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Résumé Chapitre III

III. RENDRE COMPTE DE LA PAROLE PATHOLOGIQUE / PARAMÈTRES

III.2. L’Equation du locus

III.2.1. L’équation du locus comme indice de lieu d’articulation

Comme nous l‟avons mentionné plus haut, la fiabilité de l‟équation du locus en tant qu‟indice de lieu d‟articulation a été très discutée. Nous rendons compte ici de quelques unes de ces discussions.

Sussman et al. (1985) supposent que le F2 au relâchement de la consonne et le F2 au milieu de la voyelle sont liés de façon linéaire, de telle façon qu‟ils ont un rôle au niveau perceptif, étant donné que l‟équation du locus permettrait de distinguer les différentes consonnes entre elles. Sussman et al. (1993) montrent, avec l‟équation du locus, que chaque consonne occupe un lieu différent dans l‟espace pente/intercept. L‟équation du locus représenterait un invariant, non dans un énoncé particulier, mais plutôt dans des ensembles de syllabes consonne-voyelle, ayant la même consonne initiale. De ce fait, les pentes d‟équation du locus représenteraient des invariants relationnels (Sussman et al., 1991) davantage que des invariants absolus comme proposés par Stevens et Blumstein (1981).

Brancazio et Fowler (1998) ont voulu tester à quel point l‟équation du locus serait le reflet

par des instructions données sur la configuration du conduit vocal, les locuteurs à changer systématiquement les paramètres des pentes et des intercepts de l‟équation du locus. Leurs résultats montrent que les consonnes restent distinctes dans l‟espace pente/intercept. En revanche, leur seconde expérience n‟a pas permis d‟aboutir à des éléments concluants d‟un point de vue perceptif.

Fowler (1994) a démontré que des consonnes ayant des modes articulatoires différents, mais un lieu d‟articulation identique, donnent des pentes d‟équation du locus systématiquement différentes. Ainsi, une fricative comme le /z/ aura une pente plus plate par rapport à une occlusive ayant le même lieu d‟articulation comme le /d/. La pente varierait donc selon la résistance de la consonne. Fowler (1994) avance que l‟équation du locus ne serait pas un invariant du lieu d‟articulation ; il y aurait en effet une corrélation entre le lieu d‟articulation et la pente.

La question de la stabilité des pentes des équations du locus comme descripteurs du lieu d‟articulation des occlusives a été également posée par Molis et al. (1994) qui a voulu comparer les pentes des équations du locus dérivées d‟un locuteur français, anglais américain et d‟un suédois.

Alors que ces derniers produisaient des séquences /pV/ vs. /bV/ dans les contextes vocaliques /i a u/, les auteurs ont constaté que le locuteur français présentait des pentes similaires pour les deux labiales dans les trois contextes vocaliques. Les occlusives labiales n‟étant pas aspirées en français, la différence de pente avec les deux autres locuteurs (suédois et anglais) a été attribuée à l‟aspiration.

Quant à l‟étude de Modarresi et al. (2005), elle visait à mesurer la fiabilité de l‟utilisation de la pente de l‟équation du locus comme descripteur du lieu d‟articulation dans des séquences CV, pour des occlusives aspirées sourdes et des occlusives sonores. En utilisant la méthode traditionnelle, les occlusives labiales et coronales sourdes ont des valeurs de pente plus basses que leurs correspondantes sonores, mais les vélaires ne montrent pas de différence de voisement.

Notons que si le locus est mesuré en relevant la valeur de F2 début au plus près du relâchement de l‟explosion de l‟occlusive, alors la différence de pente liée au voisement est grandement diminuée. Les équations du locus fourniraient ainsi une quantification précise de la coarticulation.

Le lieu d‟articulation s‟est révélé relativement stable sous diverses conditions expérimentales imposées, comme par exemple sous l‟effet d‟un bite block (Sussman et al., 1995), ou en faisant varier soit la catégorie (Sussman et al., 1996) soit le style de langage (Sussman et al., 1998a). Bien que les données de l‟équation du locus aient contribué à la théorisation de la variabilité du lieu d‟articulation de l‟occlusive, les conclusions résultant de ces travaux ont entrainé des recherches visant à tester la validité de ces mêmes conclusions. Ainsi, des recherches ont été menées dans le but de vérifier si des paramètres autres que le lieu d‟articulation, comme par exemple la taille du conduit vocal pouvait faire varier la pente de l‟équation du locus (Molis et al., 1994, Enstrand &

Lindblom, 1997).

