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l’autre improvisateur : le pianiste romantique

I. 2.2.2- Trois grands noms du stride en quête de reconnaissance

I.2.2.2.1- James P. Johnson

James P. Johnson naît en 1894 à New Brunswick dans le New Jersey et meurt en 1955 à New York. Il est l’élève d’Eubie Blake et on lui attribue la paternité du style stride. Si Jelly Roll Morton est son aîné de dix ans, les deux pianistes n’ont guère de relations personnelles ou musicales. Cependant il se trouve que c’est Morton qui fait découvrir le blues à Johnson lors de son passage à New York : « En 1911, quand j’allais encore à l’école en culottes courtes, on m’emmena en ville au

Baron Wilkins’ à Harlem92. » se souvient James P. Johnson, qui deviendra plus tard la figure tutélaire des pianistes de stride de Harlem, et qui officie au Café Wilkins à l’angle de la cent trente quatrième rue et de la septième avenue. Plus loin, il explique de quelle manière il a fait la connaissance de Morton : « Un autre garçon et moi avions laissé nos culottes courtes afin de paraître plus âgés pour pouvoir nous faufiler parmi les clients. Et qui jouait du piano ? Jelly Roll Morton. Il venait d’arriver de l’ouest et il était brûlant. La salle était en feu ! Nous l’entendîmes jouer son Jelly Roll Blues. Á cette époque, le blues n’était pas encore populaire – il n’était ni chanté ni joué par les artistes de New York93. »

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[Traduction] “In 1911, when I was still going to the school in short pants, I was taken uptown to Baron Wilkins’ place in Harlem,” REICH (Howard) & GAINES (William), Jelly’s Blues, The life,

music, and redemption of Jelly Roll Morton, Da Capo Press USA, 2003, p. 41.

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[Traduction] “Another boy and I let our short pants down to look grown up and sneaked in. Who was playing the piano but Jelly Roll Morton. He had just arrived from the West and he was red

James P. Johnson nous apprend qu’il n’est pas coutumier du blues, et il nous confirme que les sources musicales des pianistes de New York qui connaissent à peine le blues, eux aussi, sont autres. Quant à James P. Johnson, comme pour beaucoup d’autres pianistes de sa génération, nous en savons peu sur son apprentissage musical.

I.2.2.2.1.1- l’Apprentissage

Comme d’autres pianistes de stride, Jonhson prend des cours de piano mais ne suit pas un cursus de conservatoire. Il doit poursuivre en autodidacte ce qu’il a appris en cours particuliers avec un certain Monsieur Gianni avant 1910, puis, plus âgé, il se tourne résolument vers des professeurs de piano confirmés comme nous l’indique Joel Vance : « Comme Willie “Lion” Smith, et plus tard Waller, les pianistes de stride travaillèrent avec des professeurs établis, s’ils pouvaient se le permettre et s’ils en avaient le temps évidemment94. »

Pour Gunther Schuller95, l’une des clefs de la technique remarquable et limpide de Johnson, réside dans la formation musicale précoce qu’il reçoit de sa mère et d’un professeur de musique italien (certainement Monsieur Gianni, déjà cité) qui, tous deux, lui dispensent de solides bases techniques de piano « classique ». Plus tard, lorsqu’il n’est encore qu’un adolescent ambitieux, James P. complète sa formation en écoutant et en imitant les principaux virtuoses du grand répertoire pianistique de son époque, comme Pachmann96, Rachmaninoff, et Hofmann97. Dans les même temps, il intègre les styles stomp et rag de trois instrumentistes légèrement plus âgés, Luckey Roberts, Eubie Blake et un pianiste connu sous le nom d’Abba Labba98.

Johnson est fasciné par la virtuosité des grands concertistes classiques qui lui sont directement contemporains. Lui et d’autres, veulent sans cesse progresser et s’efforcent de trouver, auprès de professeurs confirmés, les outils techniques

hot. The place was on fire! We heard him play his “Jelly Roll Blues.” Blues had not come into popularity at that time – they weren’t known or sung by New York entertainers.” Ibid., p. 41.

