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l’autre improvisateur : le pianiste romantique

I. 2.1.2- Jelly Roll Morton

Né à la Nouvelle Orléans en 1885 et mort à Los Angeles en 1941, Jelly Roll Morton est l’inventeur autoproclamé du jazz et, de ce fait, il est également un personnage très contesté. Voici ce qu’écrit à ce propos le musicologue Alan Lomax dans l’ouvrage qu’il a consacré à Jelly Roll Morton : « Les faits justifient jusqu’à un certain point les prétentions de Morton. Il n’a pas inventé le jazz ni “composé” le

Tiger rag, mais il a été le premier véritable compositeur de jazz, non seulement un

créateur original, compétent et prolifique, mais encore un organisateur agressif qui avait l’art de faire sa propre publicité9. » Ce même livre ne laisse aucun doute sur la place occupée par Morton dans l’histoire du jazz. Ainsi Lomax cite Sigmond Spaeth10, pour qui dans son Histoire de la Musique Populaire en Amérique, Morton fut sans conteste le meilleur musicien complet de la période classique du jazz, sa

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LOMAX (Alan), traduit par Henri Parisot, Mister Jelly Roll, édition française, Flammarion, 1964, p. 298.

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carrière n’ayant atteint son apogée qu’après 1925 ; quant à Hugues Panassié11, il écrit dans Jazz Informations : « Jelly Roll est l’une des grandes figures du jazz… un compositeur de premier ordre… en dehors de Duke Ellington, je ne connais personne qui ait écrit autant de jolies mélodies… il est le père du piano de jazz. » Rudi Blesh12 affirme que dans le domaine du jazz, Morton a porté à sa perfection le style d’une époque et frayé la voie aux musiciens futurs. Pour lui, sans aucun doute, c’est le plus grand créateur de l’histoire du jazz.

Jelly Roll Morton peut être considéré comme le premier véritable soliste improvisateur de l’histoire du jazz. En effet, il joue du piano en solo et cela lui permet de se dissocier du modèle d’improvisation collective qui caractérise le jazz de la Nouvelle Orléans, même si ce modèle d’improvisation collective est celui qui est pratiqué par la formation dont il est à la fois le chef, le compositeur et l’arrangeur dans les années vingt. Il est certain qu’au sein d’un orchestre, avoir une trop forte personnalité, une détermination plus affirmée, un esprit de recherche plus poussé pouvait provoquer un certain désordre. En effet, si un seul musicien parvenait à capter l’attention de l’auditeur, l’improvisation collective n’avait plus lieu d’être. On peut toujours regretter la disparition de l’idéal collectif : mais elle était inévitable et conforme à l’esprit et à la nature hautement individuels de ce mode d’expression musical appelé jazz.

Morton est un acteur principal de l’histoire du jazz dans le sens où il va transformer le ragtime, racine de tradition écrite du jazz imprégnée d’éléments européens, en une musique qui va se libérer de la partition. Il suffit d’écouter un des premiers disques de ragtime pour entendre la différence très nette entre le style jazz de Jelly Roll et le ragtime plus rigide, plus conservateur. Même au niveau d’écoute le plus superficiel, il est clair que Morton s’est éloigné du jeu raide de tendance « classique » à la main droite et de type marche à la main gauche – l’illustration de cette différence nous est offerte par Morton lui-même dans ses deux versions enregistrées de Mapple Leaf Rag de Joplin, la première en pur style ragtime, la deuxième selon les règles de création jazz (enregistrements de la LIBRARY OF

CONGRESS)13. Même James P. Johnson, qui est incontestablement l’un des pianistes de ragtime les plus modernes, s’en tient toujours au tempo original bien carré en 2/4,

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Critique et producteur de jazz, français, né en 1912 et mort en 1974.

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Critique de jazz américain, né en 1899 et mort en 1985.

