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Tableau 1.6 Organisations représentées par les répondants(es) de l’étude O RGANISATIONS RENCONTRÉES N OMBRE

CHAPITRE 2. BREF HISTORIQUE DES RAPPORTS ENTRE LES NEHIROWISIWOK ET LES NON-

2.1 A SPECTS MÉTHODOLOGIQUES

2.7.3 Des événements interreliés

Nous avons aussi remarqué que certains événements étaient interreliés. L’implantation d’une scierie à Opitciwan illustre de manière éloquente l’imbrication entre divers événements dans le temps. Depuis la mise en marche de la scierie, ses dirigeants ont continuellement entrepris des démarches auprès du gouvernement pour augmenter le volume d’approvisionnement en matière ligneuse, mais sans succès. Il a ainsi peu varié dans le temps allant de 90 000 à 120 000 mètres cubes par année. L’ancienne directrice de la scierie expliquait cet échec par l’intensification des opérations forestières des autres entreprises sur les territoires d’approvisionnement de la scierie à cause de la « Paix des braves » qui avait incité selon elle certains entrepreneurs forestiers à déplacer leurs activités de récolte vers le sud.

Faisant face aux refus répétés du ministère et à une augmentation des activités des autres entreprises sur le territoire, la restructuration des activités de Kruger représentait dès lors une opportunité clé pour Opitciwan de pouvoir augmenter enfin son volume d’approvisionnement. À cet effet, le gouvernement du Québec avait mené une consultation auprès des Nehirowisiwok concernant cette restructuration. C’est ainsi que, dès qu’il a appris la nouvelle, le chef de la communauté a réagi en faisant des démarches pour accéder à une partie du volume de bois libéré, mais toujours sans succès. Le blocus des chemins forestiers ne paraît plus comme un événement isolé si l’on tient compte de tous ces éléments. Autrement dit, on peut supposer que peu importe l’objet du refus, le blocus était devenu inévitable. Il s’agissait d’un refus de trop pour les Nehirowisiwok. Enfin, le conflit a mené à un processus de négociation bilatéral avec le gouvernement du Québec. Est-ce que le blocus de 2012 était inspiré de celui de 2003 qui avait somme toute plutôt bien fonctionné pour le CAMA? De plus, l’approche proposée par le ministre Chevrette qui consistait à négocier des « ententes sectorielles » avec les communautés a sûrement aussi contribué à jeter les bases pour mettre en place un tel processus de négociations. Et si on ajoute à cela la lenteur du processus de négociation territoriale globale, il nous paraît clair que tous les éléments étaient rassemblés pour inciter le gouvernement du Québec et les conseils de bande à emprunter la voie de la négociation bilatérale dans une situation de conflit comme celle du blocus de 2012. Bref, tous ces événements ont bâti tour à tour les conditions propices pour que ces acteurs s’engagent dans des démarches qu’ils n’auraient vraisemblablement jamais envisagées au début des années 1990.

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2.8C

ONCLUSION

À partir d’un corpus de données écrites brutes (articles de journaux), l’objectif consistait à regrouper et à reconstituer les principaux processus événementiels ayant marqué la participation des Nehirowisiwok dans la gestion et le développement du territoire ainsi que leurs rapports avec les diverses parties prenantes de la région de Mauricie au Québec au cours de ce dernier quart de siècle. Ce compte rendu dévoile un engagement tellement diversifié qu’il peut sembler paradoxal par moment. En effet, les Nehirowisiwok participent à la fois dans des partenariats économiques tels que la coentreprise Scierie Opitciwan tout en étant parfois en position d’« adversaire » comme l’illustre les événements récents de 2012 où les Nehirowisiwok ont paralysé le transport du bois dans la Haute-Mauricie pendant plusieurs semaines. Ce qui nous amène à conclure que les rapports entre les Nehirowisiwok et les acteurs non nehirowisiwok peuvent difficilement être circonscrits à l’intérieur d’un seul paradigme interprétatif (p. ex., l’assimilation versus la coexistence).

Le fil conducteur dans la participation des Nehirowisiwok et leurs rapports avec les autres acteurs constitue sans doute leur volonté persistante à défendre leur « autonomie » tout en étant prêt à se confronter à certaines contraintes et limites afin d’entretenir de « bonnes relations » avec les autres parties prenantes du territoire. Les rapports harmonieux qu’ils entretiennent avec Hydro-Québec, mis à part le blocus des chantiers en 2005, montrent bien cela. Toutefois, on constate que, sur le long terme, les Nehirowisiwok ont essuyé de nombreux revers dans plusieurs autres types de démarches (négociation territoriale, processus de consultation, démarrage d’entreprise, etc.). Cela nous pousse à voir les mouvements de contestation ayant marqué surtout la seconde moitié de la période à l’étude comme le reflet d’un essoufflement chez les Nehirowisiwok qui parviennent difficilement à réaliser pleinement leurs aspirations concernant la gestion du territoire. Dans un contexte où ils ne réussissent pas à influencer significativement les décisions importantes affectant le développement du territoire (p. ex., la restructuration des activités de Kruger), les Nehirowisiwok ont commencé à utiliser des moyens plus « controversés » pour défendre leurs intérêts et leurs droits. Ce qui marque peut-être le début d’un changement plus profond dans leur rapport avec la société dominante.

Contrairement à d’autres Nations autochtones au Québec comme les Cris ou les Innus, les Nehirowisiwok n’ont presque jamais recouru à des processus juridiques pour faire valoir leurs droits à l’égard du territoire. Ils participent aux consultations publiques; ils négocient des ententes avec l’État; ils établissent des partenariats avec les entreprises privées; ils donnent des conférences publiques; ils mènent des campagnes de sensibilisation; etc. Par contre, on constate que les

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Nehirowisiwok ont commencé à s’orienter progressivement vers d’autres formes d’engagement plus « contestataires » et moins « collaboratives » pour atteindre leurs objectifs.

Si le gouvernement du Québec et les Nehirowisiwok ne parviennent pas à s’entendre sur une formule de gestion partagée du territoire à travers la négociation, les Nehirowisiwok seront peut- être tentés de délaisser la collaboration pour s’engager davantage dans des processus juridiques par exemple. En juin 2014, dans l’Ouest canadien, la Première Nation Tsilhqot’in vient de se faire reconnaître un titre aborigène par la Cour suprême qui exige dorénavant le consentement de la Nation sur toute décision qui affecte le territoire couvert par le titre (De Grandpré, 2014). Cela pourrait influencer les stratégies adoptées par les Nehirowisiwok qui demandent depuis longtemps une place significative dans les processus décisions touchant leur territoire ancestral. Or, les gouvernements continuent de défendre que la voie de la négociation demeure, pour eux, la meilleure façon de régler la question des droits territoriaux des Premières Nations (De Grandpré, 2014). Bien que les représentants nehirowisiwok aient longtemps privilégié les voies de la négociation et de la collaboration, on peut raisonnablement se questionner à savoir si la nouvelle génération nehirowisiw continuera à privilégier les mêmes voies. La récente déclaration de souveraineté de la Nation nehirowisiw laisse entrevoir qu’ils sont plus prêts que jamais à emprunter d’autres chemins que ceux qu’ils ont déjà foulés jusque-là afin de défendre et faire reconnaître leur place dans la gestion, le développement et la protection du Nitaskinan.

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CHAPITRE 3. L’ASSOCIATION MAMO ATOSKEWIN

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