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[Traduction] Like Willie “The Lion” Smith, and later Waller, the stride pianists studied with “legitimate” teachers when they could afford to and had the time. VANCE (Joel), Fats Waller, His

Life and Times, by Robson Books LTD, 28 Poland Street, London, Great Britain, Copyright,

1979, p. 33.

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SCHULLER (Gunther), L’histoire du jazz/1 Le premier jazz des origines à 1930, Traduit de l’anglais par Danièle Ouzilou, Éditions Parenthèses, Presses Universitaires de France, 1997, p. 225

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Vladimir de Pachmann était un pianiste virtuose russe ami de Liszt, né en 1848 et décédé en 1933.

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Josef Casimir Hofmann était un pianiste virtuose né en Pologne en 1876, naturalisé américain et décédé en 1957.

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capables d’accroître leur virtuosité. Ce que confirme Willie Smith dans son autobiographie : « Ernest Green, un organiste d’Albany à New York toujours en vie, avait intéressé Johnson à la musique classique et lui avait appris à la lire et à l’écrire99. » Cet intérêt pour le travail d’une technique approfondie, tellement éloigné de l’inné et de l’idée que l’on peut se faire du jazz de l’époque, vient certainement de cette compétence qu’ont les pianistes noirs de New York à déchiffrer rapidement les partitions. Ce sont des ticklers, capables de jouer aussi bien des danses et des chansons populaires que de la musique légère ou des airs d’opéra, à la demande du public. Pour Joel Vance, la distinction Victorienne inhérente à ces airs ne rend pas seulement les pianistes noirs habiles lecteurs, elle les introduit également, par l’écoute et l’analyse, dans un domaine auquel ils n’ont pas toujours pu avoir accès : celui de la composition. Ce fut particulièrement le cas pour James P. Johnson qui trouve là le moyen de faire éclore son talent. Il décide, un peu avant 1920, de devenir compositeur de musique sérieuse. À cette période, sa technique et ses idées sont arrivées à leur pleine maturité et il joue avec une indubitable majesté. En 1925 il se lance le défi de composer de la musique pour le théâtre, puis en 1930 il se consacre à l’écriture symphonique.

Toute sa vie, Johnson aspire à s’approcher du modèle de musique sérieuse qu’il admire profondément au point qu’il consacre très vite son temps à la composition. Cette passion pour la composition musicale dans le genre sérieux est confirmée par Willie Smith qui éprouve une réelle admiration pour son ami (nous citons Smith dans son intégralité en annexe100). Smith estime que Johnson n’a qu’une raison de vivre : la composition et le piano. À l’inverse de « Fats » Waller, il est introverti et timide, il joue le dos tourné au public et n’élève jamais la voix. Pour Smith, les compositions de Johnson sont bien meilleures que celles, plus célèbres, de Waller. Smith témoigne : « C’est à partir du début des années vingt que James P. commença à consacrer la plus grande partie de son temps à la composition. Il travailla également l’arrangement et la direction. Devenir chef d’orchestre était sa suprême ambition. Pour ces raisons, faire le clown ou un numéro d’artiste sur scène ne l’intéressait pas le moins du monde. J’avais l’habitude de lui dire que lorsque nous serions obligés de jouer sur des pianos aux touches cassées, il faudrait faire “les andouilles” pour distraire les gens. Sa réponse était “‘Lion’, ce serait

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[Traduction] Ernest Green, who is still alive and playing a Wurlitzer organ with forty-four keys up in Albany, New York, got Johnson interested in classical music and it was Green who taught him to read and write music. THE LION SMITH (Willie) with HOEFER (George), Music on My Mind,

The memoirs of an American pianist, by MacGibbon & Kee Ltd, Printed in Great Britain,

Ebenezer Baylis & Son Ltd, The Trinity Press, Worcester, and London, First published 1965, p. 258.

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déshonorant101”. » Pendant les années trente, Johnson est absorbé par l’écriture orchestrale. Il compose sa suite Yamacraw, sa symphonie Harlem et son concerto pour piano. Smith se rappelle l’avoir vu l’interpréter avec l’Orchestre Symphonique de l’Académie de Musique de Brooklyn.