13

Jelly Roll Morton: THE COMPLETE LIBRARY OF CONGRESS RECORDINGS (en) : Coffret de 8

disques reprenant la quasi-totalité des enregistrements de 1938, accompagnés d'un livret de 80 pages. Nous n’avons pas pu avoir accès à ce coffret, extrêmement difficile à trouver, mais nous y faisons continuellement référence dans cette thèse, les exemples donnés plus loin sont disponibles sur internet.

carcan rythmique que Morton assouplit et élargit dès le début de sa carrière. Morton parvient à innover en s’adonnant à l’improvisation, surtout à la main droite, véritable clef de voûte de son jeu, et se retrouve donc en opposition directe avec le ragtime, musique fondamentalement écrite. Avec ses méthodes d’improvisation, Morton est en mesure, en quelque sorte, d’horizontaliser la musique et d’éliminer l’aspect harmonique vertical prédominant dans le ragtime et les autres formes de musique de l’époque. Cette horizontalisation est un apport capital ; sans elle, et malgré Morton ou les musiciens qui lui succèdent, il n’y a pas de jazz. Elle donne à la musique un nouvel élan rythmique, condition sine qua non du swing, comme le prouvent encore les nombreux quadrilles, tangos, marches et extraits d’opéra joués en jazz ou en ragtime par Morton qui figurent sur les enregistrements de la LIBRARY OF

CONGRESS. Cette place fondamentale occupée dans le jazz par Morton est désormais reconnue, certes davantage dans son pays d’origine qu’en Europe, comme le souligne James Lincoln Collier : « À l’inverse des Américains, ils [les européens] s’intéressaient moins à Jelly Roll Morton. »14 Pourtant, Morton s’enorgueillissait de ses racines françaises.

I.2.1.2.1- Le contexte

D’origines créole et française, Ferdinand Joseph Lamothe prend le nom de son beau-père, Mouton, transformé ensuite en Morton ; le Jelly Roll (« gâteau roulé » surnom probablement à caractère sexuel) vient ensuite compléter le nom de scène de l’artiste. Après la guerre de sécession, les Créoles ont perdu le statut qui leur a assuré une certaine supériorité par rapport aux Noirs et la musique est l’un des aspects de leur culture auquel ils sont extrêmement attachés. Être capable de chanter, de jouer du piano ou d’un autre instrument, est l’un des meilleurs témoignages de culture et les jeunes Créoles sont fortement encouragés à étudier la musique. Comme toujours, pour les parents de « race blanche », il n’est pas question que leurs enfants (Créoles) deviennent des musiciens professionnels. Dans l’Amérique du XIXe

siècle, le musicien professionnel occupe le même rang social que les acteurs, juste au-dessus des prostituées. Le « Créole de couleur » veut que ses enfants soient des musiciens accomplis mais qu’ils demeurent des musiciens amateurs. Cela signifie qu’ils doivent fréquenter l’Opéra, qu’ils doivent se mettre au piano pour divertir leurs amis réunis au salon ou pour jouer, en amateur, dans un ensemble de caractère symphonique. Ce choix rendait inévitable que les « Créoles de couleur » refusent tout rapport avec la musique populaire des Noirs. Les Créoles sont surtout, pas

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COLLIER (James Lincoln), L’aventure du jazz, Du swing à nos jours, traduit de l’américain par Yvonne et Maurice Cullaz, Albin Michel, 1981, p. 85.

uniquement cependant, des gens de la ville. Ils ignorent la tradition des chants de travail ou des field hollers15. Par ailleurs, ils sont catholiques et ne fréquentent pas l’Église baptiste ou la Sanctified Church avec ses spirituals et sa gospel music fortement teintés de musiques africaines et avec ses ring shouts – danses à caractère religieux, mêlées de chants, que pratiquent les esclaves. Le « Créole de couleur » est ce que l’on appelle alors un « vrai » musicien : il sait lire la musique, il méprise l’art de l’improvisation, il connaît bien le répertoire classique des arias, des chansons à la mode et des marches, c'est-à-dire tout ce qu’est censé connaître un musicien blanc. Cela est d’une importance capitale : le musicien créole appartient exclusivement à la tradition classique européenne. Il méprise généralement les Noirs qui habitent au-delà de la ligne de chemin de fer, qui ne savent pas lire la musique et qui jouent ces

low down – courts fragments mélodiques, sortes de ritournelles criées par un esclave

travailleur des champs pour se faire reconnaître, en guise de proclamation d’identité. Presque tous les vétérans créoles se rappellent l’instruction musicale de leur enfance, fondée sur les règles les plus strictes de l’Académie de France : « J’ai étudié la musique pendant deux ans, puis j’ai choisi mon instrument16 » disaient-ils avec orgueil.

