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Résumé Chapitre III

III. RENDRE COMPTE DE LA PAROLE PATHOLOGIQUE / PARAMÈTRES

III.1. Etude de la durée dans le développement de la parole pathologique et non pathologique : durée et variabilité pathologique et non pathologique : durée et variabilité

III.1.1. Durée et variabilité chez les locuteurs sains et pathologiques

III.1.1.2. Durée et variabilité chez l’enfant sain vs. pathologique

La dernière section de ce chapitre étant consacré à la durée de la parole chez les locuteurs porteurs de fente palatine, elle correspond à une brève revue de la littérature portant sur la durée par rapport à certaines pathologies. Nous verrons également en quoi l‟observation de la parole chez les locuteurs sains peut être utilisée à des fins cliniques.

De nombreuses études ont été menées, au niveau acoustique et physiologique (Folkins &

Blade, 1990 ; Kent & Forner, 1980 ; Robb et al., 1989 ; Sharkey & Folkins, 1985 ; Smith &

McLean-Muse, 1986, 1987), sur le développement du contrôle moteur de la parole chez l‟enfant, afin de mieux évaluer les problèmes de production de la parole de l‟enfant et de l‟adulte. Deux mesures sont fréquemment discutées, comparant les compétences motrices de la parole dans des groupes d‟âges différents, ou entre des locuteurs avec ou sans pathologie : la durée des diverses unités segmentales du langage et la variabilité de ces unités. Ces paramètres seraient, rappelons-le, des indices de bon fonctionnement neuromoteur nécessaires à la production de la parole.

Les résultats de ces études montrent une baisse de la durée et de la variabilité inter- et intra-sujet avec l‟augmentation de l‟âge, ainsi qu‟une durée et une variabilité réduites pour les locuteurs sains, par rapport aux locuteurs pathologiques. Smith (1992) ne note pas la corrélation attendue entre ces deux variables. Si son étude laisse en effet apparaitre que les mesures de durées segmentales des enfants ressemblent davantage à celles des adultes, cela n‟est pas vrai pour les résultats relatifs à la variabilité intra-locuteur.

En ce qui concerne les individus ayant divers types de pathologies, Kent et al. (1979) observent une tendance chez les sujets atteints de dysarthries ataxiques* ; ces derniers auraient des segments plus longs que les adultes sans pathologie, et une plus grande variabilité, même si la différence de variabilité n‟est pas aussi grande que la différence de longueur de durée (Cooper &

Allen, 1977). Cet allongement de la durée est en effet l‟un des symptômes de cette pathologie.

Au sujet de patients atteints d‟une dysarthrie d‟origine cérébelleuse, Kornhuber (1977) commente le rôle du cervelet dans la production du langage. Il semblerait que celui-ci soit responsable des ajustements des mouvements, qui sont régulés en continu par des stimuli extérieurs. Le cerebellum contiendrait un mécanisme pour maintenir les positions atteintes par les mouvements rapides et pour la coordination temporelle d‟une série de mouvements successifs et rapides. Le développement du contrôle du timing dans la production de la parole des enfants sera donc perturbé si le cerebellum a des lésions. Il est un participant actif dans la production motrice durant l‟apprentissage de la parole. De plus, certaines observations cliniques ont amené la possibilité d‟une participation du cervelet dans les processus cognitifs (Schmahmann & Sherman, 1998). Selon Ackerman et al. (2007), le cervelet permettrait d‟ajuster au contexte des schémas de syllabes, appris et stockés dans le cortex prémoteur, pour produire un langage fluent. De plus, les patients atteints d‟une dysarthrie d‟origine cérébelleuse auraient une perception altérée du discours, spécifiquement sur le plan temporel, empêchant par exemple de distinguer deux mots voisins. L‟observation d‟un patient victime d‟un accident vasculaire cérébelleux a révélé, au niveau du langage, une hypospontanéité et des difficultés syntaxiques (Lagarde et al., 2009).

Une ressemblance superficielle existerait entre les plus jeunes enfants et les individus ayant une dysarthrie d‟origine cérébelleuse ; tous tendent à avoir des durées segmentales plus longues et plus variables que les enfants sains (Kent et al., 1979). Cependant, et de façon attendue, de nombreuses différences persistent. À titre d‟exemple, les dysarthriques ont une anormalité fréquente dans le contrôle du timing à réduire certaines durées segmentales, ne suivant pas non plus le « modèle » accentuel approprié.

Le contrôle du timing est important pour la production de la parole en particulier, et le comportement moteur en général. De ce fait, il est un indice précieux pour caractériser la perturbation de la parole au niveau développemental.

Weismer et Elbert (1982) notent que les enfants qui présentent des problèmes articulatoires montrent davantage de variabilité, temporelle et articulatoire, dans la production de la parole. En effet, cela serait lié au contrôle moteur de la parole qui est alors moins bien maîtrisé.

