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Résumé Chapitre III

III. RENDRE COMPTE DE LA PAROLE PATHOLOGIQUE / PARAMÈTRES

III.2. L’Equation du locus

III.2.0 Définition et généralités relatives à l’équation du locus

L'équation du locus permet d‟observer la transition de F2. Elle représente des régressions linéaires dérivées de la relation entre le début acoustique du deuxième formant de différentes voyelles et la partie stable de F2 pour la même voyelle. Cette équation est la suivante :

Début acoustique de F2 = m X milieu de F2 + b

Où m et b sont respectivement la pente et l‟ordonnée à l‟origine de la fonction de l‟intersection-y.

La droite d'équation du locus varie selon le lieu d'articulation des consonnes et est interprétée comme un descripteur caractéristique du lieu d‟articulation de ces dernières (Krull, 1988 ; Nearey & Shammas, 1987 ; Sussman et al., 1997 ; Sussman et al., 1993 ; Sussman et al., 1991). Par ailleurs, et d‟après certaines recherches, la droite reflète également le degré de coarticulation dans une séquence CV puisqu‟une pente forte de 45° (ou égale à 1) indiquerait un degré de coarticulation maximal alors qu‟une pente plate (ou égale à 0) équivaudrait à un degré minimal de coarticulation (Krull, 1988 ; Sussman et al., 1993).

Au moment du relâchement consonantique, la configuration du conduit vocal reflèterait déjà le mouvement de la configuration cible de la voyelle suivante. Ainsi, le signal acoustique, au relâchement, diffère, en accord avec la voyelle-cible. Les différences de pentes seraient donc associées au degré de résistance coarticulatoire de la consonne par rapport à la voyelle suivante (Bladon & Al-Bamerni, 1976 ; Recasens, 1985, 1991 ; Fowler, 1994), la voyelle et la consonne étant en concurrence pour l‟utilisation de la langue. Fowler suggère que toute condition qui peut augmenter ou diminuer la résistance coarticulatoire de la consonne peut changer la valeur de la pente de l‟équation du locus.

Il ressort de la littérature que la pente est proche de 1 pour les occlusives labiales, tandis que les occlusives alvéolaires présentent un faible degré de coarticulation anticipatoire et une pente plus proche de 0, traduisant ainsi un chevauchement de gestes réduit.

Le concept de locus a d‟abord été défini par Delattre (1955) comme « a place on the frequency scale at which a transition begins or to which it may be assumed to "point" » (p.769) ; autrement dit, il s‟agit du locus indiquant à la fois le début d‟une transition ainsi que sa cible, sur une échelle de fréquence. Cette fréquence devrait donc refléter le lieu d‟articulation fixe de l‟occlusive.

Dans cette optique, Stevens et House (1956) ont utilisé un conduit vocal analogique pour étudier le locus des consonnes ; d‟après leur recherche également, le locus devrait refléter les corrélations acoustiques de la tenue articulatoire complète.

Cependant ce point fait débat dans la littérature, et cela a été démontré par l‟apparition de nombreuses études fondées sur ces équations mais qui n‟aboutissent pas à des résultats similaires.

En effet, Lehiste et Peterson (1961), de même que Öhman (1966), n‟ont pas trouvé d‟invariant dans les loci de F2 par rapport au lieu d‟articulation de la consonne. Selon Öhman (1966) par exemple, les points du locus changent davantage en fonction de l‟identité de la voyelle précédente.

Fant (1960) va encore plus loin dans la critique du concept de locus, qu‟il trouve trop simpliste, et conclut que les modèles de transition de F2-F3 ne suffisent pas à refléter le lieu d‟articulation.

Par la suite, Kewley-Port (1982) laisse entendre que les transitions F2 début – F2 milieu sont sensibles et inhérentes au contexte. De ce fait, il arrive à la conclusion que les valeurs de fréquence de F2 début ne suffisent pas à donner des invariants acoustiques signalant le lieu

d‟articulation, dans la mesure où les consonnes se groupent différemment selon leur contexte vocalique.

D‟autres travaux ont davantage recherché un invariant au niveau du relâchement consonantique. Ainsi, Stevens et Blumstein (1978) et Blumstein et Stevens (1979) ont analysé des spectres d‟explosions pour trouver un modèle d‟invariant acoustique du lieu d‟articulation.

D‟après leur recherche, ces spectres permettraient de catégoriser le lieu d‟articulation de l‟occlusive initiale.

Lahiri et al. (1984) se sont également intéressés à la distribution de l‟énergie entre le relâchement de l‟explosion et le début de la voyelle. Ils concluent que le spectre dynamique change entre le relâchement de l‟explosion et le début de la structure formantique. Signalons que la transition est importante dans la détermination de la perception du lieu d‟articulation pour les occlusives.

Parallèlement à cela, certaines recherches ont commencé à parler d‟invariants relatifs pour désigner le résultat des équations du locus. Ainsi, Lindblom (1963 a et b) a été le premier à utiliser des droites de régression dans ce sens (cf. Figure 10, ci-dessous). Dans son étude sur le suédois, il a pu constater que les pentes ont des équations de 0.69, 0.28 et 0.95 pour /b/, /d/ et /g/

respectivement ; par conséquent, la pente de la ligne de régression varierait en fonction du lieu d‟articulation. En outre, Lindblom (1963) rend compte également de l‟influence du contexte vocalique. En effet, pour les vélaires, la distribution est plate pour les voyelles antérieures, alors qu‟elle est plus raide dans le contexte de voyelles postérieures.

Toujours dans cette optique, Klatt (1979 ; 1987) prétend qu‟il existe trois régressions différentes pour la vélaire /g/ : l‟une pour les voyelles antérieures non arrondies, une deuxième pour les arrondies postérieures, et une dernière pour les non arrondies postérieures.

Krull (1988 ; 1989) montre qu‟en position initiale, la pente de régression de l‟équation du locus varie avec le lieu d‟articulation ; l‟équation du locus permettrait ainsi de quantifier l‟étendue de la coarticulation CV.

Sussman (1989) suggère que la fonction d‟équation du locus peut servir pour signaler le lieu d‟articulation d‟une occlusive, indépendamment du contexte vocalique.

L‟équation du locus tel que proposé dans les Laboratoires Haskins (« virtual locus ») diffère de celle développée par Lindblom (1963 a et b). Chez Lindblom, le locus est concret : il s‟agit d‟un attribut fixe, d‟un invariant acoustique pour la production de l‟occlusive, indépendant de la voyelle suivante. A l‟inverse, le locus original des Laboratoires Haskins est un point abstrait sur l‟échelle des fréquences, puisqu‟il est vu comme le point virtuel où débute la transition de F2.

Bien que l‟équation du locus de Lindblom (1963 a et b), quantifiant la corrélation existante entre F2 début et F2 milieu dépendamment du contexte, diffère de celle de Delattre et al. (1955), ces dernières sont liées de façon inhérente. Si un point fixe du locus consonantique existe, dans le sens des Laboratoires Haskins, il peut correspondre au point d‟intersection entre la ligne d‟équation du locus et la pente x=y, reflétant l‟égalité entre F2 début et F2 milieu.

Figure 10 : Courbes hypothétiques de l‟équation du locus. La partie supérieure de la figure montre des transitions F2 sans coarticulation entre la voyelle et la consonne ; la pente de l‟équation du locus est alors égale à 0.

La partie inférieure permet d‟illustrer une coarticulation maximale entre la voyelle et la consonne suivante ; la pente est alors égale à 1. Adapté de Lindblom (1963).

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