Il est remarquable que Johnson, à la différence d’Armstrong ou de « Fats » Waller, refuse de se compromettre en cédant à la musique commerciale qui lui aurait apporté célébrité et argent. Ce n’est pas dans son caractère, il est introverti (il joue le dos tourné au public), davantage dans la réflexion que dans l’exubérance, à la différence de son élève « Fats » Waller. Une intégrité totale dans ses ambitions le conduit à jouer et composer une musique sérieuse. Gunther Schuller estime que son intérêt pour l’opéra, qui lui est inspiré par l’écoute de l’opéra ragtime de Scott Joplin

Tremonisha, l’amène finalement à écrire lui-même un « opéra » en collaboration

avec Langston Hughes, De Organizer. Gunther Schuller nous apporte quelques précisions : « De même, vers la fin des années vingt, James P. commença à composer des poèmes symphoniques et des symphonies en utilisant les traditions musicales de base des Noirs un peu comme Liszt avec les rhapsodies hongroises. Seul un homme d’une vitalité et d’un talent extraordinaires pouvaient poursuivre autant d’objectifs à la fois tout en résistant aux pressions tentantes de la musique commerciale102. » Donc, comme Scott Joplin avant lui, James P. Johnson rêve de réussir dans la musique sérieuse écrite. Schuller n’hésite pas à établir un rapprochement entre le principe formel choisi par Johnson et celui que Liszt utilisait pour ses rhapsodies. Après avoir été « roi des artistes » Johnson aspire à devenir « artiste-roi » selon la terminologie de Claude Knepper103. Il entend s’éloigner de ce qui lui assure une réussite certaine dans le milieu musical, le piano solo et la virtuosité qui s’y rattache. Là encore, Johnson peut voir en Liszt un illustre devancier quand il écrit : « Le moment vient pour moi de briser ma chrysalide de virtuosité et de laisser plein vol à ma pensée, – sauf à moins papillonner sans doute ! – N’étaient-ce les malheureuses questions d’argent qui me tiennent fréquemment à la gorge, et aussi les diverses fantaisies plus ou moins entraînantes de ma jeunesse,

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[Traduction] James p. started to devote most of his time to writing show scores during the early twenties. He also got on an arranging and conducting kick. It was his hope he could become a symphonic conductor. From then on he had no eyes for clowning or showmanship. I used to tell him that when we ran into pianos with the keys broken you had to mug your way to entertain the people. His reply was, “Lion, it just ain’t dignified.” Ibid., p.258 et 259.

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SCHULLER (Gunther), L’histoire du jazz/1 Le premier jazz des origines à 1930, Traduit de l’anglais par Danièle Ouzilou, Éditions Parenthèses, Presses Universitaires de France, 1997, p. 226.

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KNEPPER (Claude), Franz Liszt, « Artiste-Roi » ou « Roi des Artistes » ?, In. DUFETEL (Nicolas) et HAINE (Malou), direction scientifique, Franz Liszt Un Saltimbanque en Province, Collection Perpetuum Mobile, Éditions Symétrie, 2007.

je pourrais être de 4 ou 5 ans plus avancé. […] Le but qui m’importe avant et par-dessus tout à cette heure, c’est de conquérir le théâtre pour ma pensée [sic], comme je l’ai conquis pendant ces six dernières années pour ma personnalité d’artiste ; et j’espère que l’année prochaine ne se passera pas sans que je sois arrivé à un résultat quasi décisif dans cette nouvelle carrière104. » Bien avant Johnson, Liszt a le souci de satisfaire un public qui, habitué au pianiste virtuose, n’est pas enclin à le suivre sur le chemin de la « pensée » : cette expression sous-entend la composition d’œuvres sérieuses par opposition avec l’exécution instrumentale artistique. Ce terme de « fantaisies » sur lequel nous reviendrons très souvent, caractérise des œuvres pour piano de pure virtuosité, plus ou moins nées d’une improvisation ainsi que du souci permanent pour l’artiste de trouver l’argent nécessaire à sa vie. À ce propos, Johnson, après avoir fait le choix de se consacrer à la musique sérieuse, se retrouve extrêmement démuni financièrement.

