l’utilisation et l’occupation des terres demeureront avant tout un outil juridique, elles, ainsi que la richesse de l’information culturelle qu’elles contiennent, languiront. » (Elias, 2004 : 62). À cet effet, une étude a révélé que les entreprises forestières demeurent tout à fait conscientes de cet enjeu : « First Nations are going to

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use [traditional land use and occupation studies] to assert jurisdiction… they have lost the focus on protecting these sites and now it is proof that they own the land base. What’s really happening is that everyone has a map on the wall and a felt pen, and they’re saying this is my land and pay me money » (Participant à l’étude cité dans MacKinnon et al., 2001 : 485).

Selon Natcher (2001) et Stevenson (2005), il y a aussi un risque au niveau du contrôle des informations générées par de telles études. Selon eux, une fois que l’information est transférée à l’industrie et l’État, ceux-ci peuvent s’en servir sans avoir à consulter directement les communautés lorsque vient le temps de prendre une décision sur le territoire. Il y a aussi un danger de décontextualiser les informations qu’elles contiennent à travers une forme de « rationalisation » de leurs savoirs. Ainsi, plusieurs auteurs ont souligné l’importance que « l’information ne peut pas être séparée des gens » (Horvath et al., 2002 : 393). L’anthropologue québécoise Sylvie Poirier souligne que c’est un enjeu fondamental en soulevant le fait que la conception occidentale du territoire empêche de reconnaître l’« engagement des autochtones envers les territoires et au sein de ceux-ci. Plus qu’un simple espace à occuper et à exploiter, les autochtones y voient un milieu d’émergence et de vie, des lieux et des entités sensibles avec lesquels ils engagent des relations d’échange et de partage, des relations intimes et réciproques » (Poirier, 2000 : 149). Natcher adopte sensiblement le même raisonnement en affirmant que les ÉUOT « remains grounded in conventional planning and resource management practices that represent only the spatial distribution of physical features of the landscape » (Natcher, 2001 : 119) laissant ainsi de côté toutes les facettes culturelles et spirituelles de la relation au territoire. Finalement, la plupart des auteurs conviendront que les ÉUOT ne sont en fait que le « commencement » (Horvath et al., 2002) et que c’est à travers une forme de « consultation » ou de « cogestion » que les impacts deviendront plus tangibles. Robinson et Ross résumaient déjà très bien ce point en 1997 :

[...] an indispensable initial step is the identification of the nature and extent of traditional and current uses of forested areas by Aboriginal communities. Only then can the impacts of resource developments upon such uses be more fully understood and measured, and informed decisions about sustainable forest use and development made by all concerned parties. (Robinson et Ross, 1997 : 597)

Tout comme Hrenchuk le défendait au début des années 1990 concernant les espaces nordiques du Manitoba, les ÉUOT montrent que ces espaces considérés comme étant « sauvages », « vides » et « inexplorés » demeurent en fait une simple « illusion » alors qu’ils sont plutôt des espaces territorialisés et habités depuis plusieurs siècles et millénaires : « If land use and occupancy studies were to be carried out right across northern Manitoba, it is likely that this wilderness theme would

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be refuted at almost every point. These lands are known, named by local custom, and in use » (Hrenchuk, 1993 : 76).

3.2

L’A

SSOCIATION

M

AMO

A

TOSKEWIN

A

TIKAMEKW

:

ORIGINE

,

MANDAT

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