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TYPOLOGIES D ’ INSTRUMENTS POLITIQUES À UNE PROPOSITION DE TYPOLOGIE

E LÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES

Dresser – mais surtout utiliser – une typologie d’instruments politiques peut se révéler être d’une grande utilité pour comprendre et analyser les politiques publiques (de protection de l’environnement), et notamment dans la perspective d’en expliquer leur choix.

Selon Kaufmann-Hayoz et al. (2001), leur utilisation s’avère importante pour trois raisons principales. Premièrement, un grand nombre de typologies possèdent des capacités intégratrice et généralisatrice non négligeables qui permettent d’élaborer un travail de synthèse (d’études de cas hétérogènes ou de différentes perspectives analytiques par exemple) et de formuler des conclusions générales. Deuxièmement, l’utilisation de typologies basées sur des théories disciplinaires et spécifiques permet de générer puis de tester des hypothèses.

Enfin, une typologie permet également de développer un langage commun qui facilite la communication entre chercheurs.

En ce sens, l’élaboration de typologies apporte à l’analyse instrumentale des politiques publiques une valeur heuristique – « c’est-à-dire en quoi il nous aide à découvrir et à comprendre » (Quivy et Campenhoudt, 2006, p. 126) – non négligeable comme le notent Van Nispen et Ringling (1998) : « However, that is not to say that it is useless : it may have a heuristic value in the analysis as the design of a policy » (p. 207).

Ainsi, Howlett (1991) fait remarquer que l’étape de l’élaboration d’une classification est primordiale dans la perspective d’analyser, de comprendre et d’expliquer le choix des instruments au sein du processus décisionnel. Ainsi, pour bon nombre d’auteurs (voir par exemple Linder et Peters (1989, 1990a), Ingram et Schneider (1990b) et Elmore (1987), tous cités par Varone (1998)) la conception d’une typologie d’instrument doit pouvoir fournir « le point de départ pour l’élaboration d’une théorie du design des politiques » (Varone, 1998, p.26). D’ailleurs, comme le soulignent également De Bruijm et Hufen (1998), c’est dans cette perspective que l’établissement des typologies a souvent été vue comme une contribution nécessaire, contribution qui a d’ailleurs suscité beaucoup d’intérêt comme en atteste les nombreuses typologies existantes.

Par ailleurs, pour des auteurs tels que Lascoumes et Le Galès (2004), les typologies semblent également nécessaires pour analyser, au-delà des raisons du choix des instruments, leurs effets162 ainsi que la transformation de l’action étatique163.

Selon Salamon et Lund (Salamon, 1989, Salamon et Lund, 1989) l’analyse instrumentale des politiques publiques (tools approach) ne peut donc se faire sans prendre comme point de départ une classification des instruments qui puisse notamment mette en exergue certaines dimensions des instruments (pivotal dimension) à même de servir à les comparer et les contraster. Cette approche implique selon eux trois types de travaux :

162 Même si, pour nous le choix des instruments semble découler de leurs effets (attendus et/ou réalisés), et inversement.

163 Dans la mesure où les instruments sont de très bon révélateurs et d’efficaces traceurs de changement et de transformation de l’Etat.

1. des travaux descriptifs aidant à définir et ainsi à clarifier la notion même d’instrument et à identifier les instruments utilisés en décrivant leur mode opératoire ;

2. des travaux de nature analytique pour identifier les dimensions majeures permettant de classer et comparer les instruments, identifier la nature des impacts des instruments et spécifier leurs caractéristiques ;

3. des travaux prescriptifs afin de proposer quels instruments sont (les plus) appropriés pour résoudre des problèmes particuliers et les améliorations pour les rendre plus efficaces.

Ainsi, la question des « types » d’instruments semble revêtir une importance certaine dans la perspective d’établir une théorie de l’action publique (policy disign) et de définir les variables explicatives de leur choix. Par ailleurs, elle est également importante dans l’optique d’établir des études comparatives et intégratrices, permettant par exemple de souligner l’existence

« d’approches nationales »164 et/ou l’évolution instrumentale au sein d’une politique publique165.

