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1. Evolution de la prise en compte du risque sanitaire et phytosanitaire de l’Antiquité à nos jours

1.2. Dynamique récente des acteurs

1.2.3. Evolution des pratiques de défense

Dans ce contexte en constante évolution, les innovations techniques s’adaptent aux exigences croissantes en termes de gestion du risque sanitaire. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’évolution des pratiques et des outils pour gérer le risque sanitaire. Le passage de « la lutte chimique aveugle à la protection intégrée » a été développé précisément par Milaire et nous l’avons synthétisé en Figure 5 (Milaire, 1991).

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Figure 5. Phases d’intégration de la protection

La lutte chimique peut être différenciée en une lutte chimique dite « aveugle » et une lutte chimique dite « conseillée ». Alors que la première correspond à une « utilisation sans discrimination des pesticides les plus efficaces d’après un schéma fixe, préétabli », la seconde renvoie à une « utilisation réfléchie de pesticides » établie en lien avec des services d’avertissement (Ferron, 1999). La lutte chimique « aveugle » s’inscrit dans des pratiques préétablies en fonction d’un calendrier de traitement prédéfini. Dans le cadre de la lutte chimique « conseillée », l’utilisation des pesticides répond à un calendrier moins figé. Pour autant, le déclenchement des traitements ne dépend pas de seuils de tolérance.

La différence entre lutte chimique et lutte raisonnée, encore appelée lutte dirigée, repose sur la définition de ce seuil de tolérance et le « rejet du calendrier de traitements préétablis » (Milaire, 1991). Dans le cadre de la lutte raisonnée, l’élément déclencheur des traitements est non plus le calendrier mais le dépassement du seuil. Par ailleurs, les produits utilisés sont davantage pensés en fonction de leur répercussion écologique. Entrent ainsi en compte tout à la fois la notion de surveillance des populations, leur évolution et l’impact environnemental des produits utilisés dans les traitements. La lutte raisonnée est définie, en

1973, par l’Organisation Internationale de Lutte Biologique (OILB) comme suit : « phase d’approche de la lutte intégrée consistant en un aménagement progressif de la lutte chimique grâce à l’utilisation des seuils de tolérance économique et à l’emploi raisonné de produits spécifiques ou peu polyvalents ».

Le passage de la lutte raisonnée à la lutte intégrée repose sur la prise en compte d’autres moyens de lutte que la seule lutte chimique. Se combinent alors :

° la lutte biologique, à travers notamment l’utilisation des insectes, ° les moyens biotechniques, avec l’introduction des phéromones,

° les moyens agrotechniques, avec la mise en œuvre de pédiluves pour limiter les contaminations liées aux chaussures ou encore le respect des rotations.

L’élément clef de passage est alors la volonté de limiter l’utilisation de la lutte chimique. Dans le cadre de la lutte raisonnée comme dans le cadre de la lutte intégrée, l’exploitant tient un rôle incontournable dans la mesure où il doit s’approprier les procédés de surveillance. Il doit par ailleurs être épaulé par un conseiller technique afin d’identifier les produits les plus adéquats à mobiliser en fonction du risque observé sur la parcelle. La principale différence tient au fait que dans le cadre de la lutte intégrée, tous les moyens doivent être envisagés avant que ne soient traitées les parcelles. La combinaison des moyens biologiques, biotechniques et agrotechniques sont au cœur de la lutte intégrée. La lutte intégrée est définie par la Directive 91/414/CEE comme suit : « l’application rationnelle d’une combinaison de mesures biologiques, biotechnologiques, chimiques, physiques, culturales et intéressant la sélection des végétaux dans laquelle l’emploi des produits phytopharmaceutiques est limité au strict nécessaire pour maintenir la présence des organismes nuisibles en dessous du seuil à partir duquel apparaissent des dommages ou une perte économiquement inacceptables ».

La protection intégrée, encore appelée Integrated Pest Management (IPM), est une amélioration des pratiques mises en œuvre dans le cadre de la lutte intégrée. La prévention apparaît en effet incontournable pour une meilleure gestion de la qualité sanitaire des produits. Les variétés considérées comme résistantes sont privilégiées et des mesures phytotechniques sont mises en œuvre. Il s’agit notamment du travail de labour ou encore du désherbage. La philosophie de cette protection peut être résumée comme suit : « avant l’implantation et pendant toute la durée de la culture, (tout) doit être imaginé et conçu pour mettre la plante en condition de résister aux agressions parasitaires » (Gendrier, SD , p. 2). L’OILB la définit en 1973 de la façon suivante : « système de lutte contre les organismes nuisibles qui utilise un ensemble de méthodes satisfaisant les exigences à la fois économiques, écologiques et toxicologiques, en réservant la priorité à la mise en œuvre délibérée des éléments naturels de limitation et en respectant les seuils de tolérance ».

