• Aucun résultat trouvé

2. Quantifier l’utilisation des produits phytosanitaires : Réflexions théorique et empirique

2.3. Quantification, mesure et modélisation de l’utilisation des produits phytosanitaires

2.3.3. Les facteurs susceptibles de conditionner la mise en œuvre d’innovations environnementales

2.3.3.2. Les facteurs exogènes

Les pratiques des exploitants sont conditionnées par l’environnement, à entendre au sens large, dans lequel ils évoluent (Knowler et Bradshaw, 2007).

2.3.3.2.1. Interdépendance avec l’aval de la filière

Le comportement des exploitants en termes d’utilisation plus ou moins intensive des produits phytosanitaires est conditionné par les exigences imposées par les autres maillons de la filière et plus précisément par l’aval. Les exigences varient d’un produit à l’autre, d’une destination à l’autre et d’un acheteur à l’autre au sein d’un même pays et pour un même produit. Les producteurs doivent alors s’adapter pour se mettre en conformité avec les différentes exigences.

Comme spécifié précédemment, toute exportation à destination d’un pays de l’Union Européenne implique le respect de l’accord sur l’application des normes sanitaires et phytosanitaires. Cet accord exige notamment que les productions entrant sur le territoire européen répondent à certains critères considérés comme « nécessaire(s) pour protéger la vie et la santé des personnes et des animaux et préserver les végétaux ». Cette réglementation définit ainsi des mesures qui doivent être « nécessaires et justifiables » (OMC, 1995).

De la même façon, pour exporter vers l’Union Européenne, les producteurs doivent répondre à des règles de traçabilité et d’hygiène pour les denrées alimentaires. La présence de résidus de pesticides, les médicaments vétérinaires ou encore les contaminants dans et sur les aliments doivent répondre à des règles strictes. Ces règles forment un premier niveau d’exigence qui est par ailleurs renforcé par des exigences privées lorsque celles-ci jugent les premières insuffisantes. L’ensemble de ces exigences a des conséquentes directes sur les pratiques des producteurs qui doivent se mettre en conformité pour vendre leur production. Cette interdépendance entre exigences et mise en conformité est parfois considérée dans la littérature à partir de la destination de la production. Destiner sa production à un marché dont les exigences sanitaires sont plus élevées se traduit par une meilleure gestion de la qualité sanitaire par le producteur (Galt, 2008 ; Souza Monteiro et Caswell, 2009 ; Zhou et al., 2011). Au-delà de la destination et des exigences sanitaires et phytosanitaires auxquelles doivent répondre les producteurs, les arrangements contractuels conditionnent également les pratiques en termes de gestion de la qualité sanitaire mises en œuvre par les exploitants. Alors que certains considèrent cette relation contractuelle à travers la signature d’un contrat à terme (McNamara et al., 1991), la plupart des études considèrent le fait que producteur soit engagé dans l’adoption du cahier des charges GlobalGap (Vandeman et al., 1994 ; Souza Monteiro et

Caswell, 2009 ; Kersting et Wollni, 2011). De façon générale, il y a relation contractuelle dès lors que « la décision de la gestion des ravageurs est contrôlée ou spécifiée par le transformateur ou un acheteur avec lequel le producteur a un contrat de commercialisation ou de production pour ses produits »58 (Vandeman et al., 1994, p. 17).

Les arrangements contractuels traduisent des niveaux plus ou moins élevés d’exigences et donc des incitations plus ou moins fortes pour le producteur à y répondre. Ainsi, vendre sa production sous marque collective permet au producteur d’être inséré dans un circuit de commercialisation qui lui assure l’écoulement d’une partie de sa production. Il est davantage investi dans les pratiques qu’il met en œuvre pour s’assurer d’être en conformité avec le cahier des charges auquel la marque se réfère (Zhou et al., 2011).

2.3.3.2.2. Appartenance à un groupe

Au-delà de l’interaction entre le producteur et l’aval de la filière, la littérature souligne l’importance de la coordination entre les acteurs mais également le besoin pour les producteurs d’être insérés dans un réseau, qu’il soit formel ou informel. Le réseau est considéré comme un moyen d’accéder à de l’information et ainsi pallier les éventuelles barrières à l’échange (Muthuraman et Sain, 2002). Le non-accès à l’information, quelle que soit la source de diffusion, est considéré comme un frein à l’adoption de pratiques ou de techniques dans la mesure où cet accès est notamment coûteux en termes de temps (Warner, 1974 ; Nowak, 1992 ; Westra et Olson, 1997).

Les réseaux informels englobent les sources de diffusion de l’information comme les médias, les magazines, la famille ou encore le voisinage (Bultena et Hoiberg, 1983 ; Warriner et Moul, 1992 ; Saltiel et al., 1994 ; Bonabana-Wabbi, 2002 ; Palis et al., 2002 ; Somda et al., 2002 ; Barrera et al., 2005 ; Asghari et Hadi, 2009 ; Sharma et al., 2011). Le réseau familial ou le voisinage permettent non seulement de diffuser l’information relative aux techniques ou aux pratiques mais aussi aux non-adoptants d’en évaluer les contraintes et les débouchés sur la base des retours d’expérience des adoptants (Adsadpur, 2011). Ces derniers peuvent ainsi établir des recommandations aux non-adoptants (Pereira de Herrera et Sain, 1999).

