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Émergence et évolution de la collaboration dans la planification forestière du Nitaskinan (Québec, Canada) 1990-2013

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É

MERGENCE ET ÉVOLUTION DE LA

COLLABORATION DANS LA PLANIFICATION

FORESTIÈRE DU

N

ITASKINAN

(Q

UÉBEC

,

C

ANADA

)

1990-2013

Thèse

Jean-François Fortier

Doctorat en sociologie

Philosophiae Doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

© Jean-François Fortier, 2017

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iii

-RÉSUMÉ

Cette thèse propose un nouvel éclairage sur le rôle grandissant des Premières Nations dans l’aménagement durable des forêts. À travers une approche qualitative et longitudinale, cette thèse se penche sur l’évolution de la collaboration dans le cadre de la planification forestière à partir de l’exemple des Nehirowisiwok (Atikamekw) et du secteur forestier québécois, de 1990 à 2013. Elle vise à mieux comprendre les facteurs et les conditions qui ont influencé l’évolution d’une gouvernance forestière plus collaborative. Cette thèse poursuit également comme sous-objectif l’identification et la caractérisation des interrelations entre les processus de collaboration à l’étude et d’autres processus afin de déterminer dans quelle mesure ces interrelations ont influencé leur développement dans le temps et l’espace ainsi que les efforts de collaboration.

Au cours de la période à l’étude, les Nehirowisiwok se sont engagés dans une myriade de démarches et d’initiatives reliées à la planification forestière. Cette thèse fournit une analyse approfondie de trois processus s’étant déroulés à différents moments de la période à l’étude en examinant les dimensions clés de chaque processus. Les résultats montrent que les efforts de collaboration ont grandement été influencés par un contexte évolutif. On retrouve notamment la révision du régime forestier à la fin des années 1990, les jugements Haïda et Taku River en 2004 ainsi que l’adoption d’un nouveau régime forestier. Il a aussi été remarqué que les dimensions du processus de collaboration étaient interreliées. Par conséquent, lorsqu’une dimension du processus changeait cela pouvait entraîner un « effet domino » sur d’autres aspects du processus. Enfin, bien que la plupart des précédents auteurs s’entendent de plus en plus pour dire que la collaboration est un processus dynamique dans le temps, les résultats confirment que la collaboration évolue, mais

en partie.

Cette thèse met aussi en lumière l’interaction entre les effets et les conditions de la collaboration dans le contexte de la planification forestière. En effet, sans les apprentissages qui découlent des collaborations antérieures, la collaboration a tendance à livrer des résultats plutôt insatisfaisants. Cela arrive surtout lorsque les acteurs n’ont pas une histoire antérieure de collaboration. Donc, pour avoir des retombées immédiates satisfaisantes pour l’ensemble des parties concernées, les acteurs ont dû développer de nouvelles habiletés, apprendre le vocabulaire forestier, se familiariser avec les préoccupations de l’Autre, raffiner et développer de nouveaux outils et instruments, mais surtout, bâtir une nouvelle démarche commune envers laquelle ils ont confiance. En somme, les

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iv

-acteurs ne collaborent pas du jour au lendemain; ils doivent d’abord apprendre à collaborer avant de pouvoir collaborer efficacement.

Les résultats ont aussi permis de développer une classification empirique des liens observables entre les processus de collaboration. Cinq grands ensembles de liens ont été observés :

descendance, dédoublement, opposition, complémentarité et influence. Ces différents liens

montrent que les processus de collaboration n’évoluent pas en vase clos et qu’ils peuvent avoir des effets significatifs sur leur environnement et les autres processus. Plus encore, ils illustrent que les processus de collaboration ne viennent pas seulement s’ajouter, compléter ou remplacer les processus existants tel que la littérature est souvent portée à les dépeindre.

Enfin, à partir des conclusions de cette étude, de nouvelles questions se posent. Est-ce que la collaboration avec les Nehirowisiwok dans le cadre de la planification forestière a évolué de la même façon avec les Premières Nations présentes dans les autres régions du Québec? Quels seraient les facteurs et les conditions qui expliqueraient les différences et les similarités observables? Il serait aussi intéressant d’examiner comment la collaboration a évolué dans les autres domaines de la gouvernance forestière telle que l’octroi des permis de coupe (garanties d’approvisionnement), l’élaboration des politiques forestières, l’affectation du territoire, détermination des rôles et responsabilités en matière de gestion des feux de forêt et ainsi de suite. Enfin, il semble plus que jamais pertinent d’examiner comment et quand il demeure possible d’articuler la collaboration à d’autres mécanismes de gouvernance afin de pouvoir profiter pleinement de son potentiel en matière de gestion durable et équitable du Nitaskinan.

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-ABSTRACT

This thesis sheds new light on the growing role of First Nations in sustainable forest management. Through a qualitative and longitudinal approach, this thesis examines the evolution of collaboration between the indigenous Nehirowisiwok (Atikamekw Nation) and Quebec’ industrial and governmental actors in forest planning on Nitaskinan during the period 1990 to 2013. It aims to better understand the factors and conditions that influenced the evolution of collaborative forest governance. This thesis also aims to identify and characterize interrelations between the collaboration processes analyzed and others processes to determine how these relationships have influenced the development of collaborative efforts in time and space.

During the study period, the Nehirowisiwok engaged in a myriad of approaches and initiatives related to forest planning. This study examines three distinct processes that took place at key stages during the period, analysing critical dimensions of each process. The results show that collaborative efforts were greatly influenced by a changing environment, particularly the revision of the forestry regime in the late 1990s, the Haïda and Taku River judgements in 2004 and the adoption of a new forestry regime in 2010. Importantly, although collaborative processes are distinct, the dimensions of these processes are intertwined. Changes in, or caused by, one process can have a “domino effect” on dimensions of the other collaborative processes. Finally, although most previous authors agree that collaboration is an emergent and dynamic process in time, the results indicate that these changes may be partial, rather than complete.

This research highlights the interactions between the conditions for collaboration and the effects of this collaboration in the context of forest planning. Indeed, without the learning arising from previous collaborations, collaboration tends to deliver unsatisfactory results. This mostly happens when actors do not have a prior history of collaboration. Consequently, in order to obtain satisfactory and immediate benefits for all stakeholders (including the Nehirowisiwok), the actors had to develop new skills, learn the forestry vocabulary, become familiar with the concerns of the Other and refine and develop new tools and instruments. Particularly importantly, they need to build a new common approach in which they can trust each other. In short, the actors do not collaborate overnight; they must first learn to cooperate before they can collaborate effectively. The results also helped develop an empirical classification of links between collaborative processes. Five general sets of interrelations were observed: genealogical, duplication, opposition,

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-isolation and can have significant effects on their environment and other processes. Moreover, they demonstrate that collaborative processes do not simply add to, supplement or replace existing processes, as is often portrayed in the literature.

Finally, based on the findings of this study, new questions arise. Have other First Nations in Quebec experienced an evolution in collaborative forest planning, in the same way as the Nehirowisiwok? What are the factors and conditions that explain the differences and similarities observed? It would also be interesting to examine how collaboration has evolved in other areas of forest governance, such as the allocation of timber supply, the development of new forest policy, land use planning, or forest fire management. Finally, it seems more relevant than ever to consider how and when it is still possible to articulate collaboration to other governance mechanisms in order to take full advantage of its potential for sustainable and equitable governance of Nitaskinan.