Si la variabilité de la durée d‟un segment peut être utilisée comme indice du contrôle moteur de la parole, celle-ci serait également responsable des problèmes liés à l‟atteinte de « cibles » articulatoires.

Tel que nous l‟avons énoncé plus tôt, Kent et Forner (1980) rapportent que les enfants de 4 ans sans pathologie ont des segments plus longs et montrent une grande variabilité inter- et surtout intra-individuelle. Même si ces deux paramètres (durée et variabilité) ne sont pas systématiquement corrélés, il devient tout de même important de déterminer si ces mesures peuvent servir d‟indices dans notre étude. Si oui, comment donneraient-elles des informations sur les différents mécanismes articulatoires impliqués dans la production de la parole chez les enfants porteurs de fentes palatines ?

Smith (1992) compare des mesures de durées d‟adultes et d‟enfants sains, mais nous avons intégré cette étude dans ce chapitre sur la parole pathologique dans la mesure où ses résultats peuvent contribuer à la détection d‟une parole pathologique. En effet, il tent de voir comment les deux paramètres que sont la durée et la variabilité peuvent être utilisés dans la caractérisation (description) des capacités de contrôle moteur de la parole des enfants. Pour ce faire, il a établi une corrélation entre durée et variabilité, corrélation qui resterait relativement modeste, selon les résultats. Ainsi, bien que les résultats des premières études (Smith, 1978 ; Smith et al., 1983) indiquaient que la durée et la variabilité tendent à décroître avec l‟augmentation de l‟âge, les résultats de Smith (1992) montrent que la relation entre ces deux mesures, au niveau individuel, n‟est pas aussi forte que les précédentes études le laissaient penser. Il sera donc intéressant de voir quels seront les résultats, dans notre étude, en ce qui concerne ces données.

Smith (1992) compare ensuite les valeurs de durées et de variabilités des enfants avec les résultats des adultes. Il constate que la majorité des enfants de 4 ans se rapprochent plus des valeurs des adultes pour les deux paramètres, par rapport aux enfants de 2 ans. La distinction réalisée entre les vitesses normale et rapide pour les enfants de 5, 7 et 9 ans par rapport aux adultes, lui a permis de constater que la variabilité décroît en vitesse rapide. De plus, il remarque que c‟est bien le groupe de locuteurs âgés de 9 ans qui se rapprochent le plus des adultes. Les résultats correspondent donc à ceux des études que nous avons citées supra.

Des recherches antérieures notent une baisse générale des valeurs de durée et de variabilité lors de la comparaison du groupe des adultes et du groupe des enfants (Kent & Forner, 1980 ; Smith, 1978 ; Smith et al., 1983), mais ces recherches ne mentionnent pas précisément la nature de la relation entre ces deux paramètres dans la parole de l‟enfant.

Cette étude accentue encore la fonction des deux paramètres, la durée et la variabilité de la parole, en tant que témoins de la maturation et des compétences neuromotrices de la parole de l‟enfant. L‟étude de Smith (1992) suggère qu‟il est possible de poser des conclusions à propos du développement du contrôle moteur de la parole des enfants de façon individuelle sur la base des mesures de la durée et/ou de la variabilité. Mais les différences observées entre la durée et la

variabilité pour les enfants au niveau individuel indiquent clairement que ces deux mesures ne sont pas fortement corrélées et ne mènent donc pas nécessairement à des conclusions similaires, quant au contrôle moteur de la parole. De plus, il apparaît que les enfants tendent, suivant les données de production de la parole, à atteindre des résultats similaires à ceux des adultes plus tôt, dans le processus de développement, au niveau de la durée que de la variabilité. La variabilité ne serait donc pas inhérente à la durée.

Le tableau ci-dessous résume la longueur de la durée et le degré de variabilité, qui sont toujours plus important chez les locuteurs pathologiques, en comparaison avec des locuteurs sains (Tableau 17).

Tableau 17 : Comparaison durée/variabilité selon le type de locuteur.

locuteurs durée variabilité

pathologiques + +

sains - -

Par rapport à ces études, nous pouvons conclure que, le plus souvent, les jeunes enfants (de 3 à 7 ans) montrent des longueurs de durée et une variabilité plus importantes que les groupes d‟enfants plus âgés et les groupes d‟adultes. Et, de la même façon, cette différence existe pour ces deux paramètres entre locuteurs sains et locuteurs pathologiques (Kent & Forner, 1980 ; Kent et al., 1979 ; Rimac & Smith, 1984 ; Smith, 1978 ; Smith et al., 1983 ; Kubaska & Keating, 1981 ; Robb & Saxman, 1990).

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