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C HAPITRE 4 E TUDE SUR LES MOTIVATIONS DES CHOIX LEXICAUX ET LINGUISTIQUES DANS LE LEXIQUE DES JEUNES DE LA DÉCHARGE

4.5. L ES AUTRES TYPES D ’ INFORMATIONS

4.5.1. Inventaire et manipulations (code vii)

L’examen des éléments lexicaux de ce domaine offrent un aperçu détaillé du mode de vie de la communauté d'Andralanitra, et dans une mesure plus large, de la société antananarivienne en général. En effet, la décharge dissimule des traces matérielles de ce mode de vie. A première vue, les termes nous renvoient à des choses que l’on pourrait prendre pour anodines. Cependant, l’étendue des ensembles conceptuels de ces termes couvrent des aspects aussi ordinaires de la vie quotidienne que spécifiques à des domaines très particuliers. Ils

offrent également un aperçu pittoresque des habitudes et des comportements de la population. L’établissement du lexique de ce champ nous aide ainsi à contribuer à la détermination de la motivation des choix lexicaux opérés dans le langage de nos jeunes de la décharge.

Les noms d’objets ainsi que les manipulations que l’on pourrait en faire représentent 13,98% de la masse lexicale globale du discours des jeunes de la décharge. En ce sens, Inventaire et manipulations (code vii) occupe une partie importante du lexique. Ce constat semble tout à fait logique parce que les entretiens ont été axés sur les activités et la vie au quotidien sur et autour de la décharge d’ordures d'Andralanitra. Dans ce domaine, les emprunts occupent 28,11% de son lexique, avec un rapport très réduit de coexistence puisqu’elle ne concerne que 3 mots. Ce qui laisse supposer que dans cette sous-section, il y a une forte probabilité de près de 1 sur 3 que les jeunes emploieraient d’éléments lexicaux d’origine étrangère. D’ailleurs, cet ensemble d’éléments lexicaux est le seul où l’emploi d’emprunts par les filles (63,46%) dépasse largement celui des garçons (45,19%).

L’examen de ce sous-lexique suggère que, dans le domaine d’exploitation de la décharge et des ressources de la terre, les éléments évoqués par les filles concernent davantage des objets commercialisables ou consommables, c'est-à-dire des objets desquels il est possible de faire des profits. Par exemple, les produits du concassage de pierres, le ramassage et la vente d’objets d’usage quotidien comme le bois de chauffe, le charbon, la provende pour le bétail et aussi le compost et l’engrais ; ou encore des métaux comme l’argent, l’aluminium, le cuivre, le fer, voire l’or. Les garçons, par contre, semblent mettre davantage l’accent sur l’intérêt d’améliorer la production agricole, plus particulièrement lorsqu’ils déclinent les types d’engrais, les semences et autres produits favorisant ou nuisibles à l’agriculture. De ce point de vue, il semble que la vision des choses entre les filles et les garçons présente une différence évidente entre les tendances qu’ils affichent concernant les alternatives de survie. Selon les apparences, les filles seraient plus orientées aux bénéfices que l’on peut tirer de leurs activités, alors que les garçons paraissent plus préoccupés par les manières d’y parvenir, notamment dans un domaine aussi précis que l’agriculture.

Un autre aspect qui attire l’attention concerne les produits de consommation qui offrent un large éventail de types d’alimentation des membres de la communauté d'Andralanitra. C’est un aspect important dans la mesure où il nous est possible de nous renseigner sur leurs habitudes de consommation. Si les filles emploient davantage d’emprunts que les garçons dans ce domaine, l’on note leur préoccupation face à la présence des produits chimiques ou pharmaceutiques nocifs pour la santé sur la décharge. Par contre, le discours des garçons dans ce domaine tourne essentiellement autour des produits alimentaires ordinaires.

Ces différences d’intérêt s’expliquent surtout par le fait que les filles semblent être plus préoccupées par la santé et sa préservation, et que les garçons paraissent accorder plus d’importance à l’alimentation. La sécurité alimentaire est capitale chez nos jeunes, et ce en dépit de la manière de chacun d’évoquer ce sujet.

Les termes exprimant les diverses manipulations des objets sont, en outre, riches en renseignements sur les habitudes et les comportements des jeunes de la décharge. En fait, ils indiquent des actes ordinaires de la vie courante. Toutefois, ils ne concernent pas uniquement la vie sur et autour de la décharge, mais ils nous donnent aussi un aperçu de la vie au quotidien des gens qui évoluent dans le milieu rural ou dans les endroits défavorisés.

Les éléments lexico-conceptuels entrant dans Inventaire et manipulations (code vii) nous présentent des indices importants à l’histoire et la culture prédominante dans la communauté. Ils dépeignent les activités menées par la population. Autant de domaines sont couverts, allant des notions relatives à l’environnement immédiat des jeunes aux diverses pratiques commerciales, en passant par des notions relatives à l’alimentation, aux autres habitudes quotidiennes des membres de la communauté. Le lexique nous révèle par ailleurs la symbiose entre la modernité et les pratiques traditionnelles et ancestrales. La cohabitation entre les notions associées aux pratiques historiques malgaches et les notions d’origine étrangère attestent la perméabilité lexicale de la langue malgache et l’influence des langues étrangères dans ce domaine depuis ces deux derniers siècles.

En somme, l’inventaire des objets suggère l'existence d’influence et de complémentarité, mais aussi de concurrence, des langues en présence à Madagascar. Le lexique abonde en indices sur le mode de vie non seulement des membres de la communauté d'Andralanitra, mais surtout celui de l’ensemble de la société. Il atteste aussi la réalité de la pénétration des éléments de cultures étrangères dans la culture malgache et ce dans divers domaines. La présence de plusieurs emprunts dans le langage des jeunes évoluant en marge de la société en est l’évidence.