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vii

-TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ III

ABSTRACT V

TABLE DES MATIÈRES VII

LISTE DES TABLEAUX XI

LISTE DES CARTES ET DES FIGURES XII

LISTE DES ACRONYMES XIII

REMERCIEMENTS XVII

AVANT-PROPOS XIX

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

CHAPITRE 1. MISE EN CONTEXTE ET CADRE DE LA RECHERCHE 6

1.1 Mise en contexte 6

1.1.1 L’émergence des « acteurs autochtones » dans le régime forestier au Québec 6 1.1.2 Premières Nations et régime forestier : de l’exclusion à la coexistence 9

1.2 Principaux concepts 18

1.2.1 Gestion et gouvernance forestière 18 1.2.2 Classification des rapports entre les Premières Nations et le secteur forestier 21

1.2.3 La collaboration 22

1.3 Cadre théorique 28

1.3.1 Objet de l’étude et pertinence : l’évolution de la collaboration dans la planification forestière 28 1.3.2 Dimensions à l’étude 29 1.3.4 Objectifs de la recherche 31

1.4 Cadre méthodologique 32

1.4.1 Le terrain d’étude : les Atikamekw Nehirowisiwok et le Nitaskinan 33 1.4.2 Historique général des événements et études de cas approfondies 35 1.4.3 Collecte des données 38 1.4.4 Analyse des données 43

1.5 Synthèse 44

CHAPITRE 2. BREF HISTORIQUE DES RAPPORTS ENTRE LES NEHIROWISIWOK

ET LES NON-NEHIROWISIWOK (1990-2013) 46

2.1 Aspects méthodologiques 47

2.2 Période 1990-1994 50

2.2.1 Les Nehirowisiwok et la négociation territoriale globale (1990-1994) 50 2.2.2 Les Nehirowisiwok et les revendications territoriales des autres Premières Nations 51 2.2.3 Les Nehirowisiwok et la gestion du territoire forestier 52

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-2.3 Période 1995-1999 53

2.3.1 Les Nehirowisiwok et la négociation territoriale globale : la suite (1995-1999) 53 2.3.2 Deux projets de scieries chez les Nehirowisiwok 55

2.4 Période 2000-2004 56

2.4.1 Le CNA et la Commission parlementaire sur la révision du régime forestier 56 2.4.2 Concertation régionale sur la sécurité routière des chemins forestiers 56 2.4.3 La scierie « Tackipotcikan » et la scierie Opitciwan 56 2.4.4 Les Nehirowisiwok et la fusion municipale de la Ville de La Tuque 57 2.4.5 Le blocus forestier de la communauté de Manawan 58 2.4.6 Le Conseil de la Nation atikamekw et la « Commission Coulombe » 59

2.5 Période 2005-2009 60

2.5.1 Le blocus du clan Chilton sur les chantiers de Rapides-des-Cœurs et de la Chute Allard 60 2.5.2 Projet de loi 122 devant modifier la Loi sur les terres du domaine de l’État 61 2.5.3 Les Nehirowisiwok et la fusion municipale de la Ville de La Tuque : la suite… (2005-2009) 61 2.5.4 Une période d’instabilité politique chez les Nehirowisiwok 62 2.5.5 Les Nehirowisiwok et la gestion forestière 62

2.6 Période 2010-2013 65

2.6.1 Les Nehirowisiwok et la certification forestière 65 2.6.2 Les feux de forêt de 2010 65 2.6.3 Les Nehirowisiwok et la négociation territoriale globale : la suite… (2010-2013) 66 2.6.4 La fermeture de la scierie de Gérard Crête et Fils 67 2.6.5 Le blocus des chemins forestiers par les Nehirowisiwok 68 2.6.6 Les Nehirowisiwok et la négociation bilatérale avec le gouvernement du Québec 70

2.7 Discussion 71

2.7.1 Des acteurs en mouvement 71 2.7.2 Un engagement mixte et évolutif chez les Atikamekw Nehirowisiwok 73 2.7.3 Des événements interreliés 75

2.8 Conclusion 76

CHAPITRE 3. L’ASSOCIATION MAMO ATOSKEWIN ATIKAMEKW ET LA

GESTION INTÉGRÉE DES RESSOURCES 78

3.1 Les études sur l’utilisation et l’occupation autochtone du territoire au Canada 81 3.2 L’Association Mamo Atoskewin Atikamekw : origine, mandat et mode de fonctionnement 83 3.3 Une étude scientifique sur les connaissances territoriales des Nehirowisiwok 87

3.4 Le projet de Gestion Intégrée des Ressources (GIR) 89

3.5 Les principaux acteurs 92

3.6 Liens entre les démarches de l’AMAA et d’autres initiatives antérieures, simultanées et

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ix

-3.6.1 Le projet de gestion intégrée des ressources : une étape d’une démarche globale 94 3.6.2 Une démarche similaire en parallèle : la Table de concertation sur le développement durable de la

Haute-Mauricie 96

3.6.3 L’héritage de l’AMAA : les « mesures d’harmonisation » ou de la théorie à la pratique 99

3.7 Discussion 100

3.8 Conclusion 102

CHAPITRE 4. ÉMERGENCE ET ÉVOLUTION DE LA COLLABORATION DANS LA PLANIFICATION FORESTIÈRE DU NITASKINAN 104

4.1 Mise en contexte : Premières Nations, collaboration et planification forestière 108 4.2 Historique de l’évolution du processus de consultation et d’harmonisation 110

4.2.1 Avant 1999 : Premiers contacts, identification des enjeux et élaboration des solutions 111 4.2.2 1999 à 2004 : Démarrage, apprentissage et rodage 113 4.2.3 2005 à 2011 : Une collaboration opérationnelle et dynamique 118 4.2.4 2011 à 2013 : Une phase de transition et d’incertitudes 128

4.3 Conditions, obstacles et limites de la collaboration au sein du processus de consultation et

d’harmonisation 134

4.3.1 Le rôle de l’expert 135 4.3.2 La langue d’usage et le langage forestier 136 4.3.3 Le territoire sur carte 136 4.3.4 Contre l’harmonisation 138 4.3.5 Un volume de récolte non négociable 139

4.4 Discussion 139

4.4.1 Émergence de la collaboration dans la planification forestière 139 4.4.2 Apprendre à collaborer et à harmoniser 140 4.4.3 Le MFFP et le processus de consultation et d’harmonisation 142

4.5 Conclusion 143

CHAPITRE 5. COOPTATION ET RÉSISTANCE DANS LA PLANIFICATION FORESTIÈRE CONCERTÉE AU QUÉBEC : LE CAS DES ATIKAMEKW

NEHIROWISIWOK ET DES « TABLES DE GIRT » 147

5.1 Premières Nations et gestion forestière au Canada : de l’exclusion à la coexistence 149

5.2 La participation nehirowisiw aux tables GIRT 152

5.3 Les tables de GIRT et la planification forestière 156

5.4 Mandat, composition et fonctionnement des tables de GIRT 157

5.5 La participation nehirowisiw aux tables de GIRT 159

5.5.1 Profil et représentativité des participants nehirowisiwok 159 5.5.2 Fréquence de la participation nehirowisiw 161 5.5.3 Rôle des participants nehirowisiwok 162 5.5.4. Retombées et effets de la participation nehirowisiw 164

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-5.5.5 Quelques obstacles à la participation 166 5.5.6 Mouvances de la participation nehirowisiw 166

5.6 Discussion 167

5.7 Conclusion 169

CHAPITRE 6. DISCUSSION GÉNÉRALE 170

6.1 Les différents chemins et chantiers de la collaboration 170

6.1.1 Les autres chemins empruntés par les Atikamekw Nehirowisiwok 173 6.1.2 Les chemins inexplorés 174

6.2 Interprétation synthèse 175

6.2.1 Changement d’acteurs et de rôles 175 6.2.2 Un contexte et un cadre collaboratif en mouvement 180 6.2.3 Collaboration et apprentissage social 182 6.2.4 Collaboration et confiance 184 6.2.5 Collaboration, connaissances et planification forestière 185 6.2.6 Classification des liens entre les processus de collaboration 188

CONCLUSION GÉNÉRALE 195

BIBLIOGRAPHIE 199

ANNEXES 222

Annexe 1. Grille de questions 223

Annexe 2. Chronologie des principaux événements marquants la période à l’étude (1er janvier 1990 -

