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3. Originalité et apports des travaux réalisés

3.3. Articulation et Apports des articles

Afin de comprendre l’apport de chaque étude à la réflexion, chacun des articles est mis en perspective avec les hypothèses formulées. Cette partie est alors construite autour des caractéristiques endogènes des producteurs (Sous-section 3.3.1) en lien avec l’environnement dans lequel ils évoluent (Sous-section 3.3.2).

3.3.1. L’adoption d’innovations est conditionnée par des facteurs endogènes

Comme mentionné précédemment, les facteurs endogènes sont considérés comme déterminants dans l’adoption d’une innovation. Dans la mesure où une littérature importante a analysé l’impact de ces facteurs sur le comportement des producteurs en termes de gestion du risque sanitaire, une analyse détaillée de ces facteurs est réalisée en Annexe 4 du document. Dans le cadre de cet exposé, notre attention se porte plus précisément sur certains facteurs spécifiques :

- La première étude68 réalisée (Sous-Section 1.3.1.1) s’est attachée à comprendre la

dynamique interne des exploitations selon leur utilisation plus ou moins intensive de produits phytosanitaires. Cette étude vise à approfondir la notion de temporalité dans le processus d’innovation. L’originalité de ce travail repose alors non seulement sur la mesure de l’innovation mais aussi sur la profondeur temporelle des données dont nous disposons.

- La seconde étude69 (Sous-Section 1.3.1.2) s’est attachée à analyser le processus

d’innovation au sein d’une même exploitation. L’hétérogénéité intra-exploitation est alors au cœur de ce travail. L’originalité porte sur la prise en compte, à notre connaissance encore jamais abordée, de cette intra-hétérogénéité.

68 Aubert, M. et Enjolras, G. (2014) « The determinants of chemical input use in agriculture » - Journal of Wine

Economics, 9(1): 75-99.

69 Aubert, M. et Enjolras, G. (2014) « Between the approved and the actual dose: A diagnosis of pesticide

3.3.1.1. Le processus décisionnel d’adoption d’une innovation répond à un schéma de type “path dependency”

Comprendre la dynamique de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires nécessite d’une part de mesurer cette utilisation et d’autre part de l’apprécier à partir d’une optique temporelle.

Les données du RICA ont été mobilisées dans la mesure où elles permettent de suivre les exploitations d’une année sur l’autre. La sélection des exploitations à enquêter repose sur la stratification identifiée. Un taux de renouvellement des exploitations est par ailleurs appliqué chaque année. Les exploitations non pérennes peuvent alors correspondre tout à la fois à des exploitations sorties de l’agriculture, devenues non professionnelles, ayant changé d’OTEX ou non renouvelées. Ainsi, en 2002, 1.058 exploitations professionnelles spécialisées en viticulture (44.270 exploitations extrapolées) sont référencées tandis que 1.042 (43.015 extrapolées) sont référencées en 2007.

Le modèle économétrique sous-jacent est alors de type panel dans lequel la mesure de l’utilisation des produits phytosanitaires est de type économique.

Le RICA est une base comptable et financière qui permet, entre autres, de quantifier les dépenses en produits phytosanitaires. Afin de pallier un effet « taille », ces dépenses ont été ramenées à la surface de l’exploitation. Plus précisément, le modèle considéré est un modèle cylindré, c’est-à-dire qui prend en compte uniquement les exploitations présentes dans les fichiers toutes les années depuis 2002 jusqu’en 2007. Ce sont ainsi 607 exploitations professionnelles spécialisées en viticulture qui ont pu être suivies. L’échantillon final est alors constitué de 3.642 exploitations.

Le modèle mis en œuvre est un modèle à effets aléatoires. En effet, seules les exploitations professionnelles sont recensées. De ce fait, la population n’est pas exhaustive, ce qui justifie l’utilisation d’un tel modèle (Nerlove, 2003 ; Trognon, 2003). La mise en œuvre de ce modèle tient également au fait qu’il existe des effets régionaux et que le nombre d’observations est élevé. Les tests relatifs à l’autocorrélation et l’hétéroscédasticité ont été réalisés pour garantir la qualité des résultats obtenus (Wooldridge, 2002 ; Greene, 2006).

