• Aucun résultat trouvé

F1/F2 : un rapport formantique utile pour caractériser les productions articulatoire vocaliques

Résumé Chapitre III

III. RENDRE COMPTE DE LA PAROLE PATHOLOGIQUE / PARAMÈTRES

III.3. De l’importance des formants dans l’étude des lieux d’articulation d’articulation

III.3.1. F1/F2 : un rapport formantique utile pour caractériser les productions articulatoire vocaliques

Dans un premier temps, présentons les formants F1 et F2. Il apparait ici que l‟analyse de ces paramètres est une source d‟information directement corrélée aux caractéristiques articulatoires du locuteur, et plus spécifiquement à celles relatives à la production des voyelles.

III.3.1.1. F1/F2 comme indice de lieu d’articulation

De nombreuses études ont été menées, utilisant le triangle vocalique comme moyen de rendre compte, autant que faire se peut, de la façon dont sont produites les voyelles sur le plan articulatoire, apportant ainsi des informations sur la position et le mouvement des articulateurs, à l‟intérieur de la cavité buccale lors de la réalisation de ces voyelles. Cette démarche se fait en fonction du contexte consonantique dans lequel elles sont produites. L‟analyse de cet espace vocalique nous intéresse donc particulièrement dans le cadre de cette étude, car cette méthode pourrait offrir de précieuses indications quant aux éventuelles stratégies articulatoires compensatoires employées par les locuteurs porteurs de fente palatine.

La description classique des voyelles se base sur deux dimensions : la hauteur et la position antérieure/postérieure de la langue. Les valeurs du premier formant nous renseignent sur l‟aperture de la voyelle, c'est-à-dire la taille d‟ouverture de la mâchoire. Le second formant, lui, nous informe sur le mouvement antérieur/postérieur de la langue. Le troisième formant est important pour le degré de labialité de la voyelle.

Les valeurs de F1 et de F2 relevées au milieu de la structure formantique stable de la voyelle représentent les résonnances dans le conduit vocal, permettant d‟inférer la configuration du conduit vocal lors de la production des voyelles étudiées (Stevens & House, 1955).

Nguyen et Espesser (2004), en testant divers techniques de normalisation inter-individuelle des données formantiques, ont mis en avant l‟importance de l‟anatomie dans les variations des valeurs de F1 et F2 de chaque voyelle. En effet, ces valeurs ont des fréquences moyennes plus élevées lorque le conduit vocal du locuteur est plus court. Leur étude révélant que l‟efficacité d‟une procédure de normalisation varie d‟un système phonologique à l‟autre témoigne de la variabilité des valeurs formantiques relatives à des caractères individuels.

Yuen et al., dans un article de 2007, ont établi le rapport entre le contact lingual et les conséquences acoustiques de ces contacts. Pour ce faire, les auteurs on enregistré onze locuteurs prononçant les trois voyelles extrêmes du triangle vocalique français, soit [i], [] et [u]. Ces trois voyelles étaient placées uniquement dans des séquences CV où C était soit [p] soit [b] afin de réduire au maximum les effets de coarticulation consonne-voyelle.

Les résultats de deux enregistrements ont été mis en parallèles ; un enregistrement éléctropalatographique comprenant cinq points de mesures (l‟avant et l‟arrière de la langue, et trois points placés à intervalles réguliers sur la langue) et l‟enregistrement sonore qui leur a permis de prélever les valeurs de formants pour chaque voyelle. Ils ont constitué des triangles vocaliques, correspondant à la représentation graphique de la cavité buccale lorsque les valeurs de F1 sont placées en ordonnées et celle de F2 en abscisses.

Deux grandes tendances sont ressorties de leur étude. Les valeurs de F1 et F2 varient en fonction de la voyelle, et la différence de F2-F1 varie en fonction de la surface de contact.