1er novembre 2013) 224

Annexe 3. Limite de la réserve à castor Abitibi-Est et du Nitaskinan 228 Annexe 4. Structure organisationnelle de l’Association Mamo Atoskewin Atikamekw 229 Annexe 5. Origine et contexte historique des travaux de l’Association Mamo Atoskewin Atikamekw

230 Annexe 6. Les acteurs du processus d’harmonisation et leurs rôles 231 Annexe 7. Fréquence de la participation nehirowisiw aux rencontres des Tables de GIRT de

Lanaudière (062) et de la Mauricie (026-51, 041-51, 042-51, 043-51 et 043-52) 232 Annexe 8. Informations demandées aux mandataires de gestion lors du colloque sur l’harmonisation

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-LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1.1 Évolution du régime forestier québécois selon Blais et Boucher (2013) 7 Tableau 1.2 Fonctions génériques de la gestion des ressources naturelles 19 Tableau 1.3 Typologie des rapports entre les Premières Nations et les intervenants

forestiers 22

Tableau 1.4 Les effets de la collaboration 26

Tableau 1.5 Dimensions de la collaboration 31

Tableau 1.6 Organisations représentées par l’ensemble des répondant(e)s de l’étude 41 Tableau 2.1. Synthèse des principaux événements ayant marqué les relations entre les

Nehirowisiwok et les intervenants du territoire de 1990 à 2013 49 Tableau 3.1. Années et lieux des assemblées générales de l’Association Mamo

Atoskewin Atikamekw 87

Tableau 3.2. Chronologie du projet de Gestion Intégrée des Ressources (GIR) 91 Tableau 4.1. Répartition des répondant(e)s de la 2e étude de cas 107

Tableau 5.1 Organisations nehirowisiwok ayant participé aux rencontres des tables de GIRT de la Mauricie et de la Lanaudière de 2010 à 2013 160 Tableau 5.2 Représentativité des participants nehirowisiwok aux rencontres des

tables de GIRT de Lanaudière et de la Mauricie 161 Tableau 5.3 Fréquence de la participation nehirowisiw aux tables de GIRT de

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-LISTE DES CARTES ET DES FIGURES

Carte1.1 Localisation des communautés d’Opitciwan, de Manawan et de Wemotaci, ainsi que de la réserve inhabitée (« Kokac »), du Nitaskinan et des régions administratives du Québec (CNA, 2014) 35

Figure 1.2 Structure de la thèse 45

Figure 4.1. Phases évolutives du processus de consultation et d’harmonisation 111 Figure 4.2. Étapes du processus de consultation et d’harmonisation 122 Figure 6.1 Classification des liens entre les processus 190

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xiii

-LISTE DES ACRONYMES

AMAA Association Mamo Atoskewin Atikamekw

ANFA Association nationale de foresterie autochtone

APNQL Association des Premières Nations du Québec et du Labrador BABE Bureau d’audience publique sur l’environnement

BMMB Bureau de mise en marché du bois

CAAF Contrat d’aménagement et d’approvisionnement forestier

CADC Comité d’aide au développement des collectivités de la Haute-Mauricie Inc. CAM Conseil Atikamek-Montagnais

CAMA Conseil des Atikamekw de Manawan CAO Conseil des Atikamekw d’Opitciwan CAW Conseil des Atikamekw de Wemotaci CCMF Conseil canadien des ministres des forêts CCQF Conseil Cris-Québec sur la foresterie

CDHM Conseil de développement du Haut-Saint-Maurice CERFO Centre d’éducation et de recherche forestière

CFRE Centre de formation et de recherche en environnement CIFQ Conseil de l’industrie forestière du Québec

CN Canadian National

CNA Conseil de la Nation atikamekw CRÉ Conférence régionale des élus

CRÉM Conférence régionale des élus de la Mauricie CRPA Commission royale sur les peuples autochtones

CRRNT Commission régionale des ressources naturelles et du territoire

CRRNTL Commission régionale des ressources naturelles et du territoire de Lanaudière CRSH Conseil de recherches en sciences du Canada

CRSNG Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada CRT Centre de ressources territoriales

CSA-ACS Canadian Standard Association - Association canadienne de normalisation CSC Cour suprême du Canada

CvAF Convention d’aménagement forestier DGR Direction générale régionale

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-FAO Food and Agriculture Organization FQF Fédération québécoise de la faune FRAT Fonds reliés aux activités traditionnelles FSC Forest Stewardship Council

GIR Gestion intégrée des ressources

GIRT Gestion intégrée des ressources et du territoire GTBGF Groupe de travail bipartite sur la gestion forestière H-Q Hydro-Québec

IDDPNQL Institut sur le développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador IRSC Instituts de recherche en santé du Canada

LADTF Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier

MAMROT Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire MFFPQ Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec

MRC Municipalité régionale de comté

MRNF Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec

MRNFP Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec MRNQ Ministère des Ressources naturelles du Québec

ONU Organisation internationale des Nations unies OPMV Objectifs de protection et de mise en valeur PAF Plan d’aménagement forestier

PAFIO Plan d’aménagement forestier intégré opérationnel PAFIT Plan d’aménagement forestier intégré tactique

PAFTI Programme d’aménagement forestier des terres indiennes PFPN Programme forestier des Premières Nations

RNC Ressources naturelles Canada

RNI Règlement sur les normes d’intervention dans les forêts SAA Secrétariat aux Affaires autochtones du Québec

SAT Secrétariat au territoire (Conseil de la Nation atikamekw) SCF Service canadien des forêts (Ressources naturelles Canada) SFAA Services forestiers Atikamekw Aski

SFTM Services forestiers et territoriaux de Manawan TCDD Table de concertation sur le développement durable TNO Territoire non organisé

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-UAF Unité d’aménagement forestier WCMF Waswanipi Cree Model Forest ZEC Zone d’exploitation contrôlée

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-J’aimerais dédier cette thèse à toutes les personnes qui collaborent dans le but de trouver des solutions équitables; À toutes les personnes qui collaborent avec les Premières Nations dans un esprit de coexistence et de partage; Et à toutes les personnes qui continuent de croire en la collaboration malgré l’adversité.

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-REMERCIEMENTS

Ce projet de thèse de doctorat fut toute une aventure. Les premiers contacts avec les autorités nehirowisiwok se faisaient un peu avant les feux de forêt qui ont ravagé le nord de la région de la Mauricie où l’une des communautés a dû être entièrement évacuée pendant près de deux semaines. Plusieurs Québécois et Québécoises ont d’ailleurs découvert durant cet été de l’année 2010 l’existence des Atikamekw Nehirowisiwok. Et quand les travaux de collecte ont enfin débuté en juillet de 2012, et bien, les Atikamekw protestaient sur le territoire en bloquant les chemins forestiers aux compagnies. Ce fut une expérience à la fois stimulante et dynamique. Une relation s’est aussi forgée avec les collaborateurs et certains répondants de l’étude.

Je tiens tout d’abord à remercier tous les participants de l’étude sans lesquels ce projet de doctorat n’aurait jamais pu avoir lieu.

Je souhaite souligner ma reconnaissance envers le Conseil de la Nation atikamekw (CNA) et les Conseils des Atikamekw de Manawan, d’Opitciwan et de Wemotaci qui ont collaboré tout au long du projet de recherche. Merci tout particulièrement à Gérald Ottawa, Samuel Castonguay, Salome Awashish et Richard Boivin pour leur accueil, leur guidance et leur aide. Merci aussi à Sylvie Létourneau, gardienne bienveillante du Centre de documentation du CNA, pour son soutien et nos discussions enivrantes. Merci à Jean-Paul Neashish pour ses précieux enseignements sur l’éthique et les valeurs des Atikamekw Nehirowisiwok.

Merci infiniment à mon directeur de thèse, Louis Guay, et codirecteur de thèse, Stephen Wyatt. Je vous serai éternellement reconnaissant pour votre encadrement éclairé et votre enseignement riche et stimulant.