I.2.2.2.1.2- Virtuosité et concurrence

James P. Johnson malgré sa capacité à lire, composer et interpréter la musique est avant tout un pianiste de jazz dont la compétence est révélée par son aptitude à improviser. En cela, comme Jelly Roll Morton, il se révèle être l’un des meilleurs. Schuller estime que Johnson opère une rupture importante avec la tradition du ragtime en intégrant l’improvisation au sein d’un vaste canevas compositionnel servant de cadre de référence. On l’entend nettement, dit-il, si l’on compare les différentes versions de morceaux qu’il enregistra deux fois, Carolina

Shout et Harlem Strut. Dans ces deux cas, le matériel thématique de base est

transformé et ornementé de différentes façons. À l’époque, Johnson est célèbre pour la fertilité apparemment inépuisable de son imagination, qui lui permet de créer variation sur variation à partir d’un même thème. Cette capacité lui est particulièrement profitable lors des rent parties ou des jam sessions où les principaux « amuseurs » s’affrontent dans des batailles de performances techniques et de créativité. Malheureusement, les limites du 78 tours et des rouleaux perforés contraignent le pianiste à n’enregistrer que quelques échantillons de ces variations. Schuller ajoute : « On peut savourer le talent d’improvisateur de Johnson dans l’une de ses plus parfaites réalisations, Worried and Lonsesome Blues, gravée en 1923. Elle montre combien il sait combiner ses variations pleines d’imagination avec un sens profond de la continuité et de la composition. Les chorus sont des structures blues de douze mesures, excepté le premier, exposé en seize mesures, et tous

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Correspondance entre Franz Liszt et Charles Alexandre, grand-duc de Saxe, édition de LA MARA [Marie Lipsius], Leipzig : Breitkopf & Härtel, 1909, In., p. 7-9, Ibid. p. 385.

présentent un matériel thématique différent, presque traité à la façon des variations classiques ou du ragtime traditionnel105. »

Même si Johnson intègre le blues dans sa pratique de l’improvisation au piano, il improvise en variant le thème. Il ne construit pas de mélodie sur les harmonies du blues. Jusque dans les années vingt, il est le maître incontesté des rent

parties106 et des cutting sessions. L’insolente supériorité de Johnson tient au fait

qu’il emploie des armes mal maîtrisées ou inconnues de ses concurrents : la première est sa technique infaillible, même s’il est plutôt timide et préfère laisser parler sa passion, la musique. James Lincoln Collier écrit : « Il travaillait son piano dans l’obscurité afin d’habituer ses doigts, ses poignets, à “sentir” le piano, il jouait les exercices les plus difficiles, avec une pièce d’étoffe interposée entre ses doigts et le clavier, afin d’accroître sa dextérité107 ! » Cette volonté de maîtriser la technique pianistique jusqu’à infaillibilité est confirmée également par Gunther Schuller pour qui, la technique de Johnson est, en 1920, tellement supérieure à celle de ses concurrents qu’il est le chef incontesté du piano à Harlem. À l’image des virtuoses du XIXe siècle, Johnson s’astreint aux exercices les plus fastidieux et s’il les pratique, c’est qu’il y a été formé par des conseillers exigeants, eux-mêmes instruits par l’école européenne. Mais son arme absolue est la connaissance de la musique savante et romantique qui alimente son style.

I.2.2.2.1.3- Éléments d’influence stylistique

Johnson possède une solide maîtrise technique : elle lui vient de ses professeurs et également de sa connaissance approfondie des œuvres dites « classiques », notamment des doigtés corrects, des accords bien équilibrés, et d’une certaine virtuosité. Vers 1917, même s’il est le nouveau chef de file des pianistes de Harlem, il montre son intérêt pour la composition « classique » et « semi-classique108 » et pour toutes les formes de musique de scène, en composant des orchestrations pour différents groupes du Clef Club, une organisation de musiciens de Harlem fondée par James Europe109. Johnson se produit évidemment partout,

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SCHULLER (Gunther), L’histoire du jazz/1 Le premier jazz des origines à 1930, Traduit de l’anglais par Danièle Ouzilou, Éditions Parenthèses, Presses Universitaires de France, 1997, p. 228 à 230.

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Voir la définition plus haut.