Au-delà des réseaux informels, les réseaux formels tiennent une place incontournable dans la mise en œuvre de pratiques ou l’adoption de techniques plus respectueuses de l’environnement. L’organisation entre les producteurs et les groupements de producteurs est considérée comme moteur de la diffusion de l’information et donc comme un facteur de meilleure gestion de la qualité sanitaire. Ce facteur est pris en compte dans de nombreux travaux à travers notamment l’appartenance à un groupe, quel que soit le mode organisationnel interne (Galt, 2008 ; Souza Monteiro et Caswell, 2009 ; Kersting et Wollni, 2011).

58 “Where pest management decisions are controlled/specified by the processor, produce company, or other

Le premier élément clef de diffusion de l’information consiste à faire prendre conscience aux exploitants des enjeux liés à la gestion de la qualité sanitaire. L’appartenance à un groupe est alors supposée avoir un impact positif sur la gestion de la qualité sanitaire mise en œuvre par les producteurs (McDonald et Glynn, 1994 ; Traoré et al., 1998). En effet, le groupe permet de diffuser, en temps voulu, l’information aux producteurs compte-tenu notamment de leurs spécificités productives (Traoré et al., 1998). Ce groupe peut revêtir différentes formes : groupement de producteurs, membre d’un groupe expérimental sur l’utilisation de techniques ou l’adoption de pratiques ou encore producteurs sous une même marque collective.

En intégrant un groupement de producteurs, l’agriculteur retire de nombreux avantages, au-delà du seul écoulement de sa production. En effet, le groupe « assiste(nt) également les producteurs dans la conduite concrète de leurs cultures » (Bonnaud et al., 2012). Cet appui passe notamment par la mise à disposition d’un état des lieux actualisé des produits homologués ainsi que des doses autorisées correspondantes.

Le groupe informe notamment sur les enjeux environnementaux à long terme de pratiques ou techniques plus respectueuses de l’environnement. Le groupe peut également mettre à disposition des conseils techniques. Par l’intermédiaire du technicien, le producteur bénéficie de conseils et recommandations techniques et/ou agronomiques qui le guident vers une meilleure gestion de la qualité sanitaire de sa production.

Dans certains cas, le producteur transfère ses droits décisionnels au groupe qui encadre de façon stricte les traitements phytosanitaires réalisés par le producteur (Codron et al., 2017). Enfin, en intégrant un groupe, le producteur peut bénéficier de formations adaptées et disposer d’informations en termes notamment de gestion de la qualité sanitaire.

Les producteurs membres d’un groupe bénéficient d’un appui technique et agronomique qui les incite à mettre en œuvre une meilleure gestion de la qualité sanitaire. Il existe ainsi une différence de comportement entre les producteurs isolés et les producteurs membres d’un groupe. Il ressort toutefois une différence de comportement en termes de gestion de la qualité sanitaire entre les producteurs membres d’un groupe selon la taille du groupe auquel ils appartiennent (Souza Monteiro et Caswell, 2009) et la durée de la relation qui les lie au groupe (Asfaw et al., 2010). Le comportement des producteurs répond à une logique que nous pourrions qualifier de séquentielle et progressive. Les exploitants sont plus enclins à mettre en œuvre une meilleure gestion de la qualité sanitaire dès lors qu’ils font partie d’un groupe, et ils s’y investissent d’autant plus que leur lien au groupe est durable dans le temps.

2.3.3.2.3. Facteurs climatiques

« On ne traite pas quand on veut, mais quand on peut » (Flandin, 1983).

Indépendamment des caractéristiques structurelles et financières des exploitations, des caractéristiques individuelles des exploitants ou encore des relations établies avec les différents maillons de la filière, la gestion de la qualité sanitaire dépend des conditions climatiques (Houmy, 1994 ; Rosenzweig et al., 2001 ; Koleva et al., 2009). Il a été montré par exemple que les zones les plus humides favorisent le développement de pathogènes (Galt, 2008). De la même façon, en viticulture, la pluviométrie influe sur le développement de la plante en la rendant plus vulnérable et sensible aux ravageurs et aux maladies (Shoemaker, 1979). Les facteurs climatiques sont soulignés comme incontournables à prendre en compte à un niveau local fin d’analyse (Horowitz et Lichtenberg, 1993 ; Houmy, 1994 ; Mishra et al., 2005 ; Koleva et al., 2009). Toutefois, obtenir de telles données s’avère souvent difficile. Elles sont alors souvent approchées par la localisation géographique (Sharma et al., 2015).

2.3.3.2.4. Autres facteurs

La plupart des travaux portent sur l’analyse de l’adoption de pratiques plus respectueuses de l’environnement dans le cadre d’une production donnée et dans un contexte particulier. De ce fait, l’analyse d’éléments relatifs à l’environnement est commune à toutes les exploitations et donc non prise en compte dans les études. Considérer ces facteurs prend tout son sens dès lors que deux contextes, ou deux produits, sont comparés (Codron et al., 2014). Ils permettent alors de voir dans quelle mesure l’environnement a un impact sur la gestion de la qualité sanitaire mise en œuvre par les exploitants.

2.3.3.3. Synthèse des déterminants de l’adoption d’innovations