Je voudrais aussi remercier ma conjointe Patricia pour son soutien indéfectible ainsi que mon entourage proche incluant mes parents, frère et sœur.

Je ne veux pas oublier de remercier les nombreux collègues que j’ai rencontrés durant mon périple académique : Emiliano Scanu, Georges, Julie Hagan, Mathieu de « Neufchâtel », Roxane Lavoie, Nancy, Yuan Zheng Li, Marie-Pierre Bresse, Delphine Théberge, Édouard-Julien Meunier, Noémie Gonzalez, Catherine Martineau-Delisle, Philippe Primeau et tous les autres que je n’ai pas mentionnés.

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-Merci enfin au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, à la Fondation Desjardins, au Fonds de recherche du Québec – Société et culture, à l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société ainsi qu’au Réseau DIALOG. Sans leur soutien financier, je n’aurai jamais pu accomplir cette thèse de doctorat.

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-AVANT-PROPOS

Le chapitre 5 de cette thèse portant sur la participation des Nehirowisiwok aux tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire a fait l’objet d’une publication au cours de l’année 2014. À ce titre, il a paru dans un numéro thématique spécial de la revue Recherches amérindiennes

au Québec portant sur les Atikamekw Nehirowisiwok et le territoire.

L’article a été reproduit presque intégralement dans la thèse à l’exception de quelques différences. Cela explique certaines redondances avec d’autres segments de la thèse. La version de la thèse présente des résultats plus détaillés et comprend une mise à jour de la revue de la littérature. La mise en forme a aussi été adaptée (numérotation des titres et sous-titres, changement des notes de fin de texte en notes de fin de page, etc.).

L’article publié implique un coauteur, Monsieur Stephen Wyatt, qui est professeur à la Faculté de foresterie de l’Université de Moncton (campus d’Edmundston). M. Wyatt est également codirecteur de la thèse. Son rôle a consisté à réviser le texte, à offrir des conseils et à procéder à des ajouts et des précisions. L’étudiant, qui a le statut d’auteur principal, est celui qui a effectué la totalité du travail de fond associé à l’article (élaboration du projet, collecte et analyse des données, rédaction).

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1

-INTRODUCTION GÉNÉRALE

Depuis les années 1980, les nombreux mouvements autochtones ont amené les acteurs du secteur forestier à reconnaître de plus en plus un rôle essentiel aux peuples autochtones dans le cadre d’une gestion forestière plus collaborative et participative (Pinkerton, 1993). À l’échelle internationale, la Déclaration de Rio de 1992 invite les États nationaux à s’assurer que leurs politiques forestières rendent compte des valeurs et des besoins des autochtones (Nations unies, 1992a). Au Canada, la Commission royale sur les peuples autochtones recommande la même année de les considérer comme des « nations » avec tous les droits et responsabilités que cela implique : « les peuples autochtones ne doivent pas être traités simplement comme une ‘autre partie prenante’ dans les négociations liées aux ressources [naturelles] » (McGregor, 2011 : 301). En 1995, le Conseil canadien des ministres des forêts (CCMF) élabore une série de critères et d’indicateurs sur l’aménagement forestier durable et dont la dernière mise à jour remonte à 2003 (CCMF, 1995 et 2003). Son premier indicateur de base pour le critère portant sur la « responsabilité de la société » vise à mesurer l’« étendue de la consultation des Autochtones pour planifier l’aménagement forestier et élaborer des politiques et des lois relatives à l’aménagement forestier. » (CCMF, 2003 : 18). Le gouvernement du Canada finance dès les années 1980 un programme forestier destiné aux communautés autochtones, soit le Programme forestier d’aménagement des terres indiennes remplacé par la suite par le Programme forestier des Premières Nations (PFPN, 2012). Le Réseau de gestion durable des forêts, un important centre de recherche pancanadien sur la foresterie, a également financé de nombreuses recherches explorant de multiples enjeux contemporains de la « foresterie autochtone » à travers le pays. En 2004, les jugements Haïda (2004) et Taku River (2004) rendus par la Cour suprême du Canada établissent que les gouvernements provinciaux sont obligés de consulter les communautés autochtones dans le cadre de la gestion des ressources et du territoire et que cette responsabilité ne peut pas être déléguée à un tiers tel que l’industrie forestière. En 2010, au Québec, le gouvernement du Québec adopte une nouvelle Loi sur l’aménagement durable sur le territoire forestier précisant que « la prise en compte des intérêts, des valeurs et des besoins des communautés autochtones présentes sur les territoires forestiers fait partie intégrante de l’aménagement durable des forêts » (L.R.Q. chapitre A-18.1). Bref, on reconnaît un rôle majeur aux Premières Nations dans la gestion des territoires forestiers que ce soit à l’échelle internationale, nationale, provinciale, régionale et locale.

Ceci étant dit, comment cette reconnaissance du rôle des Autochtones dans la gestion forestière se traduit-elle en pratique au Québec? Quels sont les enjeux que cela pose? Par exemple, la Loi

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2

-constitutionnelle confère aux provinces la compétence des « terres publiques ». Ainsi, elles légifèrent et réglementent les pratiques en forêt, octroient les permis de coupes, établissent les normes forestières, et dans certains cas, elles élaborent aussi les plans d’aménagement forestier. Dans ce cas-ci, comment leurs politiques forestières tiennent-elles compte de cette reconnaissance et quels sont les changements que l’on peut observer? Les Cris (Québec) et les Haïda (Colombie-Britannique) ont négocié un régime forestier « adapté » (ou de « gestion partagée ») de leur territoire ancestral. Mais qu’en est-il des autres nations autochtones au Québec qui sont « sans traité » ou qui sont en cours de négociation? Qui participent chez les Autochtones et quels rôles jouent-ils au sein des processus qui visent à les faire participer et dans lesquels ils collaborent? Collaborent-ils au même titre que les autres groupes non autochtones? Est-ce que les mécanismes mis en place pour engager les Premières Nations ont donné les résultats attendus? Pourquoi? Par ailleurs, mis à part l’influence des décisions affectant la gestion du territoire forestier, est-ce qu’il existe d’autres types d’impacts associés à leur participation? Des études récentes ont identifié différentes formes d’impacts sociaux liées à la gestion participative et collaborative des ressources naturelles telles que les apprentissages sociaux se référant notamment aux effets de la participation et de la collaboration sur les participants, leurs pratiques, leurs connaissances et leurs perceptions des enjeux (Diduck et al., 2012; Rodela, 2011; Schusler et al., 2003). Finalement, dans les changements observés, on se demande si les processus de collaboration ont évolué, et de quelle façon? Par exemple, est-ce que l’industrie forestière et les gouvernements collaborent toujours avec les communautés autochtones de la même manière ou est-ce que les méthodes ont changé, pourquoi et comment?

Ce projet de thèse se penche sur le parcours des Atikamekw Nehirowisiwok, soit l’une des dix nations autochtones présentes au Québec en plus des Nunavimmiuts (« Inuits »). Appelés autrefois « Têtes-de-boule » ou « Attikamègues », et aujourd’hui « Atikamekw », ils s’autodésignent en tant que « Nehirowisiwok » (« Nehirowisiw » au singulier). La période à l’étude s’étale sur près d’un quart de siècle, soit de 1990 à 2013. De plus, l’étude porte sur des pratiques à l’échelle opérationnelle et non institutionnelle, c’est-à-dire celle de la planification forestière, soit l’une des principales fonctions de la gestion forestière parmi d’autres et qui consiste à élaborer un plan d’aménagement forestier. Le contexte des Nehirowisiwok est différent de celui des Cris dans la mesure où ils n’ont pas encore conclu de traité similaire à la Convention de la Baie-James et du

Nord québécois. Par contre, ils ont entamé un processus de négociation territoriale globale depuis

la fin des années 1970 qui est toujours en cours. Cela pose un enjeu particulier pour les processus qui sont mis en place « en attendant » la signature du traité : s’inspirent-ils plus du régime forestier

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3

-québécois qui s’adresse au public en général ou bien des idées qui sont avancées dans les négociations politiques? De plus, peu après son élection durant l’été 2014, le Grand chef a déclaré publiquement que la nation nehirowisiw s’opposerait à toute forme d’intervention sur le « Nitaskinan » (« notre territoire ») n’ayant par reçu leur consentement. Ils ont à cet effet bloqué le transport du bois en 2012 forçant le gouvernement du Québec à entamer des négociations avec les Conseils de bande. Toutefois, l’une des trois communautés a rejeté l’entente finale. Ainsi, il semble que, malgré une reconnaissance sans cesse grandissante du rôle des Autochtones dans la gestion forestière, celle-ci a du mal à se concrétiser dans les faits.