Equation du locus et productions allophoniques des vélaires

D‟un point de vue articulatoire, on sait que le lieu d‟articulation d‟une consonne est fortement influencé par l‟environnement vocalique. C‟est le cas pour les consonnes [k] et [g] qui, d‟après Sussman (1999) notamment, peuvent être caractérisées phonétiquement par deux allophones : 1) un /k/ ou un /g/ palatal, lorsqu‟il est produit en contexte de voyelle antérieure, et 2) un /k/ ou un /g/ vélaire, lorsqu‟il est produit en contexte de voyelle postérieure.

Le lieu d‟articulation de l‟occlusion dans la production des occlusives vélaires [k] et [g]

montre une variation importante, qui dépend du lieu d‟articulation postérieur/antérieur de la voyelle suivante. Rappelons que la transition de F2 est un indice perceptif crucial pour décrire le lieu d‟articulation (Liberman et al., 1967 ; Liberman & Mattingly, 1985 ; Kewley-Port, 1982 ; 1983).

Sussman (1999) a ainsi étudié l‟influence du contexte vocalique sur les consonnes [k] et [g]. Dix environnements vocaliques différents (cinq antérieurs, quatre postérieurs et un central, le schwa) ont été proposés. Les résultats de cette recherche, exposés sur des graphiques mettant en corrélation les valeurs de F2 début/ F2 milieu, ont montré des amas de points bien distincts, selon que la vélaire était suivie d‟une voyelle antérieure (pente horizontale) ou d‟une voyelle postérieure (pente raide). Sussman (1999) confirme ainsi que le lieu de l‟occlusion des vélaires est soumis à une plus grande variabilité : lorsque celles-ci sont suivies d‟une voyelle postérieure, elles conservent leur nature vélaire alors qu‟un contexte de voyelles antérieures a tendance à palataliser la consonne.

Des groupes allophoniques distincts sont souvent observés en contexte vocalique postérieur ou antérieur, avec des équations du locus dérivant d‟occlusives labiales et alvéolaires.

Cependant, contrairement aux vélaires, les deux groupes de coordonnées de F2début/F2milieu suivent la même ligne de régression. Les deux groupes allophoniques ont des réalisations acoustiques différentes pour les occlusives vélaires mais, au niveau perceptif, seule une vélaire est reconnue. De ce fait, contrairement aux occlusives labiales ou alvéolaires, une démarche supplémentaire doit être effectuée par le locuteur afin de lier les deux sous-groupes, hétérogènes (Fowler, 1994 ; Brancazio & Fowler, 1998).

La distribution bimodale des occlusives vélaires apparaît comme un trait linguistique universel. En plus de l‟anglais, Sussman (1999) a analysé, dans d‟autres études utilisant l‟équation du locus, l‟arabe du Caire, le perse et l‟Urdu. Le but était de montrer que la distribution bimodale des occlusives vélaires peut être un exemple de comportement articulatoire agissant au service de la représentation auditive.

Cette hypothèse dépend fortement du rapport isomorphique* entre les espaces acoustique auditif et neural, qui se transforment en préservant systématiquement les éléments relationnels essentiels du signal entrant.

Pour la production des labiales, F2 début varie de façon extensive comme une fonction directe de chaque voyelle coarticulé (Sussman et al., 1991). A l‟inverse, les occlusives [d] et [t] sont caractérisées, universellement, comme montrant des effets coarticulatoires minimaux par rapport à la voyelle suivante. En effet, les équations du locus ont fortement montré que les syllabes /dV/

et /tV/ ont les pentes de régressions les plus plates de toutes les occlusives, indiquant une résistance maximum aux effets coarticulatoires de la voyelle suivante (Sussman et al., 1998 b). Le lieu de l‟occlusion pour ces deux consonnes ne change donc pas selon l‟identité de la voyelle suivante. La question se pose alors de savoir pourquoi [g] et [k] présentent une distribution bimodale tandis que les alvéolaires sont si peu influencées par le contexte vocalique ? Les deux phénomènes phonétiques sont dépendants l‟un de l‟autre. Si le geste phonétique unique pour les deux occlusives vélaires et alvéolaires évoluent pour satisfaire une contrainte auditive, alors l‟évolution conjointe de la production et de la perception vers un schéma contrastif plus avantageux pour les catégories de sons du langage devient évidente (Suga et al., 1983).

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