I.2.1.2.2- L’apprentissage musical et pianistique

Cette partie de la vie de Morton relève du flou le plus complet et les sources sont même parfois contradictoires. Il semble que Morton ait pris des cours de guitare dès son plus jeune âge, alors que sa famille l’emmenait régulièrement à l’opéra ou au concert où il découvre le piano : « De fait, à moi-même, le désir de jouer du piano me vint en allant à un récital de l’Opéra français. Un pianiste joua plusieurs morceaux merveilleux avec une perfection qui me donna une folle envie de l’imiter. L’ennui, c’était que le virtuose avait de longs cheveux embroussaillés ; de plus, dans notre milieu, on considérait le piano comme un instrument pour dames, si bien que je m’étais imaginé que si je jouais du piano, on me prendrait pour ce que je n’étais pas17. » Pour Howard Reich et William Gaines, il est certain que Morton a bénéficié de l’éducation standard des jeunes Créoles de la Nouvelle Orléans. Les Créoles comme Morton jouissaient des privilèges d’une vie bourgeoise, ils apprenaient la musique et savaient souvent la déchiffrer à vue. Ils appartenaient à une communauté qui avait prospéré en ville, en dessous de Canal Street, dans un quartier où

15

Chants de travail improvisés par les esclaves noirs afro-américains. .

16

LOMAX (Alan), Mister Jelly Roll, traduit par Henri Parisot, Édition française, Flammarion, 1964, p. 96.

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retentissait la musique des établissements où l’on dansait comme Economy Hall ou

Independence Hall. Pour Reich et Gaines : « Même en de tels endroits aux mœurs

débridées on pouvait comprendre, en entendant ces artistes créoles, qu’ils avaient embrassé les valeurs musicales européennes de l’opéra et de la symphonie, et leurs concepts de précision, d’exactitude, d’équilibre et de raffinement18. »

Selon certains, il a travaillé avec un professeur resté anonyme, selon d’autres, il a bénéficié de l’enseignement successif de plusieurs professeurs de piano. Quoi qu’il en soit, l’enseignement qu’il reçoit porte ses fruits car, si l’on en croit William Russell, le plus érudit des critiques de jazz en 1944 : « Jelly Roll a reçu une éducation musicale plus complète que la plupart des musiciens de la Nouvelle-Orléans, et il appartenait à un milieu musical. La construction classique de ses compositions témoigne de ces deux particularités19. »

Dès son adolescence, il prend l’habitude de jouer dans les tripots de la ville, en cachette de sa famille. Cela ne l’empêche pas de prendre son travail très au sérieux : « On s’en souvient à la Nouvelle-Orléans, Jelly Roll jouait du piano toute la nuit et il s’exerçait toute la journée. Nous lui demandions à quel moment il dormait ? Il tapait sur le piano tout le temps20. »

Mais très vite il entre en concurrence avec les pianistes de la place. Ceux-ci forcent son admiration mais le contraignent également à élever son niveau de jeu. Ces pianistes viennent de toutes les parties du pays parce qu’ils trouvent là plus de travail que nulle part ailleurs. Ils ont pour nom, Sammy Davis, Alfred Wilson, Albert Cahill, mais le plus impressionnant de tous est Tony Jackson. Voici ce que Morton dit à son propos : « Il a toujours été la grande vedette de la Nouvelle-Orléans, et, à ma connaissance, aucun pianiste venu d’une quelconque partie du monde n’a jamais quitté la Nouvelle-Orléans victorieux. Tous ceux qui le connaissaient, considéraient Tony comme le plus grand soliste de l’univers. Jamais personne, dans le monde de la musique, n’eut une mémoire comparable à la sienne. On l’appelait l’homme aux mille chansons. Il était capable de jouer n’importe quel air de n’importe quel opéra, de n’importe quel spectacle ou de n’importe quelle composition écrite sur le papier21. » Si l’on extrait les commentaires musicaux de

