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Une démarche similaire en parallèle : la Table de concertation sur le développement durable de la Haute-Mauricie

Tableau 3.2 Chronologie du projet de Gestion Intégrée des Ressources (GIR) MOIS/ANNÉE ÉVÉNEMENTS

3.6 L IENS ENTRE LES DÉMARCHES DE L ’AMAA ET D ’ AUTRES INITIATIVES ANTÉRIEURES , SIMULTANÉES ET SUBSÉQUENTES

3.6.2 Une démarche similaire en parallèle : la Table de concertation sur le développement durable de la Haute-Mauricie

En 1990, une table de concertation régionale sur le développement durable du milieu forestier (TCDD) en Mauricie fut mise en place par divers acteurs locaux et régionaux. Cette table a été créée à peu près en même temps que l’AMAA et son but était similaire à celui du projet de GIR. Les deux démarches visaient également un même bénéficiaire de CAAF. Ces liens permettent à notre avis de mieux comprendre les retombées du projet de GIR ainsi que les positions du gouvernement provincial et de l’industrie forestière vis-à-vis celui-ci.

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C’est le Conseil de développement de la Haute-Mauricie (CDHM) qui a initié la démarche de concertation en partenariat avec le Comité d’aide au développement des collectivités du Haut-St- Maurice inc. (CADC). La Municipalité régionale de comté du Haut-St-Maurice s’est également jointe au noyau de départ. D’autres partenaires se sont joints graduellement à la démarche, soit l’Université Laval, Stone-Consolidated inc., le ministère de l’Énergie et des Ressources ainsi que Forêts Canada. Dans un compte-rendu qui date du 9 septembre 1990, il est décrit que :

Le but de cette initiative est de réunir à une même table tous les intervenants en milieu forestier afin que ceux-ci puissent partager les ressources forestières selon leurs besoins respectifs. De même que de maintenir la capacité de production et de régénération de la ressource forestière tout en conservant la diversité des espèces des écosystèmes forestiers. Ceci implique des intervenants qu’ils devront en arriver à un consensus sur les gestes à poser collectivement et qu’ils devront apprendre à connaître et respecter les besoins, les activités ainsi que les attentes propres à chacun. (TCDD, 1990)

La table n’était pas permanente. Elle reposait sur une démarche à la fois de consultation et de concertation. Le processus consistait à former des tables sectorielles – faune, forêt et récréation – où les membres devaient déterminer leurs besoins et leurs usages ainsi que « compatibilités et les incompatibilités » de leurs usages avec ceux des autres secteurs. Les membres de la TCDD, composée des membres du comité provisoire et de deux représentants de chacune des tables sectorielles, ont ainsi élaboré une série de recommandations afin de mettre en place des mesures qui favoriseraient le développement durable des territoires forestiers et la « compatibilité » des différents secteurs d’activités. À l’intérieur des tables sectorielles, on retrouvait des associations de villégiateurs et des clubs de motoneigistes, des propriétaires de pourvoiries, des gestionnaires de ZEC, l’AMAA et une organisation environnementale, soit le Mouvement vert. Stone-Consolidated inc. était le principal industriel forestier de la table et avait proposé l’aire commune 42-02 pour délimiter les utilisateurs du territoire qui seraient impliqués dans la démarche.

La TCDD représente probablement l’un des premiers processus de concertation où l’on retrouve une telle diversité d’utilisateurs du territoire ayant collaboré dans le but de définir des orientations communes dans le cadre de la gestion forestière. Nous sommes au début des années 1990 et les acteurs commencent à expérimenter des mécanismes de collaboration encore peu répandus dans le secteur forestier. La structure, le mode de fonctionnement et le but de la TCDD ressemblent d’ailleurs à ceux des tables locales de gestion intégrée des ressources et du territoire (GIRT) qui font l’objet du chapitre 5.

À travers la fouille des archives de l’AMAA, un procès verbal d’une des réunions du conseil exécutif du CDHM a permis de constater les effets que cela peut avoir de mettre en place deux

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démarches semblables qui se déroulent en même temps. Le premier effet remarqué est celui de l’ambiguïté rattachée aux objectifs des projets aux yeux des acteurs. Ainsi, deux projets qui se déroulent en parallèle et qui se ressemblent peuvent mener les acteurs à les confondre et à croire qu’il s’agit de la même démarche. Cette interprétation peut alors avoir une incidence majeure sur le comportement des acteurs et leur participation dans ces projets. Dans ce cas-ci, le président du conseil exécutif expliquait à l’administrateur ayant amorcé la démarche de la table de concertation que les représentants de l’État avaient confondu la table de concertation avec le projet de GIR de l’AMAA. À cet effet, le ministère de l’Énergie et des Ressources avait appris que l’administrateur de la table de concertation avait reçu une subvention du gouvernement fédéral en pensant que c’était pour la table. Or, ce même administrateur pilotait aussi le projet de GIR avec l’AMAA et l’enveloppe budgétaire était destinée pour ce projet, et non la table de concertation. Du même coup, le ministère de l’Énergie et des Ressources voulait alors réduire son appui financier à la table du deux tiers, passant alors de 15 000 dollars à 5 000 dollars. Un autre élément qui n’a pas aidé les acteurs à différencier les deux démarches, c’est que le projet de GIR ressemblait beaucoup à la démarche de la table de concertation en visant notamment le même partenaire industriel, Stone- Consolidated inc. et en limitant également la démarche à l’intérieur d’une aire commune. Enfin, l’idée de développer des mesures pour mieux prendre en compte le « secteur faunique » dans l’aménagement forestier était aussi un des principaux objectifs de la table de concertation, tout comme le projet de GIR.

Les échanges entre les administrateurs du conseil exécutif du CDHM révèlent que Stone- Consolidated inc. avait aussi l’intention à un moment donné de délaisser la table de concertation à cause de la confusion entre les deux démarches : « cela ne marche pas auprès des papetières puisqu’elles commencent à être frustrées vis-à-vis la table, puisque ça joue sur deux ou trois tableaux à la fois; la table de développement durable se voulait une démarche sérieuse, mais que l’enlignement n’est plus comme tel pour les papetières maintenant. » (CDHM, 1992 : 110) Le débat qui animait les échanges entre les administrateurs du conseil exécutif illustre ainsi la nature des effets possibles de deux démarches semblables où ultimement l’un a affirmé que les démarches étaient pareilles alors que l’autre a dit qu’elles étaient complémentaires. Ce type de lien est qualifié de lien de dédoublement. Il repose sur les similarités entre des processus distincts qui se déroulent en parallèle. Certains acteurs peuvent alors les confondre tellement ils se ressemblent ou choisir de limiter leur participation afin de ne pas éparpiller leurs efforts ainsi que leurs ressources.

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Ce qui nous amène à conclure que la présence de la Table de développement durable de la Mauricie pourrait aussi expliquer en partie l’échec du projet de GIR. Malgré le financement initial obtenu à travers le Programme de négociation d’accès aux ressources du ministère des Affaires indiennes, l’AMAA n’a pas réussi à rallier l’industrie et le gouvernement provincial. Par ailleurs, la table de concertation a échoué à au moins un endroit, c’est-à-dire la prise en compte des usages et de besoins des Nehirowisiwok. Bien que l’AMAA ait participé aux travaux de la table concertation sur le développement durable, c’est le projet de GIR (inspiré des mesures provisoires) qui a jeté les bases de ce qui allait devenir les « mesures d’harmonisation » telles qu’on les connait aujourd’hui.

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