Le premier chapitre présente le cadre général de la recherche. Il dresse d’abord un portrait de la participation autochtone à la gestion forestière au Québec et au Canada à partir de la littérature existante. Ensuite, les principales questions de recherche sont exposées, suivies de nos hypothèses. Les concepts à l’étude sont également définis avant de terminer par la présentation du cadre méthodologique de la recherche (méthodes de collecte et d’analyse des données).

Le second chapitre présente les résultats d’une recension des événements ayant marqué la période à l’étude, soit de 1990 et 2013. Basé sur une revue de presse de plus de 700 articles de journaux, ce chapitre cerne les différentes formes d’engagement des Nehirowisiwok, les changements d’acteurs et certains liens entre différents événements ayant marqué les rapports entre les Nehirowisiwok et les divers intervenants, utilisateurs et gestionnaires du territoire (État, entreprises forestières, autres nations autochtones, municipalités, etc.).

Le chapitre 3 expose les résultats de la première étude de cas portant sur le projet de gestion intégrée des ressources dirigé par l’Association Mamo Atoskewin Atikamekw (AMAA) et qui s’inscrit dans un projet plus global appelé Aski Nipi (« Terre Eau »). Celui-ci visait à compléter une recension des connaissances territoriales des Nehirowisiwok afin de développer par la suite des mesures pour protéger leur utilisation du territoire en identifiant précisément par localisation cartographique et géoréférencée les habitats fauniques à préserver ainsi que les milieux et les sites occupés par les Nehirowisiwok (campements, sentiers de trappe et de portage, cimetières et sépultures, lieux de cérémonies, etc.). Cette étude permet de mieux comprendre l’origine de la participation nehirowisiw dans la planification forestière à une période où ils n’étaient pas du tout engagés. À ce moment-là, l’AMAA tente en vain de réaliser un projet pilote auprès des entreprises forestières pour mettre en place des « contraintes d’exploitation » et des « mesures de protection » pour intégrer l’aménagement faunique à l’aménagement forestier.

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-Le chapitre 4 présente les résultats de la seconde étude de cas portant sur un processus collaboratif à travers lequel l’industrie forestière et les Nehirowisiwok négocient des « mesures d’harmonisation » dans le cadre de la planification forestière. Ces mesures visent encore une fois à concilier l’occupation du territoire et le développement forestier. Elles sont mises en place à la suite de la révision du régime forestier au tournant de l’an 2000. Cette étude se distingue des autres puisqu’elle examine et explique comment un même type de processus évolue dans le temps, autant dans ses objectifs que des enjeux et des contraintes qu’il pose. Ce chapitre explique également comment différents facteurs ont marqué l’évolution de ce processus. Une périodisation est proposée pour mieux comprendre sa naissance et son évolution dans le temps.

Le chapitre 5 présente la dernière étude de cas portant sur la participation des Nehirowisiwok dans les processus de planification forestière concertée dans le cadre d’un « nouveau régime forestier ». En 2010, le gouvernement du Québec adopte la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier remplaçant la Loi sur les forêts de 1986. Ce faisant, l’État devient responsable de la planification forestière alors que c’était l’industrie forestière qui élaborait les plans d’aménagement forestier (PAF) sous la Loi sur les forêts. Le ministère met alors en place des tables de gestion intégrée des ressources et du territoire dans la plupart des régions administratives du Québec afin d’inclure les parties prenantes et les utilisateurs du territoire, incluant les communautés autochtones, dans la préparation des plans d’aménagement forestier. Dans un contexte où l’on reconnaît que les Autochtones ne sont pas « une partie prenante comme un autre » étant donné qu’ils détiennent des droits constitutionnels distincts du reste de la population canadienne, cette étude de cas examine les caractéristiques de la collaboration nehirowisiw et ses impacts, les défis que pose leur collaboration dans ce type de structure et comment les acteurs répondent à ces enjeux. Enfin, le chapitre 6 propose une interprétation globale de l’évolution de la collaboration entre les Nehirowisiwok et le secteur forestier dans le cadre de la planification forestière à partir d’une mise en commun de l’ensemble des résultats obtenus. Une classification des liens entre les processus à l’étude et d’autres processus est également présentée. Nous nous sommes aperçus par exemple que certaines démarches étaient liées entre elles, en d’autres termes, elles avaient une influence les unes sur les autres. Par exemple, les travaux de l’AMAA ont inspiré les concepteurs du processus d’harmonisation alors que certains processus externes à la planification forestière tels que les négociations politiques et les conflits ont représenté autant un facteur qui mène à la collaboration qu’un obstacle à celle-ci.

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6

-CHAPITRE 1. MISE EN CONTEXTE ET CADRE DE LA

RECHERCHE

Il n’existe pas de thèse sans cadre de recherche. Peu importe que la démarche soit déductive ou inductive ou que la méthodologie soit de nature qualitative ou quantitative, il demeure important de bien comprendre les intentions du chercheur, ses influences et sa démarche. Ce chapitre expose ainsi le cadre théorique et méthodologique de la thèse. Un bref survol de l’histoire de l’évolution du régime forestier au Québec est d’abord effectué afin de mettre en contexte la période historique du phénomène à l’étude (1990 à 2013). En effet, cette thèse se propose d’apporter un nouvel éclairage sur l’évolution récente du régime forestier. Elle vise tout particulièrement à mieux comprendre la portée de l’arrivée des « nouveaux acteurs autochtones » dans la gestion forestière à travers l’étude approfondie de l’expérience particulière d’une Première Nation, soit les Atikamekw Nehirowisiwok. Par la suite, les enjeux de la participation autochtone dans la gestion forestière sont examinés de façon générale à partir d’une revue de la littérature. Cela permet de cerner certains constats qui soulèvent des questions pour ce travail de recherche. Ensuite, les principaux concepts à l’étude sont définis. La présentation du cadre théorique spécifique de la thèse s’ensuit et comprend notamment la délimitation de l’objet de l’étude, ses dimensions ainsi que les principaux objectifs de la recherche. Le cadre méthodologique retenu pour atteindre les objectifs est ensuite décrit. Cela comprend la présentation des Atikamekw Nehirowisiwok, les particularités des études de cas, la démarche et les outils utilisés pour la collecte de données ainsi que les techniques employées pour analyser et interpréter les données recueillies. Le chapitre se termine par une synthèse générale du cadre de la recherche.