Comme attendu, pour chaque locuteur, le total des contacts EPG décroit lorsque le mouvement de la voyelle va d‟une position haute/fermée vers une position haute/ouverte dans la cavité buccale. Le coefficient de corrélation de Pearson, permettant d'étudier l'existence de relation entre deux variables, a été utilisé avec le pourcentage de contact et F1 et F2 comme variables. Ainsi, Yuen et al. (2007), ont constaté que plus le pourcentage de contact est élevé lors de la production d‟une voyelle, plus les valeurs de F1 sont basses. A l‟inverse, les valeurs de F2 augmentent en corrélation avec l‟augmentation du pourcentage de contact. Le pourcentage de contact serait donc corrélé avec les valeurs de F1 et de F2, bien que cette corrélation soit différente pour les deux valeurs.

Ces résultats apportent des informations sur le contact lingual, qui est généralement une indication du degré de constriction de la cavité orale et permet de diviser le tube acoustique en chambres de résonnance antérieure et postérieure. Le pourcentage de contact EPG offre des informations, à savoir, comment le conduit vocal est divisé, en tant que tube de résonnance.

Nous avons vu l‟intérêt des mesures des formants F1 et F2 dans la détermination du lieu d‟articulation de la voyelle. Voyons à présent la façon dont les valeurs de F1 et F2 sont informatives, également par rapport au lieu d‟articulation, lorsqu‟elles sont coordonnées de façon à crée un « triangle vocalique ».

III.3.1.2. Le triangle vocalique : un espace acoustique interprétable en termes articulatoires

Tel que nous l‟avons énoncé supra, Le triangle vocalique est la représentation graphique de la position de la langue dans la cavité buccale lors de la production des voyelles. Celui-ci apparaît lorsque les valeurs de F1 et de F2 des voyelles [i] [a] et [u], appelées voyelles extrêmes du triangle vocalique en français, sont placées respectivement en ordonnées et en abscisses.

L‟étude de ces trois voyelles est particulièrement intéressante pour notre étude de la parole des locuteurs porteurs de fente palatine dans la mesure où celle-ci nous permet d‟observer les limites de l‟espace vocalique maximal. En effet, la production des trois voyelles extrêmes du

triangle vocalique serait le reflet des capacités articulatoires maximales de chaque locuteur, lors de la réalisation de gestes vocaliques.

De nombreux facteurs, qui influencent la forme et l‟étendu du triangle vocalique, ont été mis en lumière, tel que nous le voyons ci-dessous.

Lindblom (1963 a et b), par exemple, dans ses travaux sur la réduction vocalique, a démontré l‟importance de la vitesse d‟élocution. En effet, l‟augmentation de la vitesse d‟élocution peut entraîner une compression des durées et une réduction de l‟espace vocalique, donc une centralisation des voyelles dans cet espace, principalement pour le [i] et le [u]. La structure formantique des voyelles n‟est donc pas la même selon la vitesse d‟élocution employée. Ainsi, lorsqu‟un locuteur parle très rapidement, un phénomène d‟« undershoot », consistant à attirer les voyelles vers le centre du triangle vocalique, est observé.

Gendrot et al. (2006), dans une étude visant à explorer les variations formantiques des voyelles en fonction de leur position prosodique, ont montré également que l‟espace vocalique formé par les valeurs des formants F1 et F2 diminue progressivement avec la durée des segments analysés (selon trois durées ; courte, longue et intermédiaire). Ils constatent encore que les voyelles précédées ou suivies d‟une pause sont caractérisées par des valeurs plus extrêmes et occupent donc un espace vocalique plus large.

Fougeron (2001) a montré que des phonèmes situés en début de constituant prosodique de haut niveau, tel que le groupe intonatif, tendent à être hyperarticulés. La tendance générale de l‟étude suggère que les propriétés articulatoires peuvent refléter le code prosodique des constituants à différents niveaux dans des expressions.