107

COLLIER (James Lincoln), L’aventure du jazz, Des origines au swing, traduit de l’américain par Yvonne et Maurice Cullaz, Albin Michel, 1981, p. 223.

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En réalité nous aurions pu utiliser le terme « classique léger », généralement employé, néanmoins nous avons décidé de laisser ici la traduction littérale.

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James Reese Europe né en1880 et décédé en 1919, musicien, arrangeur, compositeur et chef d’orchestre noir américain, spécialiste du ragtime.

c'est-à-dire n’importe où, dans des bouges, des rent parties ou dans les restaurants de la bonne société, seul ou avec une formation déjà existante, ou encore comme accompagnateur de chanteurs de blues. Gunther Schuller110 explique qu’en superposant l’aspect vocal, mélodique du blues au piano, James P. opère une rupture importante avec le passé et transforme le piano en un instrument expressif. Il est vraisemblable qu’il entendait par ailleurs cette même fluidité dans le rendu de nombre d’interprétations « classiques » de l’époque au piano : il suffit, Schuller le rappelle, de se reporter aux enregistrements de Paderewski111, par exemple, qui jouait un style rubato sentimental très fluide, et une expressivité essentiellement vocale, même lorsque la musique ne l’exigeait pas vraiment. Déjà dans le plus ancien enregistrement de Johnson, Harlem Strut, produit par le label Black Swan début 1921, on distingue cette nouvelle fluidité de la musique. Pour Schuller, il est certain que la sensation est ici infime car la composition elle-même se rapproche davantage d’un ragtime à 2/4 que du jazz en 4/4. Il s’agit d’une création plus formelle et virtuose qu’expressive et émotionnelle. Mais la souplesse des traits à la main droite, son jeu fluide et détendu à la main gauche – autrement dit l’ « horizontalisation » de la musique – représentent pour l’époque une nouvelle voie pour le piano jazz.

Cette notion de rubato nous ramène inévitablement à Chopin dont l’influence, soixante dix ans après sa mort, est totalement prégnante auprès des pianistes qui se produisent en concert. D’ailleurs un terme évoquant le compositeur et virtuose polonais est attribué aux traits pianistiques de Johnson dans le livre de Joel Vance sur « Fats » Waller : « Mais déjà en 1920, alors qu’il prenait “Fats” Waller sous son aile, Johnson jouait comme un virtuose et compositeur, dans un style à la fois “Chopinesque” et foncièrement américain112. » Sans nul doute, Chopin est un des compositeurs dont les partitions sont disposées en permanence sur le piano de Johnson. Une anecdote relatée dans le livre de James Lester sur Art Tatum nous le prouve. Elle se passe à New York, dans les années trente, lorsque Tatum a l’outrecuidance de venir provoquer les trois grands pianistes de stride sur leur propre territoire. Tous trois tentent de terrasser le virtuose aveugle, chacun à sa manière. Johnson choisit Chopin comme arme fatale : « Johnson essaya, une fois de plus,

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SCHULLER (Gunther), L’histoire du jazz/1 Le premier jazz des origines à 1930, Traduit de l’anglais par Danièle Ouzilou, Éditions Parenthèses, Presses Universitaires de France, 1997, p. 225 à 228.

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Pianiste, compositeur, homme politique et diplomate polonais né en 1860 et décédé en 1941.

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[Traduction] But even in 1920, when he accepted Tom Waller as a student, Johnson was already playing as a composer, in a Chopinesque but distinctly American style. VANCE (Joel), Fats

Waller, His Life and Times, by Robson Books LTD, 28 Poland Street, London, Great Britain,

avec son propre arrangement de l’Étude révolutionnaire de Chopin113. » Hélas, les efforts conjugués des trois pianistes ne viennent pas à bout du virtuose absolu qu’est Tatum comme nous le verrons. Pourtant Johnson n’a pas compté ses efforts concernant l’apport de la musique savante sur sa technique et son style. Inventer spontanément des variations à partir d’un thème, ce que seuls des pianistes comme Chopin ou Liszt étaient capables de faire auparavant, redevient une pratique musicale courante dans le contexte des années vingt à New York. Ainsi James P.