La production agricole intégrée souligne la « prise de conscience d’un épuisement prévisible des ressources » et le besoin de « protéger la diversité biologique » (Ferron, 1999). L’introduction de techniques de production raisonnée et l’optimisation du rapport qualité/quantité différencient la protection intégrée de la production agricole intégrée. Plus

précisément, l’objectif de ce système est de mettre à disposition des consommateurs des produits qui répondent à des critères qualitatifs. La fertilité des sols est également au cœur des préoccupations en raisonnant notamment l’utilisation des produits phytosanitaires. Enfin, apparaissent les notions de maintien du tissu social et d’un revenu pour les exploitants (Gendrier). L’OILB définit la production intégrée, en 1993, comme suit : « système agricole de production d’aliments et des autres produits de haute qualité qui utilise des ressources et des mécanismes de régulation naturels pour remplacer des apports dommageables à l‘environnement et qui assure à long terme une agriculture viable ».

La gestion de la qualité sanitaire correspond ainsi à la mise en œuvre de pratiques qui prennent en compte les dommages de la lutte chimique sur la santé humaine et sur l’environnement. Dans la mesure où toutes les pratiques ne répondent pas à un cahier des charges officiel, elles peuvent être définies en fonction de leur utilisation. La Figure 6 schématise leur articulation.

Figure 6. Catégorisation des pratiques IPM

Source : représentation personnelle

- Définition de seuils - Echantillonnage - Piégeage - Pédiluve - Nettoyage des équipements - Lutte mécanique - Lutte biologique - Lutte chimique - Connaissance des ravageurs - Connaissance de leurs ennemis naturels 1. Connaissance 2. Prévention 3. Surveillance 4. Intervention

Ainsi catégorisées, il apparaît davantage évident de s’approprier les pratiques IPM plutôt que de les lister. En effet, dans la mesure où il n’existe aucune liste exhaustive de ces pratiques, puisqu'elles sont conditionnées par la production mise en œuvre ou encore la localisation géographique, il semble difficile de toutes les identifier. Certaines sont répertoriées ci-après pour rendre compte de leur diversité mais elles ne sauraient constituer une liste exhaustive des pratiques.

Les pratiques liées à la connaissance des ravageurs et des maladies renvoient à des méthodes culturales. Le choix d’utiliser des variétés résistantes est une des pratiques définies dans ce cadre. Il en est de même pour l’adaptation de la date de plantation en fonction des ravageurs. Les pratiques relatives à la prévention sont soulignées comme étant des « méthodes indirectes » (Labrie et Voynaud, 2013). En font partie l’installation de pédiluves ou encore le nettoyage des équipements.

Les pratiques définies dans le cadre de la surveillance correspondent à une activité d’observation. La prise d’échantillons sur les pièges posés est un des exemples qui éclairent cette notion de surveillance. C’est sur cette base que seront déclenchées, ou pas, les actions à mener pour lutter contre les ravageurs.

Enfin, les pratiques d’intervention relèvent quant à elles d’une « combinaison de méthodes » (Labrie et Voynaud, 2013). L’utilisation de phéromones, le désherbage ou le fait d’enlever des plants contaminés sont autant de pratiques dites d’intervention.

Il est à noter que les pratiques identifiées dans le cadre de cette section ne sont pas nécessairement indépendantes. Un exploitant peut décider de combiner différentes pratiques en fonction de ses préoccupations. La gestion de la qualité sanitaire peut être définie en termes dichotomiques : adopter une bonne gestion versus ne pas l’adopter. Or, cette dichotomie est difficile à mettre objectivement en œuvre. « La variété des pratiques IPM renforce la difficulté de différencier les exploitants en termes ‘d’adoptant’ ou de ‘non adoptant’. La diversité des exploitations se traduit par le fait qu’aucune mesure unique de l’adoption ne peut révéler d’information sur la mesure de cette adoption »39 (McDonald et Glynn, 1994, p. 222).

Le changement de pratiques est un processus séquentiel (Rogers, 1962 ; Warner, 1974 ; Vandeman et al., 1994). La représentation qu’un exploitant se fait d’une nouvelle pratique ou technologie conditionne son choix de l'adopter. Plus précisément, le processus d’adoption est « le processus mental individuel depuis la découverte de l’innovation jusqu’à son adoption finale »40 (Rogers, 1962, p. 17). Avant toute modification de pratique, l’exploitant doit s’approprier les enjeux de sa mise en œuvre et les mettre en perspective avec ses contraintes, notamment techniques et financières.

39 « The number of areas included within the IPM framework reinforce the difficulty of characterizing growers

as either « have adopted » or « have not adopted ». There is such variability from one farm to another that no single adoption measure will provide information about the extent of true adoption »

Il n’existe pas, à notre connaissance, de définition standardisée de la gestion de la qualité sanitaire. Pour cette raison, cette recherche de définition fait précisément l’objet de la présente réflexion. Nous tentons dès lors de résumer dans ce cadre une caractérisation qui nous semble prendre en compte au mieux les différents aspects auxquels elle se rapporte :

La gestion de la qualité sanitaire vient en réponse aux inquiétudes et exigences croissantes des consommateurs en termes de qualité sanitaire des produits consommés.

Elle fait par ailleurs écho à une prise de conscience de l’importance de la dimension environnementale dans le processus de production.

La gestion de la qualité sanitaire du produit correspond donc à la mise en œuvre de pratiques visant à garantir la qualité sanitaire des produits.

Dans le cadre d’une production végétale, elle vise à réduire l’utilisation des produits

2. Quantifier l’utilisation des produits phytosanitaires : Réflexions théorique et