Beller (2007) a présenté l‟influence de l‟expressivité sur la configuration du triangle vocalique. En effet, une expansion du triangle vocalique, corrélée à l‟augmentation de l‟intensité du sentiment du locuteur, ressort nettement. Ainsi, lorsque le locuteur exprime une grande colère, son triangle vocalique sera plus étendu que dans un cas neutre. Beller constate par ailleurs que la tristesse et l‟ennui, qui sont deux expressivités dont le débit est plus lent, montrent une réduction du triangle vocalique, liée à l‟intensité de l‟expression. A l‟inverse, l‟accélération du débit dans le cas de la peur entraîne une réduction du triangle vocalique accentuée par rapport à l‟accélération du débit dans le cas neutre.

Harmegnies et Poch-Olive (1992) ont trouvé une variabilité plus importante chez les locuteurs en parole spontanée par rapport à une parole de laboratoire. Aussi, la différence entre les divers sons est amoindrie dans ce contexte de parole spontanée dans la mesure où les valeurs de F1 et F2 ont tendance à rejoindre celles du schwa.

Dans une étude menée en 1994, Harmegnies et Poch-Olive ont révélé également des distinctions des valeurs de F1 et F2 en fonction du style de parole (l‟étude a été menée dans six

situations différentes, pour 3 voyelles). Ainsi, les différentes situations de communication entraineraient des différences de fréquences formantiques, et de nouvelles catégorisations.

L‟ensemble de ces études montre bien l‟importance de prendre en compte tous ces facteurs lors de l‟analyse de cet espace vocalique.

Dans le domaine de la phonétique clinique, Hirsch et al. (2006) a démontré que l‟aire du triangle vocalique est fortement restreinte chez les locuteurs bègues, révélant une gestion du lieu d‟articulation particulière, et donc une stratégie articulatoire différente des sujets sains. Cette aire a été calculée grâce à la formule de Héron, (qui correspond au calcul suivant : Aire =√P (P-a)(P-b)(P-c), où a, b et c représentent les coordonnées entre deux voyelles, et P le résultat de (a+b+c)/2.)

La même étude a permis de constater que le locuteur de contrôle, comme l‟ancien bègue, use du phénomène d‟ « undershoot » lors de l‟accélération de la vitesse d‟élocution (opposition vitesse normale vs. vitesse rapide), contrairement aux locuteurs bègues chez lesquels la structure formantique reste stable malgré le changement de rythme de la parole.

Le contexte vocalique influe directement les valeurs des formants et donc la forme et étendue du triangle vocalique. Nous avons vu dans cette section que de nombreux facteurs sont à prendre en compte dans l‟analyse des formants, mais que celle-ci reste un indice précieux pour l‟étude du lieu d‟articulation des voyelles.

Cette section nous renseigne sur les informations que nous apporte le triangle vocalique quant aux stratégies articulatoires des locuteurs, soumis à diverses modifications de la parole (vitesse d‟élocution, expressivité, pathologie).

Il serait intéressant d‟observer également le comportement des autres voyelles, localisées à l‟intérieur du triangle vocalique. En effet, nous savons, par exemple, que les voyelles extrêmes sont bien produites par les locuteurs suite à des traitements de cancers de la cavité endobuccale, mais que les autres voyelles à l‟intérieur du triangle vocalique ne retrouvent pas leur position

« canonique » (Savariaux et al., 2000 ; 2001).

L‟observation du comportement de l‟ensemble des voyelles serait particulièrement pertinente chez nos locuteurs porteurs de fente palatine, afin d‟observer le réaménagement éventuel de la structure formantique de toutes les voyelles.

Ainsi une étude des formants F1 et F2 va nous permettre d‟analyser les productions vocaliques des locuteurs. La représentation du triangle vocalique permet de comparer plus facilement les résultats des locuteurs pathologiques et des locuteurs sains, en ayant un aperçu visuel plus net. En effet, nous avons vu que ce triangle est témoin des possibilités de chaque locuteur au niveau du lieu d‟articulation des voyelles.

Intéressons-nous à présent à l‟indice de lieu articulatoire que représentent les formants F2 et F3.

III.3.2. F2/F3 : au autre rapport formantique utile pour caractériser les

Documents relatifs