1.1

M

ISE EN CONTEXTE

1.1.1 L’émergence des « acteurs autochtones » dans le régime forestier au Québec

L’exploitation forestière a façonné l’histoire du Québec. Au départ, les colonisateurs perçoivent les forêts comme une nuisance n’ayant aucune valeur particulière si ce n’est que pour la construction et le bois de chauffage. Il faut défricher la forêt pour laisser place à l’agriculture et à la civilisation (Blais et Boucher, 2013). Les commerçants anglophones sont les premiers à exploiter les forêts et, graduellement, les gouvernements impérial et colonial prennent conscience de la valeur économique des forêts. Durant le 19e siècle, c’est surtout le pin blanc qui est prisé. Alors que

l’économie forestière semble péricliter au tournant du 20e siècle, la demande grandissante du

marché américain (presse écrite) relance cette économie par l’exploitation de nouvelles essences forestières dont le tremble et l’épinette. C’est l’essor de l’industrie des pâtes et papiers transformant

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-du même coup le visage -du Québec avec le bourgeonnement de nombreux nouveaux « villages forestiers » (Gilbert, 2014). Un siècle plus tard, en 2012, le chiffre d’affaires annuel dépassait 16 milliards de dollars (CIFQ, 2016) et, en 2015, l’économie forestière du Québec générait plus de 51 000 emplois directs (MFFPQ, 2015).

Le Québec, tout comme les autres provinces, aurait ainsi connu une succession de régimes forestiers depuis le début du XIXe siècle (Howlett et Rayner, 2001; Blais et Boucher, 2013). Un

régime forestier se caractérise par son « mode d’accessibilité aux ressources, les modalités de leur utilisation et de leur renouvellement » ainsi que par les acteurs en présence et « leur capacité d’intervention » (Blais et Boucher, 2013 : 34). À l’instar d’Howlett et Rayner (2001), Blais et Boucher distinguent deux types de régime, soit les régimes d’exploitation forestière et les régimes de gestion forestière : « Sous un régime d’exploitation, la gestion est à peu près inexistante, tandis que sous un régime de gestion, la priorité n’est plus uniquement l’exploitation, mais aussi le

contrôle de cette exploitation » (nous soulignons, Blais et Boucher, 2013 : 59). Blais et Boucher

ont identifié cinq régimes ayant marqué l’histoire forestière du Québec (voir tableau 1).

Tableau 1.1 Évolution du régime forestier québécois selon Blais et Boucher (2013)

RÉGIME D’EXPLOITATION FORESTIÈRE

1804-1849 Contrôle des droits de coupes 1849-1870 Recherche de rentes et de revenus RÉGIME DE GESTION

FORESTIÈRE

1870-1960 Conservation et foresterie scientifique 1960-1987 Aménagement intégré

1990- Aménagement forestier durable et gestion participative Le premier régime d’exploitation se résume à prélever les « plus beaux spécimens des espèces en demande » sans « aucune préoccupation de conservation et d’aménagement » (Blais et Boucher, 2013 : 40). La forêt représente une ressource « inépuisable », mais également « mystérieuse » et « sauvage » qui doit être domestiquée et apprivoisée. Le seul contrôle qui existe est un « système rudimentaire de licence » qui oblige les entrepreneurs à démontrer qu’ils sont des « sujets britanniques » (Blais et Boucher, 2013). Ils doivent aussi indiquer où ils ont l’intention de récolter le bois.

Le second régime d’exploitation est caractérisé par l’introduction des concessions forestières à long terme sur des territoires déterminés :

L’établissement de cette forme de régulation sera provoqué par la volonté des pouvoirs publics de tirer des revenus des activités forestières, par la nécessité d’implanter un contrôle sur

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-l’accessibilité à la matière ligneuse par rapport à la raréfaction de certains types d’essences, notamment le pin blanc, mais aussi l’exigence d’arbitrer des intérêts socioéconomiques divergents entre acteurs sociaux. (Blais et Boucher, 2013 : 43)

Malgré la reconnaissance du gouvernement de veiller à la santé de cette nouvelle industrie, « l’activité forestière reste encore caractérisée dans l’ensemble par une exploitation effrénée des meilleurs spécimens » et le mode d’accessibilité aux forêts a pour effet d’entraîner « l’établissement des grands monopoles » (Blais et Boucher, 2013 : 41).

Le premier régime de gestion forestière se caractérise par une forme de rationalisation de l’utilisation de la forêt ainsi que par l’essor de la « foresterie scientifique ». Ainsi, le 4 juin 1910, une première école de sciences forestières sera instituée par une loi et sera affiliée à la Faculté des arts de l’Université Laval. Le contrôle de l’État se limite à la protection des forêts contre les feux. Durant cette période, l’industrie des pâtes et papiers émerge et se préoccupe essentiellement de l’approvisionnement en matière ligneuse.

Le second régime de gestion forestière marque les efforts de l’État québécois à participer davantage à la gestion des forêts. L’une de ses principales stratégies consiste à abolir les concessions forestières : « L’adoption de la loi 27 de 1974, qui autorise la mise en œuvre du programme d’abolition graduelle des concessions forestières, constitue un pas dans la direction d’une implication accrue de l’État dans la gestion forestière » (Blais et Boucher, 2013 : 52). Par contre, avec un effectif qui plafonne et des restrictions budgétaires, le gouvernement renonce à prendre en charge la gestion des ressources forestières « pour ne conserver que la fonction de contrôle » (Blais et Boucher, 2013 : 53). C’est dans cet esprit que la Loi sur les forêts est adoptée en 1986 et qu’un nouveau système d’allocation de la ressource forestière est introduit : les contrats d’aménagement et d’approvisionnement forestier (CAAF). D’une durée de 25 ans, seuls les détenteurs d’une usine de transformation peuvent obtenir un CAAF. Les titulaires sont tenus de respecter la loi et la réglementation ainsi que de réaliser les plans de gestion. Ce qui est « révolutionnaire » selon Blais et Boucher c’est que le public peut dorénavant consulter les plans de gestion : « Sans doute que ni les gouvernements ni l’industrie n’ont réalisé la portée de cette nouvelle procédure qui autorise l’intervention de la population » (Blais et Boucher, 2013 : 53). Pour eux, c’est la brèche qui mène à l’émergence d’un nouveau régime forestier plus durable et plus participatif et ouvert à de nouveaux acteurs.

Blais et Boucher soutiennent d’emblée qu’il est plus difficile de qualifier le régime actuel parce qu’« il n’est pas complètement déterminé » (Blais et Boucher, 2013 : 59). Ils affirment quand même

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-« qu’il se caractériserait par le partenariat entre différents acteurs, mais aussi par une accessibilité élargie et une décentralisation de sa gestion » (Blais et Boucher, 2013 : 59). Ce régime « en construction » est « structuré par un nouveau bloc social » représenté par des « nouveaux acteurs sociaux comme les collectivités locales avec le mouvement associatif et/ou communautaire, le mouvement écologique, et les Premières nations » (Blais et Boucher, 2013 : 59). Basé non seulement sur le marché et l’État, le régime forestier favoriserait l’émergence d’« institutions intermédiaires mixtes de coordination et de médiation » donnant à titre d’exemple la gestion intégrée des ressources (GIR) ainsi que les expériences de « Forêt habitée » (voir à cet effet Chiasson et al., 2005). Par contre, Blais et Boucher considèrent que ces nouvelles institutions sont « fragiles », puisqu’elles n’ont pas encore acquises, selon eux, un « degré de reconnaissance définitive qui leur assurerait une diffusion suffisamment large et un appui institutionnel stable leur permettant de s’imposer comme nouvelles pratiques forestières dans un nouveau régime forestier bien défini » (Blais et Boucher, 2013 : 59-60).

Enfin, le 1er avril 2010, une nouvelle Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier est

adoptée et prévoit la mise en place d’un « nouveau régime forestier » le 1er avril 2013. Parmi les

principaux changements annoncés, on retrouve le transfert de la responsabilité de la planification forestière de l’industrie forestière vers l’État (Amedzro Saint-Hilaire et Chiasson, 2012; Amedzro Saint-Hilaire, 2013). Cela représente la seconde tentative majeure de l’État québécois de jouer un rôle accru dans la gestion forestière. La nouvelle loi prévoit aussi l’établissement des tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire (tables de GIRT) dans le but d’inclure les acteurs locaux et régionaux dans la planification forestière (voir chapitre 5). Par contre, le démantèlement récent des Commissions régionales des ressources naturelles et du territoire, dont le mandat consistait notamment à coordonner les tables de GIRT, semble avoir eu un impact sur la résilience de certaines tables. Enfin, les CAAF ont été abolis et remplacés par les garanties d’approvisionnement d’une durée de cinq ans et renouvelable à tous les cinq ans pour une autre période de cinq ans. Une partie de l’approvisionnement est aussi dorénavant vendue aux enchères. Le prochain point examine les enjeux de la participation des Premières Nations à la gestion forestière à partir d’une revue de la littérature.

