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2. Quantifier l’utilisation des produits phytosanitaires : Réflexions théorique et empirique

2.2. L’économétrie : entre quantification et modélisation mathématique

2.2.2. L’économétrie : entre quantification empirique et modélisation théorique d’un phénomène économique

2.2.2.3. L’économétrie : un processus articulé entre théorie et réalité

L’économétrie « ne se réduit pas à un simple exercice de la statistique descriptive, sans références aux théories économiques » (Ado et Russell, 1998, p. 4). Ce qui en fait une science, c’est l’interaction qu’elle exerce entre modélisation théorique et données empiriques (Hendry, 1980 ; Holly, 1997 ; Ado et Russell, 1998). Plus précisément, « l’important n’est pas tellement de connaître le fonctionnement correct et rigoureux du modèle, c’est surtout de savoir si celui-ci est vraiment adéquat au réel et au problème posé » (Divisia, 1953, p. 19). L’économétrie doit mettre en adéquation le modèle avec les données mobilisées. Un double langage est alors nécessaire : le « langage théorique » d’une part et le « langage observationnel » d’autre part (Holly, 1997). La théorie doit pouvoir être mise en relation avec les données observées et les données doivent apporter une interprétation de la théorie en validant ou infirmant les hypothèses théoriques correspondantes. Les travaux menés en économétrie sont une « conjonction serrée entre la pensée économique théorique et l’observation statistique » (Divisia, 1953, p. 18).

Les trois piliers qui fondent l’économétrie sont : la théorie économique, les méthodes statistiques et les données observées (Ado et Russell, 1998). Les apports des travaux réalisés dans le cadre de cette thèse portent sur chacune de ces dimensions. Afin d’apprécier plus précisément l’originalité et l’apport de chacun de ces travaux, il apparaît important de présenter la structure du processus de réflexion menée. L’adéquation entre le modèle et les données est indispensable et d’autant plus importante que les enseignements issus d’études économétriques guident la politique économique (Divisia, 1953 ; Favereau, 2010 ; Vatin, 2010 ; Alcaras, 2011). « Aujourd’hui, nous voyons apparaître des constructions visant, non seulement à éclairer, mais à conseiller et guider la politique économique, peut-être même à lui fournir des normes, des résultats chiffrés, voire des impératifs ; des instruments puissants, dans une science encore si imparfaite où tant de difficultés sont accumulées, ne manque pas d’audace, voire de danger, ni de grandeur » (Divisia, 1953, p. 19).

De la même façon que la quantification met l’accent sur une des dimensions de l’objet étudié, la modélisation éclaire une des facettes de ce phénomène. Si celle-ci fait écho à la théorie mobilisée, elle ne garantit pas d’en comprendre toutes les spécificités : « les économètres ont tendance à regarder davantage où est mis l’accent (littéralement là « où il y a le plus de lumière ») au détriment des endroits plus sombres où sont probablement les réponses »48 (Hendry, 1980, p. 403).

Appréhender un phénomène nécessite alors de le considérer à travers différentes quantifications et différentes modélisations. L’objectif n’est pas de remettre en question ces dernières mais plutôt de considérer un même phénomène économique sous des angles différents pour mieux en appréhender les spécificités.

L’économétrie s’apparente à une science empirico-formelle. Sa démarche, hypothético-déductive, souligne que le point de départ de toute analyse est la théorie économique (1). La théorie mobilisée renvoie évidemment à la question de recherche, elle- même étayée par une problématique économique. Sur la base de cette théorie, les hypothèses théoriques (2) sont traduites, aux vues des données mobilisées, en hypothèses empiriques (3). Une fois formalisées ces hypothèses, la modélisation économétrique permet de formaliser la relation entre les variables économiques ; autrement dit de mettre en adéquation le modèle avec les données (4). La spécification du modèle prend en compte non seulement la nature des variables considérées mais aussi le fait que les données soient en coupe transversale, longitudinale ou de type données de panel. Une fois la spécification établie, l’estimation du modèle permet de confronter les hypothèses théoriques à la réalité observée (5). Deux possibilités apparaissent : les hypothèses théoriques sont soit validées (6), soit invalidées (7). Dans ce cas, soit une nouvelle quantification du phénomène étudiée est réalisée (8), soit une nouvelle spécification du modèle théorique est requise (9). La structure du processus économétrique qui retrace la mise en adéquation du modèle théorique avec les données empiriques est synthétisée par la Figure 10 ci-dessous.

Figure 10. Structuration du processus économétrique

1. Fondements théoriques 8. Nouvelle quantification du phénomène étudié 9. Nouvelle spécification du modèle théorique 7. Théorie invalidée 2. Formulation des hypothèses théoriques 3. Définition des hypothèses empiriques 4. Modélisation / Adéquation du modèle à la réalité 5. Estimation / Confrontation des données au modèle 6. Validation de la théorie Source : Représentation personnelle

Toute modélisation économétrique est, comme toute quantification, imparfaite et partielle. Elle ne peut pas être une représentation complète d’une réalité complexe, elle-même mesurée de façon imparfaite. Toute modélisation est une simplification de la réalité et chaque modèle est conditionné par les données dont nous disposons. Tout l’enjeu est alors d’établir une adéquation entre le modèle et la réalité. La structure du processus économétrique, (Figure 11), permet de rendre compte du fait que tout résultat obtenu repose sur le triptyque :

Figure 11. Structure du processus économétrique

Source : Représentation personnelle

Ces piliers fondent les modélisations mises en œuvre et donc conditionnent les interprétations qui en sont faites. La posture adoptée dans le cadre de cette thèse est alors de s’appuyer sur chacun de ces piliers pour faire progresser la réflexion menée autour de la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires. L’objectif de ce travail de thèse est, de par l’originalité des données, des quantifications réalisées ou encore des modélisations mises en œuvre, de contribuer à une meilleure compréhension de l’utilisation, faite par les producteurs, des produits phytosanitaires

2.3. Quantification, mesure et modélisation de l’utilisation des produits