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[Traduction] Even in such freewheeling places, it was clear to hear that these Creoles artists had embraced the musical values of the European opera and symphony, with their emphasis on precision, accuracy, balance, and refinement. REICH (Howard) & GAINES (William), Jelly’s Blues,

The life, music, and redemption of Jelly Roll Morton, Da Capo Press USA, 2003, p. 22.

19

LOMAX (Alan), Mister Jelly Roll, traduit par Henri Parisot, Édition française, Flammarion, 1964, p. 322.

20

Ibid., p. 84.

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Jelly Roll Morton de leur contexte, l’image du musicien qu’il est, apparaît avec une extraordinaire clarté. Son maître et tout premier ami est Tony Jackson, pianiste légendaire qui, d’après Morton lui-même, est « le plus grand homme de spectacle autodidacte du monde », ce que confirment tous les autres musiciens de l’époque. Sans doute Morton admire-t-il en Jackson « l’homme aux mille chansons » : il n’existe pas de musique, d’opéra, de spectacle musical, ou simplement de notes

écrites sur du papier que Tony Jackson ne puisse jouer. Autrement dit, Jackson est

capable de tout chanter, du bel canto au blues, ce qui n’est peut-être pas si rare dans le contexte musical polyglotte de La Nouvelle-Orléans de l’époque. Pour toutes ces raisons, Tony Jackson est l’idole de Morton, et l’insistance de ce dernier à transcrire sa musique sur le papier, le fait de programmer à l’avance ses séances d’enregistrement ou de publier ses orchestrations, son amour pour l’opéra et le ragtime lui viennent, entre autres, sans nul doute de Tony Jackson. Significativement Jackson est pour ainsi dire le seul musicien « vraiment foncé » que Morton admirait. Ses préjugés raciaux sont flagrants et influencent indéniablement les jugements qu’il porte sur les autres. Les préjugés de Morton datent de son plus jeune âge et perdurent tout au long de sa vie. Comme l’explique Lomax, il faut dire en toute honnêteté qu’il ne s’agit pas tant dans son cas d’un préjugé d’ordre individuel que d’un préjugé de classe entretenu de part et d’autre par les Créoles de Downtown et par les « Nègres » d’Uptown. Les entretiens réalisés dans les années quarante par Alan Lomax avec des musiciens néo-orléanais de l’époque, rapportés et commentés dans Mister Jelly Roll, sont clairs et sans équivoque sur ce point. Au sujet de cette partie de son apprentissage, l’influence de Jackson sur Morton paraît confirmée par Howard Reich et William Gaines : « Celui-ci considérait Jackson comme le plus grand artiste que la Nouvelle Orléans n’ait jamais produit, un homme qui “pouvait tout jouer et chanter, de l’opéra au blues, en en respectant le style et connaissait toute la musique qui avait été imprimée22”. »

Morton explique qu’il a écouté Tony Jackson, Alfred Wilson, Albert Caroll et des douzaines d’autres pianistes d’une boîte appelée le Français, et a étudié leurs « trucs » (voir passage23 intégral en annexe) afin de se les approprier : c’est là qu’il a bâti sa virtuosité et construit le cœur de son répertoire (donc ce qu’il nomme « classique »). Ces « trucs » consistent, d’après ses propres termes, en trémolos en octave, effets de mains alternées, arpèges miroitants, autant de techniques proches

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[Traduction] Ferd considered Jackson the greatest entertainer that New Orleans ever produced, a man who “could play and sing from opera to blues in its correct formation [and] knew everything that probably was ever printed.” REICH (Howard) & GAINES (William), Jelly’s Blues, The life,

music, and redemption of Jelly Roll Morton, Da Capo Press, USA, 2003, p. 23.