1.1.2 Premières Nations et régime forestier : de l’exclusion à la coexistence

Au Canada, il est généralement admis que les Premières Nations ont largement été écartées pendant de nombreuses années des processus décisionnels touchant la gestion de leurs terres ancestrales

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-(Gélinas, 2002; McGregor, 2011; McNeil, 1997; Savard, 1981; Simard, 2003; Stevenson et Webb, 2003). Les gouvernements provinciaux, à qui reviennent la gestion et le développement des terres publiques (Loi constitutionnelle 1867), ont tenté d’écarter les Premières Nations au détriment de leur utilisation et de leur occupation du territoire. Jean-Jacques Simard (2003) parle à cet effet de « réduction » territoriale (à travers notamment la mise en place des réserves indiennes) menant inexorablement à une réduction politique, juridique, culturelle et économique des peuples autochtones du Canada. Certains auteurs remettent aussi en question la conception selon laquelle les Premières Nations sont demeurées passives devant ce mouvement de colonisation et de développement (voir, entre autres, Gélinas, 2003; Poirier, 2000; Trigger, 1992). Par exemple, plutôt que d’avoir été manipulées et exploitées par les « Eurocanadiens » dans le contexte de la traite des fourrures, les Premières Nations auraient participé activement à la mise en place des postes de traites tout en profitant des retombées économiques liées au commerce des fourrures (Gélinas, 2003). Néanmoins, on peut raisonnablement argumenter que la création des réserves indiennes, l’octroi des permis de coupe aux entreprises forestières, l’établissement des zones de conservation et d’exploitation faunique, la création des réservoirs d’eau et la construction des centrales hydroélectriques ont tour à tour limité progressivement l’accès des Premières Nations au territoire. Encore aujourd’hui, le système d’allocation des tenures forestières (p. ex., les garanties d’approvisionnement) continue de limiter l’accès des peuples autochtones à la foresterie commerciale ainsi que la reconnaissance de leurs droits à leurs terres et aux ressources (Passelac-Ross et Smith, 2013; Stevenson et Webb, 2003).

L’émergence d’une conception « durable » du développement a mis de l’avant l’importance de la participation des peuples autochtones à la gestion du territoire. La Déclaration de Rio (Nations unies, 1992a) sur le développement et l’environnement ainsi que la Déclaration de principe sur les forêts reconnaissent un rôle essentiel aux Premières Nations dans la gestion des forêts afin d’assurer un « développement durable » du territoire et des ressources. La Déclaration de principe sur les forêts reconnaît tout particulièrement une place aux Premières Nations dans la gestion des forêts. Le point a du principe 5 de la Déclaration invite les gouvernements à s’assurer que leurs politiques forestières rendent compte des intérêts et des besoins des peuples autochtones : « Les politiques forestières nationales devraient reconnaître et protéger comme il convient l’identité, la culture et les droits des populations autochtones, leurs collectivités et les autres collectivités, et les habitants des forêts » (Nations unies, 1992b). De plus, le chapitre 26 de l’Agenda 21 porte uniquement sur la reconnaissance et le renforcement du rôle des Premières Nations dans la gestion des ressources et du territoire :

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-Certaines populations autochtones et leurs communautés devront peut-être exercer, conformément à la législation nationale, un plus grand contrôle sur leurs terres, gérer de façon plus autonome leurs ressources et prendre une part accrue aux décisions en matière de développement qui les concernent, y compris le cas échéant la participation à la création et à la gestion de zones protégées. (Nations unies, 1992c)

Ajoutons que l’Agenda 21 invite les États nationaux à implanter des processus de consultation « appropriés » afin d’intégrer leurs valeurs, leurs besoins ainsi que leur « savoir-faire traditionnel » dans les processus de gestion et de développement au niveau national et régional (Nations unies, 1992c).

Bien que les principes énoncés n’aient aucun poids juridique, plusieurs États nationaux ont posé des gestes en réponse à cette Déclaration. À ce titre, en 1995, le Conseil canadien des ministres de la forêt (CCMF) a élaboré une série de critères et d’indicateurs sur l’aménagement forestier durable en 1995 dont la dernière mise à jour remonte à plus de dix ans (CCMF, 2003). Le CCMF a voulu faire reconnaître et respecter les droits des Premières Nations ainsi que leurs valeurs et leurs modes d’utilisation de la forêt. Il précise notamment que « les plans d’aménagement forestier doivent refléter les options examinées et les mesures prises concernant les droits ancestraux et issus de traités » (CCMF, 2003 : 18). À cet effet, l’indicateur 6.1.1 du CCMF consiste à mesurer l’ « étendue de la consultation des Autochtones pour planifier l’aménagement forestier et élaborer des politiques et des lois relatives à l’aménagement forestier » (CCMF, 2003 : 18).

Plus particulièrement au Québec, le ministère des Ressources naturelles a adopté en 2003 une

Politique de consultation sur les orientations du Québec en matière de gestion et de mise en valeur du milieu forestier. Celle-ci définit le cadre des consultations menées par l’État auprès des

Premières Nations : « Le ministère détermine avec les communautés ou groupes de communautés autochtones concernés les personnes ou organismes à privilégier pour la tenue des consultations. Les modalités des consultations sont arrêtées avec ces personnes ou ces instances » (MRNQ, 2003 : 13). La politique de consultation prévoit aussi que le ministère couvre l’ensemble des coûts de l’organisation des consultations incluant les frais de déplacement des représentants autochtones (MRNQ, 2003). Cela dit, selon cette politique, le ministère n’entend pas soutenir financièrement les Premières Nations dans la consultation de leurs propres membres ni pour la réalisation des études d’impacts permettant la formulation des recommandations et des mesures d’atténuation. Les Cris et le gouvernement du Québec ont signé en 2002 l’Entente concernant une nouvelle relation entre les Cris du Québec et le gouvernement du Québec appelée aussi communément la « Paix des braves ». Cette entente représente l’une des avancées les plus prometteuses pour donner

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-une place significative aux Premières Nations dans la gestion et la planification forestière au Québec. Cette entente prévoit notamment la mise en place d’un « régime forestier adapté » incluant la création du Conseil Cris-Québec sur la foresterie (CCQF) afin de « permettre une consultation étroite des Cris lors des différentes étapes de planification et de gestion des activités forestières » (Gouvernement du Québec, 2002 : 14). Bien que certains demeurent plutôt sceptiques face à ce type d’entente (Natcher et Davis, 2007; Rodon, 2003; Feit et Beaulieu, 2001; Rynard, 2000), pour d’autres, elle illustre un virage significatif vers une nouvelle gouvernance « partagée » du territoire où « les droits et les intérêts des Autochtones constituent maintenant une variable incontournable à laquelle l’État doit accorder une attention particulière » (Grammond, 2009 : 946).