Le modèle mis en œuvre se formalise comme suit : 𝑦!" = 𝛽 + 𝛾!𝑋!"# !!! + 𝜌!𝑊!"#!! !!! + 𝛼!𝑍!"#!! !!! + 𝜆!𝐻!"# !!! + 𝜍!𝑅! + 𝜀!" Avec : 𝑦!" le coût/ha en pesticides 𝛽 une constante

𝛾! les coefficients associés aux j variables structurelles, notées 𝑋!"#

𝜌! les coefficients associés aux k variables financières retardées, notées 𝑊!"#!!

𝛼! les coefficients associés aux m variables météorologiques retardées, notées 𝑍!"#!! 𝜆! les coefficients associés aux f variables météorologiques, notées 𝐻!"#

𝜍! le coefficient associé aux pratiques régionales, notées 𝑅! 𝜀!" le terme d’erreur iid

Le principal résultat obtenu met en évidence le fait que les exploitations présentent une logique cohérente de long terme. Les exploitations qui dépensaient le moins en termes de produits phytosanitaires les années précédentes sont également celles qui en utilisent le moins au cours de l’année courante.

Les résultats économétriques soulignent que l’aversion au risque, mesurée par le fait que l’exploitant ait souscrit une assurance récole, ne ressort pas comme un facteur déterminant de l’utilisation des produits phytosanitaires. Ce résultat peut être lié au fait que l’assurance considérée ne relève pas d’une assurance compensant directement les pertes éventuelles de rendements en cas de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires.

En termes dynamiques, il ressort que les exploitations qui ont augmenté leurs dépenses en produits phytosanitaires ont également augmenté leur rendement. Cette analyse complémentaire souligne également la plus grande valorisation d’une production plus respectueuse de l’environnement. En effet, les exploitations qui ont réduit leur utilisation de produits phytosanitaires ont vu leur rendement diminuer mais leur chiffre d’affaires augmenter avec une surface restée stable. Ce résultat semble indiquer qu’il semble exister un marché rémunérateur pour les produits plus respectueux de l’environnement.

L’apport de cette étude est de considérer une analyse dynamique des pratiques des producteurs, au travers de leurs dépenses en termes de produits phytosanitaires. Ce travail est d’autant plus riche qu’il a reposé sur un panel de producteurs représentatif de l’ensemble des producteurs viticoles. Si la mesure considérée a déjà été considérée dans la littérature, la mobilisation d’une telle source de données est, à notre connaissance, originale. La portée des enseignements tirés est ainsi d’autant plus pertinente.

Comme toute étude, ce travail présente des limites qu’il convient de mentionner. Celles-ci découlent directement de l’unité des données collectées. Dans le cadre du RICA, l’unité considérée est l’exploitation. De ce fait, les hypothèses posées implicitement dans le cadre de notre étude sont d’une part que les pratiques sont homogènes d’un produit à l’autre et d’autre part que les dépenses sont proportionnelles à une utilisation plus intensive des produits phytosanitaires. La potentielle hétérogénéité des comportements au sein d’une même exploitation a cependant pu être considérée dans le cadre de la seconde étude menée.

3.3.1.2. Adopter une innovation est un processus décisionnel défini au niveau de l’exploitation

L’exploitant et son exploitation sont toujours la clef d’analyse de l’adoption de pratiques plus respectueuses de l’environnement. Or, cela pose l’hypothèse forte que les pratiques observées au niveau d'une unité plus fine, comme la parcelle, sont cohérentes en termes d’utilisation des produits phytosanitaires. C’est plus précisément sur cette potentielle hétérogénéité intra-exploitation que repose cette étude.

Par ailleurs, afin de prendre en compte le fait que les dépenses en produits phytosanitaires ne sont pas révélatrices des produits utilisés, et donc qu’une diminution des dépenses n’est pas nécessairement synonyme de pratiques plus respectueuses de l’environnement, nous avons construit un indicateur défini au niveau des produits utilisés.

Afin de prendre en compte tout à la fois les pratiques observées sur les différentes parcelles d’une même exploitation et l’adéquation des pratiques réalisées avec les exigences nationales, nous avons combiné différentes bases de données (Figure 14).

Figure 14. Méthodologie d’appariement des données

Source : Représentation personnelle.

RICA