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CHAPITRE 5. LES NOTIONS D’AUTORITE ET DE PROGRES 5.1 I NTRODUCTION

5.2. L ES CODES CULTURELS DANS L ’ INCONSCIENT COLLECTIF

5.2.3. Le groupe et l’inconscient collectif

L’homme, en sa qualité d’un être social, cherche constamment à construire et à entretenir ses liens sociaux, et œuvre pour que ses pairs ne l’écartent pas. Il lui est fondamental de se sentir faire partie d’un groupe ou d’une communauté. Cependant, l’homme se donne, indépendamment de ses groupes d’appartenance, la liberté et la possibilité de pouvoir opérer des choix. C’est, en effet, grâce à sa conjugaison de son appartenance aux différents groupes ou communautés aux multiples identifications que son identité et ses capacités psychiques se développent et s’enrichissent (Neuberger 1996). La construction des liens sociaux s’accompagne toujours d’imprégnation dans la culture que partagent les membres d’un groupe ou de la communauté. Elle se développe lorsque l’individu est à même de mettre à profit le conflit permanent entre son individualité et « ce qui ressort de la culture, du collectif, du social, avec ses normes, ses contraintes, ses exigences, avec l’ordre symbolique qui intègre le manque, les règles, les limites, la temporalité et les différences » (Duval Heraudet 2007). L’épanouissement d’un individu ainsi que son développement dépendent de ce fait du degré de son intégration dans la société.

En outre, un groupe ou une communauté n’est pas seulement la somme d’individus partageant des valeurs, des principes et des codes, mais aussi et surtout un ensemble qui agit et fonctionne comme un tout. Durkheim identifie trois fonctions du groupe : « l’intégration (de l’individu à une communauté), la régulation (concernant les relations entre les individus qui le constituent), l’idolâtrie (le groupe a tendance à idolâtrer sa propre force, née du sentiment de sa cohésion autour de valeurs communes) » (cité dans Duval Heraudet 2007). Ce qui suppose que les liens entre les différents membres de la société sont, d’une part, le reflet de l’interrelation de systèmes psychiques et des conditions biologiques individuelles ; et d’autre part, des circonstances culturelles et sociales fortuites. Ces liens s’entretiennent également grâce aux phénomènes de communication et aussi à l’exercice interactive d’influences expédientes entre les différents membres de la société (Loonis 1992). Enfin, les liens sociaux sont également régis par un système établi et commun d’organisation des émotions « souvent exaltantes » (Eiguer 1983), des sentiments et des pulsions (affect), ainsi que par l’interaction

des savoirs et croyances, des aspects cognitifs et imaginaires de la vie sociale (Loonis 1992). Le groupe est une structure complexe où ces liens se tissent, et où les éléments affectifs du « Moi » de chacun de ses membres cohabitent et interagissent.

Quant à la notion de famille, elle revêt une représentation inconsciente et progressive en ce sens qu’elle assure les liens et la cohésion (Eiguer 1987 : 24) à la fois des personnes qui forment le foyer nucléique, mais aussi les autres personnes partageant des liens de parenté, les ancêtres qui, croit-on, sont toujours vivants dans l’au-delà, et par extension, toute personne avec qui on a des rapports proches, amicaux et intimes.

De manière inconsciente, chaque individu membre d’une société est soumis à une certaine subjectivité psychique et somatique rémanente dans et par le cadre social, notamment dans son évolution et aussi dans l’exploration et l’exercice de ses potentialités. Il hérite et se conforme ainsi à un mode commun de vie et de pensée, des manières partagées d’agir, de réagir et de communiquer suivant des représentations symboliques et imaginaires transgénérationnelles connues de tous, mais qui sont souvent implicitement définies. C’est cet aspect symbolique, fortement chargé d’affectivité et de dynamisme propre, qui établit le lien entre ce qui est concret (signifiant) et le non-sensible et interprété (signifié). Notre inconscient est ainsi influencé par l’interrelation entre ce qui est perceptible, ce qui est enfouis dans nos souvenirs et nos propres vécus dans le passé, et aussi le langage auquel nous faisons appel pour les traiter et les communiquer.

Ce sont ces faits qui sous-tendent et dynamisent la société. Agir à l’encontre de ces préceptes serait mal admis et mal perçu. C’est dans cette perspective que l’on note la dualité ou la conflictualité entre la diversité de la réalité psychique individuelle et celle du groupe/communauté. Morval (1994) suggère à ce sujet que l’existence de soi au sein d’une famille, ou par extension dans une société, repose sur trois conditions essentielles :

 Le sentiment d’appartenance ne concerne pas uniquement le coudoiement et la connivence, mais également la manière particulière et propre au groupe de traiter et de percevoir les uns les autres. Le sentiment d’appartenance entretient un imaginaire groupal sur lequel repose l’existence d’un mode d’intercommunication connu, une compréhension et un décodage aisés des réactions des pairs face à telle ou telle situation ; et enfin sur le souvenir et les sensations – à l’instar des impressions enthousiasmantes – reliés au passé (Eiguer 1983 : 37). D’ailleurs, cet imaginaire groupal entretient l’image que nous nous faisons de la société, afin de nous conduire à nous projeter vers l’avenir et développer notre créativité, et cultiver notre vision prospective.

 La notion d’habitat intérieur incite chaque membre de la société à préserver l’unité et à craindre la division par le biais d’un choix d’un lieu (pays, ville, région, etc.) à valeur hautement symbolique pour asseoir cette unité. De ce fait, la société est construite sur la base de la reconnaissance des symboles et des codes de ce territoire. Eiguer note à propos de cette notion d’habitat intérieur que « cette représentation partagée constitue en quelque sorte la ‘peau’, réelle ou fantasmée » (1983 : 37) du groupe ou d’une communauté.  L’idéal du moi groupal ou familial nous renvoie à la réalité qui nous incite à

avancer et à faire évoluer les choses. Il s’agit d’une notion orientée vers la vie future. Cette notion vient compléter les deux précédents composants en ce sens qu’ils sont particulièrement associés au passé du groupe ou la société. L’idéal du moi groupal, toujours d’après Eiguer, concerne les « projets de progrès social, culturel, idéationnel ou ‘habitationnel’ » (1983 : 37) , ou encore les projets concernant les futures générations. C’est de cette manière que les membres de la société œuvrent ensemble pour avancer et regarder dans la même direction afin de répondre à des exigences de s’améliorer, d’évoluer (Morval 1994).