Au Canada, plusieurs décisions juridiques concernant les Premières Nations ont modifié profondément la gestion des ressources et du territoire : « in some provinces where land ownership issues, previously considered settled, have been reopened by court decisions, notably in British Columbia and New Brunswwick » (Howlett et Rayner, 2001 : 44). C’est en 1972 que la Cour suprême du Canada reconnaît d’abord au cours de l’affaire Calder l’existence d’un « titre autochtone » fondé sur l’idée que les terres étaient déjà occupées par des sociétés organisées à l’arrivée des Européens (McNeil, 1997). Le titre, les droits ancestraux et ceux issus des traités ont par la suite été enchâssés dans la Constitution canadienne lors de son rapatriement en 1982, mais sans être clairement définis. En 1990, le jugement Sparrow précise que le titre autochtone peut être dérogé par la Couronne sous certaines conditions très strictes (voir Curran et M’Gonigle, 1999). En 1997, le jugement Delgamuukw définit le titre autochtone (House, 1998; Curran et M’Gonigle, 1999) comme un droit exclusif d’utilisation et d’occupation du territoire ancestral qui comprend aussi le droit de décider ce à quoi seront destinées les terres ainsi qu’un « droit économique » (« economic entitlement ») (Curran & M’Gonigle, 1999 : 724). Il revient à la Première Nation de faire la preuve qu’elle détient un titre ancestral. De plus, le titre ou le droit ancestral ne peut être officiellement reconnu et défini qu’à travers un jugement ou un traité (Curran & M’Gonigle, 1999 : 727). Le jugement Delgamuukw reconnaît aussi le droit d’utiliser le territoire pour une variété d’activités qui ne sont pas nécessairement traditionnelles (Curran & M’Gonigle, 1999). En juin 2014, un jugement de la Cour suprême a reconnu pour la première fois un titre ancestral à une Première Nation de la Colombie-Britannique (Nation Tsilhqot’in) sur un territoire d’une superficie d’environ 1 700 km2 (Vastel, 2014).

En 2004, les arrêts Taku River et Haïda ont confirmé que les gouvernements provinciaux sont tenus de consulter et d’accommoder les Premières Nations sur tout projet ou décision susceptible d’avoir

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-un impact sur leur titre ou leur droit, et ce, sans que ces dernières n’aient encore prouvé leur titre et/ou leurs droits ancestraux (Première Nation Tinglit de Taku River c. Colombie-Britannique, 2004). Dans le Guide intérimaire en matière de consultation des communautés autochtones du gouvernement du Québec (2006), quatre constats expliquent cette position :

1. les recours classiques des Autochtones devant les tribunaux pour faire reconnaître leurs droits sont longs et coûteux;

2. la voie de l’injonction est pratiquement impossible pour les Autochtones en raison du critère de la balance des inconvénients qui penche généralement en faveur de la Couronne;

3. les négociations territoriales globales sont par définition un très long processus; 4. et les accords sur des mesures provisoires sont insuffisants ou impraticables, de telle

sorte que le territoire continue à être développé malgré l’existence de recours judiciaires ou de négociations en relation avec les revendications des Autochtones. (Secrétariat aux affaires autochtones, 2006 : 7).

L’arrêt Haïda précise pour sa part que l’étendue de la consultation et des mesures d’accommodement « [dépendent] de l’évaluation préliminaire de la solidité de la preuve étayant l’existence du droit ou du titre revendiqué, et de la gravité des effets préjudiciables potentiels sur le droit ou le titre » (Nation Haïda c. Colombie-Britannique, 2004). Par ailleurs, cette obligation de consultation et d’accommodement ne veut pas dire qu’il y a obligation de parvenir à un accord (Nation Haïda c. Colombie-Britannique, 2004). Ce devoir de consultation et d’accommodement ne peut pas être délégué à un tiers tel que l’industrie forestière (Nation Haïda c. Colombie-Britannique, 2004). Cette nouvelle obligation prend un sens encore plus important dans la province du Québec puisque la très grande majorité des nations autochtones au Québec n’ont pas encore cédé ni fait reconnaître leurs titres et leurs droits ancestraux. Il n’est donc pas surprenant de constater l’adoption d’un guide en matière de consultation par le gouvernement du Québec afin de mieux baliser cette responsabilité. Selon certains observateurs, les arrêts Haïda et Taku River ont élargi le modèle de « gouvernance territoriale partagée » établi dans les traités comme ceux de la CBJNQ ou de la Paix des braves à l’ensemble des Premières Nations qui revendiquent un titre et des droits ancestraux à l’échelle du pays :

On ne saurait sous-estimer les répercussions de l’arrêt Nation Haïda. Par sa décision, la Cour suprême a généralisé le modèle de gouvernance territoriale partagée développé dans la Convention de la Baie-James, puis dans les traités subséquemment conclus dans les territoires fédéraux. Les provinces ne peuvent plus, s’autorisant d’une conception unitaire de l’intérêt public, gérer le territoire sans tenir compte de la spécificité autochtone. (Grammond, 2009 : 948)

Les démarches de certification forestière influencent également la participation autochtone dans la gestion durable des forêts. La certification forestière est un processus volontaire auquel les

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-entreprises ont recours pour faire la preuve de leurs pratiques d’aménagement forestier socialement, écologiquement et économiquement responsable en soumettant à une évaluation indépendante leur planification et leurs pratiques forestières. Le but de la certification est d’encourager de manière constructive ces initiatives en les rendant visibles et crédibles par une étiquette apposée sur les produits issus de forêts certifiées. Il permet ainsi au consommateur ou au public d’identifier le bois et ses produits dérivés issus d’une forêt gérée de manière durable (Collier et al., 2002; Tollefson et al., 2008). Le Canada compte actuellement la plus grande superficie de forêts certifiées de façon indépendante dans le monde. Sur les 160 millions d’hectares, environ 34% sont certifiés selon la norme du Forest Stewardship Council (FSC) considérée comme la norme la plus exigeante en matière de gestion durable des forêts (Clark et Kozar, 2011). L’Ontario et le Québec sont les provinces où l’on retrouve le plus de forêts certifiées FSC au Canada, constituant plus du trois quarts de cette superficie (Association des produits forestiers du Canada, 2012).

Au Canada, les organisations autochtones ont participé activement aux travaux de FSC Canada, tant au sein de l’organisation elle-même qu’à l’élaboration des normes (Tollefson et al., 2008). Le Canada est le seul pays qui possède une chambre autochtone distincte au sein de la structure de gouvernance de l’organisation, en plus des chambres sociale, économique et écologique qui caractérisent les systèmes FSC dans le reste du monde. Les groupes autochtones ont contribué à l’élaboration de la Norme boréale nationale du FSC au début des années 2000 à travers la création d’un conseil consultatif autochtone ainsi que l’organisation d’une conférence nationale (Tollefson et al., 2008). La norme FSC est d’ailleurs soutenue par l’Association nationale de foresterie autochtone1 (Collier et al., 2002).

Selon Teitelbaum et Wyatt (2013), les exigences du système de certification du FSC et le cadre légal des gouvernements provinciaux se chevauchent notamment en ce qui concerne la participation autochtone dans la planification forestière, la protection des sites autochtones d’intérêt et les bénéfices économiques (Teiltelbaum et Wyatt, 2013). Certes, les deux systèmes ne sont pas équivalents. Certains experts ont fait valoir que la norme du FSC devrait surpasser les exigences des politiques nationales et provinciales à l’égard de la reconnaissance des droits autochtones (Stevenson et Peeling, 2000; Smith, 2004). À cet égard, le consentement préalable, libre et éclairé a été identifié comme un domaine où les normes du FSC excèdent les pratiques gouvernementales

1 L’Association nationale de foresterie autochtone a présenté une motion à l’Assemblée générale de 2011 de

FSC International afin d’établir un comité consultatif permanent en vue de renforcer et de renouveler l’engagement des peuples autochtones au sein de FSC (FSC 2011; Teitelbaum et Wyatt 2013).

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Tableau 1.2 Fonctions génériques de la gestion des ressources naturelles  Collecte de données et analyse (« Data gathering and analysis »)
Tableau 1.3 Rapports entre les Premières Nations et les acteurs du secteur forestier  T YPE D ÉFINITION
Tableau 1.4 Les effets de la collaboration
Tableau 1.5 Dimensions de la collaboration  Élément(s) déclencheur(s) :  Volontaire et obligatoire
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