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de la virtuosité romantique. À la longue, il en apprend suffisamment pour s’instituer lui-même jeune « professeur24 » et voici ce qu’il affirme jouer : « Je jouais du classique, du ragtime et des airs espagnols dans ces boîtes [comme le Frenchman’s] aussi bien que tout ce qui sortait de nouveau à cette époque là25. »

Ce que l’on peut retenir en définitive de l’apprentissage pianistique de Morton est qu’il a été pour le moins éclectique. Il s’est nourri non seulement des musiques européennes savantes ou légères, vocales et instrumentales, française, italienne, allemande ou espagnole mais aussi de la musique populaire noire que l’on pouvait entendre dans les rues et dans les tripots. Puis Morton décide d’aller tester ses talents de pianiste et ce que définissent Howard Reich et William Gaines comme son charme romantique hors de la Nouvelle Orléans : « Son apprentissage brusquement terminé, Ferd prit la route, fort de ses dons musicaux et de son charme romantique singulier dont il devait modeler la création la plus complexe et la plus mystérieuse : Jelly Roll Morton26. »

I.2.1.2.3- Compétitions et armes du virtuose

Quelle image Jelly Roll Morton offre-t-il à son public au temps de sa splendeur ? Ilse vante d’avoir toujours sur lui deux colts 45 pour se protéger de tous les dangers. C’est exactement la description qu’en font les Melrose – ses futurs éditeurs – lors de leur première rencontre… Dans les faits, à l’apogée de sa carrière, Morton a une apparence proche de celle d’un grand concertiste, avec smoking et nœud papillon. Des photos existent et l’on peut les consulter dans le livre de Reich et Gaines.

En revanche, nous n’avons aucun document sonore témoignant du jeu de Jelly Roll Morton au début du XXe siècle. Seuls les récits de Morton lui-même et quelques témoignages subsistent de cette époque. Inconsciemment sans doute, lui-même et les pianistes de la Nouvelle Orléans perpétuent une tradition que les pianistes virtuoses romantiques avaient honorée en leur temps : le duel. Ainsi à Paris, le 31 mars 1837, un « duel pianistique » oppose Franz Liszt à Sigismund Thalberg dans les salons de la princesse Belgiojoso, une amie de Liszt, à l’occasion d’un concert de charité. La rencontre est qualifiée de « duel », mais pour le public et

24

Terme employé à la Nouvelle Orléans pour désigner les pianistes jouant dans les maisons closes.

25

[Traduction] “I was playing classics, ragtime and Spanish tunes at these jobs [the Frenchman’s], as well as everything new that was coming out at that time.” Ibid., p. 24.

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[Traduction] His apprenticeship abruptly concluded, Ferd took to the road, bearing the unique musical gifts and singular romantic charms from which he was to fashion his most complex and mysterious creation: Jelly Roll Morton. Ibid., p. 25

la critique, il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Alors pour trancher l’affaire, on recourt à un mot d’esprit : « Thalberg est le premier des pianistes ; Liszt est le seul. »

Quant à Morton, il semble qu’il a dû faire face à de solides adversaires afin de s’affirmer comme un virtuose incontesté. Les duels pianistiques sont nombreux dans ces années où la concurrence fait rage quand on veut conserver sa place derrière le clavier. Morton rapporte qu’au début des années 1900, ont lieu d’importants « concours » de piano, notamment un à la foire mondiale de Saint- Louis. Naturellement Morton retrouve Tony Jackson sur son chemin et l’évite au début, puis décide de l’affronter. Il sort vainqueur de ce duel, mais, dans son esprit, il ne l’est pas : « En tout cas, il [Tony Jackson] fut la grande vedette, à Chicago, jusqu’au jour où je disputai avec lui la finale d’une compétition musicale et où je remportai la victoire. Cette victoire me mit en tête de liste, mais, bien que vainqueur, je n’ai jamais pensé que le prix m’ait été décerné à juste titre. J’ai toujours pensé, au contraire, que Tony aurait dû remporter la palme27. »

Puis il finit par être le maître incontesté du terrain et gagne la réputation du