Toutefois, comme nous allons pouvoir le constater par la suite, il ne suffit pas pour nous de construire une typologie d’instruments – et c’est déjà une difficulté en soi – pour pouvoir analyser les politiques publiques, encore faut-il pouvoir l’appliquer à bon escient.

Or nous avons déjà entrevu toutes les difficultés que pouvait soulever la tentation de définir la notion d’instruments politiques, notamment compte tenu de sa nature « multiple », ainsi que la grande diversité des typologies proposées par la littérature spécialisée, chacune issue de contextes théoriques plus ou moins proches… ou très différents. Cette complexité va donc immanquablement rejaillir sur les questions d’ordre méthodologique – inhérentes à la conception et à l’utilisation des typologies – qui ne sont somme toute que rarement abordées en profondeur par les chercheurs (ou du moins de manière que très « parcellaire ») et sans une réelle réflexion systématique et aboutie.

Ces questions d’ordre méthodologique sont ainsi le plus souvent reléguées en arrière plan, les typologies d’instruments semblant, par exemple, ne représenter qu’une importance toute relative par rapport à l’objet étudié (notamment les variables explicatives du choix des instruments166) ou, à l’inverse, constituer une fin en soi.

Mais n’oublions jamais qu’une typologie se doit de rester un outil d’analyse (un moyen de compréhension) et non un objectif ultime se suffisant à lui-même. Ainsi, en accord avec la réflexion menée par Varone (1998), nous pensons également qu’une typologie est un élément essentiel qui se doit nécessairement d’être valorisé dans le cadre théorique de l’analyse des politiques publiques. Nous verrons ainsi par la suite ce que cela implique, tant sur le plan de leur conception que de leur utilisation.

164 Par exemple étude comparative des (types d’) instruments utilisés dans différents Etats dans le cadre d’une politique donnée.

165 Par exemple étude de l’évolution des (types d’) instruments utilisés au sein d’une politique publique donnée, dans un Etat donné.

166 Sabatier (2000) note ainsi que lorsque les instruments sont pris en compte dans la réflexion sur les politiques publiques, c’est souvent de manière marginale par rapport aux autres variables telles que les institutions.

Aussi, dans la perspective de mener une analyse instrumentale des politiques publiques via l’élaboration d’une typologie d’instruments politiques, nous pensons que les deux dimensions que sont ses modalités de conception et d’utilisation se doivent de reposer sur une base méthodologique solide, cohérente et systématique. Or, il nous a semblé qu’une telle attente, légitime de la part du scientifique, ne peut être remplie en l’état actuel de l’avancement de la recherche dans le domaine, et cela même si certains auteurs ont (entra)perçu ce « déficit méthodologique » et ont tenté d’identifier certaines questions et lacunes méthodologiques auxquelles les typologies étaient confrontées. Nous en soulignerons d’ailleurs les plus importantes après avoir identifié quelques méthodes « générales » de conception (et, beaucoup moins, d’application) des typologies telles qu’elles ont été « regroupées » au sein de la littérature spécialisée.

Dans cette partie consacrée à la méthodologie des typologies d’instruments politiques, il n’est ainsi pas question d’établir une étude systématique des différents « problèmes [gaps] » (De Bruijm et Hufen, 1998, p.27) auxquels sont confrontées chacune des typologies que nous avons traitées dans la première partie de notre recherche. Nous avons en effet choisi de traiter la question des lacunes de manière générale dans la mesure où c’est la manière qui nous est apparue la plus efficace pour traiter de ces questions d’ordre méthodologique sans tomber dans une analyse systématique qui n’aurait en aucune manière été productive, tant la systématicité est difficile (voire impossible) à établir dans ce champ d’investigation, compte tenu de sa grande complexité, et tant ces questions d’ordre méthodologique ne sont qu’implicitement abordées.

Pour les mêmes raisons, il ne sera pas non plus ici question d’identifier de manière systématique pour chacune des typologies que nous avons étudiées quelles méthodes de conception (et d’utilisation lorsqu’elles sont appliquées) ont été pratiquées. Nous préférons ainsi rester également à un niveau plus général qui s’avère plus pertinent dans la perspective qui est la nôtre : proposer une autre voie méthodologique et non une correction des voies tracées.

Ainsi, nous tâcherons dans cette partie d’éclairer les questions méthodologiques inhérentes aux typologies des instruments politiques sous différentes thématiques « globales », tout en se référant, par moment et quand nous l’avons jugé pertinent, à des exemples plus spécifiques.

Nous nous occuperons donc des aspects méthodologiques liés, d’une part, à la conception et, d’autre part, à l’application des typologies d’instruments politiques à l’analyse instrumentale des politiques publiques, non sans souligner les lacunes méthodologiques et conceptuelles de ces champs d’investigation.

Nous poursuivons ainsi un double « objectif méthodologique » qui s’articule comme suit :

• identifier les bases méthodologiques actuelles de la conception et de l’utilisation des typologies d’instruments politiques, ainsi que les lacunes auxquelles elles sont confrontées et pointer des pistes de réflexion pouvant permettre de dépasser ces lacunes (chapitres 5, 6 et 7) ;

• et, donnant suite à nos réflexions conceptuelles, théoriques et méthodologiques sur les typologies d’instruments des politiques publiques, proposer une nouvelle approche instrumentale des politiques publiques de l’environnement fondée sur l’adaptation de la méthode compréhensive wébérienne des idéauxtypes à notre champs

d’investigation ; ce deuxième objectif revêt sous sa forme finale l’habit d’une

typologie idéaltypique des instruments politiques de protection de l’environnement et du climat (chapitres 8 et 9) ;

C’est ainsi sur la base de notre cheminement dans les méandres conceptuels, théoriques et méthodologiques des typologies d’instruments des politiques publiques que nous proposerons, dans le cadre de cette deuxième partie de notre recherche, une solution (globale) permettant de dépasser les difficultés relevées afin de développer une (nouvelle) perspective de recherche (une « nouvelle voie méthodologique ») dans le domaine de l’analyse instrumentale des politiques publiques (de protection de l’environnement), notamment dans une perspective inter/transdisciplinaire, systémique et globale… de développement durable.

Comme nous le verrons par la suite, nous pensons que cela implique notamment, d’une part, que concevoir une typologie d’instruments politiques, puis l’utiliser/l’appliquer, sont deux modalités qui, si elles se doivent d’être dissociées l’une de l’autre, ne serait-ce que sur le plan de la démarche scientifique – il est nécessaire de concevoir une typologie avant de l’utiliser – ne peuvent être pensées l’une sans l’autre sur le plan de la réflexion méthodologique. D’autre part cette approche implique également selon nous de permettre aux typologies d’instruments de gérer la complexité instrumentale qu’elles se veulent pouvoir appréhender et mesurer.

Ainsi, de manière générale, les typologies reflètent des tentatives (ou une tentation) de faire rentrer la réalité (les instruments) dans des catégories. Cela implique notamment des biais théoriques et méthodologiques dûs à la complexité même de la réalité sociale167. Notons également à ce stade que dans littérature qui traite des typologies d’instruments, soit comme point central de l’analyse, soit de manière marginale, nous pouvons trouver « de tout » : les typologies peuvent être cohérentes comme comporter des incohérences flagrantes (critère de cohérence interne), elles peuvent être bien argumentées, comme sembler relever d’une

« génération spontanée », elles peuvent être bien structurées comme déstructurées, elles peuvent être construites avec des références à la littérature sur le sujet ou sans la moindre source.

Chapitre 5 Des « méthodes » de conception et d’utilisation des

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